Le Président de la République de Côte d`Ivoire, S.em. Laurent Gbagbo, a accordé le mardi 28 avril 2009, en sa résidence d`Abidjan-Cocody, une interview exclusive à la Radiodiffusion télévision ivoirienne. Au centre des échanges entre le chef de l`Etat et les deux journalistes, Lassiné Fofana et Evelyne Debah Zegoua, la sortie de crise et l`admission de la Côte d`Ivoire à l`initiative Ppte.
Monsieur le Président, beaucoup a été dit et beaucoup a été fait…
Excusez-moi, je voudrais d`abord dire, après votre introduction, que la dernière fois qu`on a eu des élections en Côte d`Ivoire, ce n`est pas en 2000, mais plutôt en juillet 2002. Parce qu`en 2000, nous avons eu l`élection présidentielle. Mais, nous avons eu également une partie des élections législatives en 2000, et une autre partie en 2001. Puis, après, il y a eu les élections municipales, toujours en 2001, et les élections départementales en juillet 2002. Il faudrait le dire pour que la vérité soit rétablie.
Vous avez dit constitutionnellement, les élections, ce n`était pas en 2000, c`était en 2002 ?
Je veux dire que la vérité des faits, c`est que la dernière élection que nous avons eue en Côte d`Ivoire sur toute l`étendue du territoire, ce sont les élections des Conseils généraux, et c`était en juillet 2002. Mais, l’élection présidentielle a eu lieu en 2000.
M. Le Président, beaucoup a été dit et beaucoup a été fait ; tout le monde parle, tout le monde dit des choses, chacun croit avoir raison. Avant même d`aborder le sujet, quel est votre état d`esprit ?
Je suis Zen, comme vous le voyez. Je suis tranquille. Parce qu`aujourd`hui, depuis que la crise a éclaté, le 19 septembre 2002, nous entrevoyons le bout du tunnel ; je sais que nous ferons les élections cette année. Je suis tranquille. Je suis d`ailleurs content que les gens soient sur le terrain, partout, en train de faire campagne ; parce que même ceux qui disent qu`il n y aura pas d`élections, font campagne. Ils savent qu`il y aura des élections. Les élections auront lieu, en tout cas, la présidentielle, en 2009.
Peut-on faire le point de l`enrôlement et de l`identification ? Combien de personnes aujourd`hui, ont été identifiées et enrôlées ?
Au niveau des élections, je l`ai déjà dit et je le répète, l`Institution qui est responsable pour organiser les élections, c`est la Commission électorale indépendante (Cei), qui est dirigée par le Président Robert Beugré Mambé. C`est elle, en plus, qui coordonne toutes les activités de l`identification. Tout ce que je vais vous dire concernant les élections et l`identification, vient de la Cei. En préparant cette élection, j`ai travaillé, naturellement avec le Président de cette structure. La Cei, la Primature et la Présidence de la République, nous travaillons très bien. Donc, tous les chiffres que je vais vous donner, viennent de lui. La Cei attend environ 8 millions de personnes à identifier. Nous sommes à plus de 6 millions. Donc, on en attend encore 2 millions. Pendant ce temps, naturellement, la Cei fait des schémas, et nous les fait connaître. Elle a fait un schéma qui nous a menés jusqu`au 5 septembre pour les élections. Elle en a fait un autre qui nous a menés jusqu`au 11 octobre. Et un troisième, jusqu`au 18 octobre. Nous étudions tout cela. Pour le moment, nous ne fixons pas une date précise pour les élections, parce qu`il y a des centres de collecte qui n`ont même pas encore été visités ou qui n`ont même pas encore fonctionné. Et d`après les chiffres de la Cei, il y a 227 centres de collecte qui n`ont pas encore fonctionné, dont 98 dans le Bas-Sassandra et 82 dans le Sud- Bandama. Il y a d`autres endroits comme le Haut-Sassandra avec 14, la Marahoué, 10. Il y a en tout, 227 centres.
Ce serait une injustice que de faire passer les habitants, ivoiriens, de ces centres-là, par pertes et profits. Il faut, et c`est ce à quoi la Cei s`attelle, faire vivre ces centres de collecte, recevoir les impétrants, les identifier, les enrôler et après, on verra. En plus de cela, même dans les centres qui ont été visités et où le travail a été fait, par exemple, à Abidjan, il y a 100% de centres qui ont été ouverts et qui ont travaillé, mais il y a encore des gens qui n`ont pas été identifiés. Donc, ceux-là aussi, il faut faire une opération pour les enrôler. Aujourd`hui, ce n`est pas une question d`incapacité à travailler, c`est une question de rattraper les fausses notes qui ont eu lieu dans l`identification. C`est ce que nous sommes en train de faire.
M. le Président, plus de 6 millions de personnes ont été identifiées. Quelle analyse faites-vous de ce chiffre ? En êtes-vous satisfait ?
J`en suis satisfait. Nous sommes 20 millions en Côte d`Ivoire. Déjà, on n`identifie pas les étrangers, membres de la Cedeao. On n`identifie pas les jeunes qui ont moins de 16 ans. Or, vous le savez, 70% de la population ivoirienne a moins de 30 ans. C`est une population jeune. Je trouve que c`est un bon chiffre, mais ce n`est pas un chiffre qui peut nous autoriser à oublier les autres, les 2 millions qui restent. C`est un bon chiffre, un bon outil de travail. Je crois que par moments, nous avons sous-estimé la lourdeur du travail, mais, maintenant que nous y sommes, nous allons continuer. Je pense que c`est un bon chiffre. Je tire le chapeau à la Cei, mais surtout à toutes les structures qui travaillent sous sa coordination et qui sont engagées dans cette opération-là.
M. Le Président, doit-on obligatoirement aller à 8 millions ?
Ce n`est pas qu`on doive forcément aller à 8 millions. La Cei, avant de commencer l`opération, a fait une estimation qui prend en compte 8 millions de personnes qui doivent aller à l`identification. On ne les a pas encore atteints. Mais, je dois vous dire une chose. Pourquoi, cette opération d`identification doit prendre le maximum de personnes ? J`entends des gens dire qu`on peut sauter des noms. Non ! Ceux qui ne seront pas identifiés, ce sont ceux qu`on n`aura pas vus. Malheureusement, il y a certain qu`on peut ne pas voir. Mais, on ne peut pas avoir fait une guerre contre l`exclusion, et puis, décider, au niveau de l`Etat, de l`exclusion d`un certain nombre de personnes à ne pas identifier. Je crois que ce ne serait pas logique.
Par ailleurs, pour cette opération-ci, ceux qui seront identifiés, comme ivoiriens, recevront en même temps, leur Carte nationale d`identité. Donc, même si le vote ne vous intéresse pas, parce que n`étant pas obligatoire en Côte d`Ivoire, il faut que vous ayiez votre papier d`identité au moins. Pour cela, il est bon que l`Etat de Côte d`Ivoire, identifie au maximum.
Ne pensez-vous pas qu`il y a beaucoup trop de lenteur ?
Oui, il y a de la lenteur. C`est pourquoi, je vous disais tout à l`heure que nous avons sous-estimé la lourdeur de l`opération. Je ne voudrais pas faire revenir le vieux débat, mais, sentant cela, j`avais dit au départ, avant même le début de l`opération, qu`il ne fallait pas qu`on choisisse l`option dans laquelle nous sommes. Qu`il fallait qu`on confie aux préfets et aux sous-préfets, le soin de corriger les listes de 2000, de les mettre à jour, pour nous permettre de faire les élections. Je pense qu`on aurait fait les élections à la fin 2007. Et puis, après les élections, on aurait pu faire maintenant, l`identification lourde telle que nous la faisons. Mais, je n`ai pas eu gain de cause et beaucoup de personnes ont cru que je voulais éviter l`identification qui allait m`être préjudiciable. Donc, j`ai lâché prise. On y est, et on va continuer.
Excellence, tout à l`heure vous avez parlé d`exclusion. Il y a certains ivoiriens qui n`ont pas encore leurs papiers ; je veux parler de la reconstitution des registres de l`état-civil. Où en est-on avec cette opération ?
Le ministre de la Justice que j`ai interrogé, m`a donné des explications. Je ne suis pas compétent pour vous les répéter, parce qu`elles sont trop techniques, mais on y travaille. Nous dégageons les fonds, les gens sont à pied d`œuvre, ils travaillent, mais, je ne peux pas entrer dans les détails techniques. Le ministre de la Justice m`a confirmé qu`on y travaille et que tout sera fin prêt.
Va-t-on aller aux élections sans ces personnes-là, si l`on n`est pas prêt ?
Pourquoi dites-vous, "si on n`est pas prêt" ? Le ministre de la Justice qui s`en occupe dit qu`on sera prêt. Moi, je le crois.
Monsieur le Président, quelle est la priorité pour vous ? L`identification ? Les élections ?
Ce sont les élections, naturellement. Mais, pourquoi voulez-vous qu`on aille aux élections sans avoir terminé l`identification ? L`identification est la porte pour aller aux élections. Si elle n`est pas importante, pourquoi l`avoir faite ?
Mon confrère voulait plutôt parler de la hiérarchisation et non…
Quand nous parlons d`élection, nous parlons d`identification qui conduit à celle-ci. Nous ne pouvons pas aujourd`hui, parler d`élection sans parler d`identification. Je suis heureux de voir le bout du tunnel, aujourd`hui, et de voir que l`identification avance et qu`elle sera terminée très bientôt. Il ne faut jamais séparer les deux, Madame ! L`identification, c`est pour aller aux élections, mais, c`est aussi pour avoir les cartes d`identité.
Monsieur le Président de la République, vous l`avez dit tout à l`heure, les élections auront lieu en 2009. A quelle date ?
Ecoutez, la date est fixée par décret, et c`est moi qui signe le décret. J`ai discuté avec le Premier ministre, avec l`équipe de la Cei, nous nous donnons encore quelque temps parce que nous allons terminer, bientôt, les opérations d`identification. Il faut 6 semaines pour les croisements avec les fichiers historiques, parce qu`il faut vérifier sur les listings. Après cela, la date sera fixée. Même avant les croisements, on peut fixer la date des élections. Moi, je crois que ce sera soit en octobre, soit en novembre ; mais cela se fera.
Cela se fera, mais Monsieur le Président, pourquoi a-t-on tant de mal à fixer une date de l`élection présidentielle?
