Au mois de juin 2008, dans le cadre des enquêtes en cours dans la filière café-cacao, le Doyen des Juges d’Instruction du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau, inculpait une vingtaine de hauts responsables et les plaçait en détention préventive.
Dix mois plus tard, les interrogatoires, les auditions et les expertises se poursuivent… La date du procès des détenus de la filière café cacao paraît tout aussi incertaine et problématique que celle de l’élection présidentielle.
Condamnés avant d’être jugés (I), nos clients sont non seulement privés du droit d’être jugé dans un délai raisonnable (II), mais aussi ne bénéficient pas du régime spécifique (III) auquel ils devraient prétendre, dans l’indifférence totale des organisations de défense des droits de l’Homme (IV).
I. CONDAMNéS AVANT D’ÊTRE JUGéS
Aux termes de la Constitution ivoirienne et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, les inculpés bénéficient de la présomption d’innocence. Il en résulte que la détention préventive des personnes poursuivies devrait être une mesure exceptionnelle. Et pourtant, toutes nos demandes de mises en liberté provisoire sont systématiquement rejetées, au motif que « la détention des inculpés reste nécessaire à la manifestation de la vérité». Ils présentent toutes les garanties de représentation ; ils sont présumés innocents, et pourtant depuis 10 mois, ils sont détenus à la MACA sans jugement. Ils ont purgé à ce jour dix mois de prison alors que les preuves de leur culpabilité ne sont pas encore établies ! Les faits qui leur sont imputés sont tellement « graves » qu’ils ne peuvent bénéficier d’une quelconque liberté provisoire. Parmi ces détenus, les situations particulières des malades (problèmes cardiaques, hypertension artérielle …), des femmes enceintes ou des mères de nourrissons n’ont ému ni le Procureur de la République, ni le Doyen des juges d’Instruction encore moins la Chambre d’accusation! Même la demande d’évacuation de Madame Viviane MENSAH, Directeur Administratif et Financier de la BCC dont l’état de santé est jugé préoccupant, dans un centre de santé plus approprié, a été rejetée. Et pourtant, ils sont tous présumés innocents ! Peut-être que l’on attend que l’irréparable se produise pour manifester des regrets ou une émotion posthume! Leurs images sont régulièrement publiées par la presse nationale et internationale. Ils sont traités de voleurs, de délinquants, de criminels à col blanc… Et pourtant la Constitution proclame qu’ils sont présumés innocents ! La présomption d’innocence a-t-elle encore un sens, dès lors que des personnes supposées en bénéficier, sont détenues plus de 10 mois sans jugement ? Dans un pays qui n’a pas hésité à accorder l’amnistie à des criminels, est-il acceptable que des personnes simplement soupçonnées de détournements portant sur l’épargne privée des producteurs de café et de cacao, soient maintenues en détention préventive pour une période aussi longue, et qu’elles soient ainsi privées du droit d’être jugé dans un délai raisonnable ?
II. LE DROIT D’ÊTRE JJUGé DANS UN DéLAI RAISONNABLE
Au cours d’une intervention récente relative au procès des dirigeants de la filière café-cacao, le Président de la République SEM Laurent GBAGBO a déclaré vouloir aller jusqu’au bout de cet important dossier. Nos clients qui se réjouissent de cette volonté du Chef de l’Etat, attendent avec impatience l’ouverture de leur procès, qui leur permettra de faire définitivement la lumière sur les prétendus détournements dans la filière café-cacao. Aux termes de l’article 9.3 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, « tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale, sera traduit dans le plus court délai devant un juge ... et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré ». Après dix mois de détention, nos clients devraient légitimement aspirer à l’ouverture de leur procès. Dans le cas contraire, le Pacte International précité exige que ces personnes soient libérées. Au surplus, le Pacte International ajoute que « la détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement ». S’agissant du dossier café-cacao, l’hypothèse d’une liberté sous caution n’a même pas été envisagée, de sorte que l’on se trouve face à une violation flagrante « du droit à être jugé sans retard excessif » expressément prévu par les textes internationaux approuvés et ratifiés par notre pays. Cette situation paraît particulièrement préoccupante pour les détenus qui ne bénéficient d’aucun régime spécifique.
