De son coin africain de misère à l’eldorado européen, américain ou asiatique, l’on peut se retrouver à la case départ si l’on est un “Sans papier” et surtout n’est pas né sous une bonne étoile. C’est une opinion que Eliane de Latour semble partager tout au long de son nouveau long métrage “Après l’océan” dont l’avant première offerte depuis le 29 mai à Abidjan, était à sa grande étape, la nuit de samedi, à la salle Bernard B. Dadié (Anoumabo) du Palais de la culture de Treichville prise d’assaut par 4000 Abidjanais, avec à leur tête le président ivoirien Laurent Gbagbo.
“Il fallait que ce film existe pour que les jeunes de nos bidonvilles comprennent que là-bas n’est pas la rose. Même ceux qui en reviennent avec de l’argent, ce n’est pas toujours propre”. Tel était le commentaire du chef de l’Etat ivoirien à la fin de ce film de 1 h 40 min produit “à part égale”, selon la réalisatrice, par la France, la Côte d’Ivoire et l’Angleterre.
Si Eliane de Latour s’est énormément réjouie de cette union sacrée Nord-Sud pour extirper le virus de l’immigration clandestine du subconscient de certains jeunes africains désoeuvrés et assoiffés d’un ailleurs meilleur sans condition, la réalisatrice française n’a pas manqué de tendre son “gbo” (exprimer sa sympathie) au président Laurent Gbagbo parce que ce grand homme a non seulement cru en son projet mais l’a aussi soutenu. “Il m’a vraiment soutra” (solidaire de moi, ndlr), a lâché “La Vieille mère blanche” de sa voix de chanteuse de jazz américaine dans un français d’Abidjan ou “nouchi”, non sans avoir “enjaillé” (enthousiasmé) la grande salle.
Un amour d’Eliane pour les Africains
En décryptant ce film au début symptomatique d’une Afrique ancestrale des fiers guerriers, on ne résiste pas à quelques remarques : un trop plein de musiques originales africaines, une qualité exemplaire du son qui réconcilie avec le cinéma tel qu’il se fait aimer, des distributions plus ou moins discutables lorsqu’un Jimmy Danger (dans le rôle de Billy le couturier) semble soumis à une mesure disciplinaire, tenu bien loin de son jeu bouillant de prédilection, dans ce film qui devrait être également le sien, après “Bronx-Barbès” de la même réalisatrice. L’éclairage, lui, frappe. Parfois, il masque la clef de la séquence et rend ainsi complexe la lisibilité d’un scénario ; qui, sans être spécifique à Eliane, tout comme le thème de l’immigration économique – tant ils ont déjà été explorés par plusieurs artistes et sociologues de la planète sous des angles variés - , a tout le mérite d’ouvrir une fenêtre d’espoir pour les potentiels et intraitables candidats africains à l’aventure. Un amour sincère d’Eliane pour les Africains ? Tout porte à croire. Particulièrement pour les natifs de Côte d’Ivoire que la Française côtoie, il y a une décennie, et qui se laisse (cet amour) savourer à divers degré du film. Surtout dans leurs croyances fétichistes, un véritable moteur d’aventure pour les Africains que dégage l’œuvre. Mais aussi sa principale langue de véhicule qui n’est rien d’autre que le “nouchi” aux accents initiatiques atypiques du ghetto. Tout cela dénote, on le voit aussi, de la volonté de la réalisatrice de montrer les petites gens des tropiques sous le manteau d’idéologues du goût du risque et de l’aventure économique. Une redoutable foi contre laquelle certains dirigeants africains, à l’image de Laurent Gbagbo, tentent d’apporter à leur manière une solution en dépit des capacités économiques et financières de sécheresse de leurs Etats.
Comme une boule de “garba”
“Bingué” (l’occident) est dur ; Bingué n’est pas pour les “mouilleurs” mais pour les vaillants guerriers. Cette loi du ghetto, la réalisatrice l’a prêtée à l’un des principaux acteurs du film, Otho (Déjdjé Apali) afin de la faire valoir. Mais manque de “luck” (pot), le “Sans papier” a été bizarrement “sri” (interpellé) par la police anglaise puis balancé sur les bords de la lagune ébrié. Comme une boule de “garba” (mets populaire fait à base de manioc). Dans la maisonnée familiale où il se retrouve, la promiscuité le dispute avec la misère et le désespoir des parents. La désillusion est d’une telle intensité qu’il faut plutôt parler de déshonneur pour la famille. Et Otho veut s’en venger à tout prix pour soigner sa propre image et créer sa propre voie, d’abord. Ce destin noir, cette poisse, Eliane de Latour l’oppose de manière grotesque à celui, plus ou moins heureux, de Shad (Fraser James) - son compagnon d’aventure au franglais tonique avec qui il a pris le départ à Abidjan. Lui qui a plutôt eu la chance de “résister” aux aléas de l’aventure, ne réussira pas à le rendre moins aigris et hargneux dans son quartier où il est desormais la risée de tous.
De l’Afrique à la terre d’immigration, Eliane rappelle dans ce film que des mafias locales insidieuses et leurs intouchables ramifications à “Bingue” ne tiraient pas un énorme profit des rêves de la mort et de l’humiliation des “Tirailleurs sénégalais” d’aller “se chercher”. Elle soutient alors que, sans leur complicité, ce casse-tête africain n’atteindrait pas cette tournure spectaculaire, voire dramatique pour l’Afrique où on attend toujours ce messie que, ironie du sort, l’Occident lui refuse en le déstabilisant au quotidien.