Nous avons du mal à fixer cette date, parce que tout est déglingué. Quand il n`y avait pas eu la guerre, c`était facile. La Constitution indique que, les élections ont lieu le dernier dimanche du mois d`octobre qui est dans la 5e année du Président en exercice. C`était presqu`automatique. Mais là, tout a été déglingué, parce qu`il y a eu la guerre. Le Président est donc resté en exercice selon l`Article 38 de la Constitution. On a décidé de tout reprendre à zéro au niveau de l`identification. On pouvait ne pas le faire, mais on a décidé de le faire. On ne peut pas entreprendre l`identification, une opération aussi lourde et aussi chère que celle-là, et tout abandonner pour avoir des élections qui seront plus bâclées encore que celles que nous avons connues. On ne peut pas se permettre des élections bâclées cette année, parce que les mêmes causes produisant les mêmes effets, si les élections de cette année sont bâclées volontairement, nous serons alors responsables des crises qui s`en suivront. Nous n`avons donc pas de mal à fixer de date, mais nous sommes prudents. Si je l`avais voulu, j`aurais déjà signé un décret les concernant. Mais, rappelez-vous, j`ai déjà signé un décret en 2005, comme s`il n`y avait pas de guerre, portant la date électorale au dernier dimanche du mois d`octobre 2005. A quoi ce décret a-t-il servi ? A rien du tout ! J`ai signé un autre décret pour le 30 novembre 2008. A quoi a-t-il encore servi ? A rien du tout ! Je ne veux pas signer un troisième décret qui ne serve à rien du tout. Je veux que ce troisième décret serve à faire effectivement les élections. C`est pourquoi, nous sommes prudents. D`ici mai ou juin, le décret sera signé.
M. le Président, vous parlez de prudence, c`est vrai. C`est la Cei qui est sur le terrain et c`est cette même Institution qui vous a fait une proposition de date. Pourquoi ne pas l`entériner ?
Madame, je vous ai dit que la Cei fait des estimations. Et aujourd`hui, nous avons déjà eu trois estimations. Sur quoi vais-je fixer la date ?
Sur la meilleure des estimations.
J`attends cette meilleure estimation. J`ai dit qu`elle a déjà fait une estimation dont j`ai le tableau ici. Elle a déjà fait une autre estimation sur le 11 octobre, et une autre sur le 18 octobre. Madame, je ne suis pas un Notaire. Je suis le chef de l`Etat, Président de la République de Côte d`Ivoire. Je veux dire, quand je vois qu`on fait des estimations, mon rôle c`est d`encourager ceux qui travaillent. Et une fois qu`on est sûr que cette fois-ci ça y est, alors, je signe. Mais je ne suis pas un Notaire qui signe ce que le client lui dit.
Ma responsabilité, elle est grande dans cette affaire aussi. Je ne veux plus signer un troisième décret qui serve à zéro. Je veux signer un troisième décret qui appelle effectivement les électeurs aux urnes. Et nous sommes en contact, les trois Institutions, à savoir, la Cei, la Primature et la présidence de la République. Nous travaillons. En mai ou en juin, la date des élections sera fixée, parce que nous serons assurés que cette date sera respectée.
M. le Président, pour mieux comprendre, lorsque la Cei vous propose une date, avez-vous la latitude de dire qu`elle n`est pas bonne ou s`impose-t-elle à vous ?
Comme pour tout ce que je signe, les décrets, les propositions de lois, les arrêtés, ce sont les autres, les ministres, les Chefs d`Institutions, qui me font des propositions. Je vous ai dit que je ne suis pas un Notaire. J`ai ma part de responsabilité dans cette affaire. J`ai appelé la Cei, la Primature, nous y avons travaillé, il y a quelques minutes, avant de venir sur ce plateau, j`ai encore eu le Premier ministre. Hier, j`ai eu le Président de la Cei. Nous travaillons de concert. Il nous faut donner une date où nous sommes sûrs, nous tous, que les élections vont effectivement avoir lieu. Et nous le ferons.
M. le Président, pensez-vous aujourd`hui, que les conditions sont réunies pour qu`on aille aux élections ? Qu`est-ce qui vous rend confiant ?
Qu`appelez-vous conditions ?
Pensez-vous, lorsque vous regardez la situation, qu`on doit aller aux élections en 2009 ? Parce que vous n`avez pas dit 2008, 2010, vous avez dit 2009.
J`ai dit 2009.
Pensez-vous que les éléments sont réunis ?
Le seul élément vraiment handicapant, c`était l`identification. Or, je suis en train de vous dire que l`identification est vraiment bien partie et que nous verrons le bout du tunnel, d`ici un ou deux mois. On n`attend que les élections. Quel est le sens de la Constitution ?
L`Article 38 de la Constitution dit qu`en cas d`évènement majeur, coupant le pays et entravant la tenue d`élections, le Président de la République reste en poste. Le sens de cette phrase, c`est que quand il reste en poste, il reste en poste en vue des élections ! C`est-à-dire que le seul objectif, c`est de faire d`autres élections ; il n` y en a pas d`autres. Si, aujourd`hui, je suis Président de la République encore, le seul objectif que nous attendons, c`est de faire des élections. Nous n`avons pas un deuxième objectif. C`est pourquoi, je vous dis qu`il faut que cette fois-ci, la date que nous allons édicter par décret, soit la bonne. Je suis confiant, parce que d`ici un ou deux mois, on aura fixé la date.
M. le Président, vous avez dit que le Président reste en place. Depuis que vous avez prêté serment jusqu`à maintenant, pensez- vous que vous êtes en train de faire un seul mandat ?
Je suis en train de faire un seul mandat
Même plus long que 5 ans ?
Ah, oui ! C`est constitutionnel. Je ne fais jamais ce qui n`est pas constitutionnel. Relisez l`Article 38 de la Constitution. Relisez-le ou invitez sur votre plateau, des juristes pour le commenter. Cet Article-là, c`est le Président Bédié, qui, après le ``boycott actif``, l`avait introduit. J`étais encore Député et j`avais voté contre à l`Assemblée. Et l`année d`après, cette loi est devenue une loi constitutionnelle, c`est-à-dire, votée et intégrée à la Constitution. C`est donc une mesure constitutionnelle que j`applique.
M. le Président, on fera les élections, cette année ; c`est votre souhait. Mais le tout n`est pas d`aller aux élections, il faut avoir des élections transparentes, fiables. Les conditions sont-elles réunies pour des élections incontestées ?
Oui, Madame ! Vous savez, avec les élections de 2000, on avait crié à l`exclusion de certains candidats, notamment le Président du Rdr, le Président Bédié. Vous savez ce que j`ai fait Madame ? Je me suis appuyé sur l`Article 48 de la Constitution, qui me donne des pouvoirs exceptionnels quand il y a une crise. Ainsi, j`ai déclaré que tous ceux qui étaient à Marcoussis, peuvent être candidats s`ils le souhaitent. Donc ces mesures discriminatoires n`existent plus. Tout le monde pourra donc se présenter. C`est déjà un obstacle en moins. La sécurité sera garantie. Je viens d`avoir le Premier ministre. Nous avons dégagé un Corps de 8000 hommes à répartir sur l`ensemble du territoire. 2000 gendarmes, 2000 policiers et 4000 Fafn (NDLR : Forces Armées des Forces nouvelles). Nous avions quelques petits problèmes de voitures pour pouvoir les emmener dans leurs lieux de travail. Aujourd`hui même, à l`heure où je vous parle, les Officiers sont en train d`affecter nominalement tous ces 8000 hommes dans des circonscriptions. Ils sont en train de faire les affectations nominales, et nous les accompagnerons dans leurs lieux de travail. A partir de ce moment-là, la sécurité sera garantie. Après cela, nous allons remettre tout le pouvoir aux préfets, y compris le pouvoir sécuritaire qui est un attribut ordinaire du préfet. Et après quoi, je vais installer les Douaniers et les postes de douanes.
Monsieur le Président, il y a les textes qui existent, et la réalité qui s`impose souvent à nous. Aujourd`hui, il y deux positions très tranchées : Il y a une position qui dit "les élections d`abord, le désarmement après ", et l`autre qui dit "le désarmement, et les élections après". Comment allez-vous réussir à concilier ces deux positions sans frustrer qui que ce soit ?
La loi.
La loi existe mais on est obligé de faire parfois sans la loi.
Il faut revenir à la loi. Vous savez, au plus fort de la crise, j`ai toujours dit : "la Côte d`Ivoire fera la paix dans les conditions de sa propre Constitution". On ne nous a pas obligés à avoir cette Constitution, ces lois. Donc, c`est la loi, ce sont les Accords. Les Accords disent, et le bon sens aussi dit très clairement que, le désarmement aura lieu avant les élections. Pourquoi voulez-vous qu`on fasse autre chose. Non seulement les Accords le disent, les textes le disent, mais les textes traduisent en cela, le bon sens citoyen. Donc, c`est ce qui se fera.
Vous avez annoncé la présidentielle dans 6 mois à peu près ; mais le désarmement n`a pas encore commencé..
Tout à l`heure, je vous ai parlé des 8000 hommes à déployer. On le fera à partir du 5 mai. Le désarmement, qu`est-ce que c`est ? Quand on aura fait cela et comme le texte le dit aussi, les autres ex-combattants, viendront dans 4 villes ou bien dans 4 camps. En tout cas, ces camps sont dans 4 villes : Bouaké, Man, Séguéla et Korhogo. C`est là qu`ils vont être concentrés. Et, en entrant dans le camp, ils laissent tomber leurs fusils. C`est cela le désarmement. C`est écrit.
Je pense qu`en Côte d`Ivoire, on ne lit pas souvent les textes. Donc, les gens ont des paniques. Sur cela, il y a une lenteur, mais je dis que nous sommes en train de la rattraper ; et aujourd`hui même, les Officiers sont en train de se réunir pour faire les affectations nominales des 8000 hommes dans les différents endroits. Après quoi, on fera venir les autres, qui ne sont pas concernés, dans les camps, et leurs fusils seront déposés.
Est-ce que le déploiement des 8.000 hommes sur l`étendue du territoire, est le début de la nouvelle armée ?
On peut le dire. Mais, ce déploiement répond d`abord et avant tout à un souci sécuritaire, du moment et des lieux.
En réalité, je ne souhaite pas qu`on dise que c`est le début de la nouvelle Armée. Parce qu`une Armée se construit avec des critères ; de plus, on ne forme pas une Armée avec des Policiers et des Gendarmes ! Donc, c`est pour cela que je ne parle pas de nouvelle Armée.
Mais, que vont devenir ces hommes après les élections ?
Madame, depuis 1945, il y a des élections en Côte d`Ivoire. Chaque fois qu`il y a des élections, on affecte des gens pour la sécurité et puis après, ils retournent dans leurs Corps d`origine. C`est donc ce qui va se faire.
Est-ce que vous pensez que les Ivoiriens sont prêts à accepter les éléments des Forces nouvelles sur l`autre partie du territoire ?
Il y en a qui sont déjà venus ici. Ce n`est pas la première fois. Même si les Ivoiriens n`ouvrent pas souvent bien les yeux, mais nous en avons déjà fait venir ici.
Peut- être qu`ils ne le savent pas aussi ?
Mais, ce n`est pas de ma faute ! Sinon, nous les avons déjà fait venir à d`autres occasions. Ils sont restés ici 1 ou 2 semaines, puis, ils sont repartis. Je voudrais aussi préciser qu`il y a des éléments des Fanci (Ndlr : Forces Armées nationales de Côte d`Ivoire) qui sont le long de la frontière guinéenne à Danané, Man, Touba, Odienné, avec ceux des Forces nouvelles. Et cela ne pose aucun problème.
Vous êtes confiant ?
