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Politique Publié le mercredi 17 juin 2009 | Notre Voie

Visite du chef de l’Etat dans l’Ouest : Les leçons de la visite de Gbagbo

Le président Laurent Gbagbo a achevé, samedi, sa première visite d’Etat dans la région des montagnes. La mobilisation des populations et le ralliement de la quasi-totalité des têtes fortes de la région consacrent la conquête définitive d’une région dont le poids démographique en fait un vivier électoral indéniable.

Aéroport de Man-Bogouiné, Kabakouma, Biankouma, Zouan-Hounien,Danané, Mahapleu,Sangouiné, Gbangbégouiné, Logoualé, Man. Du dimanche 7 au dimanche 14 juin dernier, le président Laurent Gbagbo, qui était l’hôte des populations de la région des montagnes, a foulé le sol de toutes les places fortes du pays dan. Et, partout, la liesse populaire était au rendez-vous. Parce que les populations, décidées à tourner la page de sept années de guerre, ont tenu à marquer d’une pierre blanche cette visite présidentielle, symbole du retour définitif à la normalité. Mais, au-delà de l’aspiration légitime des uns et des autres à vivre en paix, qui a nourri la liesse populaire qui s’est emparée du pays yacouba, chacun avait en tête qu’à l’occasion de cette visite d’Etat, s’opérerait un changement de cap politique important : le basculement du peuple yacouba dans le camp de la refondation dont le porte-étendard n’est autre que le président Laurent Gbagbo. L’aboutissement d’un long processus entamé à la fin des années 1980 qui n’aura pas été de tout repos pour le champion du Front populaire ivoirien (FPI).


Une si longue marche

La marche victorieuse du FPI et de son leader dans le pays dan commence, en effet, à la fin des années 80. Par l’entremise de certains de ses amis, Laurent Gbagbo tisse sa toile. Les premiers cercles sont formés en 1988. Le travail se fait discrètement jusqu’à la proclamation officielle du multipartisme en avril 1990. S’ouvre alors l’étape de l’implantation. Les convertis à la nouvelle cause font preuve d’un dynamisme à nul pareil. A pieds, par temps de pluie et par temps de soleil, malgré les brimades, les persécutions et les privations, le nouveau parti fait des émules dans une région restée pratiquement en marge du développement. L’enclavement des villages dû à un mauvais état des routes, la sous-représentation des populations dans les institutions de l’Etat, l’insuffisance des infrastructures en tout genre ont servi de terreau au discours d’espoir des nouveaux venus. Le FPI rencontre un engouement réel auprès des populations fatiguées des pratiques peu orthodoxes du parti unique. De quelques coordinations, le parti de la rose multiplie les sections et les comités de base. La candidature historique de Laurent Gbagbo à l’élection présidentielle est passée par là. Cette forte adhésion des populations se concrétise par le succès énorme de la fête de la liberté de 1994. A l’occasion de la quatrième édition de ce rassemblement qu’il organise depuis la réinstauration de la pluralité politique, la Côte d’Ivoire et le monde entier découvrent l’enracinement du parti bleu et blanc dans cette partie du pays. Les élections de 1995 confirment cette tendance. Les candidats investis par le FPI font figure honorable. Mieux, le FPI remporte la mairie de Danané aux élections municipales de 1996. Quoi que minoritaire d’un point de vue électoral, les refondateurs revendiquent la majorité sociologique. Le PDCI, jusque-là hégémonique, montre des signes d’essoufflement. Partout, ce sont des ralliements de populations déçues de la gestion de la pluie des milliards issue de la dévaluation de 1994. le FPI semble maître de son sujet dans une région qui lui est promise. La visite qu’effectue en ce moment le président du FPI en juillet 1997 dans la région est d’une éclatante réussite. Pendant près d’un mois, Laurent Gbagbo parcourt tous les hameaux de la région. Son discours d’espoir promettant la renaissance de la Côte d’Ivoire séduit les populations. C’est l’apogée du FPI. Partout, les populations promettent leurs voix au camp du changement.


