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Économie Publié le mardi 14 avril 2009 | Le Nouveau Réveil

Dette ivoirienne - Tiburce Koffi répond à Gbagbo : "Un chef d`Etat ne pleurniche pas sur le passé"

Dans sa récente adresse à la Nation que j'ai pris soin de lire sur le net, le chef de l'Etat ivoirien, M. Laurent Gbagbo, a donné des informations sur l'état de nos dettes. Fraternité Matin a eu raison d'intituler cette communication " L'historique de la dette ". Cet historique que le Président de la République a fait intervient dans deux contextes : le climat de deuil national suite à la tragédie que mes compatriotes ont vécue lors du match de football contre le Malawi, et celui de l'admission de la Côte d'Ivoire à l'Initiative PPTE. C'est toutefois le climat de deuil qui semble avoir provoqué cette énième déclaration du chef de l'Etat ivoirien. Il dit en effet, dès l'entame de son discours :
" C'est la première fois que je prends la parole après le drame qui s'est produit dimanche dernier au stade Houphouët-Boigny, à l`occasion du match entre la Côte d`Ivoire et le Malawi ". C'est pourquoi, il m'a semblé déplacé que le chef de l'Etat n'ait consacré qu'une dizaine de lignes à cette tragédie, réservant la plus grande partie de son discours (pourtant et apparemment circonstancié) à l'historique de la dette ivoirienne, aux efforts que son régime et lui ont entrepris pour altérer le poids de cette dette, aux mérites de l'accord de Ouaga, enfin aux projets et nobles intentions qui le nourrissent quant à l'utilisation de l'aide extérieure promise par les institutions financières à notre pays.

On le voit bien, ce discours avait un but précis : profiter du climat de deuil national pour prendre une fois de plus la parole (M. Gbagbo, qui aime parler, était certain que ce serait un moment de grande écoute) et faire le procès des régimes qui l'ont précédé, notamment ceux d'Houphouët (1960-70 et 80) et de Bédié (1990). En effet, après les dix lignes consacrées au drame que vivaient les Ivoiriens, le discours nous laisse lire les lignes suivantes :

" Ce soir, je m'adresse à vous pour parler UNIQUEMENT du premier point : le redressement des finances publiques ".

Ce discours sur le redressement des finances publiques laisse très vite la place au procès des régimes précédents : "Je rappelle que la dette de la Côte d'Ivoire que nous payons aujourd'hui date, pour l'essentiel des années 70, 80 et 90. C'est au cours de ces trois décennies que la dette a connu une évolution fulgurante. De 100 milliards de francs CFA, équivalant à 17,7% du Pib en 1973, le montant de la dette est passé successivement à 2 371 milliards, soit 75,6% du Pib en 1985 puis à 8 468 milliards, soit 136,2 % du Pib en 1996. (…). Aujourd`hui, ce montant est de 6 300 milliards de francs CFA, soit 60% du Pib. C'est ainsi que la Côte d'Ivoire est devenue un pays pauvre très endetté.

Variante de ces propos : si la Côte d'Ivoire est endettée, ce n'est pas à cause de moi, Gbagbo, c'est à cause d'Houphouët et de Bédié ! M. Gbagbo peut alors conclure sur ce chapitre : " Mais cette dette est la dette de la Côte d'Ivoire. Je l'assume en tant que Chef de l'Etat et je cherche les meilleures voies pour en sortir. L'initiative Ppte, offerte par la communauté internationale, en est une ".

Il ne nous reste plus qu'à verser des larmes de compassion pour notre chef d'Etat en lui adressant des satisfecit pour le travail gigantesque qu'il a abattu ! Il nous reste à souhaiter aussi qu'il soit reconduit aux prochaines élections, pour poursuivre et achever le beau chantier qu'il a entamé avec autant de ferveur et d'efforts !

Que dire de toute cette prose ?