Oui ! Je constate que depuis qu`il ya eu le changement de régime en Guinée, nous avons déployé les soldats des Fanci le long de la frontière guinéenne. Ils ont été rejoints par leurs frères d`armes des Fafn (Ndlr : Forces armées des forces nouvelles) et ils vivent tranquillement, ensemble, depuis des mois, sans problèmes. Pour moi, c`est une expérience grandeur nature.
Où en est- on avec la démobilisation des ex- combattants et quelle est aujourd`hui, la situation des miliciens ? Des promesses ont été faites autrefois, et jusque- là, rien n`a encore changé !
Non ! Vous ne pouvez pas dire cela! Aujourd`hui, vous pouvez aller à Ferkessédougou, Odienné, Bouna et en revenir. Vous pouvez même y dormir. Donc, on ne peut pas dire rien n`a changé ! J`aimerais que les Ivoiriens nous donnent acte de ce qui se fait. J`ai été à Lamékaha, dans le village de mon Photographe, dans la région de Korhogo. C`est un village lointain, mais, j`y ai mangé. Vous comprenez donc que ce qu`on fait aujourd`hui, on ne le faisait pas hier ! Des choses ont changé. Bien entendu, des choses restent à parfaire. Et nous y travaillons. Le déploiement des 8.000 hommes tend à accepter la situation sécuritaire. Quand nous l`aurons achevé, nous allons faire le point pour savoir si la situation s`est améliorée ou pas. Des choses restent donc à parfaire. Mais, on ne peut pas dire que rien n`a changé.
Toujours sur les ex- combattants, certains se sont attribué eux-mêmes des grades. Est-ce que, Monsieur le Président de la République, ceux-là conservent ces grades pour de bon ?
Non. Pour moi, ce n`est pas un problème important. Jai toujours dit que ce n`était pas un problème important. On voit ce genre de problème dans toutes les luttes. Mais, ce que je veux dire, c`est que l`Accord 4 de Ouagadougou a été clair. Dès les élections, ils vont perdre ces grades. C`est ce qu`on a appelé des grades à titre opérationnel. Il faut appliquer les Accords ; il faut appliquer la parole qu`on a donnée.
Monsieur le Président de la République, est-ce qu`aujourd`hui, les ex- combattants sont dans les dispositions pour désarmer ?
Tout ce que je vous dis sur eux, c`est d`eux que je le tiens. Mais, sachez que les difficultés que l`on peut avoir sur ce point-là, sont des difficultés d`ordre politique. Vous ne trouverez pas des gens qui ont pris des armes, qui ont conquis des positions, et qui laissent du jour au lendemain ces armes-là, de gaieté de cœur. Je n`ai jamais vu cela. Aujourd`hui, par exemple, en Guinée-Bissau, on vit encore au rythme des convulsions de ce qui reste de la guerre de libération nationale. En Rdc, on a vécu récemment la rébellion de Laurent Nkunda, à l`Est, au rythme des convulsions de ce qui reste de la guerre civile. Donc, quand il y a une guerre, elle laisse des traces et il faut du temps pour les guérir.
La décision est prise, avec le Secrétaire général des Forces nouvelles, qui se trouve être le Premier ministre, qu`aujourd`hui, il n`y a pas un problème politique entre la Direction des Forces nouvelles et l`Etat. Il n`y en a pas. Il y a, ici et là, des gens qui ne sont pas très contents, mais, on avance. Et on avance même très bien.
Monsieur le Président, vous avez dit qu`on peut aller à Korhogo et en revenir. Vous avez parlé de l`Autorité de l`Etat. Mais, la vérité, c`est que les préfets et sous- préfets qui vous représentent dans ces zones-là, sont sous les ordres des ``Com`zones`` (Ndlr : Commandant militaire des zones des Forces nouvelles). C`est une réalité !
Ils ne sont pas sous les ordres des ``Com`zones``. Ils sont à côté. On assiste à un pouvoir bicéphale dans chaque Département, aujourd`hui. Mais, ce bicéphalisme est inacceptable, dans le cadre de la réunification. Mais, les préfets ne travaillent pas sous les ordres des ``Com`zones``. Il y a les pouvoirs des préfets, et il y a ceux des ``Com`zones``. Le déploiement des 8.000 hommes, c`est pour mettre fin aux pouvoirs des ``Com`zones``. On avance donc ; et le 5 mai, ce sera effectif. Après le déploiement de ces hommes, le Premier ministre ira ensuite passer le pouvoir aux préfets, et ce sera fini.
Mais cela dit, ce que je voudrais également dire, c`est que le fait que les préfets soient déjà présents dans ces zones, est en soi, déjà très important. Parce qu`avant, ce n`était pas le cas. Ils y vivent déjà normalement depuis des mois. Ils y ont des bureaux et travaillent. C`est un fait important !
Mais, pour le moment, il y a effectivement un bicéphalisme, qu`il nous faut corriger. Ce sera fait à partir du 5 mai.
C`est vrai que les préfets sont déjà dans ces zones. Mais, ils y vivent dans des conditions quelque peu difficiles. En même temps qu`on demande aux gens d`y aller, il y a que des résidences ne sont pas encore prêtes ; en somme, les conditions ne sont pas véritablement réunies pour les accueillir ?
Mais, vous parlez-là, des problèmes matériels. Ce ne sont pas des problèmes politiques. Les problèmes matériels se règlent progressivement. Il y a 6 mois, j`ai vu un préfet qui dormait dans une petite pièce qui lui servait en même temps de bureau. Mais, aujourd`hui, il a sa résidence et son bureau. Je voudrais, du reste, profiter de votre question, Madame, pour dire que les préfets ont été héroïques. Ils sont partis, ils ont affronté des situations difficiles au plan matériel (pas de maison, pas de bureaux…), mais, ils y sont restés. On n`a pas enregistré de démission de préfet. A ce niveau, on peut dire que le Corps préfectoral a été le premier à semer les germes du retour de l`Etat. Je voudrais ici, profiter de votre antenne, pour leur rendre un vibrant hommage. Cela dit, les problèmes matériels sont liés essentiellement aux difficultés financières. Maintenant que nous sommes un peu plus ``liquide``, nous repartons. Mais, ce ne sont pas là, des problèmes politiques. Ce n`est pas du refus. Nous réglons les problèmes progressivement. Il y a beaucoup de sous-préfets qui ont reçu leur voiture. Nous avançons.
Une autre préoccupation Monsieur le Président. Comment l`on va intégrer ou réintégrer les Agents qui, sur le terrain, ont travaillé pour les Forces nouvelles, dans la Fonction publique ? Ils étaient particulièrement nombreux dans les régies financières.
Pour ce qui est des régies financières, l`on ne m`a pas encore soumis de dossier. Par contre, j`ai été saisi du cas des Enseignants volontaires et du dossier de ceux qui ont animé les centres de santé. J`ai donné mon accord pour qu`on les intègre à la Fonction publique. Parce que je pense qu`il n`est pas normal que ceux qui ont fait vivre l`école, qui ont fait que les enfants n`ont pas perdu 6 à 7 ans de scolarité, soient jetés à la rue, après qu`ils ont rendu ce service à la Nation ivoirienne. Donc, j`ai donné mon accord, pour ceux-là. Tout comme pour les animateurs des centres de santé. Bien sûr, il s`agit de ceux qui ont le niveau requis.
Au plan budgétaire, cela ne pose pas de problème ?
Oui, cela peut se régler. J`ai donné mon accord.
Monsieur le Président, depuis le début de l`émission, vous avez annoncé plusieurs choses. Mais, depuis la signature de l`Accord Politique de Ouagadougou, le désarmement n`est pas encore une réalité ; le redéploiement de l`Administration non plus n`est véritablement une réalité sur le terrain ; les postes de douanes ne sont pas encore installés ; idem pour la Gendarmerie mixte. C`est au vu de tout cela que l`on dit que l`Accord Politique de Ouagadougou a échoué. Que répondez-vous ?
Non ! Ceux qui disent cela font de la politique. Je constate qu`aujourd`hui, il y en a un qui est en zone ex- rebelle et qui est en train d`y faire des meetings. Si on n`avançait pas et que l`Accord Politique de Ouagadoudou avait échoué, il ne serait pas en train de parler à Bouna. D`autres vont également à Bouaké, à Katiola, etc. Bref, l`Accord Politique de Ouagadougou marche.
Je m`excuse, mais au temps où Seydou Diarra et Charles Konan Banny, qui sont tous les deux mes amis, étaient Premiers ministres, on n`allait pas faire des meetings à Bouna, ni à Bouaké, à Mankono, encore moins à Séguéla. Aujourd`hui, on y est. Cela veut dire que cela marche ! Il ne faut pas demander aux autres ce qu`on ne peut pas faire soi-même. C`est vrai, on y va lentement, mais, on y va quand même. Madame, l`accord politique de Ouagadougou marche.
On parle beaucoup d`argent dans le financement de la sortie de crise. Est-ce qu`il y a de l`argent pour financer cette sortie de crise. Et puis, quels sont ceux qui apportent ce financement ?
C`est la Côte d`Ivoire qui finance, principalement. Voyez- vous, ces derniers temps, nous avons eu beaucoup de difficultés. Parce que, comme je l`ai expliqué, après la réunion du Conseil d`Administration de la Banque mondiale, qui, elle- même, a suivi celle du Conseil d`Administration du Fonds monétaire international, sur notre admission à l`initiative Ppte (Ndlr : Pays pauvres très endetté), j`ai décidé, avant même les élections, que nous nous inscrivions dans le cadre de cette initiative. Sinon, nous sortirions de la crise, et nous nous retrouverions devant un mur ; nous n`aurions pas d`argent. Et le pays n`aurait pas pris son envol. J`ai trouvé un endettement trop lourd. Donc, dès que j`ai été élu, en 2001, notre première grande opération, a été de lutter pour avoir l`initiative Ppte. On avait eu le Frpc (Ndlr : Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance), en 2002. On attendait l`initiative Ppte en 2003, quand la guerre a éclaté. Donc, tout cela a été suspendu. Nous avons eu des difficultés, parce que nous avons dû rembourser à la Banque mondiale 118 milliards de F cfa et 100 milliards de F cfa à la Banque africaine de développement (Bad).
Cependant, pour 2009, nous avons inscrit au budget pour la sortie de crise, 118 milliards de F cfa sur le compte de la Côte d`Ivoire. Les Puissances et Institutions étrangères ont promis de nous aider. Celle qui veut bien nous aider sera la bienvenue. Mais, pour le moment, je constate qu`elles n`ont donné que 5 milliards de F cfa.
Monsieur le Président, sur ces 118 milliards de F cfa, la Côte d`Ivoire, elle-même donne combien ?
Je suis en train de vous dire que c`est 118 milliards de F cfa que la Côte d`Ivoire compte donner dans le cadre du budget 2009.
Donc, aujourd`hui, on peut dire que la Côte d`Ivoire a les moyens de financer le processus de sortie de crise.
Mais, on est bien obligé ! Parce que le processus de sortie de crise est d`abord et avant tout, notre affaire. Je dis toujours aux Ivoiriens qu`il ne faut pas considérer que ce qu`on fait, on le fait pour les autres ! Nous le faisons d`abord pour nous. Donc, même si c`est difficile, nous devons trouver l`argent pour le faire. Parce que c`est notre affaire.
