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Showbizz Publié le mardi 5 mai 2009 |

Kajeem : "C’est terminé, la musique des analphabètes"

Source : Directabidjan.com

Acteur de la scène musicale ivoirienne depuis 1997, Kajeem a fait son petit bonhomme de chemin. Il a conquit les cœurs du public tant ivoirien qu’européen. Artiste militant, Kajeem exprime dans ses chansons le déchirement de son pays et les maux de notre société. Il membre d’honneur de la Croix-Rouge de Côte d’Ivoire.. Entretien.

Comment identifiez-vous votre genre musical ? Reggae, du rap, du ragga, etc. ?
Celui qui n’arriver pas à me situer, c’est qu’il ne suit pas l’évolution de la musique. Moi je fais du reggae du troisième millénaire. Le reggae n’est plus celui des années 60, il a évolué. Le reggae s’est enrichi de tout ce qu’il y a comme rythmes dans le monde. Ce que moi je sais, le reggae pend la couleur de l’endroit où il est pratiqué. Moi, je suis issu d’une génération qui a grandi aux sons du hip-hop, du ragga, de la soul, etc. C’est donc normal que ma musique soit enrichie de ces différentes influences. Mon reggae n’est donc pas comme celui que pratiquait Bob Marley. Mais c’est tout même du reggae.

Ce n’est donc pas vraiment du reggae que fait « Le fils de Jah » ?
Je fais du reggae. Mon prochain album est le plus roots que je n’ai jamais fait. Je ne veux pas m’enfermer, je ne veux pas travestir ma pensée. C’est-à-dire si j’ai une chanson qui me vient sous la forme d’un slow, je ne vois pas pourquoi je vais la reggaeifer sous prétexte que je suis reggae. Moi, je suis un artiste qui se laisse vivre.

Dans votre adaptation du reggae au h ou du rap au reggae, quelles sont les priorités que vous vous imposez ?
Ce qui est prioritaire dans la musique que je fais, c’est le message. C’est vrai que j’essaie de rester fidèle au reggae, parce que c’est mon arme de combat. C’est quelque chose auquel je crois. Mais je ne veux pas être prisonnier de quoi que ce soit... Et je n’ai jamais fait d’album qui soit en rupture avec le public tant au niveau de la chanson qu’au niveau de la musique. Il y a toujours eu les mêmes rythmiques, certains en ragga, d’autres en reggae. C’est une sorte de déclinaison du reggae à tous les temps et à tous les modes.

Cette déclinaison, c’est pour vous adapter au public européen ?
Non ! Le meilleur artiste reggae 2005 au niveau mondial s’appelle Damian Marley, un des fils de Bob Marley. Ce qu’il pratique comme musique est mille fois plus hip-hop que ce que je fais. Mais personne ne lui reproche d’avoir dilué son reggae. Je veux dire que je n’ai pas besoin de travestir le reggae pour plaire au public européen. En musique, les plus belles descriptions ne valent pas la plus petite écoute. Mon nouvel album va montrer que je ne cherche pas à être autre chose que ce que je suis en réalité. Je suis un jeune africain urbain, j’appartiens aussi à une culture. Je dois intégrer tout cela à ce que je fais.

Qu’est-ce qui séduit dans votre musique ?
Ceux qui sont séduits par ce que je fais seraient plus aptes à répondre à cette question… Je pense que les gens aiment Kajeem pour ses textes, pour le message qu’il apporte. Pour moi, c’est le plus important. Voyez dans nos villages, la musique a une fonction d’éducation, d’élévation, de transmission de valeurs, avant même sa fonction de distraction. On ne peut donc pas réduire la musique à sa seule fonction de distraction. Et puis, mes fans disent que ce que je fais est différent. Or en matière d’art, la différence est la chose qui fait de vous une référence.

Quels sont les thèmes qui reviennent le plus souvent dans votre musique ?
Mes chansons sont d’abord adressées aux jeunes. Parce qu’avec les jeunes, on peut encore espérer changer les choses. C’est pourquoi j’aborde souvent les thèmes du chômage, de la confiance e soi. Je demande aux jeunes de prendre en main de son destin, etc. Et puis, il y a aussi les éternels problèmes de l’Afrique. Il y a aussi des thèmes purement reggae qui évoquent la libération des peuples.

Kajeem artiste pour le business ou engagé ?
Je suis quelqu’un d’impliqué dans tout ce qui m’entoure. Artiste engagé on pourrait donc dire. Je sais ce qui m’a valu de chanter « Sergent 2 togos » en Côte d’Ivoire. Artiste business, je ne veux même pas répondre à cette question, parce que pour moi la musique est un business. La musique, c’est ma passion, c’est mon métier. Ce serait un problème si je n’arrive pas à vendre ce que je fais, Il faut que je sois capable d’allier mon talent au business.