Nous devons nous réjouir du fait que le chef de l'Etat nous ait exposé avec clarté (c'est mon avis de profane) le tableau de la dette. Ce discours a donc au moins le mérite de situer les responsabilités dans la faillite économique de notre pays. On y remarque, à la lumière des chiffres exposés, que c'est le régime du Président Bédié qui a amplifié ces dettes ; en effet : " Le montant de la dette est passé successivement à 2 371 milliards (…) en 1985, puis à 8 468 milliards (…) en 1996 ". A l'observation donc, le régime de M. Bédié a laissé un passif de plus de 6 000 milliards. M. Gbagbo, en toute aise, peut donc (comme l'avait déjà fait Robert Guéi) crucifier ce régime, en disant : " Je rappelle qu'en octobre 2000, au moment où j'arrivais à la Présidence de la République, notre pays était mis au ban des institutions financières internationales. J'avais alors fixé comme priorité au gouvernement dirigé par le Premier ministre Pascal Affi N'Guessan, de rétablir nos relations financières internationales. Et nous avons gagné la confiance de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux ".

Il appartient à M. Bédié, son parti et son équipe, de se justifier sur ces affirmations, et de porter la contradiction à M. Gbagbo si toutefois, ils ont les arguments de leur défense. N'étant pas un militant du PDCI, je ne peux m'engager dans un tel combat qui ne regarde que le PDCI et l'équipe de M. Bédié. Il appartient également aux collaborateurs d'Houphouët de défendre sa gestion de la Côte d'Ivoire.

Mais Houphouët est mort ; et, en Afrique, notamment en Côte d'Ivoire, il apparaît qu'on ne gagne rien à défendre la politique d'un chef d'Etat déchu, moins encore, la Mémoire du chef disparu qu'on avait pourtant servi avec obséquiosité et ''indéfectible attachement'' : il n'y a aucune récompense pécuniaire à le faire, n'est-ce pas ! M'étant réclamé du "Mouvement pour le Néo-houphouétisme" (MN.-H) dont, ensemble, avec les camarades et membres fondateurs, j'ai toujours défendu la ligne doctrinale, je me sens donc le devoir d'éclairer les Ivoiriens sur la question de la dette sous Houphouët. L'unique souci qui m'anime est de contribuer à l'enrichissement du débat sur cette question d'intérêt national. Que l'on ne cherche point donc à y voir quelque intention, mauvaise, de faire " offense au chef de l'Etat " ? la grande trouvaille de nos Procureurs refondés de la République des Refondateurs !


LE DEVOIR D'ECLAIRER

Fin des années 1980. Le régime d'Houphouët-Boigny est acculé par une forte contestation : mécontents du système, opposants (désormais sortis de la clandestinité), tous s'acharnaient à rendre son régime responsable des difficultés économiques que traversait alors le pays. Face à la grogne populaire, le Président Houphouët est monté au créneau pour expliquer au peuple, les causes du désastre qui frappait la Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, cet acte prend à mes yeux, toute sa signification que nos ressentiments contre son régime ne pouvaient me permettre de saisir alors : rendre compte au peuple, assumer ses responsabilités aussi bien dans la réussite que dans l'échec.

La question était la suivante : comment et pourquoi la Côte d'Ivoire, naguère pays prospère et chargé de promesses (au cours des années 1970, nous étions classés parmi les pays en voie de développement), s'était-elle retrouvée dans une situation qui frôlait le marasme économique ? Qu'avaient-ils fait, son régime et lui, des richesses de notre pays ? Qu'avaient-ils fait de l'argent du café et du cacao ? notre manne que nous croyions intarissable ? Au peuple ivoirien donc, le Président Félix Houphouët-Boigny a dit ce qu'il avait fait des ressources du pays : développer la Côte d'Ivoire en :

* construisant des routes et des autoroutes.

Et nous avions effectivement des routes et des autoroutes qui faisaient notre fierté dans la sous région et en Afrique. Je me rappelle que sur l'autoroute du Nord, il y avait même des cabines téléphoniques tous les cinq kilomètres, comme on en voit sur les autoroutes en Europe et aux USA. Et cela se passait au début des années 1980 ! C'est que l'homme avait compris que la route du développement passe par le développement de la route. Qu'avons-nous fait de cette infrastructure ? Nous l'avons détruite ;

* construisant des hôpitaux.

