Le ministre de tutelle entend repositionner la Côte d’Ivoire sur l’échiquier international.
Le marché des arts et du spectacle africain (Masa) en constitue un point essentiel.
M. le ministre, le 30 mars a eu lieu, à Paris, un Conseil d’administration extraordinaire du Marché des arts et du spectacle africain (Masa). Pourquoi un tel Conseil, maintenant ?
Le Masa, vous le savez, est un évènement important pour la Côte d’Ivoire, en particulier, et également pour le monde des arts africains en général. Mais, depuis la crise que connaît notre pays, cette manifestation bat de l’aile. C’est la raison pour laquelle nous avons organisé ce Conseil, justement pour constater que l’évènement est au plus mal.
Nous avons déjà eu des difficultés à organiser l’édition de 2007, qui s’était d’ailleurs transformée en un Masa spécial. Auparavant, l’on avait même voulu le délocaliser vers une autre capitale africaine. C’est donc de tout cela que le partenaire principal du Masa, l’Organisation internationale de la francophonie (Oif) et nous-même avons parlé le 30 mars.
Ce fut donc une réunion pour essayer de relancer la machine, de la dégripper afin qu’elle retrouve son rythme d’antan.
Quelles ont été les conclusions de ce conseil ?
Nous avons fait ce constat : les difficultés de la Côte d’Ivoire ont contribué à plomber effectivement l’évènement lui-même. Je voudrais rappeler ceci : le Masa est un marché qui met en face des créateurs avec leurs œuvres et des acheteurs de produits d’art et de culture.
Malheureusement, du fait de la crise, l’aspect marchand n’était plus de mise. On a eu certes à produire de très beaux spectacles, avec des artistes de talent, mais il n’y a pas eu d’acheteur.
Face à une telle situation, il était donc important de s’interroger : la crise ivoirienne suffit-elle à expliquer, à elle seule, le manque d’engouement des acheteurs du Nord pour ce rendez-vous? Ou, y a-t-il d’autres facteurs qui y contribuent ?
Pour y répondre, efficacement, nous avons donc été amené, naturellement, à lancer un audit organisationnel du Masa. Dans les jours qui viennent, des consultants vont être désignés pour essayer d’analyser la situation et nous produire un document qui nous permettra de prendre une décision qui devra le réorienter. Nous avons espoir qu’un nouveau Masa va sortir de cette réflexion pour permettre aux créateurs africains de pouvoir, à nouveau, se retrouver sur le marché des arts à Abidjan.
Cette année, il n’y aura donc pas de Masa ?
Effectivement ! Nous allons mettre à profit cette année charnière pour régler tous les problèmes que nous avons connus. Ils sont certes d’ordre financier, mais il faut y ajouter les problèmes organisationnels. Et si nous voulons continuer et aller loin dans ce marché, vu les défis qui sont nombreux, vu que d’autres pays se bousculent pour avoir des évènements de cette taille dans leur capitale, nous devons y aller avec beaucoup plus d’arguments. Nous disons que si nous devons le remettre sur les rails, il ne faudrait plus que ce soit un Masa chancelant, approximatif, mais une locomotive des arts vivants, des arts du spectacle d’Afrique.
La Côte d’Ivoire a-t-elle les moyens d’organiser le Masa ; elle qui tient tant à le garder ?
Evidemment ! Car, la première ressource dont nous avons besoin pour gérer un tel évènement, c’est la volonté. Et nous l’avons. La deuxième, c’est la qualité des hommes qui peuvent animer cet espace. Nous avons, également, dans ce domaine, les meilleures compétences sur la place. La troisième, enfin, c’est naturellement l’argent, les ressources matérielles. Je le disais, la crise a plombé notre croissance, mais Dieu merci, nous sommes en train d’en sortir, surtout avec notre élection à l’initiative Ppte, (entendez, Petits pays très endettés) qui va induire une réduction d’une partie de nos dettes. Nous aurons donc, à la faveur de cela, certainement des ressources financières qui seront affectées au secteur de la culture, et donc au Masa, afin d’organiser convenablement cette biennale, comme prévu.