III. LE DROIT à UN RéGIME SPéCIFIQUE
L’article 10-2a) du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, impose la mise en place d’un régime spécifique de détention au profit de nos clients. « Les prévenus sont... séparés des condamnés et sont soumis à un régime distinct, approprié à leur condition de personnes non condamnées ». Nonobstant ces prescriptions impératives, le système de détention en vigueur à la MACA, n’a nullement prévu pour les personnes en détention préventive, « un régime distinct approprié à leur condition de personnes non condamnées». Cette omission inacceptable entraîne une confusion regrettable entre des personnes condamnées et celles qui ne sont qu’en détention préventive. Il s’agit manifestement de cas de violations par la Côte d’Ivoire de ses engagements internationaux, même si une telle situation n’a rencontré que l’indifférence des organisations de défense des droits de l’Homme.
IV. L’INDIFFéRENCE DES ORGANISATIONS DE DéFENSE DES DROITS DE L’HOMME
Depuis plusieurs mois, nonobstant nos interpellations répétées, aucune ONG de défense des droits de l’homme, de la femme et des enfants n’a daigné réagir, face à des violations aussi graves de nos engagements internationaux. Il en est de même de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDHCI) présidée par Mme WODIE Victorine qui a pourtant été officiellement saisie par une requête déposée au siège de ladite organisation. Nul n’est à l’abri d’une garde à vue ou d’une détention préventive. Nous sommes tous des locataires potentiels de la MACA ! Que ceux qui ont des oreilles entendent ! Quant à nos clients, ils continuent de purger leur peine sans jugement. Ils attendent sereinement le jour de leur jugement … Dans deux mois, 6mois, 1 an ou 2 ans peut-être…
Me Narcisse AKA
Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire & nbsp; Membre du Collectif des Avocats des détenus de la filière Café Cacao nbsp;
Dix mois plus tard, les interrogatoires, les auditions et les expertises se poursuivent… La date du procès des détenus de la filière café cacao paraît tout aussi incertaine et problématique que celle de l’élection présidentielle.
Condamnés avant d’être jugés (I), nos clients sont non seulement privés du droit d’être jugé dans un délai raisonnable (II), mais aussi ne bénéficient pas du régime spécifique (III) auquel ils devraient prétendre, dans l’indifférence totale des organisations de défense des droits de l’Homme (IV).
I. CONDAMNéS AVANT D’ÊTRE JUGéS
Aux termes de la Constitution ivoirienne et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, les inculpés bénéficient de la présomption d’innocence. Il en résulte que la détention préventive des personnes poursuivies devrait être une mesure exceptionnelle. Et pourtant, toutes nos demandes de mises en liberté provisoire sont systématiquement rejetées, au motif que « la détention des inculpés reste nécessaire à la manifestation de la vérité». Ils présentent toutes les garanties de représentation ; ils sont présumés innocents, et pourtant depuis 10 mois, ils sont détenus à la MACA sans jugement. Ils ont purgé à ce jour dix mois de prison alors que les preuves de leur culpabilité ne sont pas encore établies ! Les faits qui leur sont imputés sont tellement « graves » qu’ils ne peuvent bénéficier d’une quelconque liberté provisoire. Parmi ces détenus, les situations particulières des malades (problèmes cardiaques, hypertension artérielle …), des femmes enceintes ou des mères de nourrissons n’ont ému ni le Procureur de la République, ni le Doyen des juges d’Instruction encore moins la Chambre d’accusation! Même la demande d’évacuation de Madame Viviane MENSAH, Directeur Administratif et Financier de la BCC dont l’état de santé est jugé préoccupant, dans un centre de santé plus approprié, a été rejetée. Et pourtant, ils sont tous présumés innocents ! Peut-être que l’on attend que l’irréparable se produise pour manifester des regrets ou une émotion posthume! Leurs images sont régulièrement publiées par la presse nationale et internationale. Ils sont traités de voleurs, de délinquants, de criminels à col blanc… Et pourtant la Constitution proclame qu’ils sont présumés innocents ! La présomption d’innocence a-t-elle encore un sens, dès lors que des personnes supposées en bénéficier, sont détenues plus de 10 mois sans jugement ? Dans un pays qui n’a pas hésité à accorder l’amnistie à des criminels, est-il acceptable que des personnes simplement soupçonnées de détournements portant sur l’épargne privée des producteurs de café et de cacao, soient maintenues en détention préventive pour une période aussi longue, et qu’elles soient ainsi privées du droit d’être jugé dans un délai raisonnable ?
