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Showbizz Publié le lundi 15 juin 2009 | Le Repère

Blissi Tébil (Artiste chanteur musicien) :“Mon fils s`appelle Bédié”

Artiste chanteur musicien, Blissi Tébil est l`un des adeptes du Ziglibity dont feu Ernesto Djédjé est le précurseur. 26 ans après le décès de Djédjé, Blissi Tébil est toujours dans la peau de l`héritier. Même si depuis un temps, il ne sort plus d`album, se consacrant au centre de recherche en musicologie. Par ailleurs, l`homme dit avoir des rapports renforcés avec les Présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Voici ce qu`il nous a confié.


Le 09 juin prochain, ce sera le 26ème anniversaire du décès de feu Ernesto Djédjé. Vous, en tant qu`adepte du Zigblibiti, qu`est-ce que vous en ressentez ?

D`abord, je voudrais vous remercier parce que pendant que certains fêtent Bob Marley et autres, il y a encore des Ivoiriens qui pensent que Jimmy Hyacinthe avait fait danser les Ivoiriens, que François Lougah avait fait vibrer les Ivoiriens, que Ernesto Djédjé reste une icône de la musique Ivoirienne. Et d`ailleurs, c`est cela qui m`a motivé dans un premier temps à répondre à votre invitation. Vous savez, la culture, c`est un comportement. Savoir qu`on a une culture est un comportement. On peut être agrégé en lettres modernes, en médecine ou dans d`autres domaines, mais tant qu`on ignore sa culture, c`est comme si on ne sait pas d`où on vient, et cela est très dangereux pour l`équilibre personnel. Maintenant, comment je ressens la date aniversaire d’Ernesto Djédjé. Mes sentiments sont à deux niveaux : Au premier niveau, comprenez que la mort d`un être humain, vagabond soit-il, fait mal. Il est donc évident que l`absence de Djédjé fait mal. Au deuxième niveau, Djédjé était d`abord mon ami. J`ai aimé l`homme d`abord et ensuite l`artiste. Djédjé est un grand. Quand on parle de Djédjé, je me dis que les gens n`ont pas d`arguments assez forts pour parler de lui. Je pense que ce n`est pas avec beaucoup d`éloges qu`on parle de lui. On ne lui rend pas suffisamment hommage. Djédjé était une autre personne, un autre genre d`homme en terme de musique. Voilà quelqu`un qui a sa mère Bété et son père Sénégalais, qui grandit dans un village Bété parmi des gens qui sont 100% Bété mais qui maîtrise l`art oratoire des Bété au point d`être le seul artiste qui chante véritablement avec des mots, des proverbes du terroir. Quand il chante "Ziboté", vous ne retenez que la mélodie, mais en fait, la chanson est véritablement profonde et riche en enseignements proverbiaux. ça me fait beaucoup mal parce qu`aucun de nos intellectuels n`a pris toutes les chansons de Djédjé pour essayer de les traduire.


A votre avis, le meilleur hommage à Djédjé serait de traduire ses albums pour les mettre à la disposition du grand public ?

Oui ! Regardez par exemple, le travail que modestement je suis en train de faire dans mon centre de recherche, le Centre Ivoirien de Recherche de la Documentation en Musicologie. Les chercheurs doivent se pencher sérieusement sur l`œuvre de Djédjé. Mais allez à l`Insac et demandez après d`Ernesto Djédjé, les jeunes étudiants vous diront qu`ils ne le connaissent pas. Par contre, ils connaissent Mozart ! Cela veut dire que l`Afrique même n`a pas de documentation.


Alors, vous voulez dire que le Ziglibiti est en train d`être oublié faute de documentation ?
Bien sûr qui oui !


Vous posez un problème de patrimoine culturel pour la Côte d`Ivoire.
Mais ce n`est pas qu`un problème ! C`est un crime que nos intellectuels ont commis. Quand vous ne connaissez même pas un masque de chez vous, vous ne connaissez aucune danse de chez vous…, je dis qu`il y a un problème. Et c`est pourquoi, je me suis investi dans le CIRDMA pour instruire la jeune génération sur notre patrimoine culturel.


Que faites vous concrètement ?

Concrètement, nous faisons la préservation et la vulgarisation du patrimoine musical ivoirien. J`ai conçu un logiciel qui nous permet de localiser et de visiter chacune des régions de la Côte d`Ivoire sur un simple clic. Des liens permettent de parcourir le répertoire musical de chaque région et d`en étudier les sources et ressources. Vous cliquez sur la danse et vous l`avez en multimédia. Et les instruments qui entrent en exécution dans cette danse vous seront présentés et expliqués. De même que les précurseurs de ladite danse.


Le grand public est-il au courant ?

Non parce que, pour le CIRDMA, il faut d`abord un cadre juridique. En amont, nous faisons la collecte d`informations. Après cette collecte, les informations traversent ce qu`on appelle un cyber technologique pour devenir des supports numérisés.


