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Société Publié le mardi 26 mai 2009 | Nord-Sud

Mariage islamique : Les imams disent “oui” à la modernité

Le mode de célébration du mariage islamique institué ces temps-ci dans certaines mosquées d'Abidjan, contraste avec les usagers. Une forte touche de modernité y a été ajoutée.


Le mariage est une institution importante dans l'organisation sociale des communautés humaines. En Islam, il occupe une place de choix. « Le mariage est un acte d'adoration en Islam au même titre que tous les autres. Il constitue la moitié de la croyance. Le prophète (Mohamed) dit qu'à quiconque Allah a donné une bonne épouse, il lui a donné la moitié de la religion. Il doit chercher l'autre moitié dans les autres actes d'adoration. C'est dire que lorsqu'on n'est pas marié, on ne peut pas atteindre la plénitude de la foi », enseigne l'imam Koné Zakaria, secrétaire général exécutif de l'Association des musulmans sunnites de Côte d'Ivoire (Amsci). C'est donc à juste titre que dans la communauté musulmane, les individus, dans leur grande majorité, aspirent à connaître la joie du mariage. Bamba Mariam, étudiante, a connu ce bonheur. « Ce fut la plus belle expérience de ma vie. Je pense que pour nous les femmes, la seule chose qui peut être comparée à cela est la joie de l'enfantement ». C'est en ces mots, la voix pleine d'émotion, que la jeune dame en parle.


Le test du sida parfois exigé

Elle se souviendra étrenellement de ce 20 juillet 2006. Ce jour-là, à la mosquée du Plateau-Dokui, elle a répondu « oui ! » à trois reprises, quand l'imam lui a demandé si elle voulait devenir l’épouse de Soumahoro A. C'était dans un décor inhabituel pour un mariage islamique. Une foule de parents et d’amis étaient présente à l'intérieur du lieu de culte. La table de séance était recouverte d'un tissu blanc. Dessus, un pot de fleurs. Devant la table se trouvait l'imam principal, Binaté Ibrahim et un de ses adjoints. A sa gauche, la mariée accompagnée de son tuteur et de son témoin. A droite, le marié, son parent et son témoin. L'imam interroge les représentants du prétendant sur sa bonne santé, précisément sa virilité. Il demande également aux parents de Mariam si leur fille n'est pas enceinte et si elle n'est pas déjà sous un autre contrat de mariage. Le guide religieux se tourne ensuite vers les deux prétendants pour savoir s'ils ne sont pas en train de faire ce mariage sous contrainte, avant de leur demander à tour de rôle s'ils sont prêts à se prendre mutuellement comme conjoints, pour le meilleur et pour le pire. Après la cérémonie, un numéro leur a été attribué dans le registre de la communauté du Plateau-Dokui et dans celui de la section du Conseil supérieur des imams (Cosim) de Cocody. Un certificat de mariage leur a été aussi délivré. Dans certaines communautés, comme celle d'Aghien, les nouveaux mariés reçoivent même un livret de famille, comme à la mairie. Selon Hassan Diarrassouba, jeune de cette communauté, ce type de célébration est parti de chez eux en 2002. « Nous voulions immortaliser les mariages par un certificat. Nous allions au campus pour les confectionner. Et à la longue, nous avons pensé qu'il pouvait être intéressant d'étendre cela aux autres communautés. C'est ainsi, que nous l'avons proposé au Cosim Cocody qui l'a accepté », révèle-t-il. Depuis environ 7 ans donc, la plupart des mariages islamiques se font dans ce style calqué sur le mariage civil. Les voitures et mosquées hyper décorées, les échanges d'alliances, les distributions de bonbons, les jets de bouquets, sont des spectacles désormais courants. Rien à envier à une célébration à l'hôtel de ville. Tout cela est bien loin de ce qui se faisait de façon traditionnelle. Les mariages au sein de la communauté musulmane étaient sobres. La dote était modeste. Et dans bien des cas, les conjoints ne se voyaient qu'à l'occasion de la nuit de noces.
Suivre la modernité …

Il suffisait de se conformer aux conditions du mariage et à ses piliers comme l'a relevé l'imam Koné Zakaria : « En Islam, pour qu'un mariage soit valable, il faut le respect des conditions que sont la présence des témoins, le paiement de la dot et la présence d'un tuteur pour la femme qui est à son premier mariage. Il faut aussi observer les piliers du mariage. Dans notre religion, il est célébré entre un homme et une femme. Et les familles des prétendants doivent s'engager verbalement dans cette union. » Aujourd'hui, dans certaines mosquées, en plus de ces dispositions juridiques, la célébration demande d'autres conditions. Les prétendants au mariage doivent présenter chacun deux photos d'identité, leurs pièces d'identité plus la somme de 10.000 Fcfa ou 12.500 Fcfa pour la constitution du dossier de mariage. Souvent, des résultats d'examens médicaux doivent être joints. Pour faire la lumière sur l'état de santé des candidats. Mais, surtout sur leur sérologie. A la mosquée d'Aghien, cette dernière obligation a été levée. « Les fidèles disaient qu'ils se font suffisamment confiance », explique Hassan. Même si cette nouvelle façon de faire le mariage islamique paraît plus intéressante, elle ne fait toutefois pas l'unanimité au sein de la communauté. Interrogé sur les motivations d'un tel choix, l'imam Diakité Karamogo de la mosquée d'Aghien, soutient qu'il s'agit pour eux d'inciter les jeunes au mariage. Et de leur faire comprendre que l'Islam n'est pas une religion rétrograde. Sidibé Aboulaye, enseignant, s'est marié suivant cette formule en 2004. Son union avec son épouse a été célébrée à la Riviera 3 où résidait sa belle famille, au lieu d'Adjamé-Bracodi son quartier de résidence. Le choix n'est pas venu de lui, mais, il est satisfait. Il dit préférer la célébration moderne à la traditionnelle. Pour lui, il faut s'adapter à son temps. « Je pense que cette formule est bonne. Il faut suivre la modernité », précise-t-il. Nurdine Oyéwolé, secrétaire général de la Communauté musulmane du Plateau-Dokui (Comudo) et président de l'Association des jeunes musulmans en Côte d'Ivoire (Ajmci) pense que, ce type de célébration n'est pas une nouveauté. A l'en croire, des groupes ethniques comme les Yorouba et les Haoussa célèbrent leurs mariages selon ce modèle.


