Témoignage : “Sous mes yeux je voyais mon frère se vider de son sang” (Suite et fin)

Les années se succédaient et mes économies avaient commencé à prendre du volume. Il fallait trouver maintenant un circuit ou une personne fiable à qui j'allais confier mon projet. J'ai fini par m'ouvrir à un ami avec qui je partageais le même quotidien. Nous avions les mêmes activités. Il avait son cousin en Italie et apparemment maitrisait très bien tout le processus. Il m'a alors présenté le monsieur qui s'était occupé des papiers de son cousin. J'ai ainsi enclenché le processus tout heureux de savoir que dans un futur très proche j'allais me retrouver dans le pays de mes rêves. Tout se passait très bien mais que peut un homme sans baraka (bénédictions) et bourré d'orgueil ? En effet, pendant que nous étions en plein dans les démarches, M FD est tombé malade. En fait il avait une hernie qui l'a immobilisé. Il ne pouvait plus sortir. Il fallait lui faire une chirurgie d'urgence. Grâce à ses parents et son entourage, (il faut dire que ce monsieur avait plein de relations et était beaucoup estimé autour de lui pour son honnêteté et son intégrité) l'opération a pu être programmée. Personne ne craignait car avec le développement de la médecine ce type d'opération était devenu de petits gestes pour les chirurgiens. Mais, la volonté de Dieu a été autre car au cours de cette intervention M FD a perdu la vie. Chèr(e) frère et sœur, tout ce que je venais de construire depuis des années venait de prendre un coup en une fraction de seconde. Allahou akbar ! Je voulais me donner la mort car je ne voyais plus d'utilité à la vie. J'étais devenu comme un fou. Je me promenais dans la rue sans savoir ou j'allais exactement. Permettez moi de dire merci à toutes les mères du monde. N'eut été ma mère, j'allais surement à l'heure où je vous parle être à l'hôpital psychiatrique de Bingerville. Je ne sais pas comment elle a reçu l'information mais, un jour elle est venue me chercher pour qu'on rentre à la maison. Elle était en larmes. Petit à petit j'ai commencé à reprendre goût à la vie. Mon aîné très encré dans la religion me faisait chaque jour la lecture du Saint Coran. Il me parlait des épreuves qu'avait subies le Prophète (S.A.W). Un sentiment agréable et de bien-être me remplissais quand je l'entendais. Ma famille m'a beaucoup aidé. J'ai alors repris mes activités mais celle de la nuit je l'avais arrêtée. Une semaine après, un tonton du quartier m'a approché pour me confier la gestion d'une de ces pâtisseries. Il faut le dire, celle-ci marchait très bien et ma rémunération était assez consistante. Je faisais face à certaines charges de la maison et je faisais mes économies. Je tenais toujours à mon projet mais plus avec la même passion qu'auparavant. Après neuf ans de travail bien fait, mon patron un jour m'a fait appel. Il voulait me féliciter pour mon excellent travail et voulait par la même occasion me dire qu'il s'engageait à mettre tout en œuvre afin que je puisse enfin réaliser mon rêve. Nous étions du même quartier et il savait tout ce qui m'était arrivé par le passé. J'étais très heureux ce jour là. Alors, avec mon autorisation il a entamé les choses. Toutes les étapes se passaient très bien et à peine six mois après tout était bouclé. Je me rappel de ce jour avec tous les détails possible. C'était un vendredi. Je revenais de la prière de Djouma lorsque j'ai reçu un coup de fils de mon patron. Il m'annonçait la date à laquelle je devais prendre mon vol. Je sentais à peine mes jambes. J'avais du mal à contenir ma joie tant elle était immense. Dans la soirée je suis allé voir l'imam du quartier pour qu'il me fasse des bénédictions. Le jour du départ, Allah s'est manifesté dans ma vie. J'étais accompagné de mon chef, de mes parents et de quelques proches de ma famille. Mes frères, alors que nous avions quitté la maison cinq heures avant l'heure du départ, à mi-chemin, nous sommes tombés dans un embouteillage monstre. Comme si tous les automobilistes s'étaient donnés rendez-vous dans le même endroit. Avec beaucoup d'effort, nous sommes arrivés à l'aéroport une heure avant le départ. Il fallait se dépêcher pour enregistrer les bagages. Pendant que j'étais concentré à tout cela et qu'on annonçait mon vol dans 15 minutes, un homme d'un âge très avancé m'a approché. Cet homme a changé le cours de ma vie alors que je m'y attendais le moins. Il voulait me parler. Il m'a invité à le rejoindre là où il était. Au début j'étais réticent mais face à son insistance j'ai décidé de lui accorder quelques secondes. Je l'ai suivi donc. Lorsque j'ai pris place à ses côtés il m'a fixé pendant longtemps sans rien dire. J'ai commencé à m'énerver car il me faisait perdre mon temps inutilement. J'ai voulu me lever mais il m'a demandé de m'asseoir très poliment. Il me parlait avec une sérénité et un regard très insistant. Je venais de perdre les quinze minutes il fallait faire vite. “Mon fils ne prend pas cet avion. S'il te plaît renonce à ton projet de voyage Allah a prévu des merveilles pour toi ici. Il suffit de lui ouvrir ton cœur tu verras la lumière jaillir”, m'a-t-il dit. Je me suis vite relevé sans écouter le reste de ses propos. Une autre étape m'attendait. En effet, lorsque je suis arrivé au stade de présentation de mes papiers, une anomalie s'est présentée. On me reprochait d'avoir un passeport pas conforme à la norme. Je ne savais pas où mettre la tête. Malgré mes supplications j'ai été recalé. Je venais une fois de plus de passer à deux pas de la réalisation de mon rêve. Nous sommes rentrés alors et lorsque je suis arrivé à la maison pour noyer mon amertume, je me suis mis à lire le Saint Coran. Dieu soit Loué. J'ai compris alors que toutes les péripéties qui m'étaient arrivées et l'intervention du monsieur de l'aéroport dans ma vie n'étaient pas le hasard. Aujourd'hui, grâce à mon patron qui a continué de me soutenir j'ai pu monter mon propre projet ici et Allah dans sa Miséricorde m'inonde de bénédictions.

Maasalam !
Par Allama Diakité

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