Regardez un peu ce qui se passe dans le monde. Je regarde les pays du tiers- monde qui sont tout le temps en train de demander de l`aide aux pays développés. Et ces derniers répondent invariablement par la négative, aux prétextes qu`eux-mêmes ont des difficultés, ou que nous gouvernons mal, etc. Ce sont des réponses un peu désobligeantes. Mais, quand ils (les pays développés) ont eu leurs crises, l`Amérique a débloqué 800 milliards de dollars, l`Union européenne a débloqué 760 milliards d`Euros ! Vous devez donc comprendre que ce que nous faisons, nous le faisons pour nous. Tout comme ce qu`ils font, ils le font pour eux. Il ne faut pas avoir peur d`être en première ligne. Ce que nous allons gagner, nous allons le mettre dans la sortie de crise. Parce que pour nous, cela est important. La sortie de crise est primordiale. Si nous voulons revivre, alors, la sortie de crise est primordiale.
Monsieur le Président, l`unicité des caisses de l`Etat a été lancée, il y a longtemps. Mais, sur le terrain, c`est loin d`être une réalité ?
Mais, c`est de tout cela que nous parlons, quand nous parlons de la réunification du pays ! Dès l`instant où il n`y a pas de Force à la disposition des préfets, ceux-ci n`ont pas tous les pouvoirs. Nous allons mettre, à partir du 5 mai, des Forces à leur disposition. Quand cela sera fait, nous allons installer les postes de douane. Si quelqu`un est Chef, mais qu`il n`a pas le pouvoir de faire appliquer les décisions qu`il prend, il n`est pas une autorité. Donc, l`unicité des caisses ne peut pas être effective, s`il n`y a pas dans les mains des préfets, les moyens de rétorsion.
Cela veut dire que cette situation va continuer et qu`on ne pourra pas logiquement lever les impôts dans la zone Cno (Ndlr : Centre, Nord et Ouest), comme cela avait été dit officiellement ?
Je vous dis qu`on va le faire à partir du 5 mai, c`est-à-dire, dans quelques jours. Donc, si on le fait, c`est le temps que cela va mettre. Mais, si on le fait, on lèvera les impôts. Déjà, les gens commencent à payer l`électricité et l`eau. On grogne un peu. Parce que quelqu`un qui n`a pas payé l`électricité depuis 7 ans, ça lui fait mal de le faire maintenant.
En tout état de cause, le pays va être réunifié totalement. Cela veut dire que tous les citoyens seront soumis aux mêmes charges et auront aussi les mêmes avantages.
Un détail avant de continuer. Est- ce vrai que la Communauté internationale refuse de financer le volet défense ?
De toutes les façons, il ne faudrait jamais confier à autrui, le soin de financer votre propre défense. Cela ne se fait pas ! Ce sont des règles élémentaires de gouvernance. Tu ne peux pas demander à quelqu`un de financer ta défense. En 2002, quand il y a eu la crise et que j`ai demandé aux Français de venir nous aider conformément à l`Accord de défense qui nous régit, ils ont dit que cela ne les regardait pas. Donc, c`est une raison de plus. Je refuse que quelqu`un vienne financer ma défense.
Monsieur le Président, nous allons changer de sujet pour parler Economie. Est- ce qu`aujourd`hui, le Ppte est un motif de fierté pour la Côte d`Ivoire ?
Bien sûr. J`entends des commentaires assez désobligeants. Mais, ceux-là, ils ne savent pas grand-chose. Je vais vous expliquer. Notre pays était classé parmi les pays à revenu intermédiaire. Et ce pays s`est surendetté. Je vous ai dit qu`en 1996, on a atteint un niveau d`endettement de 8.000 milliards de F CFA. Mais, ce n`est pas le plus important. Le plus important, c`est que cela équivalait à 136% de notre Pib (Ndlr : Produit Intérieur Brut). Ce qui veut dire que quand la Côte d`Ivoire produit 100 F cfa, non seulement elle prend toute cette somme pour la donner à qui elle doit, mais elle est obligée d`emprunter encore 36% pour compléter. Quand je suis arrivé au pouvoir, j`ai trouvé 6700 milliards de F cfa de dette, correspondant à peu près à 80% de notre Pib. Ce qui fait que quand nous produisons 100 Fcfa, nous sommes obligés de donner 80 F cfa à l`extérieur. C`est cela qui a handicapé la Côte d`Ivoire. Il fallait s`y attaquer. Et c`est ce que j`ai fait.
Maintenant, qu`est- ce qui vient de se passer ? C`est le point de décision. Le point de décision ne veut pas dire que les gens vous donnent de l`argent !
Et pourtant, Monsieur le Président, on a eu l`impression que toutes les dettes de la Côte d`Ivoire seraient épongées !
Oui, c`est cela l`objectif. Mais, nous n`en sommes pas encore là. Le point de décision, c`est comme quand on annonce à quelqu`un que son enfant est admis pour passer en classe de Terminale. Il était en Première, et il passe en Terminale. Naturellement, ce père de famille est content. Mais, cela veut dire que pendant un an, cet enfant doit encore travailler pour avoir le Baccalauréat. Parce que l`objectif, ce n`est pas d`être en Terminale, mais d`avoir le Baccalauréat. Le Baccalauréat constitue donc le point d`achèvement. Donc, nous sommes admis à travailler pour avoir le Baccalauréat, c`est-à- dire, pour avoir le point d`achèvement. C`est au point d`achèvement qu`on vous dit que votre dette est réduite dans telle proportion. Mais, pendant ce temps, qu`est- ce qu`il faut faire ? Moi, j`ai des réformes à parachever : la réforme de la filière café- cacao, du secteur pétrolier, de l`électricité, etc. Nous avons des grands secteurs à reformer. Nous devons discuter avec le club de Paris pour la dette publique, et avec le club de Londres, pour la dette privée. C`est quand tout cela sera achevé et qu`il marchera bien, qu`on dira qu`on a atteint le point d`achèvement.
Il y a un pays qui est dans la même situation que le nôtre. Sa dette lui a été réduite jusqu`à 85%. J`aimerais tellement être dans cette situation.
Monsieur le Président, le fait que la Côte d`Ivoire soit un Pays pauvre très endetté, veut-il dire que notre pays traverse une crise ?
Ah, non ! Je vous ai dit que quand je suis arrivé en 2000 (j`ai prêté serment le 26 octobre, les élections ayant eu lieu le 22 octobre), l`un des premiers chiffres que j`ai demandés, c`est celui de l`endettement. Et puis, relisez tous mes discours. Déjà, en 1990, à cette époque-là , nous étions très endettés. 1996, 1998, nous étions déjà très endettés. Ce n`est pas la crise qui a fait qu`on est endetté. Nous sommes endettés depuis longtemps. Mais, il faut maintenant faire une politique de désendettement. C`est ce que je suis en train de faire.
Pour que la Côte d`Ivoire soit juste un pays pauvre, ou très endetté ou encore juste endetté?
Madame, je ne vous comprends pas. Quel est le problème ?
Quand on est très endetté, on perd une partie de notre indépendance, notamment l`indépendance économique.
Moi, je n`y peux rien ! J`ai trouvé le pays très endetté. Je suis en train de faire en sorte qu`on soit moins endetté.
Après le point d`achèvement, que va-t-il se passer ? La Côte d`Ivoire ne sera-t-elle plus un pays pauvre ?
Madame, on voit que vous n`êtes pas à ma place. J`arrive au pouvoir, et je trouve un pays qui ne peut pas faire de grands progrès, parce qu`il est très endetté. L`expression Ppte a été inventée au début des années 1990, par les Institutions de Bretton Woods. Elle a été inventée pour la Côte d`Ivoire et l`Argentine, qui étaient des pays du tiers monde, avec beaucoup de potentialités, et qui malheureusement, s`étaient fourvoyés dans un endettement énorme.
C`est pour résoudre ces cas-là que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont créé cette expression ; l`Argentine a connu des fortunes diverses. Et chez nous, avec la crise, cela n`a pu être possible. Aujourd`hui, nous sommes sur le bon chemin. Nous allons effacer notre endettement et reprendre notre place de pays à revenu intermédiaire. C`est ce que je recherche. Avec cela, nous allons devenir un peu plus indépendants ! Parce que quand on doit moins, on est beaucoup plus indépendant. C`est pourquoi, nous nous battons en même temps, pour avoir des ressources minières, et du pétrole […].
C`est rassurant Monsieur le Président ?
Oui, il ne faut pas nous laisser déstabiliser par l`expression Ppte. Vous savez, pour ceux qui ont créé cette expression, nous sommes après tout, des pays pauvres.
Monsieur le Président, est-ce que le fait que la Côte d`Ivoire soit admise à l`initiative Ppte, est à 100% bénéfique pour le pays ? Est-ce qu`il n`y a pas un non-dit ?
Non. Moi, je n`ai aucun intérêt à cacher quoi que ce soit à la Côte d`Ivoire. Qu`est ce que vous voulez que je cache ? Un pays ne peut pas vivre avec ce taux d`endettement. Nous ne pouvons pas entreprendre un programme de développement avec ce niveau d`endettement, 80% du Pib. C`est impossible. Depuis 2002, nous avons entrepris cette politique. Nous avons eu le Frpc en 2002, et nous attendions le point de décision en 2003. Malheureusement, la guerre est survenue. C`est ainsi qu`en septembre 2002, nos partenaires ont tout laissé tomber. Aujourd`hui, nous reprenons. S`ils reviennent, c`est qu`ils ont confiance. Il n`y a pas de non-dit. Le non-dit, c`est que la Côte d`Ivoire doit retrouver sa place de pays à revenu intermédiaire. Elle doit retrouver son indépendance.
Monsieur le Président, que doit-on retenir de cet échange. Et puis, qu`est-ce que les ivoiriens doivent désormais rejeter ?
Les Ivoiriens doivent rejeter tous les ragots politiciens qui ne s`appuient sur rien. Je puis leur dire, parce que j`en ai eu l`assurance, qu`ils peuvent s`adresser, organisés ou pas, à la Cei, pour demander n`importe quel renseignement, ou document. Au lieu d`aller se perdre à écouter des ragots qui sont démobilisateurs.
Ils peuvent aussi aller à la Primature, pour ce qui concerne la sécurisation du processus. Je crois qu`elle a un service pour cela.
A la présidence de la République, les Ivoiriens peuvent aussi venir demander toutes les informations au Service du porte-parole. C`est la démarche qu`il faut avoir, et rejeter tous les ragots qu`on retrouve hélas souvent aussi dans les journaux.
Maintenant, il faut que l`opération de sécurisation commence le 5 mai. Les préfets auront l`entièreté de leurs pouvoirs et après cela, nous allons installer les postes de douane et d`impôts, qu`on a du reste, déjà commencé à faire fonctionner.
Les Ivoiriens doivent aussi retenir que les élections auront lieu en 2009. Je pense que ce sera en octobre. Mais, si cela n`est pas possible, ce sera en novembre. J`attends encore que la Cei avance dans ses travaux, avant de prendre un décret appelant aux urnes. Voici les 3 choses qu`il faut retenir.
