Accusés de 'être occupés à rien sauf à boire du thé, les animateurs des «grins» d'Odienné jugent «excessifs» les propos du chef de l'Etat.
«Je vais à Samatiguila je trouve la forêt, je vais à Minignan, je trouve la forêt, je vais à Madinani, je trouve la forêt et puis des gens sont assis à Odienné… ils prennent du thé, ils sont assis, ils ne font rien et ils fatiguent les gens… ». C'est ce qu'a dit Laurent Gbagbo samedi dernier aux jeunes d'Odienné lors du meeting de clôture de son périple dans le Denguélé. Cette accusation de paresse portée contre les animateurs des «thé clubs» communément appelés «grins» n'est pas la première du genre émanant du chef de l'Etat. Ce dernier, l'on se rappelle était monté au créneau l'année dernière contre cette même jeunesse d'Odienné qu'il avait eu l'occasion de rencontrer Gbagbo avait évoqué le caractère «irresponsable» et l'attitude de «désœuvrement» dont faisaient montre les jeunes qui se plaisaient à se regrouper autour d’une théière. Nous avons parcouru les différents espaces d'échanges et de consommation de thé de la capitale du Denguélé pour recueillir les réactions des animateurs face à cette sortie du premier des Ivoiriens. Dans les deux principaux grins baptisés «Thé club 1» et «Thé club 2» dont lea renommée, à en croire leurs dirigeants respectifs, est nationale et internationale (ils sont fréquentés par les vacanciers venus d'Europe et des USA) l'on se dit choqué par le discours du chef de l'Etat. Pour eux, il convient d'abord d'expliquer ce qu'est un thé club ou un grin. Le doyen des animateurs, Koné Mamadou, un fonctionnaire à la retraite, explique qu'il s'agit «d'un lieu de rencontres et d'échanges entre un conglomérat de personnes venues pour se détendre, se décharger des pesanteurs d'une rude journée de travail avant de retrouver la famille». On trouve dans ces endroits, précise-t-il des fonctionnaires (comme lui), des commerçants, des cultivateurs, des ouvriers... Pour lui, ces organisations informelles que constituent les thés clubs se sont formalisées aujourd'hui dans plusieurs villes du pays pour devenir des clubs socio-culturels avec un règlement intérieur et des statuts. «Nous sommes régularisés vis-à-vis de la loi, nous avons une autorisation légale d'existence », renchérit « Cool», un intellectuel, membre du thé club N° 2. Lui indique que pour adhérer à leur grin, le candidat paye un droit d'adhésion et accepte de se soumettre aux diverses cotisations mensuelles. C'est cet argent qui sert à financer les regroupements (matériel de thé entre autres), à aider les membres pendant les événements heureux ou malheureux etc. «Nous sommes un cercle d'éducation, de formation et de lutte contre toute forme de délinquance. Chez nous, tout membre pris en flagrant délit de possession de drogue ou de consommation d'alcool est radié du groupe», ajoute le doyen Koné, un autre membre. Pour lui, les «diatribes» du chef de l'Etat sont la conséquence d'une campagne de diabolisation qui a effectivement contribué à ternir l'image des grins auprès de la majorité des Ivoiriens. «Mamadou Koulibaly, le président de l'assemblée nationale en sait quelque chose, il a partagé environ trois heures de convivialité dans chacun de nos grins avant la crise de 2002», révèle Djikourou Bamba, membre du thé club N° 2. Qui comprend difficilement que Gbagbo se retrouve aujourd'hui à saboter ces lieux que continuent de fréquenter ses plus proches collaborateurs. «Nous sommes d'accord que le chômage est une réalité dans notre pays, mais nous ne voulons pas que la jeunesse soit culpabilisée d'une situation dont elle n'est que la victime. Je ne crois pas qu'il existe un seul jeune qui souhaite vivre dans l'oisiveté. S'il y a bien des jeunes qui n'aiment pas travailler, ce sont les jeunes patriotes qui se sont enrichis sans avoir travaillé», charge Doumbia Ali, enseignant au college moderne d'Odienné. Lui pense que le président est simplement venu insulter la jeunesse de son département et celle de toute la Côte d'Ivoire qui fréquente les grins. « Durant la guerre, nous avons vécu de la générosité de nos terres après des durs labeurs champêtres parce que justement toutes les entreprises