M. le ministre, l’absence des partenaires dans le Conseil d’administration ne pénalise-t-il pas le Masa ? Nous voulons parler de l’Union européenne (Ue), l’Union économique et monétaire ouest -africaine (Uemoa), d’Africalia.
Je crois que vous avez raison de soulever ce problème. J’ai été étonné de constater, en même temps que tout le monde, que le Masa qui est un évènement majeur pour le monde entier, n’avait en son sein, au Conseil, que deux membres : la Côte d’Ivoire et l’Oif. On n’a jamais pu m’expliquer pourquoi le Conseil se réduisait à ces deux institutions. Mais la volonté que la Côte d’Ivoire et l’Oif expriment, aujourd’hui, c’est de le voir s’ouvrir aux autres partenaires, notamment l’Ue, l’Uemoa, l’Union africaine et certainement d’autres structures. L’Oif, sur cette base, est en accord parfait avec nous.
Ma présence à Bruxelles répond également à ce souci ; celui de rencontrer les responsables de l’Ue et d’autres structures pour les sensibiliser à intégrer le Masa comme un évènement viable.
Les contacts préliminaires que j’ai eus sont satisfaisants. Et j’ai bon espoir qu’après l’audit qui va conclure certainement à une relance du Masa, nous aurons à nos côtés des organisations comme l’Union européenne, l’Uemoa. Cet autre partenaire précieux ne trouve d’ailleurs pas d’inconvénient à intégrer, éventuellement, le Masa.
Autre volet de votre politique : la représentation culturelle de la Côte d’Ivoire, à commencer par Paris. On connaissait les attachés militaires, on commence à avoir des attachés culturels à l’extérieur, dans nos ambassades. A quel besoin cela obéît-il ?
Pour promouvoir la culture d’un pays, il y a des actions à mener sur le terrain, en interne ; également à l’extérieur. La culture, c’est la création, quelque chose de beau, de sublime que l’on n’a pas le droit de ne pas extérioriser, de ne pas promouvoir. Cette promotion, faite par des spécialistes, participe de la mise en lumière du pays, de son image.
C’est pourquoi, depuis quelques années, nous avons pensé qu’il était bon que des spécialistes des arts et de la culture soient auprès de nos représentations diplomatiques, pour essayer de véhiculer l’image de notre pays, de conquérir des espaces ; chose à laquelle nos artistes qui sont nombreux dans la diaspora s’essaient à leur seul niveau. Or, ils ont besoin d’un encadrement, de l’appui technique du ministère de tutelle. C’est ce que nous avons commencé à faire, à partir de Paris, il y a de cela deux ans.
De l’avis général, aussi bien des artistes que des opérateurs du monde culturel, nous avons bien fait d’ouvrir cette représentation qui, aujourd’hui, crée l’attraction au niveau de notre ambassade. Nous avons la volonté de continuer dans cette voie. Cette année, nous allons ouvrir le poste de Rabat, au Maroc, où nous allons affecter un attaché culturel.
Est-ce dans ce cadre de cette politique que s’inscrit la présence de la Côte d’Ivoire à l’Atelier de la cité internationale des arts à Paris ?
Tout à fait ! Notre ambition, c’est de repositionner la Côte d’Ivoire sur l’échiquier international. Autant les autres secteurs d’activité se battent pour repositionner notre pays, autant nous, au niveau des arts et de la culture, avons le devoir d’en faire autant. Paris, vous le savez, est la plaque tournante, le centre des arts. Et, paradoxalement, on constatait que la Côte d’Ivoire culturelle était absente de cette cité prestigieuse qui regroupe l’ensemble des Etats soucieux de leur culture. Ces Etats, à la cité internationale de Paris, ont déjà pris des souscriptions, envoient en résidence leurs artistes qui émergent, les mettent en contact avec le monde des arts et des artistes, ici, à Paris. Il était, je le répète, impensable que notre pays y soit absent. Nous avons décidé de combler ce vide ; le Chef de l’Etat, lui-même homme de culture, sensible à ces choses, y souscrit. Et connaissant le potentiel culturel de Paris, il nous a donné des instructions pour qu’on mène à terme ce projet. J’ai visité cette cité, et je pense que nous avons raison de nous engager dans un tel projet.
