Artiste incontournable au Mali, Oumou Sangaré chante depuis près de vingt ans sur la condition féminine, l’amour, l’Afrique. Rencontre avec une chanteuse grave et joyeuse, pour la sortie de son nouvel album, Seya.
Assise dans le canapé d’un bar branché, à côté de la Maison de la Radio, Oumou Sangaré étend les bras derrière sa tête. Elle attend les questions avec sérénité. Avant même d’avoir parlé, sa présence envahit la salle, son charisme s’impose. La chanteuse malienne vient de sortir son cinquième album, Se «joie» en wassoulou (1). «Seya est différent des autres disques, car il est le résultat de 19 années de carrière. J’ai voulu moderniser un peu les arrangements, tout en gardant le côté traditionnel, très important pour moi. Car il rappelle d’où je viens, il est ce qui m’a fait connaître. » Un disque où, sur de vives rythmiques de djembe se posent des cordes de guitare, calebasse ou kamele n’goni (sorte de luth africain). Puis la voix enveloppe les morceaux : l’oreille ne suit plus alors que ce timbre si particulier, tour à tour aigu et grave, tenant les notes ou martelant de courtes phrases reprises par des chœurs. Lorsque, dans un titre, la chanteuse marque une pause, les musiciens reprennent la main pour livrer des solos de haute facture. C’est ainsi que l’univers de la diva se déploie : il conquiert l’auditeur par un groove irrésistible où voix et instruments se répondent en rivalisant d’acrobaties mélodiques.
Engagement
Au-delà d’une voix remarquable, c’est avec ses textes qu’elle a rencontré le succès. En 1989, la sortie de son premier album, Moussoulou (« La femme »), bouscule la société malienne. Brisant les tabous, la chanteuse y dénonce les conditions de vie des femmes dans son pays. Évoquant le combat mené par sa mère pour élever seule ses enfants, Oumou Sangaré revendique le droit des femmes au respect et à la considération dans la société. « Au début, c’était très dur, se souvient-elle. On disait “ pour qui tu te prends, de quoi tu te mêles ? !” Puis le succès est venu d’un seul coup, énorme. J’ai réalisé que j’avais touché du doigt quelque chose, abordé des difficultés que de nombreuses femmes rencontraient. C’était cela ma justification. Mon combat était là. » Depuis, ses chansons demeurent très attendues de ses fans. «Lorsque le bruit court que j’entre en studio, les réactions fusent aussitôt. Je reçois beaucoup de courriers et d’encouragements. Je sais que mes textes sont très importants ; je n’ai pas le droit de décevoir tous ces gens qui comptent sur moi. » Dans Seya, elle dénonce le mariage forcé, la polygamie, mais aborde aussi l’immigration, ou l’amour. «Au Mali, on m’appelle “ijara éducatrice”confie-t-elle. Je ne pourrais pas traduire exactement en français, c’est entre “conseillère” et “éducatrice”. C’est en tout cas beaucoup plus profond que simplement chanteuse. J’essaie d’éduquer toute une nation avec mes chansons.»
Une autre Afrique
N’ayant elle-même pas pu poursuivre ses études, Oumou Sangaré encourage les jeunes, particulièrement les filles, à aller à l’école. Entreprenante, elle a créé un orphelinat à Bamako, investi dans une marque de voiture, fait construire un hôtel. L’Unesco l’a décoré en 2001. Elle est actuellement ambassadrice pour la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unis). Une reconnaissance internationale que relaye le gouvernement malien, en nommant des femmes à des postes gouvernementaux et en renforçant la lutte contre l’excision. « En Afrique, les artistes sont beaucoup plus écoutés que les politiciens, précise Oumou. Le message, même politique, passe mieux lorsqu’il est porté par un artiste en train de chanter que quand un politicien se plante devant un micro. » Fière d’avoir pu faire avancer la lutte pour les droits des femmes dans son pays, elle rappelle cependant que celle-ci est loin d’être terminée. Que d’autres combats sont à mener, à l’extérieur cette fois : «Comme je tourne depuis quinze ans dans le monde entier, je commence à toucher des gens. Des journalistes ont fait le déplacement pour voir le Mali, comprendre un peu ce qui s’y passe. » Au souvenir d’une interview, un sourire las passe sur son visage : « Un jour, un journaliste m’a dit : “ chez vous, en Afrique, vous êtes très pauvres. Toi, Oumou, quand on te voit sur scène, tu es joyeuse, souriante, en forme… ”» Se durcissant, elle poursuit : «quand on parle de l’Afrique, les mots qui reviennent sont toujours les mêmes : pauvreté, famine, misère, Sida. Il n’y a pas que ça là-bas ! Mon combat hors de chez moi, c’est de montrer ce côté positif caché de l’Afrique. » Et de conclure dans un rire : «à qui me demande “il y a beaucoup de femmes comme vous au Mali ?” Je réponds : il y a beaucoup, beaucoup mieux que moi au Mali ! »
Assise dans le canapé d’un bar branché, à côté de la Maison de la Radio, Oumou Sangaré étend les bras derrière sa tête. Elle attend les questions avec sérénité. Avant même d’avoir parlé, sa présence envahit la salle, son charisme s’impose. La chanteuse malienne vient de sortir son cinquième album, Se «joie» en wassoulou (1). «Seya est différent des autres disques, car il est le résultat de 19 années de carrière. J’ai voulu moderniser un peu les arrangements, tout en gardant le côté traditionnel, très important pour moi. Car il rappelle d’où je viens, il est ce qui m’a fait connaître. » Un disque où, sur de vives rythmiques de djembe se posent des cordes de guitare, calebasse ou kamele n’goni (sorte de luth africain). Puis la voix enveloppe les morceaux : l’oreille ne suit plus alors que ce timbre si particulier, tour à tour aigu et grave, tenant les notes ou martelant de courtes phrases reprises par des chœurs. Lorsque, dans un titre, la chanteuse marque une pause, les musiciens reprennent la main pour livrer des solos de haute facture. C’est ainsi que l’univers de la diva se déploie : il conquiert l’auditeur par un groove irrésistible où voix et instruments se répondent en rivalisant d’acrobaties mélodiques.