Source : cotedivoirepr.ci
Photos : Yanez Dessouza
Monsieur le Président, beaucoup a été dit et beaucoup a été fait…
Excusez-moi, je voudrais d`abord dire, après votre introduction, que la dernière fois qu`on a eu des élections en Côte d`Ivoire, ce n`est pas en 2000, mais plutôt en juillet 2002. Parce qu`en 2000, nous avons eu l`élection présidentielle. Mais, nous avons eu également une partie des élections législatives en 2000, et une autre partie en 2001. Puis, après, il y a eu les élections municipales, toujours en 2001, et les élections départementales en juillet 2002. Il faudrait le dire pour que la vérité soit rétablie.
Vous avez dit constitutionnellement, les élections, ce n`était pas en 2000, c`était en 2002 ?
Je veux dire que la vérité des faits, c`est que la dernière élection que nous avons eue en Côte d`Ivoire sur toute l`étendue du territoire, ce sont les élections des Conseils généraux, et c`était en juillet 2002. Mais, l’élection présidentielle a eu lieu en 2000.
M. Le Président, beaucoup a été dit et beaucoup a été fait ; tout le monde parle, tout le monde dit des choses, chacun croit avoir raison. Avant même d`aborder le sujet, quel est votre état d`esprit ?
Je suis Zen, comme vous le voyez. Je suis tranquille. Parce qu`aujourd`hui, depuis que la crise a éclaté, le 19 septembre 2002, nous entrevoyons le bout du tunnel ; je sais que nous ferons les élections cette année. Je suis tranquille. Je suis d`ailleurs content que les gens soient sur le terrain, partout, en train de faire campagne ; parce que même ceux qui disent qu`il n y aura pas d`élections, font campagne. Ils savent qu`il y aura des élections. Les élections auront lieu, en tout cas, la présidentielle, en 2009.
Peut-on faire le point de l`enrôlement et de l`identification ? Combien de personnes aujourd`hui, ont été identifiées et enrôlées ?
Au niveau des élections, je l`ai déjà dit et je le répète, l`Institution qui est responsable pour organiser les élections, c`est la Commission électorale indépendante (Cei), qui est dirigée par le Président Robert Beugré Mambé. C`est elle, en plus, qui coordonne toutes les activités de l`identification. Tout ce que je vais vous dire concernant les élections et l`identification, vient de la Cei. En préparant cette élection, j`ai travaillé, naturellement avec le Président de cette structure. La Cei, la Primature et la Présidence de la République, nous travaillons très bien. Donc, tous les chiffres que je vais vous donner, viennent de lui. La Cei attend environ 8 millions de personnes à identifier. Nous sommes à plus de 6 millions. Donc, on en attend encore 2 millions. Pendant ce temps, naturellement, la Cei fait des schémas, et nous les fait connaître. Elle a fait un schéma qui nous a menés jusqu`au 5 septembre pour les élections. Elle en a fait un autre qui nous a menés jusqu`au 11 octobre. Et un troisième, jusqu`au 18 octobre. Nous étudions tout cela. Pour le moment, nous ne fixons pas une date précise pour les élections, parce qu`il y a des centres de collecte qui n`ont même pas encore été visités ou qui n`ont même pas encore fonctionné. Et d`après les chiffres de la Cei, il y a 227 centres de collecte qui n`ont pas encore fonctionné, dont 98 dans le Bas-Sassandra et 82 dans le Sud- Bandama. Il y a d`autres endroits comme le Haut-Sassandra avec 14, la Marahoué, 10. Il y a en tout, 227 centres.
Ce serait une injustice que de faire passer les habitants, ivoiriens, de ces centres-là, par pertes et profits. Il faut, et c`est ce à quoi la Cei s`attelle, faire vivre ces centres de collecte, recevoir les impétrants, les identifier, les enrôler et après, on verra. En plus de cela, même dans les centres qui ont été visités et où le travail a été fait, par exemple, à Abidjan, il y a 100% de centres qui ont été ouverts et qui ont travaillé, mais il y a encore des gens qui n`ont pas été identifiés. Donc, ceux-là aussi, il faut faire une opération pour les enrôler. Aujourd`hui, ce n`est pas une question d`incapacité à travailler, c`est une question de rattraper les fausses notes qui ont eu lieu dans l`identification. C`est ce que nous sommes en train de faire.
M. le Président, plus de 6 millions de personnes ont été identifiées. Quelle analyse faites-vous de ce chiffre ? En êtes-vous satisfait ?
J`en suis satisfait. Nous sommes 20 millions en Côte d`Ivoire. Déjà, on n`identifie pas les étrangers, membres de la Cedeao. On n`identifie pas les jeunes qui ont moins de 16 ans. Or, vous le savez, 70% de la population ivoirienne a moins de 30 ans. C`est une population jeune. Je trouve que c`est un bon chiffre, mais ce n`est pas un chiffre qui peut nous autoriser à oublier les autres, les 2 millions qui restent. C`est un bon chiffre, un bon outil de travail. Je crois que par moments, nous avons sous-estimé la lourdeur du travail, mais, maintenant que nous y sommes, nous allons continuer. Je pense que c`est un bon chiffre. Je tire le chapeau à la Cei, mais surtout à toutes les structures qui travaillent sous sa coordination et qui sont engagées dans cette opération-là.
M. Le Président, doit-on obligatoirement aller à 8 millions ?
Ce n`est pas qu`on doive forcément aller à 8 millions. La Cei, avant de commencer l`opération, a fait une estimation qui prend en compte 8 millions de personnes qui doivent aller à l`identification. On ne les a pas encore atteints. Mais, je dois vous dire une chose. Pourquoi, cette opération d`identification doit prendre le maximum de personnes ? J`entends des gens dire qu`on peut sauter des noms. Non ! Ceux qui ne seront pas identifiés, ce sont ceux qu`on n`aura pas vus. Malheureusement, il y a certain qu`on peut ne pas voir. Mais, on ne peut pas avoir fait une guerre contre l`exclusion, et puis, décider, au niveau de l`Etat, de l`exclusion d`un certain nombre de personnes à ne pas identifier. Je crois que ce ne serait pas logique.
Par ailleurs, pour cette opération-ci, ceux qui seront identifiés, comme ivoiriens, recevront en même temps, leur Carte nationale d`identité. Donc, même si le vote ne vous intéresse pas, parce que n`étant pas obligatoire en Côte d`Ivoire, il faut que vous ayiez votre papier d`identité au moins. Pour cela, il est bon que l`Etat de Côte d`Ivoire, identifie au maximum.
Ne pensez-vous pas qu`il y a beaucoup trop de lenteur ?
Oui, il y a de la lenteur. C`est pourquoi, je vous disais tout à l`heure que nous avons sous-estimé la lourdeur de l`opération. Je ne voudrais pas faire revenir le vieux débat, mais, sentant cela, j`avais dit au départ, avant même le début de l`opération, qu`il ne fallait pas qu`on choisisse l`option dans laquelle nous sommes. Qu`il fallait qu`on confie aux préfets et aux sous-préfets, le soin de corriger les listes de 2000, de les mettre à jour, pour nous permettre de faire les élections. Je pense qu`on aurait fait les élections à la fin 2007. Et puis, après les élections, on aurait pu faire maintenant, l`identification lourde telle que nous la faisons. Mais, je n`ai pas eu gain de cause et beaucoup de personnes ont cru que je voulais éviter l`identification qui allait m`être préjudiciable. Donc, j`ai lâché prise. On y est, et on va continuer.
Excellence, tout à l`heure vous avez parlé d`exclusion. Il y a certains ivoiriens qui n`ont pas encore leurs papiers ; je veux parler de la reconstitution des registres de l`état-civil. Où en est-on avec cette opération ?
Le ministre de la Justice que j`ai interrogé, m`a donné des explications. Je ne suis pas compétent pour vous les répéter, parce qu`elles sont trop techniques, mais on y travaille. Nous dégageons les fonds, les gens sont à pied d`œuvre, ils travaillent, mais, je ne peux pas entrer dans les détails techniques. Le ministre de la Justice m`a confirmé qu`on y travaille et que tout sera fin prêt.
Va-t-on aller aux élections sans ces personnes-là, si l`on n`est pas prêt ?
Pourquoi dites-vous, "si on n`est pas prêt" ? Le ministre de la Justice qui s`en occupe dit qu`on sera prêt. Moi, je le crois.
Monsieur le Président, quelle est la priorité pour vous ? L`identification ? Les élections ?
Ce sont les élections, naturellement. Mais, pourquoi voulez-vous qu`on aille aux élections sans avoir terminé l`identification ? L`identification est la porte pour aller aux élections. Si elle n`est pas importante, pourquoi l`avoir faite ?
Mon confrère voulait plutôt parler de la hiérarchisation et non…
Quand nous parlons d`élection, nous parlons d`identification qui conduit à celle-ci. Nous ne pouvons pas aujourd`hui, parler d`élection sans parler d`identification. Je suis heureux de voir le bout du tunnel, aujourd`hui, et de voir que l`identification avance et qu`elle sera terminée très bientôt. Il ne faut jamais séparer les deux, Madame ! L`identification, c`est pour aller aux élections, mais, c`est aussi pour avoir les cartes d`identité.
Monsieur le Président de la République, vous l`avez dit tout à l`heure, les élections auront lieu en 2009. A quelle date ?
Ecoutez, la date est fixée par décret, et c`est moi qui signe le décret. J`ai discuté avec le Premier ministre, avec l`équipe de la Cei, nous nous donnons encore quelque temps parce que nous allons terminer, bientôt, les opérations d`identification. Il faut 6 semaines pour les croisements avec les fichiers historiques, parce qu`il faut vérifier sur les listings. Après cela, la date sera fixée. Même avant les croisements, on peut fixer la date des élections. Moi, je crois que ce sera soit en octobre, soit en novembre ; mais cela se fera.
Cela se fera, mais Monsieur le Président, pourquoi a-t-on tant de mal à fixer une date de l`élection présidentielle?
Nous avons du mal à fixer cette date, parce que tout est déglingué. Quand il n`y avait pas eu la guerre, c`était facile. La Constitution indique que, les élections ont lieu le dernier dimanche du mois d`octobre qui est dans la 5e année du Président en exercice. C`était presqu`automatique. Mais là, tout a été déglingué, parce qu`il y a eu la guerre. Le Président est donc resté en exercice selon l`Article 38 de la Constitution. On a décidé de tout reprendre à zéro au niveau de l`identification. On pouvait ne pas le faire, mais on a décidé de le faire. On ne peut pas entreprendre l`identification, une opération aussi lourde et aussi chère que celle-là, et tout abandonner pour avoir des élections qui seront plus bâclées encore que celles que nous avons connues. On ne peut pas se permettre des élections bâclées cette année, parce que les mêmes causes produisant les mêmes effets, si les élections de cette année sont bâclées volontairement, nous serons alors responsables des crises qui s`en suivront. Nous n`avons donc pas de mal à fixer de date, mais nous sommes prudents. Si je l`avais voulu, j`aurais déjà signé un décret les concernant. Mais, rappelez-vous, j`ai déjà signé un décret en 2005, comme s`il n`y avait pas de guerre, portant la date électorale au dernier dimanche du mois d`octobre 2005. A quoi ce décret a-t-il servi ? A rien du tout ! J`ai signé un autre décret pour le 30 novembre 2008. A quoi a-t-il encore servi ? A rien du tout ! Je ne veux pas signer un troisième décret qui ne serve à rien du tout. Je veux que ce troisième décret serve à faire effectivement les élections. C`est pourquoi, nous sommes prudents. D`ici mai ou juin, le décret sera signé.