Et nous en avions effectivement. CHU, dispensaires, CHR, maternités, centres médicaux, etc., où nous nous faisions soigner GRATUITEMENT depuis nos premières années d'indépendance jusqu'au début des années 1980 où la "détérioration des termes de l'échange" (c'était le concept à la mode) avait compromis cette heureuse politique sociale ;

- construisant des écoles, une université, des grandes écoles réputées pour la qualité de l'enseignement qui y était dispensé. Et nous en avions effectivement. En investissant aussi dans la Recherche scientifique. Bonus : en donnant des bourses d'études à tous les enfants (nationaux comme non nationaux) vivant dans ce pays. Et l'Afrique entière avait tiré bénéfice de cette politique de la solidarité et de la main tendue aux autres. Et cela est vrai ;

- dotant le Nord du pays (déshérité par la nature) d'infrastructures de développement : écoles, lycées, centre culturel, adduction d'eau et complexes sucriers (pour donner des emplois aux enfants du Nord) ;

- construisant des barrages pour relever le défi de l'Eau et de l'électrification.

M. Charles Konan Banny m'a longuement entretenu, un jour, du combat que le Président Houphouët avait dû mener pour faire accepter ce projet par le FMI. " Ils avaient trouvé ce projet fou, trop audacieux pour un pays sous développé ; mais le Président Houphouët y croyait et, comme il avait de la carrure, il avait réussi à les faire plier, et à obtenir le financement de ce grand projet qu'il a effectivement réalisé ". Et M. Banny d'ajouter : " Si le Président Houphouët avait cédé aux diktas de ces institutions financières, la Côte d'Ivoire n'aurait pu jamais construire de barrage, car aujourd'hui, la réalisation de tels projets demanderait un financement énorme, trop énorme pour notre pays. Et le Président Houphouët avait compris cela ". Les barrages ! Kossou, Ayamé : des km entiers de roche éventrés pour irriguer des zones immenses et donner sa chance à l'agriculture, vraie source de progrès économique, car toutes les grandes puissances sont d'abord et avant tout des pays à l'agriculture performante. Aussi, Houphouët fera-t-il la promotion de l'agriculture en créant et faisant diffuser des concepts incitateurs, dans ce sens : " Le retour à la terre ", " Le progrès de ce pays repose sur l'agriculture ". Le spot publicitaire montrait Houphouët tenant une daba ! Dirais-je aussi l'AVB (Aménagement de la Vallée du Bandaman), l'ARSO (Aménagement de la Région du sud-ouest, conduit par Emmanuel Dioulo !?)…

- construisant des logements pour les Ivoiriens : Abidjan des années 1960 à 1980 a été presque entièrement construit avec les fonds publics, les fonds de l'Etat ivoirien ; c'est-à-dire, avec le produit du travail des Ivoiriens, alors peuple Uni, Discipliné et Travailleur, sous le sceau de notre belle devise : Union, Discipline, Travail. Marcory, Cocody, Port-Bouët, Adjamé, Koumassi, Treichville, Yopougon, Abobo, Riviera. Oui, l'Etat ivoirien avait effectivement construit des logements pour les Ivoiriens. Et, sur tous ces chapitres, Houphouët avait donné des chiffres et des références qui se trouvent dans les Archives de la Côte d'Ivoire et même dans des brochures et livres que son parti a pris l'habitude (heureuse) de confectionner, à l'issue de chaque Congrès et Conseil national.