De 1997 à 2009, quelles sont les grandes étapes de votre carrière musicale ?
La première grande étape a été la sortie de mon premier album. C’était la matérialisation d’une idée. Chaque album a joué un rôle précis dans ma carrière. « N’gowa » a été l’album qui m’a permit d’exister physiquement en tant qu’artiste, « Revelation Time » m’a révélé au grand public, « La voix du ciel » m’a permit de faire mon premier voyage en Europe et d’entrer ainsi sur le marché international. « Positif » lui, m’a permis de tourner en Europe. Et le dernier album devra être celui de l’explosion. Chaque album est donc une forme de marche d’escalier. J’espère aller toujours plus haut.

Vous avez été un certain temps acteur de la scène hip-hop… Quel est votre regard sur ce mouvement ?
Sur mon premier album, il y a un titre rap. C’est titre là qui avait été choisi pour la promotion. C’est pourquoi bon nombre de gens croient que je suis un rappeur. Mais moi j’ai toujours fais du reggae. Seulement à l’époque, il n’y avait pas de mouvement reggae et, le seul espace où je pouvais m’exprimer c’était dans le hip-hop. Malheureusement, c’est très souvent qu’on refusait de me passer à des émissions parce qu’on me reprochait de ne pas être assez rap… Je veux dire que tout ce que j’ai appris dans la musique, je le dois au rap. Je n’ai pas fait d’école de musique. Mon école à moi c’est le rap. Sur scène, tous mes gestes sont typiquement rap… C’est pourquoi je suis très peiné de voir le rap être ce qu’il est aujourd’hui. En Afrique noire, la Côte d’Ivoire est le premier pays où le rap s’est rapidement développé. Mais au lieu de continuer de travailler, nous avons passé tout notre temps à faire des guerres de clans. Ce qui a tué le mouvement. Et aujourd’hui tous les pays qui ont commencé à faire le rap après nous, sont loin devant. Avec la nouvelle génération de rappeurs, j’espère qu’on ne va répéter les mêmes erreurs du passé.

Vous tournez beaucoup en Europe, comment réagi le public là-bas ?
C’est une bonne réaction en général partout où je suis passé. Ce qui m’oblige à continuer à travailler, afin de maintenir la confiance que le public a placée en moi. Nous avons une cinquantaine de spectacles par an. J’ai joué sur des scènes prestigieuses telles que le Montreuil Jazz Festival et le Festival Afro-System. J’ai fais également les premières de Anthony Dee, de Sean Lat et de Tiken Jah. C’est plutôt bon pour quelqu’un qui n’avait pas encore signé de contrat avec une maison de disque.

C’est beaucoup d’argent que gagne Kajeem…
Pas forcément ! Le jour où j’aurai beaucoup d’argent, vous n’aurez même pas à me le demander. Pour le moment, j’ai la chance de vivre de mon métier de musicien.

C’en est donc fini pour vos études ?
Non, je n’ai pas mis un trait sur mes études, j’ai fini mes études universitaires. C’est à la fin de mes études que j’ai décidé de faire de la musique. Je n’ai pas arrêté mes études pour la musique... Je me suis juste inscrit dans une école en Suisse pour préparer une maîtrise en musique assistée par ordinateur. A ce niveau, c’est un peu souple et ça me permet de me concentrer sur ma musique… Je voudrais dire aux jeunes que c’est terminé la musique des analphabètes. Pour faire de la musique désormais, il faut avoir été à l’école.

Kajeem, des enfants ? Marié ?
Je ne suis pas marié, mais j’ai deux enfants... Je n’aime pas parler de ma vie privée parce que pour moi, ce n’est pas le plus important. Je veux préserver mes enfants, les mettre à l’abri. Je voudrais que mes enfants aient une enfance normale. Et non une enfance de star, parce que ce ne sont pas des stars, mais des enfants.

Un message ?
Je voudrais dire aux jeunes que nul ne fera de meilleurs projets pour nous que nous-mêmes. Nous devons nous battre pour avoir une activité. C’est vrai que c’est difficile, mais nous ne devons surtout pas perdre confiance en nous. Ailleurs être jeune est un atout, mais chez nous, c’est un véritable handicap… C’est à nous que l’avenir appartient. C’est à nous de prendre notre destin en main.

Réalisée par Serge Grah
serge_grah@yahoo.fr
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