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Necrologie Publié le lundi 8 juin 2009 | Le Nouveau Réveil

Gabon : Bongo, symbole de la Françafrique est décédé

Le plus vieux président du continent noir vient de mourir. Il illustrait le rapport incestueux entre la France et ses anciennes colonies.

L'hospitalisation d'Omar Bongo dans un hôpital de Barcelone ne laisse pas les Africains indifférents. Loin s'en faut. Dans les capitales africaines, la santé du président gabonais, qui a suspendu ses activités depuis le 6 mai, est l'objet de toutes les supputations. Qu'ils l'aiment ou le détestent, les Africains se passionnent pour son avenir. Des interrogations qui vont bien au-delà de l'importance du pays que Bongo dirige.

Après tout, le Gabon n'est pas l'un des "poids lourds du continent". Rien à voir avec le Nigeria et ses 150 millions d'habitants ou l'Afrique du Sud, poumon économique de l'Afrique.

L'influence du président tient avant tout à son ancienneté au pouvoir. Agé de 73 ans, il est devenu chef d'Etat en 1967. Depuis le départ à la retraite de Fidel Castro, il est le Président resté le plus longtemps en exercice. Seuls des monarques affichent une plus grande longévité. Comme le rappelle avec ironie le "Journal du Jeudi", "Quand le Gabonais Albert Bernard Bongo arrive au pouvoir en 1967, de Gaulle n'a pas encore connu les révoltes estudiantines, le régime de Johnson s'enlise toujours davantage au Vietnam". Lors de sa dernière élection triomphale en 2005, il a promis de remettre ça en 2012. Car selon lui le "meilleur reste à venir".

Si ailleurs dans le monde cette endurance prête à sourire, elle lui vaut en Afrique une certaine aura. "Le président gabonais, Bongo, est le doyen des chefs d'Etat africains. Si sous d'autres cieux dans le monde, cela ne veut rien dire ou pas grand chose, en Afrique où le droit d'aînesse est quasiment un passe-droit, cela compte beaucoup, souligne le "Bénin Aujourd'hui". Il a toujours utilisé cette carte soit au service de la Françafrique, soit de la résolution des conflits en Afrique. C'est au nom de ce droit d'aînesse qu'il s'est maintes fois investi dans des situations de crise au Tchad, en Centrafrique ou en Côte d'Ivoire". Les Africains s'intéressent tout particulièrement à Bongo car, pour beaucoup, il symbolise, à tort ou à raison, la Françafrique. "Il est craint partout, car les gens savent que s'attaquer à lui c'est aussi s'attaquer à la France", m'a glissé un journaliste africain sous couvert d'anonymat.

Du coup, bon nombre d'observateurs de la vie politique africaine hésitent à formuler ouvertement des critiques. De peur notamment d'être privés de visas. Un nouvel hebdomadaire sénégalais, Clarté, rompt pourtant l'omerta: "Si l'hospitalisation du président Bongo a créé une onde de choc aussi bien en Afrique qu'en France, c'est que jusqu'à la caricature, il aura symbolisé la "Françafrique", ces liens incestueux que la France continue d'entretenir avec certaines de ses ex-colonies et qui ont été au cœur de bien des dérives sur le continent." Le titre sénégalais ajoute: "Régnant sans partage sur un véritable émirat pétrolier, Bongo a été un allié fidèle de la France et s'est révélé particulièrement généreux avec les hommes politiques de ce pays, de droite comme de gauche. Pour ses bons et loyaux services, la France a fermé pudiquement les yeux sur des aspects bien contestables de son règne: la dilapidation outrancière des ressources publiques érigée en système de gouvernance, un système clientéliste, des élections truquées etc..."

Les autres chefs d'Etat d'Afrique francophone qui ont osé le défier ont souvent eu des ennuis peu de temps après. Les Béninois se rappellent que leur Président Mathieu Kérékou a, disent-ils, payé cher le fait d'avoir critiqué son homologue gabonais lors d'un sommet africain. Quelques mois plus tard, en 1977, des mercenaires commandés par le français Bob Denard tentaient un coup d'Etat à Cotonou.

Pourtant, si les Africains restent méfiants vis à vis du "système Bongo", ils reconnaissent qu'il ne présente pas que des inconvénients. A défaut d'avoir connu le développement que ses ressources pétrolières laissaient espérer, son pays est l'un des rares à être resté stable en Afrique centrale. L'un des rares aussi à avoir échappé aux guerres civiles au cours des dernières décennies. Beaucoup l'accusent d'avoir pratiqué la politique du carnet de chèques pour parvenir à ses fins. "Le grand secret qui a permis à Bongo de rester au pouvoir pendant quarante ans, c'est ça: la corruption, affirme Mark Ona, de Brainforest, une ONG dont les activités ont été suspendues au Gabon. Jamais personne ne quitte le cabinet du Président les mains vides".

Sur le continent, il n'est pas le seul, loin s'en faut, à pratiquer cette politique. Mais il s'y adonne sans doute avec plus d'habileté que d'autres. Bongo fascine aussi car il apparaît insubmersible. Alors que Nicolas Sarkozy avait dénoncé la "Françafrique" pendant la campagne présidentielle, beaucoup d'observateurs donnaient peu cher de Bongo. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la coopération n'affirmait-il pas lui-même qu'il voulait en finir avec la Françafrique? Des propos qu'a peu goûtés l'homme fort de Libreville.

Au final, c'est lui qui s'est débarrassé de Bockel et non le contraire. La première visite en Afrique du remplaçant de Bockel, Alain Joyandet, a d'ailleurs été réservée au Gabon. Cette capacité de résilience intrigue. "Janvier 1968, de Gaulle reçoit le jeune président du Gabon, Albert-Bernard Bongo, ancien agent des services secrets "coopté" chef de l'Etat par Jacques Foccart, "Monsieur Afrique" du général. Quarante ans plus tard, rappelle le Journal du Jeudi le même dirigeant gabonais, rebaptisé "Omar", sera le premier chef d'Etat africain à être officiellement invité à l'Elysée par le frais émoulu président Sarkozy."

"Les dinosaures de la Françafrique", on s'en moque, mais on ne les élimine pas d'un trait de plume. Même Gnassingbé Eyadéma arrivé lui aussi au pouvoir en 1967 après un coup d'Etat au cours duquel son prédécesseur a "malencontreusement" trouvé la mort, est resté jusqu'au bout un "grand ami" de la France. Il est vrai qu'à Lomé, on se rappelle encore des Français qui venaient chercher leurs valises de billets pour financer les campagnes électorales.

Source : www.slate.fr
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