1999, la séparation inattendue

C’est donc un ouest montagneux tout acquis au FPI et aux idées de son leader qui attend donc patiemment les échéances électorales de 2000. C’est alors qu’intervient le coup d’Etat de décembre 1999. Malheureusement pour le FPI, le chef de la junte qui prend le pouvoir à Abidjan se trouve être le général Robert Guéi. Un fils de la région. Pendant les premiers mois de la transition militaire, la sympathie pour le FPI s’accroît dans les villages. “Si Guéi n’est pas candidat, notre choix, c’est Gbagbo”, entend-on un peu partout. Mais, pour le grand malheur des démocrates du pays yacouba, le chef de la junte se porte candidat à l’élection présidentielle d’octobre. Les populations cèdent aux chants de sirènes du pouvoir. L’envie de soutenir un frère prend le pas sur l’engagement militant des premières heures du multipartisme. Les structures du FPI s’effondrent. A Danané par exemple, le secrétaire général de la fédération rend même le tablier quelques mois avant le scrutin présidentiel. C’est le branle-bas dans la maison bleu et blanc. Une minorité de cadres et de militants indécrottables tente de sauver les meubles. En face, les cadres du PDCI, qui avaient fini par perdre tout crédit auprès des populations, retrouvent une nouvelle santé politique auprès du général président.

C’est la traversée du désert pour le FPI et ses militants accusés de trahison envers la tribu. La situation s’aggrave avec la défaite électorale du président Guéi. Ses partisans, qui avaient fêté sa victoire avant la lettre, ont du mal à digérer le résultat final qui fait de Laurent Gbagbo le vainqueur final. Le fossé entre le FPI et le pays yacouba se creuse davantage. Intoxication et calomnies sont servies aux populations par les adversaires du PDCI d’hier reconvertis au guéisme. La guerre qui survient en 2002 n’est pas faite pour arranger les choses. Surtout que le général Guéi est tué aux premières heures de la crise. Le ressentiment des populations manipulées par certains hommes politiques est à son comble. Le terrain est alors propice à la rébellion qui prend pied facilement dans la région.


La remontée de la pente

Curieusement, c’est la prise de la région par les rebelles qui va être le ferment du retour en grâce du FPI. C’est que les nouveaux sauveurs se transforment très vite en bourreaux impitoyables. Au fil des jours, des semaines et des mois, les rebelles, venus officiellement venger le défunt général, montrent leur vrai visage. Pillages systématiques, assassinats, viols, vols. Tout y passe. Progressivement, la population comprend que ceux qui ont soutenu les rebelles sont, en fait, leurs vrais ennemis. La réhabilitation du FPI se fait toute seule. La déception des populations et la résistance héroïque du chef de l’Etat font le reste. Dès 2006, le front d’hostilité connaît ses premières fissures. L’UDPCI vole en éclats à la suite de l’élection controversée du ministre Mabri à sa tête. De grosses pointures comme le ministre Bleu Lainé quittent le navire. La saignée s’accentue. Tia Monnet Bertine, présidente du conseil général de Biankouma, Oulé Tia Séraphin, député de Danané sous-préfecture, Yoro Louti David, député de Sipilou, Gué Pascal, député de Man-commune et colistier du ministre Bleu Lainé, Célestin Noutoua Youdé, président du conseil général de Danané, Gbato Méanmin, maire intérimaire de Danané, et de nombreux cadres influents décident de rejoindre le camp présidentiel. L’influence du parti fondé par le général Guéi se réduit comme peau de chagrin. L’Accord politique de Ouagadougou et le retour des cadres du FPI sur le terrain achèvent le travail. L’UDPCI, d’ordinaire sûr de son fait, perd pied. Et s’effondre avec le ralliement de son dernier dinosaure, Siki Blon Blaise.

Le président Gbagbo pouvait alors entamer, le dimanche 7 juin dernier, le tour du propriétaire, fier du travail accompli. Vingt ans d’un travail acharné et patient étaient ainsi couronnés de succès. Le peuple dan, dans son écrasante majorité, a choisi la refondation et l’espoir. Et ce choix pourrait changer beaucoup le 29 novembre.


Guillaume T. Gbato
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