13 heures passées de 30 minutes. Toujours rien, pas de véhicules en vue. L’angoisse et surtout la fatigue se lisent sur les visages des nombreux passagers assis à la gare ATI, à Adjamé. Tous attendent impatiemment le véhicule dans lequel, ils embarqueront soit pour M’Batto, soit pour Bongouanou. 13 h 40 mn, enfin le véhicule est là. C’est un engin de 18 places, communément appelé « Massa ». Le soulagement se lit sur les visages. Mais pas question de manifester sa joie tant qu’on n’est pas assuré d’avoir une place. Alors, sans laisser le temps au « Massa » de se positionner, tous se bousculent devant les fenêtres pour réserver, à l’aide de petits objets, des places dans le véhicule. Le soleil est de plomb, il fait très chaud, les esprits s’échauffent. «Elle se plaint du fait que je réserve une place, alors que je suis encore dehors. Je ne comprends pas sa colère, car c’est ce que fait tout le monde », explique une femme à un homme, visiblement son accompagnateur. « Doucement, doucement, ceux qui ont les tickets pour le départ n° 4 peuvent monter », ne cesse de lancer l’apprenti chauffeur du véhicule. Finalement, tant bien que mal, les personnes possédant le sésame prennent place à bord du minicar de 18 places. Confortablement installé, Konan Joseph, retrouve le sourire en même temps que la voix. « Je suis là depuis 10 h. A chaque fois, on nous demandait de patienter que le véhicule est en route, mais on ne voyait rien. Je suis soulagé d’avoir eu une place dans celui-ci », nous explique-t-il. Tout en avouant rejoindre M’Batto, sa ville natale dans le cadre de la fête de Pâques. Autre lieu, même ambiance, la gare de l’Union des transporteurs de Bouaké (UTB). Toujours à Adjamé. Elle est bondée de monde. Des dizaines de personnes se bousculent à l’entrée des deux cars en partance pour Yamoussoukro et Bouaké. Ceux qui n’ont pas la patience d’attendre, tentent un passage dans le rang. Toute chose qui suscite l’indignation et la colère des autres passagers. Les esprits s’échauffent. Les échanges sont virulents. On se lance des injures. Mais, très vite, tout le monde est rappelé à l’ordre par le convoyeur. « Seuls ceux qui ont les tickets pour le 7ème départ seront autorisés à monter », lance ce dernier. La plupart des passagers de ce 7ème départ, nous confient qu’ils sont arrivés à la gare depuis 6 h du matin. Et ce n’est qu’à 14h20 qu’ils quittent Abidjan. Nullement en colère, ou découragée, dame Kouadio, au contraire, se réjouit de toute cette effervescence. « C’est intéressant. C’est tout cela l’ambiance de la Pâques. Les bousculades, la lutte pour avoir accès au car, c’est déjà la Pâques », jubile-t-elle, en esquissant quelques pas de danse baoulé. Bouaké, Yamoussoukro, tout comme M’Batto, sont des contrées baoulés. Issus du groupe Akan et installés au centre de la Côte d’Ivoire, les baoulés sont connus pour leur engouement pour la Pâques. Aussi, à l’approche de cette fête chrétienne, toutes les compagnies de transport desservant cette région, sont prises d’assaut par les fêtards, qui s’en vont fêter « Paquinou ». Quand on les interroge, ces derniers avouent profiter des congés de Pâques pour se retrouver en famille, en association et surtout pour décider des actions à mener pour le développement de leur village. «Vous savez que beaucoup de Baoulés sont des paysans. Pendant les congés de Noël, ils n’ont pas le temps, car ils n’ont pas encore vendu leurs produits. En plus, ils doivent encore faire face aux problèmes de scolarité. Donc, ce n’est qu’en Pâques que tout le monde a véritablement le temps de se retrouver », soutient M. Kouadio Konan, en partance pour Sakassou, autre ville baoulé. Pas question donc d’aller au village les mains vides. Il faut envoyer quelque chose de la ville aux villageois. Se rendant dans son village, situé dans le département de Bouaké, Konan Martin a acheté un tas de choses. Notamment du pain, du riz, du poisson, des pattes de bœufs, et de porc… « C’est toujours bien d’envoyer quelque chose aux parents », note-t-il. Pourtant, à quelques trois jours de la fête (le reportage a été fait le jeudi 9 avril 2009), et malgré toute cette effervescence, ce n’est pas la joie des grands jours, du côté des compagnies de transport. Contrairement aux autres années, beaucoup avouent ne pas avoir pris de dispositions particulières. Comme programmer plus de départs, ou encore faire des animations dans les gares, en distillant, à longueur de journée des musiques du terroir baoulé. Comme ce fut le cas l’année dernière. Ces compagnies mettent cette baisse d’affluence sur le compte de la crise économique, qui frappe de plein fouet les ménages ivoiriens.
Dao Maïmouna
Dao Maïmouna