Soupçonnés d'être des partisans de l'homosexualité, les hommes qui coiffent les femmes se défendent. Mais ces coiffeurs, qui sont le plus souvent efféminés, ne favorisent-ils pas les critiques ? Nord-Sud a mené l’enquête.
Les hommes s'adonnent de plus en plus à la coiffure féminine. « Tissage, tresse, pédicure et manucure », peut-on lire sur la pancarte de ce salon situé non loin du grand marché de Marcory. A l'intérieur, un bel homme s'occupe de la tête d'une dame. Il s'appelle Aziz, il a 30 ans. Ce 27 avril, ce coiffeur, avec sa longue chevelure défrisée qui tombe sur la nuque, est vêtu d'un tee-shirt qui épouse les lignes de son corps. Il porte aussi un pantalon “taille-basse”, de petites boucles d'oreilles, et des bijoux en argent aux poignets. Un vrai look de belle de nuit. Il porte un bijou comme montre au poignet gauche. Une aiguille en main, Aziz est en train de placer un tissage sur la tête d'une fille. Il est le patron et ses employés sont toutes du sexe faible. Avec courtoisie, Aziz nous accueille pour parler de lui et des hommes de la coiffure. « J'ai aimé la coiffure depuis ma tendre enfance. Quand j'ai arrêté d'aller à l'école, je me suis orienté tout naturellement vers ce métier. Quand un homme le pratique, il se voit coller une image péjorative. Mais, tout ce qui se dit sur moi, je n'en tiens pas compte. Je suis efféminé depuis ma naissance. Je n'ai pas choisi de l'être. Les gens pensent que je suis homosexuel. Mais, je ne le suis pas. Et ma façon d'être n'a pas influencé mon choix pour la coiffure», se rassure-t-il.
L'influence des femmes
Pour nous convaincre qu'il demeure un homme malgré son allure de « go », il affirme qu'il est marié et père d'une fille. Une défense réfutée par son entourage. Aline Kouamé, une cliente, soutient qu'il cache son choix sexuel. « Depuis son installation au marché, à travers sa démarche, j'ai su immédiatement qu'il était homosexuel. Je pense que c'est le fait d'être constamment avec les femmes qui peut engendrer un tel virement », estime-t-elle. Toutefois, elle trouve que c'est un bon coiffeur. « Je le préfère aux coiffeuses », avoue la cliente. Béatrice, une vendeuse de vêtements, non loin du salon, est du même avis qu'Aline « La coiffure a eu une influence sur Aziz. Il est devenu efféminé. Je le connais depuis son enfance, il n'était pas ainsi. Si cela ne tenait qu'à moi, un homme n'exercerait jamais ce métier», renchérit-elle.
Interrogé sur l'influence de la fréquentation des femmes ou de la pratique de la coiffure féminine, Kouakou Ossei, enseignant au département de psychologie à l'université de Cocody, explique qu'il serait difficile d'établir un lien de causalité. « Nous n'avons pas encore mené d'étude dans ce sens. Pour le moment, on ne peut pas dire que c'est parce qu'ils exercent ce métier qu'ils sont ainsi. Tout ce qui est dit n'est pas pour le moment vérifié », avance le spécialiste. Une cliente d'Aziz est séduite par l'efficacité du coiffeur, mais émet des réserves. « Les hommes coiffent mieux que les femmes car ils sont beaucoup concentrés et rapides. Mais, ce que je déplore, c'est que la coiffure les transforme. A force d'être en contact avec nous (les femmes), ils copient nos envies. Je n'aimerais pas être la femme d'un tel homme. J'en aurais honte », souligne-elle.
