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Économie Publié le mardi 5 mai 2009 | Le Temps

Yedoh Lath (Dg de la Sivac) / relance de la filiere porcine - “Que l’Etat mette en place une véritable politique de prélèvements compensatoires”

Après la peste porcine de I996, M. Yedoh Lath, Directeur général de la Société ivoirienne d'abattage et de charcuterie (Sivac), en exclusivité, parle de la filière porcine ivoirienne et de la menace de la grippe porcine. Interview.

Vous êtes le Directeur général de la Société ivoirienne d'abattage et de charcuterie, (Sivac). Que fait-on concrètement ici ?
La Sivac est une société d'économie mixte commise par l'Etat de Côte d'Ivoire, pour la promotion et la consommation de la viande porcine. En tant que telle, nous assurons la maîtrise d'œuvre de la filière.

Il y a plus d'une dizaine d'année le cheptel porcin ivoirien a été dévasté par une peste porcine. Que reste-t-il de la peste porcine aujourd'hui ?
En 1996, la peste porcine a dévasté la filière ivoirienne. A la suite de cette situation, il fallait mener des études pour confirmer que la peste a été éradiquée. Puis, il fallait mobiliser des financements pour relancer la filière ivoirienne. Malheureusement, les études qui ont été faites, ont prouvé que la peste n'existait plus dans notre pays. Mais malheureusement l'Etat n'a pas pu mobiliser les fonds pour relancer la filière. Heureusement, les éleveurs ont spontanément réagi. Ce, par leurs moyens propres, dans la production massive, en 1997 dès que le gouvernement a autorisé la reprise. Il convient de retenir deux chiffres. Avant la déclaration de la peste porcine africaine, nous étions à 24000 porcs abattus au niveau de l'abattoir de la Sivac. Au lendemain de la peste porcine africaine, c'est-à-dire, dès les mois de juin, juillet et août, lorsque nous avons arrêté les opérations que nous avons reprises en novembre 1997, nous avons redémarré avec 11000 porcs abattus. Je peux dire qu'en 2008, nous avons atteint le niveau d'avant la peste, à savoir 22000 porcs abattus. Sans qu'un effort particulier n'ait été consenti par l'Etat ivoirien.

Les études disaient qu'il fallait combien pour relancer les choses ?
Celles qui ont été faites dans les années 2000, disaient qu'il fallait environ 1,5 milliard de Fcfa pour relancer la filière. Pas pour soutenir les acteurs mais cela a été destiné à rénover les installations des structures qui encadrent la filière. En tant que structure de promotion de la filière, ce que nous attendions de l'Etat, c'est un soutien direct aux acteurs.

combien fallait-il pour soutenir les acteurs de la filière ?
C'est très difficile à dire. Dès l'instant où on dit qu'il y a des financements qui arrivent, tous les ivoiriens vont se transformer en acteurs. Même si on arrivait à identifier les acteurs, il ne serait pas raisonnable de sortir des financements et soutenir tout le monde. Dans la mesure où ceux qui viennent, ce sont les éleveurs du dimanche, qui viennent et qui repartent. Il y a ceux qui sont de la filière et qui n'ont aucun plan de production. En outre, nous avons les professionnels de cette activité. A la date d'aujourd'hui, il y a un millier d'éleveurs qui ont été dénombrés. De façon raisonnable, je pense qu'il faut mettre l'accent sur l'élite qui se chiffre à 400 éleveurs. Avec une forte concentration de 35 truies productrices par éleveur. Si on fait un petit calcul, cela va nous donner 1800 truies.

A l'époque, la Sivac avait initié les points de vente de viande de porc. Quel bilan peut-on faire de cette opération ?
C'était tout un ensemble de procédures qui avaient été mis en place. Nous avons cet abattoir moderne de Yopougon et les grands points de vente de la viande. Nous en avions un dans chaque commune d'Abidjan. Mais avec la survenance de la peste, comme nous l'indiquions plus haut, il nous a été difficile d'approvisionner ces points de vente régulièrement. A tel point que beaucoup de sites sont tombés en ruine. A l'époque, nous avions identifié près de 800 femmes qui étaient concernées par cette opération de commercialisation de viande porcine. A ce jour, on ne compte pas plus de la moitié. Celles qui sont là existent parce qu'il y a de la matière à travailler. Nous avons 22 mille porcs, soit environ 80% de la consommation est centré sur Abidjan. Il y a aussi l'importation qui fait vivre également des personnes que nous avons encore pas pu identifier.

La montée en puissance de l'activité d'importation de carcasses et pieds de porcs, n'influence-t-elle pas négativement les activités des producteurs locaux ?
Personnellement, je ne savais pas que la Côte d'Ivoire était aussi grande consommatrice de cette viande. A la suite de la peste porcine africaine et la crise sociopolitique que nous avons connue, depuis ces dernières années, je peux vous affirmer que la viande de porc vient en deuxième position en terme de consommation nationale après celle du bœuf. Cela est rassurant pour les producteurs ivoiriens. En pourcentage, notre pays, consomme l'équivalent d'environ 60000 tonnes de bœufs. Le porc vient après le bœuf avec 45000 tonnes par an. C'est un motif de satisfaction. Maintenant ce qu'il faut faire, c'est de produire pour satisfaire ce marché. S'agissant de l'importation, je crois que l'Etat est informé de ce qui se passe. Si le gouvernement prenait des mesures, pour interdire l'importation, localement, nous ne sommes pas à mesure de satisfaire avec la production nationale, nos besoins. Il urge donc de mettre en place, une politique progressive de substitution de la viande locale à celle qui est importée. Au fur à mesure que le gouvernement mettra des moyens à la disposition des producteurs locaux, nous prendrons le pas sur l'importation. Il s'agira de prendre des mesures pour mettre en compétition la production locale avec l'importation. Comme c'est bien le cas dans le secteur avicole.