L'observateur et analyste attentif de la gestion de notre pays par Houphouët et son régime ajoutera à tout cela l'infrastructure culturelle mise en place : oui, sous cet homme, il y avait place pour la Culture, la vraie culture et non ces débilités populaires qu'on nous sert aujourd'hui. Les centres culturels, les orchestres (communaux et départementaux par exemple), les troupes de théâtre, l'Institut national des Arts (avec l'Ecole de musique, l'Ecole de théâtre, les beaux-arts), le Burida, etc. Ces infrastructures existent, et elles ont été créées avec les fonds de l'Etat ivoirien qui aura donc favorisé la dynamique culturelle que ce pays a connue depuis les années 1960 aux années 1980. Le beau " Palais de la Culture " (dont le projet date de l'ère houphouët, sous la primature d'Alassane Ouattara) réalisé sous le règne du Président Bédié, consacre la politique culturelle d'Houphouët…

Dans l'ensemble, aucun pays d'Afrique noir, alentour, n'avait mis en place et réussi une telle politique infrastructurelle et sociale ; et, aujourd'hui, il me plaît toujours de répéter que le Président Houphouët-Boigny fut le seul vrai socialiste en Afrique noire ! Ni Nkrumah, ni Sékou Touré, ni Senghor, ni Julius Nyerere, entre tous ces autres chefs d'Etat africains qui se réclamaient du socialisme, n'avaient réalisé de telles performances sociales au bénéfice de leurs peuples respectifs. Je l'ai déjà écrit aussi : la sociale démocratie a une histoire en Côte d'Ivoire ; celle-ci ne commence pas avec l'USD de Bernard Zadi, mais bel et bien par Félix Houphouët-Boigny qui, quoique acquis aux vertus du capitalisme, avait très tôt compris que l'ultra libéralisme n'était pas une voie appropriée au bonheur des peuples ; l'Occident vient d'éprouver cette vision juste qu'il avait eue près d'un demi siècle avant...

Houphouët-Boigny s'était justifié, devant le peuple de Côte d'Ivoire, en nous disant et expliquant à quoi avaient servi les richesses de la Côte d'Ivoire : elles avaient été investies dans des réalisations et des travaux d'intérêt public, social et communautaire même ; elles avaient servi à investir dans la Santé, la Formation des hommes, la mise en place d'infrastructures fonctionnelles, etc.


AVOIR DE LA MEMOIRE

Je me souviens aussi qu'au cours des années 1980 (en 1986, je crois), le Centre culturel français, Rfi et d'autres organismes dont les noms m'échappent sur-le-champ, avaient réalisé une grande émission (une espèce de documentaire sur la Côte d'Ivoire) à laquelle avait participé Jean-Marie Adiaffi. Le journaliste Georges Taï Benson qui pilotait cette émission, avait mis l'accent sur les infrastructures, belles, réalisées par Houphouët. C'est de Benson, je crois, que l'opinion nationale et internationale tient cette image d'Abidjan surnommée alors " Petit Manhattan ! " Jean-Marie Adiaffi et G. T. Benson furent tancés par les contestataires de l'ombre que nous étions (nous et nos maîtres) pour avoir fait la promotion d'un régime que nous décriions alors. Le premier, pour avoir, par sa présence sur le plateau, apporté sa caution intellectuelle à cette émission ; le second, pour avoir diffusé des images de qualité (les tours du Plateau et l'infrastructure de transport) sur la Côte d'Ivoire. Au cours d'une émission, Benson (qui est loin d'avoir la langue dans la poche) avait répondu en ces mots suivants : " Si ces tours et ces autoroutes n'avaient pas existé, je n'aurais pu les montrer ! "…

Bref, le Président Houphouët s'est donc justifié. Nous l'avons traité de voleur, dans des tracts injurieux et d'une rare infamie ; nous et, à notre tête, l'homme qui est aujourd'hui au pouvoir. A cet homme, nous avons le droit de demander ce qu'il a fait, lui, de nos richesses ; lui qui n'a construit ni autoroutes, ni routes, ni hôpitaux, ni écoles publiques, ni dispensaires, ni centres culturels, ni logements réalisés par l'Etat ! Entendons-nous bien : je ne parle pas de réalisations immobilières faites par ces sociétés privées (où de nombreux refondateurs sont actionnaires), mais bel et bien de logements financés par les fonds de l'Etat ivoirien pour les Ivoiriens. Qu'a-t-il donc fait de notre argent, lui qui n'a rien réalisé de tout cela ?