M. le Président, vous parlez de prudence, c`est vrai. C`est la Cei qui est sur le terrain et c`est cette même Institution qui vous a fait une proposition de date. Pourquoi ne pas l`entériner ?
Madame, je vous ai dit que la Cei fait des estimations. Et aujourd`hui, nous avons déjà eu trois estimations. Sur quoi vais-je fixer la date ?
Sur la meilleure des estimations.
J`attends cette meilleure estimation. J`ai dit qu`elle a déjà fait une estimation dont j`ai le tableau ici. Elle a déjà fait une autre estimation sur le 11 octobre, et une autre sur le 18 octobre. Madame, je ne suis pas un Notaire. Je suis le chef de l`Etat, Président de la République de Côte d`Ivoire. Je veux dire, quand je vois qu`on fait des estimations, mon rôle c`est d`encourager ceux qui travaillent. Et une fois qu`on est sûr que cette fois-ci ça y est, alors, je signe. Mais je ne suis pas un Notaire qui signe ce que le client lui dit.
Ma responsabilité, elle est grande dans cette affaire aussi. Je ne veux plus signer un troisième décret qui serve à zéro. Je veux signer un troisième décret qui appelle effectivement les électeurs aux urnes. Et nous sommes en contact, les trois Institutions, à savoir, la Cei, la Primature et la présidence de la République. Nous travaillons. En mai ou en juin, la date des élections sera fixée, parce que nous serons assurés que cette date sera respectée.
M. le Président, pour mieux comprendre, lorsque la Cei vous propose une date, avez-vous la latitude de dire qu`elle n`est pas bonne ou s`impose-t-elle à vous ?
Comme pour tout ce que je signe, les décrets, les propositions de lois, les arrêtés, ce sont les autres, les ministres, les Chefs d`Institutions, qui me font des propositions. Je vous ai dit que je ne suis pas un Notaire. J`ai ma part de responsabilité dans cette affaire. J`ai appelé la Cei, la Primature, nous y avons travaillé, il y a quelques minutes, avant de venir sur ce plateau, j`ai encore eu le Premier ministre. Hier, j`ai eu le Président de la Cei. Nous travaillons de concert. Il nous faut donner une date où nous sommes sûrs, nous tous, que les élections vont effectivement avoir lieu. Et nous le ferons.
M. le Président, pensez-vous aujourd`hui, que les conditions sont réunies pour qu`on aille aux élections ? Qu`est-ce qui vous rend confiant ?
Qu`appelez-vous conditions ?
Pensez-vous, lorsque vous regardez la situation, qu`on doit aller aux élections en 2009 ? Parce que vous n`avez pas dit 2008, 2010, vous avez dit 2009.
J`ai dit 2009.
Pensez-vous que les éléments sont réunis ?
Le seul élément vraiment handicapant, c`était l`identification. Or, je suis en train de vous dire que l`identification est vraiment bien partie et que nous verrons le bout du tunnel, d`ici un ou deux mois. On n`attend que les élections. Quel est le sens de la Constitution ?
L`Article 38 de la Constitution dit qu`en cas d`évènement majeur, coupant le pays et entravant la tenue d`élections, le Président de la République reste en poste. Le sens de cette phrase, c`est que quand il reste en poste, il reste en poste en vue des élections ! C`est-à-dire que le seul objectif, c`est de faire d`autres élections ; il n` y en a pas d`autres. Si, aujourd`hui, je suis Président de la République encore, le seul objectif que nous attendons, c`est de faire des élections. Nous n`avons pas un deuxième objectif. C`est pourquoi, je vous dis qu`il faut que cette fois-ci, la date que nous allons édicter par décret, soit la bonne. Je suis confiant, parce que d`ici un ou deux mois, on aura fixé la date.
M. le Président, vous avez dit que le Président reste en place. Depuis que vous avez prêté serment jusqu`à maintenant, pensez- vous que vous êtes en train de faire un seul mandat ?
Je suis en train de faire un seul mandat
Même plus long que 5 ans ?
Ah, oui ! C`est constitutionnel. Je ne fais jamais ce qui n`est pas constitutionnel. Relisez l`Article 38 de la Constitution. Relisez-le ou invitez sur votre plateau, des juristes pour le commenter. Cet Article-là, c`est le Président Bédié, qui, après le ``boycott actif``, l`avait introduit. J`étais encore Député et j`avais voté contre à l`Assemblée. Et l`année d`après, cette loi est devenue une loi constitutionnelle, c`est-à-dire, votée et intégrée à la Constitution. C`est donc une mesure constitutionnelle que j`applique.
M. le Président, on fera les élections, cette année ; c`est votre souhait. Mais le tout n`est pas d`aller aux élections, il faut avoir des élections transparentes, fiables. Les conditions sont-elles réunies pour des élections incontestées ?
Oui, Madame ! Vous savez, avec les élections de 2000, on avait crié à l`exclusion de certains candidats, notamment le Président du Rdr, le Président Bédié. Vous savez ce que j`ai fait Madame ? Je me suis appuyé sur l`Article 48 de la Constitution, qui me donne des pouvoirs exceptionnels quand il y a une crise. Ainsi, j`ai déclaré que tous ceux qui étaient à Marcoussis, peuvent être candidats s`ils le souhaitent. Donc ces mesures discriminatoires n`existent plus. Tout le monde pourra donc se présenter. C`est déjà un obstacle en moins. La sécurité sera garantie. Je viens d`avoir le Premier ministre. Nous avons dégagé un Corps de 8000 hommes à répartir sur l`ensemble du territoire. 2000 gendarmes, 2000 policiers et 4000 Fafn (NDLR : Forces Armées des Forces nouvelles). Nous avions quelques petits problèmes de voitures pour pouvoir les emmener dans leurs lieux de travail. Aujourd`hui même, à l`heure où je vous parle, les Officiers sont en train d`affecter nominalement tous ces 8000 hommes dans des circonscriptions. Ils sont en train de faire les affectations nominales, et nous les accompagnerons dans leurs lieux de travail. A partir de ce moment-là, la sécurité sera garantie. Après cela, nous allons remettre tout le pouvoir aux préfets, y compris le pouvoir sécuritaire qui est un attribut ordinaire du préfet. Et après quoi, je vais installer les Douaniers et les postes de douanes.
Monsieur le Président, il y a les textes qui existent, et la réalité qui s`impose souvent à nous. Aujourd`hui, il y deux positions très tranchées : Il y a une position qui dit "les élections d`abord, le désarmement après ", et l`autre qui dit "le désarmement, et les élections après". Comment allez-vous réussir à concilier ces deux positions sans frustrer qui que ce soit ?
La loi.
La loi existe mais on est obligé de faire parfois sans la loi.
Il faut revenir à la loi. Vous savez, au plus fort de la crise, j`ai toujours dit : "la Côte d`Ivoire fera la paix dans les conditions de sa propre Constitution". On ne nous a pas obligés à avoir cette Constitution, ces lois. Donc, c`est la loi, ce sont les Accords. Les Accords disent, et le bon sens aussi dit très clairement que, le désarmement aura lieu avant les élections. Pourquoi voulez-vous qu`on fasse autre chose. Non seulement les Accords le disent, les textes le disent, mais les textes traduisent en cela, le bon sens citoyen. Donc, c`est ce qui se fera.
Vous avez annoncé la présidentielle dans 6 mois à peu près ; mais le désarmement n`a pas encore commencé..
Tout à l`heure, je vous ai parlé des 8000 hommes à déployer. On le fera à partir du 5 mai. Le désarmement, qu`est-ce que c`est ? Quand on aura fait cela et comme le texte le dit aussi, les autres ex-combattants, viendront dans 4 villes ou bien dans 4 camps. En tout cas, ces camps sont dans 4 villes : Bouaké, Man, Séguéla et Korhogo. C`est là qu`ils vont être concentrés. Et, en entrant dans le camp, ils laissent tomber leurs fusils. C`est cela le désarmement. C`est écrit.
Je pense qu`en Côte d`Ivoire, on ne lit pas souvent les textes. Donc, les gens ont des paniques. Sur cela, il y a une lenteur, mais je dis que nous sommes en train de la rattraper ; et aujourd`hui même, les Officiers sont en train de se réunir pour faire les affectations nominales des 8000 hommes dans les différents endroits. Après quoi, on fera venir les autres, qui ne sont pas concernés, dans les camps, et leurs fusils seront déposés.
Est-ce que le déploiement des 8.000 hommes sur l`étendue du territoire, est le début de la nouvelle armée ?
On peut le dire. Mais, ce déploiement répond d`abord et avant tout à un souci sécuritaire, du moment et des lieux.
En réalité, je ne souhaite pas qu`on dise que c`est le début de la nouvelle Armée. Parce qu`une Armée se construit avec des critères ; de plus, on ne forme pas une Armée avec des Policiers et des Gendarmes ! Donc, c`est pour cela que je ne parle pas de nouvelle Armée.
Mais, que vont devenir ces hommes après les élections ?
Madame, depuis 1945, il y a des élections en Côte d`Ivoire. Chaque fois qu`il y a des élections, on affecte des gens pour la sécurité et puis après, ils retournent dans leurs Corps d`origine. C`est donc ce qui va se faire.
Est-ce que vous pensez que les Ivoiriens sont prêts à accepter les éléments des Forces nouvelles sur l`autre partie du territoire ?
Il y en a qui sont déjà venus ici. Ce n`est pas la première fois. Même si les Ivoiriens n`ouvrent pas souvent bien les yeux, mais nous en avons déjà fait venir ici.
Peut- être qu`ils ne le savent pas aussi ?
Mais, ce n`est pas de ma faute ! Sinon, nous les avons déjà fait venir à d`autres occasions. Ils sont restés ici 1 ou 2 semaines, puis, ils sont repartis. Je voudrais aussi préciser qu`il y a des éléments des Fanci (Ndlr : Forces Armées nationales de Côte d`Ivoire) qui sont le long de la frontière guinéenne à Danané, Man, Touba, Odienné, avec ceux des Forces nouvelles. Et cela ne pose aucun problème.
Vous êtes confiant ?
Oui ! Je constate que depuis qu`il ya eu le changement de régime en Guinée, nous avons déployé les soldats des Fanci le long de la frontière guinéenne. Ils ont été rejoints par leurs frères d`armes des Fafn (Ndlr : Forces armées des forces nouvelles) et ils vivent tranquillement, ensemble, depuis des mois, sans problèmes. Pour moi, c`est une expérience grandeur nature.