fermaient du fait de la barbarie des jeunes patriotes. Aujourd'hui, nous avons mal d'entendre quelqu'un nous traiter de fainéants. Nous attendions de sa part (Ndlr : Gbagbo) des promesses pour nous aider à croire en l'avenir. On souhaite par exemple que les futures autorités de développement annoncées nous encadrent pour réussir. Mais, que l'on cesse ces remontrances à relent d'injures», dénonce Doumbia. A côté des animateurs des grins qui s'insurgent contre les propos de Gbagbo, il y'a d'autres odiennékas qui reconnaissent que l'oisiveté s'installe de façon insidieuse dans leur commune par le canal des grins. Le thé, cette boisson sahélienne, notent-ils, gagne de plus en plus du terrain dans la cité. Si dans les années 80, cette boisson était la chasse gardée des Mauritaniens, marocains et maliens, aujourd'hui, elle est très fortement consommée par les jeunes ivoiriens et surtout ceux du Nord du pays. Pour nos interlocuteurs, il est indéniable qu'une fois assis autour d’une théière, les jeunes perdent toute notion du temps et se laissent aller à des causeries qui ne comportent aucun intérêt pour leur devenir. Diaby, vigile est de cet avis. «A Odienné, partout on boit le thé. Et cela, tout le temps. Même dans leurs champs, des personnes s'occupent plus à préparer du thé qu'à travailler. N'est-ce pas là un bras valide de moins ? Il faut qu'on reconnaisse que les grins ont souvent un côté nocif. Dans certains villages vous trouvez souvent des jeunes regroupés autour des théières pendant que leurs parents sont aux champs !», fustige le vigile. Touré Ibrahim alias «IB», 30 ans, agriculteur, même s'il est d'accord avec Laurent Gbagbo trouve que le Chef de l’Etat a été excessif en affirmant que la terre n'est pas mise en valeur dans le Denguélé. «Moi j'ai fait 5 hectares de riz. Prenez la route de Minignan ou celle de Madinani vous verrez des plantations. Même s'il y a certains jeunes qui ne travaillent pas, il faut reconnaître que d'autres bougent. Et ils ont besoin qu'on les aide. On espère que les promesses faites dans ce sens ne seront pas des promesses de politicien», a-t-il commenté.
Tenin Bè Ousmane Correspondant régional
«Je vais à Samatiguila je trouve la forêt, je vais à Minignan, je trouve la forêt, je vais à Madinani, je trouve la forêt et puis des gens sont assis à Odienné… ils prennent du thé, ils sont assis, ils ne font rien et ils fatiguent les gens… ». C'est ce qu'a dit Laurent Gbagbo samedi dernier aux jeunes d'Odienné lors du meeting de clôture de son périple dans le Denguélé. Cette accusation de paresse portée contre les animateurs des «thé clubs» communément appelés «grins» n'est pas la première du genre émanant du chef de l'Etat. Ce dernier, l'on se rappelle était monté au créneau l'année dernière contre cette même jeunesse d'Odienné qu'il avait eu l'occasion de rencontrer Gbagbo avait évoqué le caractère «irresponsable» et l'attitude de «désœuvrement» dont faisaient montre les jeunes qui se plaisaient à se regrouper autour d’une théière. Nous avons parcouru les différents espaces d'échanges et de consommation de thé de la capitale du Denguélé pour recueillir les réactions des animateurs face à cette sortie du premier des Ivoiriens. Dans les deux principaux grins baptisés «Thé club 1» et «Thé club 2» dont lea renommée, à en croire leurs dirigeants respectifs, est nationale et internationale (ils sont fréquentés par les vacanciers venus d'Europe et des USA) l'on se dit choqué par le discours du chef de l'Etat. Pour eux, il convient d'abord d'expliquer ce qu'est un thé club ou un grin. Le doyen des animateurs, Koné Mamadou, un fonctionnaire à la retraite, explique qu'il s'agit «d'un lieu de rencontres et d'échanges entre un conglomérat de personnes venues pour se détendre, se décharger des pesanteurs d'une rude journée de travail avant de retrouver la famille». On trouve dans ces endroits, précise-t-il des fonctionnaires (comme lui), des commerçants, des cultivateurs, des ouvriers... Pour lui, ces organisations informelles que constituent les thés clubs se sont formalisées aujourd'hui dans plusieurs villes du pays pour devenir des clubs socio-culturels avec un règlement intérieur et des