Combien de temps doit-on attendre pour cette réalisation ?

Maximum 1 an.


D`ici 1 an, on aura encore à déplorer la dégringolade de la culture Ivoirienne !
Non, pas vraiment pour la simple raison que le travail de la sauvegarde de la culture est fait.


Pourquoi Blissy Tébil était-il parti aux Etats-Unis ?

J`ai fait un choix. Quand je suis revenu des Etats-Unis, je suis allé au village. Là-bas, j`ai dit un soir à mes parents "on va ambiancer le coin un peu, donc prenez les tam-tam. Pendant 30 minutes, je n`ai rien attendu. J`ai alors demandé ce qui se passait. On m`a dit qu`il n`y avait plus de tam-tam dans le village parce que ceux qui étaient censés les conserver les ont laissés aux oubliettes. Je me suis dit que si je ne faisais pas quelque chose, la situation culturelle allait se compliquer. C`est de là que m`est venue l`idée de la fondation du CIRDEMA.

Pendant la guerre, je n`ai pas chanté parce que je ne saurais me mettre à chanter pour une partie contre l`autre. Franchement, je ne pouvais pas me permettre de chanter et dire celui-ci a fait ceci ou cela. Surtout en période de guerre. Je me suis dit qu`il faut s`arrêter, regarder, observer, car une guerre a plusieurs origines.


Est-ce à dire que Blissy Tebil ne va plus faire sortir d`album ?

Je suis en studio, je finis bientôt. Je fais encore et toujours du Ziglibity. Je ne sais pas chanter autre chose. Je suis original tel qu`on me connais depuis toujours. Je ne travaille jamais avec quelqu`un d`autre que Bamba Yang qui était guitariste, pianiste de Djédjé. Tous mes albums sont arrangés et conçus par lui car il est hyper Ziglibity.


On va changer de registre, vous êtes l`héritier du Ziglibiti, le seul qui nous reste.
C`est vous qui le dites.


Ernesto Djédjé en 1981, a chanté Henri Konan Bédié. votre fils porte le nom de Henri Konan Bédié. Quel lien entre vous et le Président Bédié ?

En 1989, le président Donwahi a invité le Président Bédié à Mayo et étant le premier musicien moderne de Soubré, j`ai été invité à chanter. Et je venais de sortir "Madou Sawa". J`étais en train de chanter quand nous avons entendu des cris de l`autre côté de la scène, ma femme venait d`accoucher d`un garçon. La nouvelle venait d`Abidjan. Alors, le Président Bédié a parlé à l`oreille au Président Donwahi pour lui dire qu`en pays Akan, quand un Chef est dans un cercle au village et qu`on met un enfant au monde, l`enfant doit porter le nom du chef. C`est comme cela que mon fils s`est appelé Zadi Serge Bédié, et c`est son nom qu`il porte aujourd`hui encore. Et pour ceux qui ne le savent pas, c`est le président Bédié qui a assuré ses études, jusqu`à ce que le coup d`Etat soit intervenu et qu`il ait perdu l`enfant de vue


Après le Coup d`Etat, avez-vous entretenu des rapports avec le président Bédié ?

Je suis allé plusieurs fois à Daoukro. Je ne me cache pas pour y aller. Mon fils, le dernier, l`un de mes fils est gendarme à Daoukro. Je suis allé rendre visite à ce dernier et je suis même allé à la résidence du Président Bédié à deux reprises. Je suis très reconnaissant au Président Bédié pour l`aide qu`il a apportée à mon fils.


Quels sont vos rapports avec le président Gbagbo, aujourd`hui ?

J`ai connu Bédié avant Gbagbo. En 1990, je faisais la campagne du député Dassé Henri à Gagnoa, et à Gaba, le village de Grabé Gnagbé. Je voulais chanter et Dacoury Tabley avait voulu m`en empêcher. Gbagbo que je ne connaissais pas encore a demandé de me laisser chanter. Ils m`ont donc donné l`occasion de chanter. Il n`y avait pas de nuages ce jour-là, mais il a plu séance tenante. Quand j`ai chanté, cela a ému. Après le Président Gbagbo a dit à Henri de m`accompagner le trouver le soir même à Blouzon où il logeait. A Blouzon, j`ai trouvé Gbagbo en train de manger du poisson à la braise, avec la main. Sur son invitation, nous avons mangé ensemble, lui et moi. Et voilà ce qu`il m`a dit : " la vie est un choix, mais en Afrique les gens ne connaissent pas la valeur de chanter en politique, ce que ça peut apporter à l`homme. Il faut nous aider. " Quand il parlait de nous, il parlait du Fpi. Il a ajouté : " Tu vas perdre toutes tes plumes si tu fais ce choix-là. C`est-à-dire, les gens qui t`aimaient ne vont plus t`aimer. " J`ai accepter et vous vous souvenez bien, en 1990, j`ai sorti la chanson Gaba dans laquelle je chantais les louanges de l`homme. Depuis ce temps, je ne pouvais pas faire autrement qu`être avec Gbagbo. Devant la situation sécuritaire difficile après la sortie de l`album et sur conseil des amis, je suis allé en exil aux Etats-Unis. Pendant que j`étais aux Etats-Unis, le président Henri Konan Bédié est venu à Washington, aux Nations Unies. Je suis allé l`accueillir. Encore que j`étais proche de Bédié. Même si je ne suis pas PDCI, je chante pour le président, le Chef de l`Etat Ivoirien. Certains petits malins qui n`ont rien compris disent : " Blissi Tébil est derrière Bédié encore ". Mais je suis derrière Bédié et ça fait quoi ? Partout où Gbagbo est passé, j`étais le seul artiste qui le suivais. J`ai fait 17 fois la DST.