Où en est- on avec la démobilisation des ex- combattants et quelle est aujourd`hui, la situation des miliciens ? Des promesses ont été faites autrefois, et jusque- là, rien n`a encore changé !
Non ! Vous ne pouvez pas dire cela! Aujourd`hui, vous pouvez aller à Ferkessédougou, Odienné, Bouna et en revenir. Vous pouvez même y dormir. Donc, on ne peut pas dire rien n`a changé ! J`aimerais que les Ivoiriens nous donnent acte de ce qui se fait. J`ai été à Lamékaha, dans le village de mon Photographe, dans la région de Korhogo. C`est un village lointain, mais, j`y ai mangé. Vous comprenez donc que ce qu`on fait aujourd`hui, on ne le faisait pas hier ! Des choses ont changé. Bien entendu, des choses restent à parfaire. Et nous y travaillons. Le déploiement des 8.000 hommes tend à accepter la situation sécuritaire. Quand nous l`aurons achevé, nous allons faire le point pour savoir si la situation s`est améliorée ou pas. Des choses restent donc à parfaire. Mais, on ne peut pas dire que rien n`a changé.
Toujours sur les ex- combattants, certains se sont attribué eux-mêmes des grades. Est-ce que, Monsieur le Président de la République, ceux-là conservent ces grades pour de bon ?
Non. Pour moi, ce n`est pas un problème important. Jai toujours dit que ce n`était pas un problème important. On voit ce genre de problème dans toutes les luttes. Mais, ce que je veux dire, c`est que l`Accord 4 de Ouagadougou a été clair. Dès les élections, ils vont perdre ces grades. C`est ce qu`on a appelé des grades à titre opérationnel. Il faut appliquer les Accords ; il faut appliquer la parole qu`on a donnée.
Monsieur le Président de la République, est-ce qu`aujourd`hui, les ex- combattants sont dans les dispositions pour désarmer ?
Tout ce que je vous dis sur eux, c`est d`eux que je le tiens. Mais, sachez que les difficultés que l`on peut avoir sur ce point-là, sont des difficultés d`ordre politique. Vous ne trouverez pas des gens qui ont pris des armes, qui ont conquis des positions, et qui laissent du jour au lendemain ces armes-là, de gaieté de cœur. Je n`ai jamais vu cela. Aujourd`hui, par exemple, en Guinée-Bissau, on vit encore au rythme des convulsions de ce qui reste de la guerre de libération nationale. En Rdc, on a vécu récemment la rébellion de Laurent Nkunda, à l`Est, au rythme des convulsions de ce qui reste de la guerre civile. Donc, quand il y a une guerre, elle laisse des traces et il faut du temps pour les guérir.
La décision est prise, avec le Secrétaire général des Forces nouvelles, qui se trouve être le Premier ministre, qu`aujourd`hui, il n`y a pas un problème politique entre la Direction des Forces nouvelles et l`Etat. Il n`y en a pas. Il y a, ici et là, des gens qui ne sont pas très contents, mais, on avance. Et on avance même très bien.
Monsieur le Président, vous avez dit qu`on peut aller à Korhogo et en revenir. Vous avez parlé de l`Autorité de l`Etat. Mais, la vérité, c`est que les préfets et sous- préfets qui vous représentent dans ces zones-là, sont sous les ordres des ``Com`zones`` (Ndlr : Commandant militaire des zones des Forces nouvelles). C`est une réalité !
Ils ne sont pas sous les ordres des ``Com`zones``. Ils sont à côté. On assiste à un pouvoir bicéphale dans chaque Département, aujourd`hui. Mais, ce bicéphalisme est inacceptable, dans le cadre de la réunification. Mais, les préfets ne travaillent pas sous les ordres des ``Com`zones``. Il y a les pouvoirs des préfets, et il y a ceux des ``Com`zones``. Le déploiement des 8.000 hommes, c`est pour mettre fin aux pouvoirs des ``Com`zones``. On avance donc ; et le 5 mai, ce sera effectif. Après le déploiement de ces hommes, le Premier ministre ira ensuite passer le pouvoir aux préfets, et ce sera fini.
Mais cela dit, ce que je voudrais également dire, c`est que le fait que les préfets soient déjà présents dans ces zones, est en soi, déjà très important. Parce qu`avant, ce n`était pas le cas. Ils y vivent déjà normalement depuis des mois. Ils y ont des bureaux et travaillent. C`est un fait important !
Mais, pour le moment, il y a effectivement un bicéphalisme, qu`il nous faut corriger. Ce sera fait à partir du 5 mai.
C`est vrai que les préfets sont déjà dans ces zones. Mais, ils y vivent dans des conditions quelque peu difficiles. En même temps qu`on demande aux gens d`y aller, il y a que des résidences ne sont pas encore prêtes ; en somme, les conditions ne sont pas véritablement réunies pour les accueillir ?
Mais, vous parlez-là, des problèmes matériels. Ce ne sont pas des problèmes politiques. Les problèmes matériels se règlent progressivement. Il y a 6 mois, j`ai vu un préfet qui dormait dans une petite pièce qui lui servait en même temps de bureau. Mais, aujourd`hui, il a sa résidence et son bureau. Je voudrais, du reste, profiter de votre question, Madame, pour dire que les préfets ont été héroïques. Ils sont partis, ils ont affronté des situations difficiles au plan matériel (pas de maison, pas de bureaux…), mais, ils y sont restés. On n`a pas enregistré de démission de préfet. A ce niveau, on peut dire que le Corps préfectoral a été le premier à semer les germes du retour de l`Etat. Je voudrais ici, profiter de votre antenne, pour leur rendre un vibrant hommage. Cela dit, les problèmes matériels sont liés essentiellement aux difficultés financières. Maintenant que nous sommes un peu plus ``liquide``, nous repartons. Mais, ce ne sont pas là, des problèmes politiques. Ce n`est pas du refus. Nous réglons les problèmes progressivement. Il y a beaucoup de sous-préfets qui ont reçu leur voiture. Nous avançons.
Une autre préoccupation Monsieur le Président. Comment l`on va intégrer ou réintégrer les Agents qui, sur le terrain, ont travaillé pour les Forces nouvelles, dans la Fonction publique ? Ils étaient particulièrement nombreux dans les régies financières.
Pour ce qui est des régies financières, l`on ne m`a pas encore soumis de dossier. Par contre, j`ai été saisi du cas des Enseignants volontaires et du dossier de ceux qui ont animé les centres de santé. J`ai donné mon accord pour qu`on les intègre à la Fonction publique. Parce que je pense qu`il n`est pas normal que ceux qui ont fait vivre l`école, qui ont fait que les enfants n`ont pas perdu 6 à 7 ans de scolarité, soient jetés à la rue, après qu`ils ont rendu ce service à la Nation ivoirienne. Donc, j`ai donné mon accord, pour ceux-là. Tout comme pour les animateurs des centres de santé. Bien sûr, il s`agit de ceux qui ont le niveau requis.
Au plan budgétaire, cela ne pose pas de problème ?
Oui, cela peut se régler. J`ai donné mon accord.
Monsieur le Président, depuis le début de l`émission, vous avez annoncé plusieurs choses. Mais, depuis la signature de l`Accord Politique de Ouagadougou, le désarmement n`est pas encore une réalité ; le redéploiement de l`Administration non plus n`est véritablement une réalité sur le terrain ; les postes de douanes ne sont pas encore installés ; idem pour la Gendarmerie mixte. C`est au vu de tout cela que l`on dit que l`Accord Politique de Ouagadougou a échoué. Que répondez-vous ?
Non ! Ceux qui disent cela font de la politique. Je constate qu`aujourd`hui, il y en a un qui est en zone ex- rebelle et qui est en train d`y faire des meetings. Si on n`avançait pas et que l`Accord Politique de Ouagadoudou avait échoué, il ne serait pas en train de parler à Bouna. D`autres vont également à Bouaké, à Katiola, etc. Bref, l`Accord Politique de Ouagadougou marche.
Je m`excuse, mais au temps où Seydou Diarra et Charles Konan Banny, qui sont tous les deux mes amis, étaient Premiers ministres, on n`allait pas faire des meetings à Bouna, ni à Bouaké, à Mankono, encore moins à Séguéla. Aujourd`hui, on y est. Cela veut dire que cela marche ! Il ne faut pas demander aux autres ce qu`on ne peut pas faire soi-même. C`est vrai, on y va lentement, mais, on y va quand même. Madame, l`accord politique de Ouagadougou marche.
On parle beaucoup d`argent dans le financement de la sortie de crise. Est-ce qu`il y a de l`argent pour financer cette sortie de crise. Et puis, quels sont ceux qui apportent ce financement ?
C`est la Côte d`Ivoire qui finance, principalement. Voyez- vous, ces derniers temps, nous avons eu beaucoup de difficultés. Parce que, comme je l`ai expliqué, après la réunion du Conseil d`Administration de la Banque mondiale, qui, elle- même, a suivi celle du Conseil d`Administration du Fonds monétaire international, sur notre admission à l`initiative Ppte (Ndlr : Pays pauvres très endetté), j`ai décidé, avant même les élections, que nous nous inscrivions dans le cadre de cette initiative. Sinon, nous sortirions de la crise, et nous nous retrouverions devant un mur ; nous n`aurions pas d`argent. Et le pays n`aurait pas pris son envol. J`ai trouvé un endettement trop lourd. Donc, dès que j`ai été élu, en 2001, notre première grande opération, a été de lutter pour avoir l`initiative Ppte. On avait eu le Frpc (Ndlr : Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance), en 2002. On attendait l`initiative Ppte en 2003, quand la guerre a éclaté. Donc, tout cela a été suspendu. Nous avons eu des difficultés, parce que nous avons dû rembourser à la Banque mondiale 118 milliards de F cfa et 100 milliards de F cfa à la Banque africaine de développement (Bad).
Cependant, pour 2009, nous avons inscrit au budget pour la sortie de crise, 118 milliards de F cfa sur le compte de la Côte d`Ivoire. Les Puissances et Institutions étrangères ont promis de nous aider. Celle qui veut bien nous aider sera la bienvenue. Mais, pour le moment, je constate qu`elles n`ont donné que 5 milliards de F cfa.
Monsieur le Président, sur ces 118 milliards de F cfa, la Côte d`Ivoire, elle-même donne combien ?
Je suis en train de vous dire que c`est 118 milliards de F cfa que la Côte d`Ivoire compte donner dans le cadre du budget 2009.
Donc, aujourd`hui, on peut dire que la Côte d`Ivoire a les moyens de financer le processus de sortie de crise.
Mais, on est bien obligé ! Parce que le processus de sortie de crise est d`abord et avant tout, notre affaire. Je dis toujours aux Ivoiriens qu`il ne faut pas considérer que ce qu`on fait, on le fait pour les autres ! Nous le faisons d`abord pour nous. Donc, même si c`est difficile, nous devons trouver l`argent pour le faire. Parce que c`est notre affaire.