Karim D., un autre coiffeur, est dans le métier depuis une dizaine d'années. Rejeté par sa famille, il essaie de garder le moral. « J'ai arrêté mes études en classe de 3ème. Mes parents m'ont envoyé chez mon oncle à Abidjan pour apprendre un métier. Chez lui, j'ai été en contact avec ses filles qui sont des tresseuses. Et chaque fois qu'il y avait une cliente, elles m'appelaient pour terminer les bouts de tresse. C'est ainsi que j'ai aimé le métier », explique-t-il. Il s'est inscrit dans une école de coiffure. Et au bout de trois ans de formation, il a ouvert son salon. Entre temps, le jeune homme a adopté un autre look: tatouage sur le corps, piercings au nez et aux lèvres. « L'on a commencé à raconter toutes sortes de choses sur mon compte. Ces rumeurs ont détruit ma vie. Ils sont allés dire à mes parents que je suis devenu une femme. Alors que c'est le style que j'ai aimé. La coiffure, c'est ma vocation, je ne me vois pas en train de faire autre chose. Tout le monde dans ma famille m'a tourné le dos. Seule une de mes sœurs m'appelle de temps à autre. Aujourd'hui, tout ce que je désire, c'est de me réconcilier avec mes parents, en particulier ma mère. Je veux aussi les amener à accepter mon métier et m'accepter avec mon style. Je gagne bien ma vie. Je peux donc les aider », regrette-t-il avec de l'amertume dans la voix. Comme Karim, beaucoup de coiffeurs de femmes sont l'objet de critiques, de curiosité et sont souvent rejetés par leurs familles. T.H., outre la tresse, la manucure, la pédicure, pose les faux ongles et autres cils artificiels chez les dames. Ce 30 avril, à Treichville, filiforme, T.H porte un tee-shirt plaqué sur une culotte. Entre lui et ses nombreuses clientes, c'est la symbiose. Il tourne autour des filles comme l'une d'elles.
Renié par sa famille
Même sa voix est féminine. « Je suis né ainsi. Depuis l'enfance, je me sentais attiré par tout ce qui est féminin. C'est pourquoi mon entourage pense que je suis homosexuel. Cela ne m'étonne pas. J'y suis habitué. Ce qui est essentiel pour moi, c'est de gagner de l'argent », se défend-il. A la question de savoir s'il est réellement homosexuel, il répond: « C'est ma vie privée. Je ne dois de comptes à personne.»
C'est la curiosité qui amène beaucoup de filles à se coiffer chez lui. « On m'a parlé de sa curieuse manière de se comporter. On m'a dit aussi qu'il est homosexuel. J'ai voulu le vérifier », indique Rose, une cliente. Quant à Lucie, une habitante du quartier, elle est convaincre de l'homosexualité de T.H et dit, détenir des preuves. « Il y a beaucoup de ses amis homosexuels qui viennent ici. En plus, chaque soir, il y a des voitures aux vitres teintées qui viennent le chercher. Au volant, l'on aperçoit toujours un homme », relate-t-elle. « Je ne crois pas que ce soit le métier qui les rend ainsi. Ils sont nés avec des gènes féminins », soutient mordicus une autre cliente. « Le contact permanent avec les femmes donne des envies. Ces coiffeurs ont souvent envie d'être traités comme des jeunes filles. C'est pourquoi vous verrez souvent certains se coiffer comme des femmes ou se dépigmenter la peau », souligne Liliane. « C'est la jalousie qui fait réagir ainsi les femmes. Nous les hommes, quand nous faisons un travail, nous le faisons bien. On ne fait pas de commérages, et on est concentré. Ce qui est le contraire chez les femmes », riposte T.H.
Quand Eugène devient « Eugénie »
Le 2 mai, nous rendons visite à Eugène, sous un hangar à Yopougon. Il est spécialiste en tresses. Entre deux nattes, il fait une pause pour répondre à nos questions. Sa sœur l'aide dans son job. Sur un banc, attendent des clientes impatientes. Dodu, avec des dreadlocks solidement fixés, Eugène lance de temps à autre des blagues pour détendre ses clientes. Il est nouveau dans le métier. Mais, son salon refuse du monde. Dans son quartier, les filles l'ont surnommé « Eugénie », à cause de son apparence. Et, il accepte ce prénom. Il est l'un des rares coiffeurs à reconnaître que le métier a eu une influence sur sa vie. « La coiffure a eu de l'influence sur moi. Je suis devenu souple et sensible. Avant, j'étais timide. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. On me traite d'homosexuel, mais, je laisse les gens parler. C'est ma vie privée », assène-t-il. La sœur d'Eugène explique qu'enfant, son frère ne manifestait pas de goût pour la coiffure. « Cela est venu tout seul et il a changé complètement d'apparence. Concernant, les rumeurs sur son éventuelle vie de gay, je préfère ne pas me prononcer. Je ne lui ai jamais posé la question car je ne veux pas savoir », indique-t-elle.