C'était autant de questions que j'avais formulées à l'endroit du Président de la République, dans un article que j'ai fait publier récemment dans le quotidien " Notre Heure ". J'estime donc que " l'historique de la dette " que vient de faire le chef de l'Etat avait pour but de répondre à ces interrogations que d'autres Ivoiriens ont dû certainement exprimer. Et j'avoue que les propos qu'il a tenus m'ont paru clairs : il a dit qu'il a utilisé cet argent pour rembourser les dettes laissées par ses prédécesseurs, et aussi pour faire face au impératifs de la guerre que nous avons connue ; raisons pour lesquelles, il n'a pu faire ''décoller'' la Côte d'Ivoire comme il nous avait promis de le faire.

Une telle défense amène des questions : combien nous a coûté cette guerre ? Pourquoi le chef de l'Etat, lui si soucieux de transparence, lui si prompt à exhiber des chiffres pour accabler les autres, n'en parle-t-il pas afin que les Ivoiriens apprécient le bien-fondé de ces dépenses ? Est-il trop tôt pour le savoir ? Etait-il en outre important que nous injections tant d'argent dans cette sale affaire qu'une bonne diplomatie (plutôt que l'option résolument militaire qui fut celle de M. Gbagbo) aurait résolue rapidement sans que la santé économique du pays et, partant, le bien-être des Ivoiriens ne soit compromis ? Faire absolument la guerre, une guerre fratricide, était-il de même absolument nécessaire à la Côte d'Ivoire ? Qui (surtout à partir de juillet 2003) s'était-il entêté dans l'option militaire alors que les belligérants eux-mêmes (Fanci et rebelles), sans doute conscients du danger qu'ils faisaient peser sur l'avenir du pays, avaient, d'un commun accord, décidé de mettre un terme à cette stupide déchirure ?

Qui a choisi d'entreprendre la construction de buildings de prestige, ruineux, à Yamoussoukro, alors que le pays avait besoin de chantiers rentables ? Avec le consentement de laquelle de nos institutions a-t-il entrepris une telle politique ruineuse et non rentable ? Aucune ! Et Avec quoi M. Gbagbo fait-il construire ces édifices ? Avec l'argent des Ivoiriens, bien sûr ; l'argent qu'il aurait pu utiliser à favoriser l'essor économique de la Côte d'Ivoire. L'argent qu'il aurait pu utiliser pour sauver l'Ecole et la Santé, et améliorer l'infrastructure routière. D'où vient l'argent que les refondateurs utilisent pour se construire ces nombreux petits châteaux nègres qui poussent comme par enchantement, à Abidjan ? D'où vient l'argent qu'ils utilisent pour se construire ces (tout aussi nombreux) établissements privés qui surgissent partout dans le pays, pendant qu'ils détruisent l'Ecole publique ? De quelles fortunes disposaient-ils, ces enseignants, avant d'arriver au pouvoir, pour qu'ils affichent tant d'aisance financière, eux qui prétendaient être venus pour assainir les finances publiques ?

Voilà des questions qui me paraissent essentielles pour nous aider à la compréhension de la situation économique que vit notre pays. Bien évidemment, le chef de l'Etat les a esquivées, choisissant plutôt de nous égarer dans des considérations du type " J'ai consacré l'argent de la Côte d'Ivoire à l'épuration des dettes laissées par Houphouët et Bédié ! " Etonnant ! Allons, soyons courageux et disons-le lui, de manière claire : ce n'est pas sérieux, M. le Président. Non, ce n'est vraiment pas sérieux !

Qu'on s'entende bien une bonne fois pour toutes sur cette question : Houphouët-Boigny a utilisé les richesses de la Côte d'Ivoire pour construire notre pays ; il a été taxé de voleur " quand la bise fut venue ". De quel qualificatif devrons-nous parer celui qui a conduit notre pays à la ruine, au point que nous en sommes aujourd'hui à être classés parmi les plus pauvres et les plus endettés ?