…ou conserver la tradition ?

«Nous revenons à ce que demande l'Islam. Cela permet à la mosquée de jouer son véritable rôle socioculturel. On avait réduit la mosquée à sa simple fonction cultuelle », argumente-t-il. L'imam Sy Savané Amadou, secrétaire chargé de l'enseignement et de la formation à la Ligue islamique des prédicateurs en Côte d'Ivoire (Lipci) pense que la nouvelle forme n'est pas en contradiction avec la loi islamique. « En Islam, il y a des conditions générales pour un acte d'adoration. C'est dans la façon de faire qu'il peut y avoir des différences d'un lieu à un autre », affirme-t-il. A l'opposé, l'imam Koné Zakaria pense que cette nouvelle formule est contraire à la législation islamique. Selon lui, les textes interdisent la présence de la mariée devant un groupe d'hommes. « Il est permis de demander l'avis de la femme. Mais pas devant le public à la mosquée. Ce sont ses parents qui l'interrogent et qui ensuite informent l'imam », soutient-il. « Cette pratique n'est pas de l'Islam et va à l'encontre des principes du mariage islamique », insiste-t-il. Cependant, il reconnait qu'un mariage célébré de cette façon reste valide. « Un tel mariage est valide. Seulement que la manière de le faire est anti islamique », dit-il. Soro Brahima lui s'est marié suivant l'ancienne formule il y a moins d'un an. Il n'a pas eu à choisir, mais dit préférer cela. Son souci était d'abord l'affirmation de son identité culturelle. « Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on fait le mariage pour ressembler aux autres. On les copie. Mais, à force de copier, nous perdrons nos valeurs. Nos enfants ne feront plus la différence entre notre culture et celle des autres. On est en train de perdre nos valeurs africaines et religieuses. Car, ce qui se fait est un héritage de l'Occident » estime-t-il. Pour ou contre, tous sont d'accord qu'il y a des excès qu'il faut corriger. Pour l'imam Sy Savané, les questions portant par exemple sur la virilité de l'homme doivent être plus subtiles. Il déplore aussi le fait que certaines mariées ou amies de la famille se mettent dans des tenues peu recommandées pour entrer dans la mosquée. « Les mariés doivent s'habiller conformément à l'Islam. Les invités doivent aussi éviter les accolades au sein de la mosquée. Le mariage est un acte d'adoration. Il ne doit pas être le lieu de désobéissance à Dieu », se plaint-il. Soro Brahima lui pense que ce type de mariage est trop onéreux. « Lors du mariage d'un ami, sa future belle-mère a pris un bœuf à crédit. Et c'est lui qui devait payer malgré ses difficultés financières. Pendant un an, chaque fois qu'il y avait des disputes entre sa femme et lui, il lui rappelait combien son mariage lui a coûté. Son mariage a failli voler en éclats », se souvient-il.
Le “oui mais” de l'administration

Mariam partage les mêmes inquiétudes. « Le mariage est en train de perdre sa valeur spirituelle. Si les choses continuent, je crains que les enfants de familles modestes ne puissent pas se marier à la mosquée » a-t-elle regretté. Malgré tout, les défenseurs du mariage moderne pensent qu'il faut continuer sur cette lancée. Ils affirment que la délivrance d'un livret de famille et d'un certificat de mariage permet à la communauté musulmane d'être en phase avec le temps. Ce certificat a-t-il une valeur juridique ou administrative ? « Oui, auprès de certaines représentations diplomatiques comme les Etats-Unis et des pays arabes », soutient l'imam Diakité Karamoko. En Côte d'Ivoire, ce n'est pas le cas selon Ouattara Kouakou, chef du service mariage à la mairie d'Abobo. « L'Etat reconnait le mariage coutumier. Mais celui-ci n'a pas une valeur légale conformément à la loi n˚800 du 2 août 1983. A partir de là, l'on peut dire que le mariage religieux n'est pas reconnu comme un acte légal » a-il-confié. Cela, les responsables de la communauté musulmane disent le savoir. L'imam Diakité Karamoko espère que les dispositions seront prises pour que le mariage religieux ait la même valeur que le civil. Comme c'est le cas pour certains pays de la sous-région.


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