S.S
Les hommes s'adonnent de plus en plus à la coiffure féminine. « Tissage, tresse, pédicure et manucure », peut-on lire sur la pancarte de ce salon situé non loin du grand marché de Marcory. A l'intérieur, un bel homme s'occupe de la tête d'une dame. Il s'appelle Aziz, il a 30 ans. Ce 27 avril, ce coiffeur, avec sa longue chevelure défrisée qui tombe sur la nuque, est vêtu d'un tee-shirt qui épouse les lignes de son corps. Il porte aussi un pantalon “taille-basse”, de petites boucles d'oreilles, et des bijoux en argent aux poignets. Un vrai look de belle de nuit. Il porte un bijou comme montre au poignet gauche. Une aiguille en main, Aziz est en train de placer un tissage sur la tête d'une fille. Il est le patron et ses employés sont toutes du sexe faible. Avec courtoisie, Aziz nous accueille pour parler de lui et des hommes de la coiffure. « J'ai aimé la coiffure depuis ma tendre enfance. Quand j'ai arrêté d'aller à l'école, je me suis orienté tout naturellement vers ce métier. Quand un homme le pratique, il se voit coller une image péjorative. Mais, tout ce qui se dit sur moi, je n'en tiens pas compte. Je suis efféminé depuis ma naissance. Je n'ai pas choisi de l'être. Les gens pensent que je suis homosexuel. Mais, je ne le suis pas. Et ma façon d'être n'a pas influencé mon choix pour la coiffure», se rassure-t-il.
L'influence des femmes
Pour nous convaincre qu'il demeure un homme malgré son allure de « go », il affirme qu'il est marié et père d'une fille. Une défense réfutée par son entourage. Aline Kouamé, une cliente, soutient qu'il cache son choix sexuel. « Depuis son installation au marché, à travers sa démarche, j'ai su immédiatement qu'il était homosexuel. Je pense que c'est le fait d'être constamment avec les femmes qui peut engendrer un tel virement », estime-t-elle. Toutefois, elle trouve que c'est un bon coiffeur. « Je le préfère aux coiffeuses », avoue la cliente. Béatrice, une vendeuse de vêtements, non loin du salon, est du même avis qu'Aline « La coiffure a eu une influence sur Aziz. Il est devenu efféminé. Je le connais depuis son enfance, il n'était pas ainsi. Si cela ne tenait qu'à moi, un homme n'exercerait jamais ce métier», renchérit-elle.
Interrogé sur l'influence de la fréquentation des femmes ou de la pratique de la coiffure féminine, Kouakou Ossei, enseignant au département de psychologie à l'université de Cocody, explique qu'il serait difficile d'établir un lien de causalité. « Nous n'avons pas encore mené d'étude dans ce sens. Pour le moment, on ne peut pas dire que c'est parce qu'ils exercent ce métier qu'ils sont ainsi. Tout ce qui est dit n'est pas pour le moment vérifié », avance le spécialiste. Une cliente d'Aziz est séduite par l'efficacité du coiffeur, mais émet des réserves. « Les hommes coiffent mieux que les femmes car ils sont beaucoup concentrés et rapides. Mais, ce que je déplore, c'est que la coiffure les transforme. A force d'être en contact avec nous (les femmes), ils copient nos envies. Je n'aimerais pas être la femme d'un tel homme. J'en aurais honte », souligne-elle.
