L'opération d'identification a pris fin le mardi 30 juin aussi bien au plan national qu'à l'étranger. Les premières statistiques, qui remontent au 15 juin, laissent transparaître des scores très faibles dans des régions comme celles des Montagnes et du Bafing.
Malgré les moyens déployés et les séances de rattrapages offertes par la structure de Robert Beugré Mambé aux fins d'enrôler la majorité des potentiels électeurs, l'opération aura laissé sur le bord du chemin, de nombreux Ivoiriens. La majorité des localités qui n'ont malheureusement pas pu atteindre la moyenne nationale se trouvent dans la partie Septentrionale et Ouest du pays. Selon des statistiques dont nous disposons et qui datent de la mi-juin, c'est-à-dire de deux semaines avant le terme du dernier rattrapage, les zones qui affichaient à peine 60% de taux de couverture sont celles du Zanzan, de la Vallée du Bandama, des Montages, du Denguélé, du Worodougou et du Bafing.
De faibles taux enregistrés
A l'origine de ce relatif faible taux, indiquent de nombreuses personnes contactées dans ces localités, il y a surtout l'éternel problème de «papiers». Dans les Montagnes, par exemple, le taux de couverture régional est estimé à 49,64% (308.580 inscrits sur 621.686 visés). Dans des villes de cette région comme Man (seulement 43,71% de réalisation) et Danané (47,85%), les personnes interrogées expliquent que du fait de la crise et ses conséquences, elles n'ont jamais été intéressées par l'enrôlement. «Dans les autres parties du pays, les gens ignorent ce que nous avons souffert ici. Notre préoccupation c'est le quotidien. Dans des villages et campements, les équipes mobiles de la Cei arrivaient et s'en retournaient sans enrôler une seule personne. Et plus personne ne s'y aventurait après. C'est la conséquence de la guerre», explique Sophia Gueu, une ressortissante de Danané, jointe au téléphone. A Biankouma, où l'on enregistre le plus faible taux de l'Ouest montagneux (37,91%), l'on évoque également la guerre. «Ici, la République étant restée longtemps absente depuis le 19 septembre 2002. Nos populations ont majoritairement regagné les grandes villes environnantes et la capitale économique. Ce sont des villages presque déserts que la Cei a parcouru», relève Guéi K., un habitant de la ville. Dans la région du Zanzan, l'on a relevé un taux de réalisation de seulement 52,15% au 15 juin. Là-bas, sur 421.292 personnes ciblées, seulement 219.709 ont visité la pléthore de sites ouverts et dont le nombre dépassait largement celui qui était initialement prévu (un taux d'ouverture de bureau de 150,46%). Dans certaines villes comme Bondoukou (49,64%) et Tanda (59,04%) les populations accusent les difficultés rencontrées dans l'établissement des pièces administratives requises.
Problèmes de papiers
De fait, témoignent plusieurs personnes, de nombreux habitants qui devraient au préalable passer par l'opération de reconstitution des registres d'état-civil perdus ou détruits constituent le gros du contingent des laissés pour compte. « Notre problème ici à Bondoukou, c'était autour de l'obtention de l'attestation du plumitif. Après s'être signalés aux agents chargés de la reconstitution des registres de l'état civil, chaque jour, nos parents étaient obligés de quitter la ville pour aller dans les sous-préfectures dans l'espoir de voir leur nom sur la liste. Et lorsqu'ils y vont deux ou trois fois pour revenir bredouilles, ils sont gagnés par le découragement. C'était vraiment fastidieux. Beaucoup ont abandonné pour cela», a expliqué Kobenan Gervais. Un autre habitant de la ville, Coulibaly U., très remonté, nous a expliqué au téléphone que l'on aurait dû simplifier la reconstitution des registres. Il se plaint de ne plus pouvoir obtenir une pièce d'identité. « Pour l'élection, je m'en fiche. Je ne suis pas le seul dans ce cas. Je suis juste ulcéré parce que je ne peux admettre le fait que je n'aurais plus la chance, dans un futur proche, d'avoir une carte d'identité comme la plupart de mes compatriotes», a-t-il martelé. Combien sont-elles les personnes dans le même état d'esprit que nos interlocuteurs de Bondoukou ? Difficile de le dire avec exactitude. Dans le Worodougou où les chiffres en notre possession montrent un taux faible de 57,66%, la situation n'est pas meilleure. Tout en nuançant ses explications, «Cooper» (c'est son surnom), ancien agent Sagem à Séguéla (59,65% de couverture) pense, lui, que le faible taux que connait sa région n'est pas lié à un « boycott » même si du fait de la guerre, les populations sont plutôt préoccupées par la recherche du pain quotidien. «Il y avait de l'engouement et les populations sont sorties nombreuses. Mais, le problème de la reconstitution des registres qui nécessitait beaucoup de va et vient a peut-être découragé certaines personnes», explique-t-il. Le maire de la ville, Amadou Soumahoro, que nous avons joint au téléphone a également réagi face à ce mauvais score. Il a fait une analyse mettant en cause les projections de la Sagem, l'un des opérateurs chargés du processus d'identification de la population.