Schadé Adédé: schadeci@yahoo.fr
“Il fallait que ce film existe pour que les jeunes de nos bidonvilles comprennent que là-bas n’est pas la rose. Même ceux qui en reviennent avec de l’argent, ce n’est pas toujours propre”. Tel était le commentaire du chef de l’Etat ivoirien à la fin de ce film de 1 h 40 min produit “à part égale”, selon la réalisatrice, par la France, la Côte d’Ivoire et l’Angleterre.
Si Eliane de Latour s’est énormément réjouie de cette union sacrée Nord-Sud pour extirper le virus de l’immigration clandestine du subconscient de certains jeunes africains désoeuvrés et assoiffés d’un ailleurs meilleur sans condition, la réalisatrice française n’a pas manqué de tendre son “gbo” (exprimer sa sympathie) au président Laurent Gbagbo parce que ce grand homme a non seulement cru en son projet mais l’a aussi soutenu. “Il m’a vraiment soutra” (solidaire de moi, ndlr), a lâché “La Vieille mère blanche” de sa voix de chanteuse de jazz américaine dans un français d’Abidjan ou “nouchi”, non sans avoir “enjaillé” (enthousiasmé) la grande salle.
Un amour d’Eliane pour les Africains
En décryptant ce film au début symptomatique d’une Afrique ancestrale des fiers guerriers, on ne résiste pas à quelques remarques : un trop plein de musiques originales africaines, une qualité exemplaire du son qui réconcilie avec le cinéma tel qu’il se fait aimer, des distributions plus ou moins discutables lorsqu’un Jimmy Danger (dans le rôle de Billy le couturier) semble soumis à une mesure disciplinaire, tenu bien loin de son jeu bouillant de prédilection, dans ce film qui devrait être également le sien, après “Bronx-Barbès” de la même réalisatrice. L’éclairage, lui, frappe. Parfois, il masque la clef de la séquence et rend ainsi complexe la lisibilité d’un scénario ; qui, sans être spécifique à Eliane, tout comme le thème de l’immigration économique – tant ils ont déjà été explorés par plusieurs artistes et sociologues de la planète sous des angles variés - , a tout le mérite d’ouvrir une fenêtre d’espoir pour les potentiels et intraitables candidats africains à l’aventure. Un amour sincère d’Eliane pour les Africains ? Tout porte à croire. Particulièrement pour les natifs de Côte d’Ivoire que la Française côtoie, il y a une décennie, et qui se laisse (cet amour) savourer à divers degré du film. Surtout dans leurs croyances fétichistes, un véritable moteur d’aventure pour les Africains que dégage l’œuvre. Mais aussi sa principale langue de véhicule qui n’est rien d’autre que le “nouchi” aux accents initiatiques atypiques du ghetto. Tout cela dénote, on le voit aussi, de la volonté de la réalisatrice de montrer les petites gens des tropiques sous le manteau d’idéologues du goût du risque et de l’aventure économique. Une redoutable foi contre laquelle certains dirigeants africains, à l’image de Laurent Gbagbo, tentent d’apporter à leur manière une solution en dépit des capacités économiques et financières de sécheresse de leurs Etats.
Comme une boule de “garba”
“Bingué” (l’occident) est dur ; Bingué n’est pas pour les “mouilleurs” mais pour les vaillants guerriers. Cette loi du ghetto, la réalisatrice l’a prêtée à l’un des principaux acteurs du film, Otho (Déjdjé Apali) afin de la faire valoir. Mais manque de “luck” (pot), le “Sans papier” a été bizarrement “sri” (interpellé) par la police anglaise puis balancé sur les bords de la lagune ébrié. Comme une boule de “garba” (mets populaire fait à base de manioc). Dans la maisonnée familiale où il se retrouve, la promiscuité le dispute avec la misère et le désespoir des parents. La désillusion est d’une telle intensité qu’il faut plutôt parler de déshonneur pour la famille. Et Otho veut s’en venger à tout prix pour soigner sa propre image et créer sa propre voie, d’abord. Ce destin noir, cette poisse, Eliane de Latour l’oppose de manière grotesque à celui, plus ou moins heureux, de Shad (Fraser James) - son compagnon d’aventure au franglais tonique avec qui il a pris le départ à Abidjan. Lui qui a plutôt eu la chance de “résister” aux aléas de l’aventure, ne réussira pas à le rendre moins aigris et hargneux dans son quartier où il est desormais la risée de tous.
De l’Afrique à la terre d’immigration, Eliane rappelle dans ce film que des mafias locales insidieuses et leurs intouchables ramifications à “Bingue” ne tiraient pas un énorme profit des rêves de la mort et de l’humiliation des “Tirailleurs sénégalais” d’aller “se chercher”. Elle soutient alors que, sans leur complicité, ce casse-tête africain n’atteindrait pas cette tournure spectaculaire, voire dramatique pour l’Afrique où on attend toujours ce messie que, ironie du sort, l’Occident lui refuse en le déstabilisant au quotidien.
Schadé Adédé: schadeci@yahoo.fr