Regardez un peu ce qui se passe dans le monde. Je regarde les pays du tiers- monde qui sont tout le temps en train de demander de l`aide aux pays développés. Et ces derniers répondent invariablement par la négative, aux prétextes qu`eux-mêmes ont des difficultés, ou que nous gouvernons mal, etc. Ce sont des réponses un peu désobligeantes. Mais, quand ils (les pays développés) ont eu leurs crises, l`Amérique a débloqué 800 milliards de dollars, l`Union européenne a débloqué 760 milliards d`Euros ! Vous devez donc comprendre que ce que nous faisons, nous le faisons pour nous. Tout comme ce qu`ils font, ils le font pour eux. Il ne faut pas avoir peur d`être en première ligne. Ce que nous allons gagner, nous allons le mettre dans la sortie de crise. Parce que pour nous, cela est important. La sortie de crise est primordiale. Si nous voulons revivre, alors, la sortie de crise est primordiale.
Monsieur le Président, l`unicité des caisses de l`Etat a été lancée, il y a longtemps. Mais, sur le terrain, c`est loin d`être une réalité ?
Mais, c`est de tout cela que nous parlons, quand nous parlons de la réunification du pays ! Dès l`instant où il n`y a pas de Force à la disposition des préfets, ceux-ci n`ont pas tous les pouvoirs. Nous allons mettre, à partir du 5 mai, des Forces à leur disposition. Quand cela sera fait, nous allons installer les postes de douane. Si quelqu`un est Chef, mais qu`il n`a pas le pouvoir de faire appliquer les décisions qu`il prend, il n`est pas une autorité. Donc, l`unicité des caisses ne peut pas être effective, s`il n`y a pas dans les mains des préfets, les moyens de rétorsion.
Cela veut dire que cette situation va continuer et qu`on ne pourra pas logiquement lever les impôts dans la zone Cno (Ndlr : Centre, Nord et Ouest), comme cela avait été dit officiellement ?
Je vous dis qu`on va le faire à partir du 5 mai, c`est-à-dire, dans quelques jours. Donc, si on le fait, c`est le temps que cela va mettre. Mais, si on le fait, on lèvera les impôts. Déjà, les gens commencent à payer l`électricité et l`eau. On grogne un peu. Parce que quelqu`un qui n`a pas payé l`électricité depuis 7 ans, ça lui fait mal de le faire maintenant.
En tout état de cause, le pays va être réunifié totalement. Cela veut dire que tous les citoyens seront soumis aux mêmes charges et auront aussi les mêmes avantages.
Un détail avant de continuer. Est- ce vrai que la Communauté internationale refuse de financer le volet défense ?
De toutes les façons, il ne faudrait jamais confier à autrui, le soin de financer votre propre défense. Cela ne se fait pas ! Ce sont des règles élémentaires de gouvernance. Tu ne peux pas demander à quelqu`un de financer ta défense. En 2002, quand il y a eu la crise et que j`ai demandé aux Français de venir nous aider conformément à l`Accord de défense qui nous régit, ils ont dit que cela ne les regardait pas. Donc, c`est une raison de plus. Je refuse que quelqu`un vienne financer ma défense.
Monsieur le Président, nous allons changer de sujet pour parler Economie. Est- ce qu`aujourd`hui, le Ppte est un motif de fierté pour la Côte d`Ivoire ?
Bien sûr. J`entends des commentaires assez désobligeants. Mais, ceux-là, ils ne savent pas grand-chose. Je vais vous expliquer. Notre pays était classé parmi les pays à revenu intermédiaire. Et ce pays s`est surendetté. Je vous ai dit qu`en 1996, on a atteint un niveau d`endettement de 8.000 milliards de F CFA. Mais, ce n`est pas le plus important. Le plus important, c`est que cela équivalait à 136% de notre Pib (Ndlr : Produit Intérieur Brut). Ce qui veut dire que quand la Côte d`Ivoire produit 100 F cfa, non seulement elle prend toute cette somme pour la donner à qui elle doit, mais elle est obligée d`emprunter encore 36% pour compléter. Quand je suis arrivé au pouvoir, j`ai trouvé 6700 milliards de F cfa de dette, correspondant à peu près à 80% de notre Pib. Ce qui fait que quand nous produisons 100 Fcfa, nous sommes obligés de donner 80 F cfa à l`extérieur. C`est cela qui a handicapé la Côte d`Ivoire. Il fallait s`y attaquer. Et c`est ce que j`ai fait.
Maintenant, qu`est- ce qui vient de se passer ? C`est le point de décision. Le point de décision ne veut pas dire que les gens vous donnent de l`argent !
Et pourtant, Monsieur le Président, on a eu l`impression que toutes les dettes de la Côte d`Ivoire seraient épongées !
Oui, c`est cela l`objectif. Mais, nous n`en sommes pas encore là. Le point de décision, c`est comme quand on annonce à quelqu`un que son enfant est admis pour passer en classe de Terminale. Il était en Première, et il passe en Terminale. Naturellement, ce père de famille est content. Mais, cela veut dire que pendant un an, cet enfant doit encore travailler pour avoir le Baccalauréat. Parce que l`objectif, ce n`est pas d`être en Terminale, mais d`avoir le Baccalauréat. Le Baccalauréat constitue donc le point d`achèvement. Donc, nous sommes admis à travailler pour avoir le Baccalauréat, c`est-à- dire, pour avoir le point d`achèvement. C`est au point d`achèvement qu`on vous dit que votre dette est réduite dans telle proportion. Mais, pendant ce temps, qu`est- ce qu`il faut faire ? Moi, j`ai des réformes à parachever : la réforme de la filière café- cacao, du secteur pétrolier, de l`électricité, etc. Nous avons des grands secteurs à reformer. Nous devons discuter avec le club de Paris pour la dette publique, et avec le club de Londres, pour la dette privée. C`est quand tout cela sera achevé et qu`il marchera bien, qu`on dira qu`on a atteint le point d`achèvement.
Il y a un pays qui est dans la même situation que le nôtre. Sa dette lui a été réduite jusqu`à 85%. J`aimerais tellement être dans cette situation.
Monsieur le Président, le fait que la Côte d`Ivoire soit un Pays pauvre très endetté, veut-il dire que notre pays traverse une crise ?
Ah, non ! Je vous ai dit que quand je suis arrivé en 2000 (j`ai prêté serment le 26 octobre, les élections ayant eu lieu le 22 octobre), l`un des premiers chiffres que j`ai demandés, c`est celui de l`endettement. Et puis, relisez tous mes discours. Déjà, en 1990, à cette époque-là , nous étions très endettés. 1996, 1998, nous étions déjà très endettés. Ce n`est pas la crise qui a fait qu`on est endetté. Nous sommes endettés depuis longtemps. Mais, il faut maintenant faire une politique de désendettement. C`est ce que je suis en train de faire.
Pour que la Côte d`Ivoire soit juste un pays pauvre, ou très endetté ou encore juste endetté?
Madame, je ne vous comprends pas. Quel est le problème ?
Quand on est très endetté, on perd une partie de notre indépendance, notamment l`indépendance économique.
Moi, je n`y peux rien ! J`ai trouvé le pays très endetté. Je suis en train de faire en sorte qu`on soit moins endetté.
Après le point d`achèvement, que va-t-il se passer ? La Côte d`Ivoire ne sera-t-elle plus un pays pauvre ?
Madame, on voit que vous n`êtes pas à ma place. J`arrive au pouvoir, et je trouve un pays qui ne peut pas faire de grands progrès, parce qu`il est très endetté. L`expression Ppte a été inventée au début des années 1990, par les Institutions de Bretton Woods. Elle a été inventée pour la Côte d`Ivoire et l`Argentine, qui étaient des pays du tiers monde, avec beaucoup de potentialités, et qui malheureusement, s`étaient fourvoyés dans un endettement énorme.
C`est pour résoudre ces cas-là que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont créé cette expression ; l`Argentine a connu des fortunes diverses. Et chez nous, avec la crise, cela n`a pu être possible. Aujourd`hui, nous sommes sur le bon chemin. Nous allons effacer notre endettement et reprendre notre place de pays à revenu intermédiaire. C`est ce que je recherche. Avec cela, nous allons devenir un peu plus indépendants ! Parce que quand on doit moins, on est beaucoup plus indépendant. C`est pourquoi, nous nous battons en même temps, pour avoir des ressources minières, et du pétrole […].
C`est rassurant Monsieur le Président ?
Oui, il ne faut pas nous laisser déstabiliser par l`expression Ppte. Vous savez, pour ceux qui ont créé cette expression, nous sommes après tout, des pays pauvres.
Monsieur le Président, est-ce que le fait que la Côte d`Ivoire soit admise à l`initiative Ppte, est à 100% bénéfique pour le pays ? Est-ce qu`il n`y a pas un non-dit ?
Non. Moi, je n`ai aucun intérêt à cacher quoi que ce soit à la Côte d`Ivoire. Qu`est ce que vous voulez que je cache ? Un pays ne peut pas vivre avec ce taux d`endettement. Nous ne pouvons pas entreprendre un programme de développement avec ce niveau d`endettement, 80% du Pib. C`est impossible. Depuis 2002, nous avons entrepris cette politique. Nous avons eu le Frpc en 2002, et nous attendions le point de décision en 2003. Malheureusement, la guerre est survenue. C`est ainsi qu`en septembre 2002, nos partenaires ont tout laissé tomber. Aujourd`hui, nous reprenons. S`ils reviennent, c`est qu`ils ont confiance. Il n`y a pas de non-dit. Le non-dit, c`est que la Côte d`Ivoire doit retrouver sa place de pays à revenu intermédiaire. Elle doit retrouver son indépendance.
Monsieur le Président, que doit-on retenir de cet échange. Et puis, qu`est-ce que les ivoiriens doivent désormais rejeter ?
Les Ivoiriens doivent rejeter tous les ragots politiciens qui ne s`appuient sur rien. Je puis leur dire, parce que j`en ai eu l`assurance, qu`ils peuvent s`adresser, organisés ou pas, à la Cei, pour demander n`importe quel renseignement, ou document. Au lieu d`aller se perdre à écouter des ragots qui sont démobilisateurs.
Ils peuvent aussi aller à la Primature, pour ce qui concerne la sécurisation du processus. Je crois qu`elle a un service pour cela.
A la présidence de la République, les Ivoiriens peuvent aussi venir demander toutes les informations au Service du porte-parole. C`est la démarche qu`il faut avoir, et rejeter tous les ragots qu`on retrouve hélas souvent aussi dans les journaux.
Maintenant, il faut que l`opération de sécurisation commence le 5 mai. Les préfets auront l`entièreté de leurs pouvoirs et après cela, nous allons installer les postes de douane et d`impôts, qu`on a du reste, déjà commencé à faire fonctionner.
Les Ivoiriens doivent aussi retenir que les élections auront lieu en 2009. Je pense que ce sera en octobre. Mais, si cela n`est pas possible, ce sera en novembre. J`attends encore que la Cei avance dans ses travaux, avant de prendre un décret appelant aux urnes. Voici les 3 choses qu`il faut retenir.
Source : cotedivoirepr.ci
Photos : Yanez Dessouza