Vous avez fait une grève de la faim devant la RTI. On a même parlé de la banane braisée que vous auriez mangée. Racontez.

Est-ce que vous savez que l`histoire de la banane braisée m`a personnellement fait du bien ? Elle a fait qu`on ne m`a pas oublié.


Comment cela ?

Non seulement, cette histoire m`a rendu service, mais elle a fait que tout le monde sait aujourd`hui encore que j`ai fait une grève de la faim à l`époque. J`ai sorti donc mon album Gaba, Gbagbo devait venir à Yopougon pour faire la dédicace. J`ai fait les spots publicitaires. Ali Coulibaly qui était le Directeur général de la RTI n`a pas voulu que mes sports passent pour que Gbagbo parte faire ma dédicace. Et j`ai dit que ça ne peut pas se passer comme cela. J`ai donc commencé la grève de la faim. J`avais déjà fait une journée sans boire, sans manger. Quand feu le Dr Dacoury Benoît est venu me dire que quand on fait une grève de la faim, on peut boire un peu, mais on ne mange pas. Donc Georges Koffi, Raphaël Lakpé, Anaky Kobéna sont tous venus me soutenir. Curieusement, le journal "Le Patriote” a écrit "lui, il n`a pas fait grève de la faim, il a mangé de la banane braisée". Juste pour banaliser l`acte qui était important alors que je ne buvais même pas de l`eau. Comment pouvais-je manger de la banane braisée ? Toutefois, quand je suis arrivé à New-York, je me suis inscrit comme étant réfugié, les avocats qui m`ont défendu ont cherché dans les annales des Nations Unies et mon nom y était bel et bien comme quelqu`un qui avait fait la grève de la faim. Le premier à avoir fait la grève de la faim au pays d`Houphouët. Et c`est comme ça que j`ai obtenu le droit d`asile.


Quel est votre avis sur ce qui se passe au BURIDA ?

Comme je vous l`ai dit, j`ai fait un choix. Mon choix, c`est de travailler pour mes parents et je suis dans les recherches. Je pense que ce que les gens font actuellement au BURIDA est inutile. Ce n`est pas cela qui va faire avancer les musiciens ivoiriens. Je vais vous dire quelque chose que beaucoup de gens taisent. Les gens aiment mettre Gbagbo mal à l`aise. Malheureusement dans ce pays, on dit que ce sont les Bété qui chantent. Mais regardez un peu ceux qui sont en train de s`entredéchirer aujourd`hui au BURIDA, ce sont les mêmes qui s`emmerdent pour emmerder simplement Gbagbo. Vallen Guédé qui a fait 8 ans à un poste, doit pouvoir laisser les autres tenter aussi leurs chances ! On est beaucoup dans ce pays ! Est-ce qu`on a réellement besoin de faire des histoires pour cela ? Moi, j`appelle cela des bassesses. Aujourd`hui, nous avons un problème. Comment allons-nous faire pour que la musique ivoirienne nourrisse son homme ? Voici la problématique. La deuxième, qui est de loin la plus importante, la culture ivoirienne. Qu`est-ce que c`est ? Où est-elle ? Pourquoi n`existe-t-elle pas ? Qu`est-ce que nous, les acteurs nous pouvons faire pour qu`on la reconnaisse ?


Votre mot de fin.

Je vous ai expliqué tout à l`heure que nous n`avons pas voulu pour l`instant vulgariser nos travaux de recherche sur la musique authentique ivoirienne, simplement parce que nous voulons faire en sorte que tout finisse d`abord.

Ma conclusion est simple. Je voudrais que les gens apprennent à savoir qu`un être humain, même s`il n`est pas allé à l`école, doit savoir d`où il vient. Parce qu’on ne sait pas d`où on vient, on ne sait pas où on va. Je voudrais que, nous, Africains, nous nous appuyions sur notre culture. Nous avons ce qu`il y a de plus beau. Et c`est cela qui nous appartient. C`est inépuisable comme ressource.

Interview réalisée par Eddy Péhé, Dieusmonde Tadet
E.P.A, C.R.A (Stagiaires)
Coll : L.G. et I. Y (Stagiaires)
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