Karim D., un autre coiffeur, est dans le métier depuis une dizaine d'années. Rejeté par sa famille, il essaie de garder le moral. « J'ai arrêté mes études en classe de 3ème. Mes parents m'ont envoyé chez mon oncle à Abidjan pour apprendre un métier. Chez lui, j'ai été en contact avec ses filles qui sont des tresseuses. Et chaque fois qu'il y avait une cliente, elles m'appelaient pour terminer les bouts de tresse. C'est ainsi que j'ai aimé le métier », explique-t-il. Il s'est inscrit dans une école de coiffure. Et au bout de trois ans de formation, il a ouvert son salon. Entre temps, le jeune homme a adopté un autre look: tatouage sur le corps, piercings au nez et aux lèvres. « L'on a commencé à raconter toutes sortes de choses sur mon compte. Ces rumeurs ont détruit ma vie. Ils sont allés dire à mes parents que je suis devenu une femme. Alors que c'est le style que j'ai aimé. La coiffure, c'est ma vocation, je ne me vois pas en train de faire autre chose. Tout le monde dans ma famille m'a tourné le dos. Seule une de mes sœurs m'appelle de temps à autre. Aujourd'hui, tout ce que je désire, c'est de me réconcilier avec mes parents, en particulier ma mère. Je veux aussi les amener à accepter mon métier et m'accepter avec mon style. Je gagne bien ma vie. Je peux donc les aider », regrette-t-il avec de l'amertume dans la voix. Comme Karim, beaucoup de coiffeurs de femmes sont l'objet de critiques, de curiosité et sont souvent rejetés par leurs familles. T.H., outre la tresse, la manucure, la pédicure, pose les faux ongles et autres cils artificiels chez les dames. Ce 30 avril, à Treichville, filiforme, T.H porte un tee-shirt plaqué sur une culotte. Entre lui et ses nombreuses clientes, c'est la symbiose. Il tourne autour des filles comme l'une d'elles.
Renié par sa famille
Même sa voix est féminine. « Je suis né ainsi. Depuis l'enfance, je me sentais attiré par tout ce qui est féminin. C'est pourquoi mon entourage pense que je suis homosexuel. Cela ne m'étonne pas. J'y suis habitué. Ce qui est essentiel pour moi, c'est de gagner de l'argent », se défend-il. A la question de savoir s'il est réellement homosexuel, il répond: « C'est ma vie privée. Je ne dois de comptes à personne.»
C'est la curiosité qui amène beaucoup de filles à se coiffer chez lui. « On m'a parlé de sa curieuse manière de se comporter. On m'a dit aussi qu'il est homosexuel. J'ai voulu le vérifier », indique Rose, une cliente. Quant à Lucie, une habitante du quartier, elle est convaincre de l'homosexualité de T.H et dit, détenir des preuves. « Il y a beaucoup de ses amis homosexuels qui viennent ici. En plus, chaque soir, il y a des voitures aux vitres teintées qui viennent le chercher. Au volant, l'on aperçoit toujours un homme », relate-t-elle. « Je ne crois pas que ce soit le métier qui les rend ainsi. Ils sont nés avec des gènes féminins », soutient mordicus une autre cliente. « Le contact permanent avec les femmes donne des envies. Ces coiffeurs ont souvent envie d'être traités comme des jeunes filles. C'est pourquoi vous verrez souvent certains se coiffer comme des femmes ou se dépigmenter la peau », souligne Liliane. « C'est la jalousie qui fait réagir ainsi les femmes. Nous les hommes, quand nous faisons un travail, nous le faisons bien. On ne fait pas de commérages, et on est concentré. Ce qui est le contraire chez les femmes », riposte T.H.
Quand Eugène devient « Eugénie »
Le 2 mai, nous rendons visite à Eugène, sous un hangar à Yopougon. Il est spécialiste en tresses. Entre deux nattes, il fait une pause pour répondre à nos questions. Sa sœur l'aide dans son job. Sur un banc, attendent des clientes impatientes. Dodu, avec des dreadlocks solidement fixés, Eugène lance de temps à autre des blagues pour détendre ses clientes. Il est nouveau dans le métier. Mais, son salon refuse du monde. Dans son quartier, les filles l'ont surnommé « Eugénie », à cause de son apparence. Et, il accepte ce prénom. Il est l'un des rares coiffeurs à reconnaître que le métier a eu une influence sur sa vie. « La coiffure a eu de l'influence sur moi. Je suis devenu souple et sensible. Avant, j'étais timide. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. On me traite d'homosexuel, mais, je laisse les gens parler. C'est ma vie privée », assène-t-il. La sœur d'Eugène explique qu'enfant, son frère ne manifestait pas de goût pour la coiffure. « Cela est venu tout seul et il a changé complètement d'apparence. Concernant, les rumeurs sur son éventuelle vie de gay, je préfère ne pas me prononcer. Je ne lui ai jamais posé la question car je ne veux pas savoir », indique-t-elle.
S.S