La fraude sur l'identité se poursuit dans les villes de Côte d'Ivoire. Après Adzopé, la semaine dernière, un autre pot aux roses a été découvert, hier, à Bonoua. Ce sont, selon des témoignages, au moins 2000 faux extraits de naissance qui circulent dans les différents quartiers et villages de la capitale de l'ananas. Ces faux extraits sont tous signés par le sous préfet d'Adiaké Mme Cissé Alimata et portent le sceau de la sous préfecture. Les bénéficiaires, eux, sont tous nés à Bonoua. Les faux extraits comparés aux originaux présentent des cas de tripatouillage de dates de naissance ou de numéro de registres. Par exemple, Atéké Mosson Alexandre, né le 25 février 1973 et enregistré dans le registre numéro 137 du 20 février 1973 se voit octroyer un autre extrait fait cette fois-ci à Adiaké et enregistré sous le numéro 21 du 21-12-1974, avec la mention circonscription d'état civil d'Adiaké, centre d'Assomlan et délivré le 30 Avril 2009 à Adiaké. Alors que l'original a été délivré à Bonoua le 15 juin 1992. Un autre exemple. Kacou Kangah Eugénie, née le 25 octobre 1975 et enregistrée dans le registre numéro 236 du 9 avril 1981, se voit aussi attribuer un extrait établi à Adiaké et portant le numéro de registre 48 du 22-12-1972, délivré le 30 avril 2009. Comment les fraudeurs sont arrivés à s'accaparer les extraits originaux pour ainsi faire du faux ? Des témoignages sur le terrain nous ont permis de faire le point. " Au départ, ils sont venus à la maison avec un formulaire. Ils te demandent de leur apporter ton extrait de naissance original. Ils y relèvent les références. Hier (Ndlr : dimanche dernier), il y a un groupe qui est venu distribuer les nouveaux extraits. Nous avons trouvé que ce n'est pas normal. Nous avons même eu peur de prendre ce document parce que nous nous sommes dit que cela pouvait nous créer des problèmes. Parce que comment peut-on naître à Bonoua et naître encore à Adiaké ? On pourrait accuser le bénéficiaire d'avoir fait du faux. Ce sont des jeunes gens qui ont sillonné les quartiers pour faire ce travail dont le résultat est là aujourd'hui. Moi, je ne connais pas leur bord politique. Mais je peux vous dire que je me suis déjà fait enrôler à Larabia avec mon extrait fait à Bonoua. Je veux porter plainte car je ne suis pas né à Adiaké mais à Bonoua. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui ont fait le faux " s'est expliqué sous le sceau de l'anonymat un résident de Bonoua. " Ils nous ont dit qu'ils allaient faire des extraits pour nous ici à Bonoua. A ma grande surprise, on me dit que les extraits sont arrivés. Quand j'ai vu le mien, je me suis dit ça c'est la fraude. Nous savions que la sous préfecture de Bonoua a brûlé avec nos registres. C'est pourquoi, nous nous sommes empressés de remettre nos extraits pensant qu'ils allaient nous faciliter la tâche en nous faisant notre extrait en vue de participer à l'enrôlement. Nous n'avons déboursé aucune somme. Nous n'avons pas demandé qu'on diminue notre âge sur les nouveaux extraits. En fait, c'est du faux qu'on nous a envoyé. Mais je signale que je me suis déjà fait enrôler avec mon extrait de naissance établi à Bonoua. Donc je ne sais que faire de leur nouvel extrait. Je ne connais pas ceux qui ont fait ce faux. Ce sont des jeunes gens qu'on a vu se promener de cour en cour à Bonoua " a ajouté un autre toujours sous le couvert de l'anonymat. Quand un autre a poursuivi en ces termes : " L'information de la fraude nous est parvenue. Nous nous sommes rendus sur les lieux de l'enrôlement surtout à l'école Alphonse Aoulou. Le constat était clair. Nous avons retrouvé des extraits provenant de la ville d'Adiaké. Des personnes s'étaient déjà fait enrôler avec ces extraits. Nous avons réussi à saisir trois extraits que nous sommes allés photocopier. Pour nous, il était important d'avoir des preuves. Le délégué départemental de la Cei, M Assémian Hilaire, saisi de tout ce qui se passait, a fait déplacer le centre de Bonoua 2 à Bongo, une autre sous préfecture. Alors que ce centre devait rester ouvert à Bonoua ". Joint au téléphone par souci de l'équilibre de l'information, M Assémian Hilaire n'a pas voulu se prêter à nos questions sous prétexte qu'il ne peut échanger sur le sujet avec quelqu'un qu'il ne connaît pas. Nous aurions voulu avec lui avoir également des éclaircis sur l'accusation selon laquelle des personnes seraient convoyées désormais à Bongo pour être enrôlées. Nos efforts pour échanger avec le sous préfet d'Adiaké sont restés aussi vains. Après un essai infructueux sur le téléphone de la sous préfecture, nous avons appelé sur le numéro de son domicile. " Elle est permissionnaire. Elle est en voyage " nous a répondu une dame qui dit se prénommer Louise. Bien que nous lui ayons communiqué notre contact téléphonique pour espérer un appel de Madame le sous préfet, aucun appel n'est venu de l'administrateur. Au moment où nous quittions Bonoua, hier, des jeunes de l'opposition s'apprêtaient à saisir le sous préfet de la ville et même la royauté sur ces cas de fraude. Entre-temps, ils avaient pris soin de bloquer l'enrôlement dans le seul centre fonctionnel au quartier Bégnini. Nous apprendrons au moment où nous mettons sous presse que de faux extraits étaient également distribués à Assé, un autre village de la sous préfecture, par M Kraéboué Joseph. Joint au téléphone, celui-ci a indiqué ceci : " Après l'enrôlement, il y a eu quelques retardataires. Ces personnes-là n'ont pas pu se faire enrôler parce qu'elles n'avaient pas d'extrait de naissance. La sous préfecture de Bonoua ayant brûlé. J'ai donc reçu des fiches du président de la coordination du Cojep de Bonoua. J'ai recensé les personnes concernées et j'ai déposé les listes. Avant-hier, (ndlr : samedi dernier) il m'a appelé pour que je recupère les extraits. Ce que j'ai fait. Je n'ai pas pu distribuer lesdits extraits parce que je ne reconnais plus les bénéficiaires. Il y a une personne qui est venue me voir ce matin (ndlr : hier matin). Je lui ai remis son extrait. J'ai vu que c'est signé du sous préfet d'Adiaké. Personnellement, je ne peux pas détecter le faux du vrai. Donc je ne sais pas si ces documents sont des faux. Je dispose de 8 extraits parce qu'à Assé, il n'y a pas beaucoup qui sont concernés par le retard quant à l'enrôlement ". Egalement joint au téléphone, Ahimin Pacôme alias Shegun, président de la coordination du Cojep de Bonoua, a déclaré ceci : " Fort des appels des autorités de la Cei, qu'il n'y aura pas de prolongation, les gens se bousculent ça et là. En tout cas, je n'ai pas demandé à quelqu'un d'aller faire un extrait là où il n'est pas né. Ça, ça ne m'engage pas. J'ai appelé les gens à aller se faire enrôler. Comme tous les partis politiques, on a cherché les moyens pour aider les populations. C'est cela que le Fpi a appelé opération inondation. Sinon, je suis moi-même né à Ayamé et mon extrait a été fait là bas et je me suis fait enrôler à Bonoua, il y a longtemps ".
Diarrassouba Sory
Envoyé spécial à Bonoua
Diarrassouba Sory
Envoyé spécial à Bonoua