Bien sûr qu'il y a eu des ratés, beaucoup de ratés et de déperditions, sous Houphouët ; ce qu'au demeurant, l'homme lui-même avait reconnu, avec ce sens de la responsabilité qui l'a toujours caractérisé. Mais les réalisations étaient là (elles sont toujours là) ; et leur état de dégradation actuelle qui nous choque tant aujourd'hui, doit nous fait comprendre ce que fut la Côte d'Ivoire, et à quoi avaient servi nos richesses : nous ne nous étions pas inutilement endettés. Houphouët et son régime avaient pris des dettes, oui ; mais c'était pour réaliser des choses utiles à notre peuple ; et ces choses-là ont été effectivement réalisées.

Pourquoi son régime n'a-t-il pas remboursé ces dettes ? Pourquoi les a-t-elles laissées sur les épaules de M. Gbagbo (car c'est ce que signifie le discours du chef d'Etat) qui n'a pu rien réaliser de social pour les Ivoiriens à cause (selon lui) de ces dettes ?


LAISSEZ HOUPHOUET EN PAIX !

Houphouët et son régime n'avaient jamais fait mystère de la dette extérieure, qu'ils auraient d'ailleurs pu rembourser, n'eut été la forte détérioration des termes de l'échange, en notre défaveur. Le Président Houphouët était même allé jusqu'à dire qu'il ne pourrait rembourser cette dettes si les choses restaient en l'état ; c'est-à-dire, si l'Occident et ses " spéculateurs sans visage " (c'était son expression) ne payaient pas nos matières premières à leurs justes prix. C'était, à mon sens, un combat juste. Il avait retrouvé ses réflexes de militant anticolonialiste, et tenait désormais des propos amers contre l'Occident. C'est à partir de ces faits que l'Occident avait commencé à le lâcher, et que la France, conséquemment, avait entrepris d'amplifier le discours des opposants ivoiriens dont Gbagbo Laurent était le porteflambeau. J'y reviendrai un autre jour…

A propos de ces dettes, le ministre Balla Kéita (je m'en souviens bien) dont les Ivoiriens se souviennent aussi de la propension à tomber dans le trivial, avait, à cette époque dit ceci, comme pour narguer les institutions financières internationales, mais aussi pour répondre aux tracts dénonciateurs que nous diffusions nuitamment contre le PDCI : " On ne paiera rien, et puis après ? Est-ce qu'on peut mettre un pays en prison pour n'avoir pas payé ses dettes ? Est-ce qu'on peut venir nous arracher nos routes et autoroutes ainsi que les Grandes Ecoles que nous avons construites ? "…

Bien sûr qu'il faut mettre cela sur le compte d'une grossière boutade (comme Balla Kéita savait en faire), car en réalité, le Président Houphouët avait envisagé le remboursement de la dette extérieure. Et sur la question, il était optimiste ; en effet : l'avenir financier de la Côte d'Ivoire s'annonçait prometteur, grâce au pétrole (qui avait été découvert au début des années 1980) et au gaz (qui, jusque-là, n'avait encore été l'objet d'aucune exploitation à outrance). L'avenir s'annonçait tout aussi promoteur grâce au partenariat que le Président Houphouët avait engagé avec d'autres pays (notamment le Japon et la Chine) en plein essor industriel. Eh oui, ''jeune patriotes'' et autres fanatiques du Fip : la diversification des échanges commerciaux et la question du partenariat (avec l'Asie surtout) ne sont pas des inventions de M. Gbagbo ; à titre d'exemple : en novembre 1992 (je m'en souviens), le Premier ministre, Alassane Ouattara avait reçu, à Abidjan, son homologue chinois ; et on peut deviner que ce n'était pas pour discuter d'arts martiaux et de nems !