On parle également de la mise en place d'un fonds de soutien à la filière locale qui sera alimenté à partir d'un prélèvement sur chaque kilogramme importé. De quoi s'agit-il ?
Le terme approprié, ce sont les prélèvements compensatoires. A l'époque, c'étaient des prélèvements qui étaient censés être mis en place. Le montant prélevé qui est de 20Fcfa par kg est versé au Trésor public. Cela continue mais, il convient de dire ici, que c'est insignifiant face aux besoins qui sont réels. Nous pensons que le moment venu, l'Etat devra prendre des mesures courageuses pour faire de véritables prélèvements compensatoires réalistes qui ne tuent pas l'importation mais qui aide la production locale. Nous, en tant qu'outil technique, avons une étude en cours, et les résultats seront remis au ministre de tutelle, le Docteur Alphonse Douati. Il sait de quoi il s'agit pour avoir géré à l'époque, la peste porcine africaine en Côte d'Ivoire. L'une des priorités du ministre, c'est de faire en sorte que la filière et la Sivac se portent très bien.

La Sivac en tant que cheville ouvrière de la filière, vous avez certainement des difficultés ?
Nous avons une capacité d'abattage de 50 mille cochons par an. Mais nous n’en traitons que moins de la moitié. Nous n'arrivons pas à couvrir nos charges. Heureusement que nous avons le soutien financier de l'Etat qui, depuis trois ans, se saigne pour nous aider. A la veille de la peste porcine africaine, nous avions une centaine d'employés, mais nous ne sommes que 17.

Où en sommes-nous à ce jour avec la transformation au plan local des produits d'abats de porcs?
Nous pouvons vous le dire sans nous tromper qu'il y a demande à ce niveau-là. Dans ce qui est importé directement, vous avez l'équivalent de 50 à 75 mille porcs. Une chose est sûre, il y a besoin réel aussi bien au niveau des industriels que des braiseurs et des femmes commerçantes. Si aujourd'hui, il y a un apprivoisement de 50 mille porcs en plus de la production locale, cela va s'écouler très rapidement. Pour terminer sur ce point, je vous apprends que les ivoiriens consomment l'un dans l'autre, autour de 30 mille porcs par an. De l'autre côté, ce qui est importé, nous avons l'équivalent de 650 mille porcs par an. Vous voyez qu'il y a un potentiel réel. Sur la base de 40 mille tonnes, cela fait 40 milliards de Fcfa. Ne serait-ce que la moitié, c'est-à-dire 20 milliards de Fcfa, pour le secteur, ce n'est pas rien pour une filière qu'il faut sortir des autres espèces animales. Nous avons un rôle important à jouer dans la promotion de cette filière.

Nous sommes en période de sortie de crise. Est-ce que des jeunes porteurs de projets sont venus à vous. Si oui, en combien de temps, peuvent-ils rentabiliser leurs affaires ?
Ecoutez, il est très difficile aujourd'hui, d'engager des gens dans cette filière, si vous n'avez pas le matériel rentable. Citons entre autres, le matériel génétique et l'environnement. Ce dernier n'est autre que l'aliment, la technicité de l'éleveur et le local pour tout le soin à apporter à l'animal pour rentabiliser votre affaire. En clair, on ne doit pas encourager les jeunes à exercer une activité, en tout cas pour l'instant, sans être sûr d'assurer l'encadrement. C'est pour cela que l'Etat et le ministère de la Production animale et des ressources halieutiques ont convenu d'une politique réaliste pour la relance de la filière porcine. Dans un premier temps, relancer la société porcine et importer du matériel génétique adéquat et à haut rendement, que nous allons multiplier sur place. Pour les vendre à tous ceux qui veulent se lancer dans l'élevage de porcs.

Que s'est-il passé pour que le gouvernement interdise l'importation de la viande de porc de la Hollande et votre commentaire sur la grippe porcine ?
Moi, je suis content de la réaction de notre gouvernement, à chaque fois qu'il y a des indices d'une maladie. C'est très important. On s'est fait avoir par la peste porcine africaine, il ne faudrait plus que cela arrive. Aujourd'hui, des dispositions sont prises par la tutelle avec le ministre Douati. C'est très bien. Des mesures sont prises pour non seulement prises protéger les consommateurs ivoiriens mais aussi les producteurs. On pourrait aller même soit à la limitation soit à la suspension de semences porcines. Des analyses seront faites au niveau des importations pour s'assurer que les produits qui entrent en Côte d'Ivoire, sont indemnes. Je suis ému parce que cette crise éclate au moment où nous lançons un programme d'amélioration génétique et c'est à la veille de ce processus que la grippe est annoncée. Mais le ministère va mettre en place un dispositif pour filtrer tout ce qui va entrer. En attendant, je voudrais rassurer les ivoiriens sur la consommation de la viande porcine locale. La direction des services vétérinaire est au travail dans ce sens.

Réalisée par Bamba Mafoumgbé
bamaf2000@yahoo.fr
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