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Sport Publié le mercredi 6 mai 2009 | Notre Voie

Football : Dans l’univers de trois femmes arbitres

Elles sont une trentaine de femmes arbitres de ligue accréditées par la Fédération ivoirienne de football. Dans le feu de l’action, les choses n’ont pas toujours été aussi faciles pour ces braves dames qui vivent leur passion. Suivons ces trois qui se sont ouvertes à Notre Voie, après une rencontre qu’elles ont dirigée.

Samedi 12 avril 2009. Il est 18 h 45 quand retentit le coup de sifflet final du match qui oppose deux équipes venues des campements baoulé du village de Gbalébouo-la coquette, dans la sous-préfecture d’Okrouyo, département de Soubré. Supporteurs et officiels, jusque là réservés, se lèvent et applaudissent à tout rompre le corps arbitral. Laurent Wondji, premier vice-président chargé des sports, loisirs et communication du comité de gestion du village dénommé Ouyiné peut pousser un ouf de soulagement. Parce que rarement les matches à enjeu opposant les villages de cette région arrivent à leur terme à cause de l’arbitrage. “Je n’ai pas eu tort d’inviter ces arbitres d’Abidjan. Je suis heureux et fier qu’ils nous aient permis de commencer en beauté la fête de pâques en nous gratifiant d’un tel spectacle de haut niveau”, s’exclame-t-il.
Du coup, Anne Yao Akissi, l’arbitre central, et ses deux assistantes, Joëlle Flanny Soumahoro et Mariette Linda Bénédicte Aguié, vues comme de simples curiosités, font désormais l’objet d’admiration de tout le village. Surtout des cadres qui se sont donné rendez-vous dans leur village pour non seulement fêter la pâques avec leurs parents baoulé, mais aussi accorder leurs points de vue avec la population sur les actions à mener pour sortir définitivement Gbalébouo de sa situation d’extrême précarité. Ils n’hésitent pas à demander comment des femmes peuvent tenir un match de football qui déchaîne des passions. Et comment elles en sont arrivées là. Tout le monde cherche alors à en savoir davantage sur l’arbitrage pratiqué par des femmes en particulier.


On ne voit plus la femme, on voit l’arbitre

Même si elles sont différemment arrivées dans le métier, Anne Yao Akissi, Joëlle Flanny Soumahoro et Mariette Linda Bénédicte Aguié partagent la même passion. Elles dépendent toutes de la Commission régionale des arbitres (CRA) d’Abidjan. “C’est en 1998, lorsque j’étais en classe de 1ère au lycée moderne de Bouaflé, que je suis entrée dans l’arbitrage. Mon professeur de sciences de la vie et de la terre (SVT), M. Dembélé Soumaïla, qui était lui-même arbitre en fonction en ce moment-là nous a fait une sensibilisation en classe. Il disait que les élèves de la série A n’aimaient pas beaucoup le sport. Ils préféraient se cantonner sur leurs études. Et pourtant, disait-il, le sport aide à entretenir l’esprit, à activer le cerveau. Il nous a aussi appris que la CRA de Bouaflé avait besoin d’arbitres. C’est comme çà que je me suis dit que je pouvais essayer. Je suis alors allée postuler. On m’a fait faire un test et j’ai été acceptée comme élève arbitre”, raconte Anne Yao Akissi, aujourd’hui arbitre de ligue D2. Joëlle Flanny Soumahoro est également devenue arbitre à l’issue d’un test. Pareil pour Mariette Linda Bénédicte Aguié qui officie en D3.
Elles ont la particularité d’avoir commencé par des tournois de football corpo et régional. “A Bouaflé, le président Dembélé faisait jouer tous les élèves et tous ceux qui étaient déjà en fonction. On ne vient pas comme ça à l’arbitrage. Cela se fait d’abord en secret. On commence 4ème arbitre. Quand on est assis à une table, on prend des notes et on observe les autres jouer. Et après, on teste ta condition physique. Et puis on t’essaie pour t’ôter le tract qu’il y a lorsqu’on est sur le terrain parmi les joueurs pour voir ta réaction face à eux. Puis on te met un drapeau d’abord et ensuite un sifflet », explique encore Anne Yao Akissi. Elle indique par la suite que la formation des arbitres aussi bien chez les hommes que chez les dames obéit à la même règle. “Quand on est femme et qu’on est arbitre, on ne voit plus la femme. On voit l’arbitre. Ce sont la même condition physique et la même psychologie qui sont exigées tant pour les hommes que pour les dames”, précise Mlle Yao.

Elle ajoute que pour être arbitre, le niveau intellectuel est également important. Et il faut qu’il soit acceptable. “Il faut avoir au moins le Bac parce que dans l’arbitrage, on est appelé à voyager. Il faut pouvoir parler plus d’une langue. Moi, je parle bien le français en plus du baoulé (rires). J’ai appris l’anglais et l’espagnol. Et là, je ne me débrouille pas mal ”, indique-t-elle.