La guerre et les migrations
« Par endroit, la Sagem a fait des estimations au-delà de la réalité. Et ce qui est vrai pour le Worodougou l'est pour d'autres régions du pays. Rappelez-vous de la polémique qu'il y a eu à propos des sans-papiers. Pour ce que je sais de la phase pratique de l'opération, c'est qu'il y a eu un profond ratissage dans le Worodougou. Nous sommes donc sereins puisque nous avons fait le travail de sensibilisation qu'il faut. Pour le reste, on ne peut pas faire le bonheur des gens sans eux », a estimé l'ex-ministre du Commerce. Dans la Vallée du Bandama, au 15 juin, la Cei n'avait pu enrôler que 409.236 Ivoiriens sur les 699.691 escomptés. Soit un taux de réalisation de 58,49%. Le maire de Bouaké (57,01%), Fanny Ibrahima, tout comme son homologue de Séguéla pensent qu'il n'y a pas de crainte à avoir face à ces statistiques. « Dans notre pays, le vote n'est pas obligatoire. Dès lors, on aurait dû arrêter l'opération depuis longtemps après avoir constaté que l'affluence avait cessé», a-t-il fait remarquer, pariant au passage qu'au décompte final, la région de la vallée du Bandama atteindra la moyenne nationale. Le Denguélé n'enregistre que 57,77% d'inscrits tandis que le Bafing arrive en queue de classement national avec 47,47% de taux d'enrôlement. Dans la localité principale de cette zone, Touba, l'on évoque la guerre et la forte migration des populations vers le Sud. «Ceux qui sont absents dans le décompte ici sont allés gonfler les listes à Abidjan. Mais, il y a eu aussi un désintérêt de la part des populations qui ont traîné les pas jusqu'à ce qu'elles se fassent surprendre par la clôture», a commenté un cadre de la ville.
Marc Dossa
Malgré les moyens déployés et les séances de rattrapages offertes par la structure de Robert Beugré Mambé aux fins d'enrôler la majorité des potentiels électeurs, l'opération aura laissé sur le bord du chemin, de nombreux Ivoiriens. La majorité des localités qui n'ont malheureusement pas pu atteindre la moyenne nationale se trouvent dans la partie Septentrionale et Ouest du pays. Selon des statistiques dont nous disposons et qui datent de la mi-juin, c'est-à-dire de deux semaines avant le terme du dernier rattrapage, les zones qui affichaient à peine 60% de taux de couverture sont celles du Zanzan, de la Vallée du Bandama, des Montages, du Denguélé, du Worodougou et du Bafing.
De faibles taux enregistrés
A l'origine de ce relatif faible taux, indiquent de nombreuses personnes contactées dans ces localités, il y a surtout l'éternel problème de «papiers». Dans les Montagnes, par exemple, le taux de couverture régional est estimé à 49,64% (308.580 inscrits sur 621.686 visés). Dans des villes de cette région comme Man (seulement 43,71% de réalisation) et Danané (47,85%), les personnes interrogées expliquent que du fait de la crise et ses conséquences, elles n'ont jamais été intéressées par l'enrôlement. «Dans les autres parties du pays, les gens ignorent ce que nous avons souffert ici. Notre préoccupation c'est le quotidien. Dans des villages et campements, les équipes mobiles de la Cei arrivaient et s'en retournaient sans enrôler une seule personne. Et plus personne ne s'y aventurait après. C'est la conséquence de la guerre», explique Sophia Gueu, une ressortissante de Danané, jointe au téléphone. A Biankouma, où l'on enregistre le plus faible taux de l'Ouest montagneux (37,91%), l'on évoque également la guerre. «Ici, la République étant restée longtemps absente depuis le 19 septembre 2002. Nos populations ont majoritairement regagné les grandes villes environnantes et la capitale économique. Ce sont des villages presque déserts que la Cei a parcouru», relève Guéi K., un habitant de la ville. Dans la région du Zanzan, l'on a relevé un taux de réalisation de seulement 52,15% au 15 juin. Là-bas, sur 421.292 personnes ciblées, seulement 219.709 ont visité la pléthore de sites ouverts et dont le nombre dépassait largement celui qui était initialement prévu (un taux d'ouverture de bureau de 150,46%). Dans certaines villes comme Bondoukou (49,64%) et Tanda (59,04%) les populations accusent les difficultés rencontrées dans l'établissement des pièces administratives requises.