Interview réalisée à Bruxelles par Michel Koffi
Envoyé spécial
Le marché des arts et du spectacle africain (Masa) en constitue un point essentiel.
M. le ministre, le 30 mars a eu lieu, à Paris, un Conseil d’administration extraordinaire du Marché des arts et du spectacle africain (Masa). Pourquoi un tel Conseil, maintenant ?
Le Masa, vous le savez, est un évènement important pour la Côte d’Ivoire, en particulier, et également pour le monde des arts africains en général. Mais, depuis la crise que connaît notre pays, cette manifestation bat de l’aile. C’est la raison pour laquelle nous avons organisé ce Conseil, justement pour constater que l’évènement est au plus mal.
Nous avons déjà eu des difficultés à organiser l’édition de 2007, qui s’était d’ailleurs transformée en un Masa spécial. Auparavant, l’on avait même voulu le délocaliser vers une autre capitale africaine. C’est donc de tout cela que le partenaire principal du Masa, l’Organisation internationale de la francophonie (Oif) et nous-même avons parlé le 30 mars.
Ce fut donc une réunion pour essayer de relancer la machine, de la dégripper afin qu’elle retrouve son rythme d’antan.
Quelles ont été les conclusions de ce conseil ?
Nous avons fait ce constat : les difficultés de la Côte d’Ivoire ont contribué à plomber effectivement l’évènement lui-même. Je voudrais rappeler ceci : le Masa est un marché qui met en face des créateurs avec leurs œuvres et des acheteurs de produits d’art et de culture.
Malheureusement, du fait de la crise, l’aspect marchand n’était plus de mise. On a eu certes à produire de très beaux spectacles, avec des artistes de talent, mais il n’y a pas eu d’acheteur.
Face à une telle situation, il était donc important de s’interroger : la crise ivoirienne suffit-elle à expliquer, à elle seule, le manque d’engouement des acheteurs du Nord pour ce rendez-vous? Ou, y a-t-il d’autres facteurs qui y contribuent ?
Pour y répondre, efficacement, nous avons donc été amené, naturellement, à lancer un audit organisationnel du Masa. Dans les jours qui viennent, des consultants vont être désignés pour essayer d’analyser la situation et nous produire un document qui nous permettra de prendre une décision qui devra le réorienter. Nous avons espoir qu’un nouveau Masa va sortir de cette réflexion pour permettre aux créateurs africains de pouvoir, à nouveau, se retrouver sur le marché des arts à Abidjan.
Cette année, il n’y aura donc pas de Masa ?
Effectivement ! Nous allons mettre à profit cette année charnière pour régler tous les problèmes que nous avons connus. Ils sont certes d’ordre financier, mais il faut y ajouter les problèmes organisationnels. Et si nous voulons continuer et aller loin dans ce marché, vu les défis qui sont nombreux, vu que d’autres pays se bousculent pour avoir des évènements de cette taille dans leur capitale, nous devons y aller avec beaucoup plus d’arguments. Nous disons que si nous devons le remettre sur les rails, il ne faudrait plus que ce soit un Masa chancelant, approximatif, mais une locomotive des arts vivants, des arts du spectacle d’Afrique.
La Côte d’Ivoire a-t-elle les moyens d’organiser le Masa ; elle qui tient tant à le garder ?
Evidemment ! Car, la première ressource dont nous avons besoin pour gérer un tel évènement, c’est la volonté. Et nous l’avons. La deuxième, c’est la qualité des hommes qui peuvent animer cet espace. Nous avons, également, dans ce domaine, les meilleures compétences sur la place. La troisième, enfin, c’est naturellement l’argent, les ressources matérielles. Je le disais, la crise a plombé notre croissance, mais Dieu merci, nous sommes en train d’en sortir, surtout avec notre élection à l’initiative Ppte, (entendez, Petits pays très endettés) qui va induire une réduction d’une partie de nos dettes. Nous aurons donc, à la faveur de cela, certainement des ressources financières qui seront affectées au secteur de la culture, et donc au Masa, afin d’organiser convenablement cette biennale, comme prévu.
M. le ministre, l’absence des partenaires dans le Conseil d’administration ne pénalise-t-il pas le Masa ? Nous voulons parler de l’Union européenne (Ue), l’Union économique et monétaire ouest -africaine (Uemoa), d’Africalia.