Le Président Houphouët n'a donc pas exploité le pétrole ; à bon escient. Il a dit (on peut retrouver ces textes) qu'il laissait l'exploitation du pétrole aux futurs Présidents de la Côte d'Ivoire, ceux qui viendront après lui. Et il avait dit ceci : " Ce sera, après le café et le cacao, la seconde chance de la Côte d'Ivoire ". Au cours d'une émission télévisée consacrée à la " Fête de l'indépendance " de la Côte d'Ivoire, le regretté Serge Pacôme Aoulou nous avait d'ailleurs rappelé ces propos du Président Houphouët…

Et vint, effectivement, pour le bonheur de notre pays, l'heure du pétrole et du gaz ! C'est l'ère de M. Gbagbo et de son régime. Opacité absolue sur les ressources financières générées par le pétrole. On parle de 2000 milliards camouflés chaque année par ce régime. Sur la question, j'avoue n'en savoir rien. La boucle du café et du cacao s'est déplacée à l'ouest. On sait les scandales financiers qui ont pourri ce secteur, sous le régime de M. Gbagbo : au moins 100 milliards dilapidés dans une obscure affaire de construction d'une usine à Fulton (USA) !
Et M. Gbagbo veut nous donner aujourd'hui, de lui, l'image d'un innocent dans le désastre économique qui frappe notre pays, en accusant de manière sournoise, le Président Houphouët d'avoir mis notre pays dans une situation de pays pauvre et très endetté. Fologo, Akoto, Mady, Banny, Alassane et autres prétendus gardiens ou continuateurs de la mémoire et de l'héritage politique d'Houphouët, où êtes-vous ? Pourquoi ne répondez-vous pas à ces attaques sournoises, malveillantes et peu sérieuses contre le grand homme que vous avez servi et qui a fait de vous tous, ce que vous vous êtes aujourd'hui ? Oui, " Vié o é ya ? la mort est vraiment douloureuse ! ", comme disent les Baoulés !

Au nom des milliers de Néo-houphouétistes de Côte d'Ivoire et d'ailleurs, répondons tout de suite à M. Gbagbo : laissez Houphouët en paix ! Plus qu'hier, cet homme a besoin qu'on le célèbre aujourd'hui. Et si nous croyons en la continuité de la vie après la mort physique, nous pouvons deviner la souffrance infinie qui doit être la sienne, en assistant, impuissant et dans l'énigme de sa tombe, à la destruction de ce pays auquel il se sera tant consacré, et qu'il avait voulu beau, pacifique, discipliné, travailleur et porteur de la " Vraie fraternité ".

M. Gbagbo, le monde bouge, les nations sont en chantier, et chaque chef d'Etat a pour mission de relever les défis nouveaux qui se dressent sur son parcours. Il ne pleurniche pas sur le passé, il ne s'attarde pas sur les failles des prédécesseurs. Aux USA, Obama est au pouvoir ; il ne passe pas son temps à ergoter sur les passifs laissés par l'administration Bush. En France, Sarkozy a succédé à Jacques Chirac ; il ne passe pas non plus son temps à jeter sournoisement l'anathème sur ses prédécesseurs.

Félix Houphouët-Boigny n'a pas fait que laisser des dettes ; il a laissé aussi et surtout un pays construit et ayant des potentialités réelles pour son développement : un sous-sol presque intact car inexploité, des infrastructures, des hommes de qualité, car bien formés ? et dans tous les domaines. Tous ces atouts que j'ai eu à citer font partie de l'héritage qu'il a laissé à ses successeurs. Et, de l'avis de tous, c'est un bel héritage qu'aucun discours opportuniste et vicieux ne saurait nier. M. Gbagbo doit donc chercher ailleurs les raisons pour lesquelles il n'a rien réalisé de social pour les Ivoiriens, lui qui a détruit l'Ecole, la Santé, le Commerce, la qualité urbanistique de la ville d'Abidjan, la crédibilité, le respect et la souveraineté de la Côte d'Ivoire, ainsi que l'armature éthique des Ivoiriens, et tous ces autres crimes que l'Histoire lui pardonnerait difficilement. Très difficilement.


De Paris,

Tiburce Koffi
(00336) 1602-3953. tiburce_koffi@yahoo.fr
tiburcekoffi@blogspot.com
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