statuts. «Nous sommes régularisés vis-à-vis de la loi, nous avons une autorisation légale d'existence », renchérit « Cool», un intellectuel, membre du thé club N° 2. Lui indique que pour adhérer à leur grin, le candidat paye un droit d'adhésion et accepte de se soumettre aux diverses cotisations mensuelles. C'est cet argent qui sert à financer les regroupements (matériel de thé entre autres), à aider les membres pendant les événements heureux ou malheureux etc. «Nous sommes un cercle d'éducation, de formation et de lutte contre toute forme de délinquance. Chez nous, tout membre pris en flagrant délit de possession de drogue ou de consommation d'alcool est radié du groupe», ajoute le doyen Koné, un autre membre. Pour lui, les «diatribes» du chef de l'Etat sont la conséquence d'une campagne de diabolisation qui a effectivement contribué à ternir l'image des grins auprès de la majorité des Ivoiriens. «Mamadou Koulibaly, le président de l'assemblée nationale en sait quelque chose, il a partagé environ trois heures de convivialité dans chacun de nos grins avant la crise de 2002», révèle Djikourou Bamba, membre du thé club N° 2. Qui comprend difficilement que Gbagbo se retrouve aujourd'hui à saboter ces lieux que continuent de fréquenter ses plus proches collaborateurs. «Nous sommes d'accord que le chômage est une réalité dans notre pays, mais nous ne voulons pas que la jeunesse soit culpabilisée d'une situation dont elle n'est que la victime. Je ne crois pas qu'il existe un seul jeune qui souhaite vivre dans l'oisiveté. S'il y a bien des jeunes qui n'aiment pas travailler, ce sont les jeunes patriotes qui se sont enrichis sans avoir travaillé», charge Doumbia Ali, enseignant au college moderne d'Odienné. Lui pense que le président est simplement venu insulter la jeunesse de son département et celle de toute la Côte d'Ivoire qui fréquente les grins. « Durant la guerre, nous avons vécu de la générosité de nos terres après des durs labeurs champêtres parce que justement toutes les entreprises fermaient du fait de la barbarie des jeunes patriotes. Aujourd'hui, nous avons mal d'entendre quelqu'un nous traiter de fainéants. Nous attendions de sa part (Ndlr : Gbagbo) des promesses pour nous aider à croire en l'avenir. On souhaite par exemple que les futures autorités de développement annoncées nous encadrent pour réussir. Mais, que l'on cesse ces remontrances à relent d'injures», dénonce Doumbia. A côté des animateurs des grins qui s'insurgent contre les propos de Gbagbo, il y'a d'autres odiennékas qui reconnaissent que l'oisiveté s'installe de façon insidieuse dans leur commune par le canal des grins. Le thé, cette boisson sahélienne, notent-ils, gagne de plus en plus du terrain dans la cité. Si dans les années 80, cette boisson était la chasse gardée des Mauritaniens, marocains et maliens, aujourd'hui, elle est très fortement consommée par les jeunes ivoiriens et surtout ceux du Nord du pays. Pour nos interlocuteurs, il est indéniable qu'une fois assis autour d’une théière, les jeunes perdent toute notion du temps et se laissent aller à des causeries qui ne comportent aucun intérêt pour leur devenir. Diaby, vigile est de cet avis. «A Odienné, partout on boit le thé. Et cela, tout le temps. Même dans leurs champs, des personnes s'occupent plus à préparer du thé qu'à travailler. N'est-ce pas là un bras valide de moins ? Il faut qu'on reconnaisse que les grins ont souvent un côté nocif. Dans certains villages vous trouvez souvent des jeunes regroupés autour des théières pendant que leurs parents sont aux champs !», fustige le vigile. Touré Ibrahim alias «IB», 30 ans, agriculteur, même s'il est d'accord avec Laurent Gbagbo trouve que le Chef de l’Etat a été excessif en affirmant que la terre n'est pas mise en valeur dans le Denguélé. «Moi j'ai fait 5 hectares de riz. Prenez la route de Minignan ou celle de Madinani vous verrez des plantations. Même s'il y a certains jeunes qui ne travaillent pas, il faut reconnaître que d'autres bougent. Et ils ont besoin qu'on les aide. On espère que les promesses faites dans ce sens ne seront pas des promesses de politicien», a-t-il commenté.
Tenin Bè Ousmane Correspondant régional