Engagement
Au-delà d’une voix remarquable, c’est avec ses textes qu’elle a rencontré le succès. En 1989, la sortie de son premier album, Moussoulou (« La femme »), bouscule la société malienne. Brisant les tabous, la chanteuse y dénonce les conditions de vie des femmes dans son pays. Évoquant le combat mené par sa mère pour élever seule ses enfants, Oumou Sangaré revendique le droit des femmes au respect et à la considération dans la société. « Au début, c’était très dur, se souvient-elle. On disait “ pour qui tu te prends, de quoi tu te mêles ? !” Puis le succès est venu d’un seul coup, énorme. J’ai réalisé que j’avais touché du doigt quelque chose, abordé des difficultés que de nombreuses femmes rencontraient. C’était cela ma justification. Mon combat était là. » Depuis, ses chansons demeurent très attendues de ses fans. «Lorsque le bruit court que j’entre en studio, les réactions fusent aussitôt. Je reçois beaucoup de courriers et d’encouragements. Je sais que mes textes sont très importants ; je n’ai pas le droit de décevoir tous ces gens qui comptent sur moi. » Dans Seya, elle dénonce le mariage forcé, la polygamie, mais aborde aussi l’immigration, ou l’amour. «Au Mali, on m’appelle “ijara éducatrice”confie-t-elle. Je ne pourrais pas traduire exactement en français, c’est entre “conseillère” et “éducatrice”. C’est en tout cas beaucoup plus profond que simplement chanteuse. J’essaie d’éduquer toute une nation avec mes chansons.»
Une autre Afrique
N’ayant elle-même pas pu poursuivre ses études, Oumou Sangaré encourage les jeunes, particulièrement les filles, à aller à l’école. Entreprenante, elle a créé un orphelinat à Bamako, investi dans une marque de voiture, fait construire un hôtel. L’Unesco l’a décoré en 2001. Elle est actuellement ambassadrice pour la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unis). Une reconnaissance internationale que relaye le gouvernement malien, en nommant des femmes à des postes gouvernementaux et en renforçant la lutte contre l’excision. « En Afrique, les artistes sont beaucoup plus écoutés que les politiciens, précise Oumou. Le message, même politique, passe mieux lorsqu’il est porté par un artiste en train de chanter que quand un politicien se plante devant un micro. » Fière d’avoir pu faire avancer la lutte pour les droits des femmes dans son pays, elle rappelle cependant que celle-ci est loin d’être terminée. Que d’autres combats sont à mener, à l’extérieur cette fois : «Comme je tourne depuis quinze ans dans le monde entier, je commence à toucher des gens. Des journalistes ont fait le déplacement pour voir le Mali, comprendre un peu ce qui s’y passe. » Au souvenir d’une interview, un sourire las passe sur son visage : « Un jour, un journaliste m’a dit : “ chez vous, en Afrique, vous êtes très pauvres. Toi, Oumou, quand on te voit sur scène, tu es joyeuse, souriante, en forme… ”» Se durcissant, elle poursuit : «quand on parle de l’Afrique, les mots qui reviennent sont toujours les mêmes : pauvreté, famine, misère, Sida. Il n’y a pas que ça là-bas ! Mon combat hors de chez moi, c’est de montrer ce côté positif caché de l’Afrique. » Et de conclure dans un rire : «à qui me demande “il y a beaucoup de femmes comme vous au Mali ?” Je réponds : il y a beaucoup, beaucoup mieux que moi au Mali ! »