Selon Mariette Linda Bénédicte Aguié, la situation était différente pour leurs devanciers qui étaient amenés à officier hors du pays. Mais les choses ont aujourd’hui évolué pour tenir compte de l’environnement des matches qui se jouent, de plus en plus, dans des pays qui n’ont pas forcément le français comme langue nationale. Pour elle, cela facilite non seulement l’intégration de l’arbitre à l’extérieur, mais aussi permet de comprendre les situations de jeu. Notamment dans la rédaction des feuilles de match:

“lorsque nous faisons les matches, nous devons écrire forcément sur des feuilles de match. Or le langage est typiquement arbitral. Et doc technique. Il sera difficile pour quelqu’un qui n’a pas un minimum de bagage d’exprimer la situation de jeu. Et pour une situation mal exprimée, s’il y a confusion, vous pouvez être convoqué et puis suspendu ”.


Ce n’est pas toujours facile pour la femme arbitre

L’évolution de la femme arbitre n’est pas forcément linéaire. “Vous voyez un peu quelqu’un qui a commencé en 1998. Il devrait être aujourd’hui en 3ème, 4ème année ou en international, les grades se passant tous les 2 ans. Pour les jeunes filles, c’est un peu difficile. La majorité est entrée dans l’arbitrage élève. Il se trouve que très souvent les examens de passage de grade coïncident avec les examens scolaires. Alors, on rate l’examen de passage du grade parce que ce n’est pas évident qu’il y aura un examen de rattrapage. La dame arbitre perd ainsi 2 ans. L’année suivante, elle peut se retrouver enceinte. Elle est obligée de rester inactive pendant 9 mois que dure la grossesse. Et quand l’enfant naît, il faut 1an pour le sevrer. Elle perd là encore 2 années parce qu’elle ne sera pas à l’examen de passage de grade qui aura, entre temps, lieu. Ce sont ainsi 4 années qu’elle aura perdues. Du coup, la femme arbitre rate le grade fédéral et elle se retrouve toujours régionale en train de jouer la D3. Pendant ce temps, les hommes, eux, qui sont entrées après toi dans l’arbitrage, ont eu le temps de passer les examens de grade, et se retrouvent en international”, regrette Mlle Aguié.

Comme on le voit, les dames rencontrent beaucoup d’obstacles sur leur parcours. Nombreuses ont abandonné pendant plusieurs années. D’autres sont revenues grâce aux encouragements de l’entourage. Certaines par amour de l’arbitrage.

Malheureusement, celles qui reviennent ne peuvent plus avoir le niveau qu’elles avaient quand elles raccrochaient. Leur organisme n’est plus forcément dans une position d’endurance normale. Il leur faut préparer le test d’aptitude physique. Et réapprendre à officier les compétitions officielles.

Et pourtant, la Côte d’Ivoire compte encore une trentaine de femmes arbitres de ligue accréditées à la FIF. Avec de grands noms à MTN ligue 1. Il s’agit notamment d’Agathe Atakou, Irène Awa, Mariam Sylla, Perpétue Krégbé, Béa Marie, etc. Mais en combien de temps ont-elles atteint ce haut niveau de la compétition ? Elles ont dû, certainement, travailler dur.


Quand la passion prend le dessus

Selon Mlle Joëlle Flanny Soumahoro, il y a quelques années encore, les gens venaient à l’arbitrage par simple passion, par amour de la chose. L’arbitrage n’était pas connu de tous et paraissait mystérieux aux yeux des amateurs du football. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. “Il y a beaucoup de matches de nos jours parce qu’il y a beaucoup de personnes qui s’intéressent au football qui, chaque jour, se développe. Cela induit le développement du matériel autour. Il y a l’argent autour. Même si nous nous plaignons pour dire que les primes ne sont pas conséquentes, elles nous aident à régler de petits problèmes qui ne peuvent pas attendre les fins de mois. Ce n’est pas à négliger”, indique-t-elle. C’est pourquoi, Anne Yao Akissi soutient que quelqu’un qui veut faire de l’arbitrage, doit le faire parce qu’il aime la chose. “Les gens sont intéressés par l’argent, mais le fait d’être nombreux aujourd’hui, on ne peut pas satisfaire tout le monde. Donc c’est difficile d’être arbitre parce que tu joues toutes les deux ou trois semaines, voire un mois. La prime que tu reçois en un mois ne peut pas couvrir un autre mois”, se justifie-t-elle. Juste pour dire qu’on ne peut pas compter sur une prime de match et qu’il faut entrer dans l’arbitrage par passion. Pour Mariette Linda Bénédicte Aguié, il faut imiter les anciens qui ont fait l’arbitrage par passion. “Il y a tellement de difficultés aujourd’hui que si tu n’aimes pas l’arbitrage, tu ne peux pas tenir. C’est si facile d’abandonner qu’il faut aimer la chose pour pouvoir braver les obstacles ”, renchérit-elle.

L’arbitrage en Côte d’Ivoire n’est pas encore professionnalisé. Les arbitres accrédités à la FIF sont tous des amateurs. La FIF recrute les arbitres dont elle a besoin pour ses différents championnats. Les arbitres qui sont ainsi recrutés sont, eux-mêmes, organisés au sein d’une Commission centrale des arbitres (CCA). Celle-ci compte des commissions régionales (CRA).
Depuis ce samedi de pâques jusqu’au lundi, les cadres de Gbalébouo-la coquette n’ont pas tari d’éloges à l’endroit de ces arbitres. Aujourd’hui, ils parlent d’elles comme dans un conte de fées.

Envoyé spécial Robert Krassault: ciurbaine@yahoo.fr
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