Problèmes de papiers
De fait, témoignent plusieurs personnes, de nombreux habitants qui devraient au préalable passer par l'opération de reconstitution des registres d'état-civil perdus ou détruits constituent le gros du contingent des laissés pour compte. « Notre problème ici à Bondoukou, c'était autour de l'obtention de l'attestation du plumitif. Après s'être signalés aux agents chargés de la reconstitution des registres de l'état civil, chaque jour, nos parents étaient obligés de quitter la ville pour aller dans les sous-préfectures dans l'espoir de voir leur nom sur la liste. Et lorsqu'ils y vont deux ou trois fois pour revenir bredouilles, ils sont gagnés par le découragement. C'était vraiment fastidieux. Beaucoup ont abandonné pour cela», a expliqué Kobenan Gervais. Un autre habitant de la ville, Coulibaly U., très remonté, nous a expliqué au téléphone que l'on aurait dû simplifier la reconstitution des registres. Il se plaint de ne plus pouvoir obtenir une pièce d'identité. « Pour l'élection, je m'en fiche. Je ne suis pas le seul dans ce cas. Je suis juste ulcéré parce que je ne peux admettre le fait que je n'aurais plus la chance, dans un futur proche, d'avoir une carte d'identité comme la plupart de mes compatriotes», a-t-il martelé. Combien sont-elles les personnes dans le même état d'esprit que nos interlocuteurs de Bondoukou ? Difficile de le dire avec exactitude. Dans le Worodougou où les chiffres en notre possession montrent un taux faible de 57,66%, la situation n'est pas meilleure. Tout en nuançant ses explications, «Cooper» (c'est son surnom), ancien agent Sagem à Séguéla (59,65% de couverture) pense, lui, que le faible taux que connait sa région n'est pas lié à un « boycott » même si du fait de la guerre, les populations sont plutôt préoccupées par la recherche du pain quotidien. «Il y avait de l'engouement et les populations sont sorties nombreuses. Mais, le problème de la reconstitution des registres qui nécessitait beaucoup de va et vient a peut-être découragé certaines personnes», explique-t-il. Le maire de la ville, Amadou Soumahoro, que nous avons joint au téléphone a également réagi face à ce mauvais score. Il a fait une analyse mettant en cause les projections de la Sagem, l'un des opérateurs chargés du processus d'identification de la population.
La guerre et les migrations
« Par endroit, la Sagem a fait des estimations au-delà de la réalité. Et ce qui est vrai pour le Worodougou l'est pour d'autres régions du pays. Rappelez-vous de la polémique qu'il y a eu à propos des sans-papiers. Pour ce que je sais de la phase pratique de l'opération, c'est qu'il y a eu un profond ratissage dans le Worodougou. Nous sommes donc sereins puisque nous avons fait le travail de sensibilisation qu'il faut. Pour le reste, on ne peut pas faire le bonheur des gens sans eux », a estimé l'ex-ministre du Commerce. Dans la Vallée du Bandama, au 15 juin, la Cei n'avait pu enrôler que 409.236 Ivoiriens sur les 699.691 escomptés. Soit un taux de réalisation de 58,49%. Le maire de Bouaké (57,01%), Fanny Ibrahima, tout comme son homologue de Séguéla pensent qu'il n'y a pas de crainte à avoir face à ces statistiques. « Dans notre pays, le vote n'est pas obligatoire. Dès lors, on aurait dû arrêter l'opération depuis longtemps après avoir constaté que l'affluence avait cessé», a-t-il fait remarquer, pariant au passage qu'au décompte final, la région de la vallée du Bandama atteindra la moyenne nationale. Le Denguélé n'enregistre que 57,77% d'inscrits tandis que le Bafing arrive en queue de classement national avec 47,47% de taux d'enrôlement. Dans la localité principale de cette zone, Touba, l'on évoque la guerre et la forte migration des populations vers le Sud. «Ceux qui sont absents dans le décompte ici sont allés gonfler les listes à Abidjan. Mais, il y a eu aussi un désintérêt de la part des populations qui ont traîné les pas jusqu'à ce qu'elles se fassent surprendre par la clôture», a commenté un cadre de la ville.
Marc Dossa