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Art et Culture Publié le jeudi 14 mai 2009 | Fraternité Matin

Anniversaire : L’orateur salue l’homme de la “cohérence”

Lundi dernier, à la Fondation qui porte son nom, Pr Voho Sahi a rendu hommage à Harris Memel-Fotê, à l’occasion de l’an 1 de sa mort.

Mardi, dans notre compte-rendu de l’hommage à Memel-Fotê des quatre fronts de la résistance de l’homme (intellectuelle, politique, morale et physique) signalés par Pr Voho Sahi, nous n’avions parlé que de la première, la résistance intellectuelle. Aujourd’hui, nous abordons les trois dernières. Cette première résistance de ce doublement grand homme (grand par la taille, grand par le savoir) qui aura produit, entre autres, plus de soixante écrits dont six ouvrages de référence comprenant la fameuse thèse de doctorat d’Etat : «L’esclavage dans les sociétés lignagères d’Afrique Noire. Exemple de la Côte d’Ivoire», pour laquelle il aura consacré vingt ans de sa vie, avait préparé la bague d’alliance avec la résistance politique. Le savoir comme instrument de la libération. Le conférencier a raison de dire: «La résistance intellectuelle (chez Memel-Fotê) se trouve en continuité avec la résistance politique».

Il ne fit pas comme la majorité des «Compagnons de l’aventure» 1946 (de jeunes Ivoiriens envoyés en France pour des études en), de retour au pays, qui ont «intégré le régime politique instauré à l’indépendance» : le parti unique. Pour jouir de ses bienfaits, renonçant à leur idéal, en intégrant «un monde où l’on pense que chacun n’est que ce qu’il a». Un seul mot pour qualifier cette résistance face à l’avoir, dira Pr Vohi : «la cohérence». «Se tracer une voie et s’y tenir».

Il avait mené, précisera-t-il, de front ses études et la lutte politique au sein d’associations et de groupes d’actions politiques dont il a créé certains et dirigé la plupart, de l’Ageci à la Feanf. Son engagement, comme tant d’autres en faveur de la Guinée de Sékou Touré, jusqu’à y enseigner en 1959 – après le oui pour l’indépendance de ce pays- constituait un double défi, relèvera le conférencier : «L’échec de la Guinée signifiait la fin de toute aspiration à l’indépendance» et «le départ de ces jeunes Africains constituait un défi pour leurs territoires d’origine dont les responsables avaient refusé de prendre l’indépendance». L’arrestation de l’illustre disparu, le 30 avril 1959 – il sera libéré le 6 août, la veille de la proclamation de l’indépendance de la Côte d’Ivoire- trouve ainsi son explication. «Le gouvernement ivoirien, sans doute dans un souci de donner un gage supplémentaire de sa fidélité à la puissance coloniale…».

L’homme, dit-on, avait définitivement fait ces choix : «Le parti du savoir contre celui du pouvoir et de l’avoir» ; «l’indépendance dans la liberté politique et non dans le parti unique».

En témoignera ce double refus d’entrer, en 1968, dans le gouvernement ; et en 1970 de faire partie- sans en avoir été informé- des membres du comité directeur du parti unique, le Pdci. Et le conférencier de conclure:«L’université où il s’est retiré, fut donc aussi pour (lui) un lieu d’exil intérieur où il sut résister dans et par le savoir» ; devenant ainsi «le veilleur à qui les générations suivantes devaient demander ce qu’il en était de la nuit. Et il attendit le jour où il devint enfin possible de sortir». Ce sera le 30 avril 1990, jour anniversaire de son arrestation ; jour aussi de proclamation du multipartisme, «seconde indépendance» de la Côte d’Ivoire pour laquelle il se battra, jusqu’à ce que la mort l’emporte. Sans chercher à se prévaloir d’une «légitimité historique», pour réclamer la première place au sein de sa formation politique, le Fpi. Il ne sera que député de Dabou, et vice-président de l’Assemblée nationale. Dommage que sur le chapitre de la lutte politique menée, par exemple par le Mouvement ivoirien de libération (Mil), la Côte d’Ivoire nouvelle, des «anciens» présents dans la salle n’aient daigné apporter un éclairage. «On en reparlera le moment venu», a dit, un d’eux. Même quand Pr Séry Bailly leur disait : «Houphouet est mort…». Comme quoi, même mort…

Autre trait de caractère de Memel-Fotê: la résistance morale, qui est la source même de toutes les autres résistances: Il «agit comme il parle», et «comme celui qui n’a d’autre intérêt que le vrai n’est point tenté de mentir, il a été partout entier dans ses paroles et il aura tout fait pour rendre ses actions conformes à ses paroles». En bon distributeur, non de positions sociales et biens matériels, mais du «seul bien qui enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne : le savoir !», précisera encore Pr Voho Sahi.

Il fera remarquer cet autre trait, en ce qui concerne l’action libératrice. Sa préférence, justifiera-t-il, va à la « négociation » qui s’oppose à la voie de la conquête. Car, pour Memel-Fotê, tel qu’écrit dans le Projet de société du Front populaire ivoirien (Fpi), soulignera l’orateur, «la révolution n’implique pas forcément le passage brutal et violent d’un ordre de choses intolérables à un ordre désirable. On peut obtenir un tel changement en faisant l’économie de la guerre». Une telle approche, qui préconise le temps lent de la négociation, indique le conférencier, demande une stature éthique par rapport au temps, c’est-à-dire à la mort. Elle est d’office le symbole d’une qualité morale d’un homme pour qui «le combat politique est une épreuve morale d’abord avant d’être un combat pour le pouvoir». Tel apparaît à ses yeux Memel-Fotê, un homme d’une résistance morale extraordinaire, qui avait «fini (semble-t-il) par penser que c’est dans les ressources de l’esprit que le corps puise, en dernier ressort, les forces qui le maintiennent». Cet «authentique héros de la révolution démocratique en Côte d’Ivoire», selon l’expression du conférencier, avait toujours été, malgré la maladie, et «l’obscur ennemi» (le temps), à l’heure où on atteint «l’automne des idées», présent au rendez-vous du savoir.



Michel Koffi
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