Je crois que vous avez raison de soulever ce problème. J’ai été étonné de constater, en même temps que tout le monde, que le Masa qui est un évènement majeur pour le monde entier, n’avait en son sein, au Conseil, que deux membres : la Côte d’Ivoire et l’Oif. On n’a jamais pu m’expliquer pourquoi le Conseil se réduisait à ces deux institutions. Mais la volonté que la Côte d’Ivoire et l’Oif expriment, aujourd’hui, c’est de le voir s’ouvrir aux autres partenaires, notamment l’Ue, l’Uemoa, l’Union africaine et certainement d’autres structures. L’Oif, sur cette base, est en accord parfait avec nous.
Ma présence à Bruxelles répond également à ce souci ; celui de rencontrer les responsables de l’Ue et d’autres structures pour les sensibiliser à intégrer le Masa comme un évènement viable.
Les contacts préliminaires que j’ai eus sont satisfaisants. Et j’ai bon espoir qu’après l’audit qui va conclure certainement à une relance du Masa, nous aurons à nos côtés des organisations comme l’Union européenne, l’Uemoa. Cet autre partenaire précieux ne trouve d’ailleurs pas d’inconvénient à intégrer, éventuellement, le Masa.
Autre volet de votre politique : la représentation culturelle de la Côte d’Ivoire, à commencer par Paris. On connaissait les attachés militaires, on commence à avoir des attachés culturels à l’extérieur, dans nos ambassades. A quel besoin cela obéît-il ?
Pour promouvoir la culture d’un pays, il y a des actions à mener sur le terrain, en interne ; également à l’extérieur. La culture, c’est la création, quelque chose de beau, de sublime que l’on n’a pas le droit de ne pas extérioriser, de ne pas promouvoir. Cette promotion, faite par des spécialistes, participe de la mise en lumière du pays, de son image.
C’est pourquoi, depuis quelques années, nous avons pensé qu’il était bon que des spécialistes des arts et de la culture soient auprès de nos représentations diplomatiques, pour essayer de véhiculer l’image de notre pays, de conquérir des espaces ; chose à laquelle nos artistes qui sont nombreux dans la diaspora s’essaient à leur seul niveau. Or, ils ont besoin d’un encadrement, de l’appui technique du ministère de tutelle. C’est ce que nous avons commencé à faire, à partir de Paris, il y a de cela deux ans.
De l’avis général, aussi bien des artistes que des opérateurs du monde culturel, nous avons bien fait d’ouvrir cette représentation qui, aujourd’hui, crée l’attraction au niveau de notre ambassade. Nous avons la volonté de continuer dans cette voie. Cette année, nous allons ouvrir le poste de Rabat, au Maroc, où nous allons affecter un attaché culturel.
Est-ce dans ce cadre de cette politique que s’inscrit la présence de la Côte d’Ivoire à l’Atelier de la cité internationale des arts à Paris ?
Tout à fait ! Notre ambition, c’est de repositionner la Côte d’Ivoire sur l’échiquier international. Autant les autres secteurs d’activité se battent pour repositionner notre pays, autant nous, au niveau des arts et de la culture, avons le devoir d’en faire autant. Paris, vous le savez, est la plaque tournante, le centre des arts. Et, paradoxalement, on constatait que la Côte d’Ivoire culturelle était absente de cette cité prestigieuse qui regroupe l’ensemble des Etats soucieux de leur culture. Ces Etats, à la cité internationale de Paris, ont déjà pris des souscriptions, envoient en résidence leurs artistes qui émergent, les mettent en contact avec le monde des arts et des artistes, ici, à Paris. Il était, je le répète, impensable que notre pays y soit absent. Nous avons décidé de combler ce vide ; le Chef de l’Etat, lui-même homme de culture, sensible à ces choses, y souscrit. Et connaissant le potentiel culturel de Paris, il nous a donné des instructions pour qu’on mène à terme ce projet. J’ai visité cette cité, et je pense que nous avons raison de nous engager dans un tel projet.
Interview réalisée à Bruxelles par Michel Koffi
Envoyé spécial