II. LE DROIT D’ÊTRE JJUGé DANS UN DéLAI RAISONNABLE
Au cours d’une intervention récente relative au procès des dirigeants de la filière café-cacao, le Président de la République SEM Laurent GBAGBO a déclaré vouloir aller jusqu’au bout de cet important dossier. Nos clients qui se réjouissent de cette volonté du Chef de l’Etat, attendent avec impatience l’ouverture de leur procès, qui leur permettra de faire définitivement la lumière sur les prétendus détournements dans la filière café-cacao. Aux termes de l’article 9.3 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, « tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale, sera traduit dans le plus court délai devant un juge ... et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré ». Après dix mois de détention, nos clients devraient légitimement aspirer à l’ouverture de leur procès. Dans le cas contraire, le Pacte International précité exige que ces personnes soient libérées. Au surplus, le Pacte International ajoute que « la détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement ». S’agissant du dossier café-cacao, l’hypothèse d’une liberté sous caution n’a même pas été envisagée, de sorte que l’on se trouve face à une violation flagrante « du droit à être jugé sans retard excessif » expressément prévu par les textes internationaux approuvés et ratifiés par notre pays. Cette situation paraît particulièrement préoccupante pour les détenus qui ne bénéficient d’aucun régime spécifique.
III. LE DROIT à UN RéGIME SPéCIFIQUE
L’article 10-2a) du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, impose la mise en place d’un régime spécifique de détention au profit de nos clients. « Les prévenus sont... séparés des condamnés et sont soumis à un régime distinct, approprié à leur condition de personnes non condamnées ». Nonobstant ces prescriptions impératives, le système de détention en vigueur à la MACA, n’a nullement prévu pour les personnes en détention préventive, « un régime distinct approprié à leur condition de personnes non condamnées». Cette omission inacceptable entraîne une confusion regrettable entre des personnes condamnées et celles qui ne sont qu’en détention préventive. Il s’agit manifestement de cas de violations par la Côte d’Ivoire de ses engagements internationaux, même si une telle situation n’a rencontré que l’indifférence des organisations de défense des droits de l’Homme.
IV. L’INDIFFéRENCE DES ORGANISATIONS DE DéFENSE DES DROITS DE L’HOMME
Depuis plusieurs mois, nonobstant nos interpellations répétées, aucune ONG de défense des droits de l’homme, de la femme et des enfants n’a daigné réagir, face à des violations aussi graves de nos engagements internationaux. Il en est de même de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDHCI) présidée par Mme WODIE Victorine qui a pourtant été officiellement saisie par une requête déposée au siège de ladite organisation. Nul n’est à l’abri d’une garde à vue ou d’une détention préventive. Nous sommes tous des locataires potentiels de la MACA ! Que ceux qui ont des oreilles entendent ! Quant à nos clients, ils continuent de purger leur peine sans jugement. Ils attendent sereinement le jour de leur jugement … Dans deux mois, 6mois, 1 an ou 2 ans peut-être…
Me Narcisse AKA
Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire & nbsp; Membre du Collectif des Avocats des détenus de la filière Café Cacao nbsp;