John Kiffy est un artiste toujours en mouvement. Prêt à donner le meilleur de lui-même pour ses fans. Avant son concert prévu le 04 juillet prochain au stade Auguste Denise de San-Pedro, il a accepté de nous accorder une interview dans laquelle il nous dévoile le secret de sa réussite en Europe et se prononce aussi sur les élections au Burida. John Kiffy va plus loin et assène ses vérités à Gadji Celi, qu'il qualifie de corruptible…
Tu bouges beaucoup ces derniers temps. Qu'est-ce qui te fait courir ?
C'est personnel. J'ai d'autres activités extérieures à la musique.
Si on parlait de ton actualité musicale ?
A mon niveau, je fais toujours mon travail. Sur la scène, à la maison. Je fais des concerts pour gagner ma vie. Je compose des musiques de film avec des amis qui viennent d'Europe.
Mais ne te voit pas sur de grandes scènes !
Je ne sais pas ce que tu appelles la grande scène. Des musiciens comme nous, ne privilégions pas les play back à la télé. Nous avons une autre vision de la musique. Par exemple, moi ce qui m'intéresse, c'est de donner une identité musicale à l'Afrique.
John a-t-il atteint cet objectif ?
Bien sûr, c'est parce que tu ne suis pas l'actualité. Grâce à moi, la musique africaine évolue. Si vous écoutez mes aînés qui étaient de grandes scènes, ils ont été obligés de me copier. Les guitares sont électriques aujourd'hui en Afrique. C'est moi qui ai pensé à cela, en premier.
C'est donc toi le précurseur ?
Ceux qui me connaissent et qui m'ont vu en France et qui ont même joué avec mes musiciens le savent. Tels les Salif Kéita qui ont même demandé à mes musiciens de leur livrer quelques couleurs de ma musique. Je n'ai pas de souci avec cela. J'ai fait ces ouvertures à des frères. Je n'ai pas besoin de crier cela partout. C'est vous les journalistes culturels qui devez faire vos recherches et le savoir.
On constate que John est un artiste plein de talent, mais il n'arrive pas à atteindre les majors ?
Des questions de ce genre me font toujours rire. Tu sais que j'ai été l'un des premiers africains à avoir été produit par les plus grandes majors en France. J'ai fait ''Phonogramme''. En 1982, mon premier album “Ebéwasabayô” qui n'est pas arrivé en Côte d'Ivoire a été produit par “Phonogramme”. Le second “Zèzè Pop expérience” a été produit par la FNACmusique en France. C'est la plus grosse structure de distribution. C'est avec moi que les Blancs ont apprécié la musique minimaliste. Les artistes tel Lokoa Kanza venait me voir à la FNAC. C'est pour dire que moi je suis là pour révolutionner, et non pour me faire des sous.
On ne peut pourtant pas faire de la musique sans vivre de son art ?
Mon rythme de vie me suffit. Ma musique me permet d'avoir tout ce, dont j'ai besoin pour vivre. Je ne sollicite pas d'apports financiers pour vivre. Je vis tranquille. J'aide ma famille. J'ai du matériel de musique. Je n'exhibe pas ma richesse, mais je ne suis pas un artiste pauvre (il rit).
Tu n'es pas un artiste pauvre, mais ton public aimerait te voir sur de grandes scènes ?
Qu'est-ce que tu appelles grandes scènes ?
Tourner beaucoup plus en Europe et être sur de grands festivals.
J'ai vécu 25 années en Europe. Je suis musicien. Quelqu'un qui vit 25 ans en Europe en ne faisant que la musique. J'avais mon orchestre et je tournais dans toute la Francepour gagner ma vie. Moi, je suis comme les U2, les Bono. Même les U2 se sont déplacés pour venir me voir. Si je voulais que ça soit d'actualité ! Ça l'aurait été.
Mais pourquoi t'y refuses-tu alors ?
Je ne m'y refuse pas. Je crois qu'un artiste fait son travail et la presse fait le sien. C'est à la presse culturelle de suivre les artistes et non le contraire… Si les journalistes ne le font pas…
Tu ne vas pas rejeter la faute sur les hommes de médias, si les choses ne baignent pas pour toi en ce moment ?
Jamais. Je ne leur demande rien, c'est eux qui viennent me poser des questions. Mais quand ils le font, je trouve qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent, tout simplement.
C'est peut être dû au fait que John est renfermé ?
Je ne suis pas renfermé. Si j'étais journaliste culturel, je chercherais à savoir ce que font les artistes.
Penses-tu qu'il est bon de forcer la main à un artiste qui veut évoluer en vase clos ?
Alors, tu crois que j'évolue en vase clos ?
Ce n'est qu'une impression alors. Bref, qu'est-ce que John a fait de sa vie ?
Je ne peux te le dire, car mon objectif, c'est de donner une musique à l'Afrique. La musique que je fais est une musique de combat, parce que nous chantons dans des langues que les Occidentaux, même s'ils apprécient, ne comprennent pas. Nous nous battons pour promouvoir ces langues. Il n'appartient pas aux Occidentaux de nous offrir des espaces, mais nous devons nous battre pour mettre l'Afrique au devant de la scène. Les majors reconnaissent ma détermination à vouloir promouvoir la musique africaine. Mais ils me demandent des fois pourquoi je persévère, d’autant plus que mes propres frères sont mes détracteurs. Ils me disent “John arrête de t'emmerder, viens chanter en français en anglais, et pense à toi”. Je leur dis non, car je pense à l'Afrique en conservant ma musique. Je fais du zèzè pop et j'y mets le cœur. Si mes frères africains voient que cela reflète leurs désirs en matière de musique, qu'ils m'aident à la promouvoir. Mais ce n'est pas à moi de faire du lèche cul.
Tu reproches cela aux artistes africains
Pas aux artistes. Je reproche cela aux africains et à tous ceux qui les commandent. Ils doivent se battre pour afficher notre culture au devant de la scène. Parce que dans le monde entier, il se dit que l'Afrique est le berceau de la musique. Hélas, les artistes africains sont les derniers dans le show-biz. Ils sont plus dans le show, mais très loin du business. C'est pourquoi je soutiens les jeunes africains qui veulent aller de l'avant.
Le show-biz est aussi un milieu où les artistes sont contraints à des propositions indécentes avant de percer, ça été ton cas ?
Je ne suis pas un artiste que l'on peut assujettir. Je suis un artiste formé. Je n'ai pas eu besoin de faire certaines choses pour m'en sortir.
N'as-tu pas subi des propositions indécentes ?
Ecoute, j'ai fait 25 ans en Europe. Là-bas, il y a les affinités, la drogue, l'homosexualité. Je vous avoue que cela fait évoluer certains artistes, mais moi je n'y suis jamais tombé. Je pense que je suis suffisamment fort pour ne pas avoir à me mettre dans des compromis pareils. Ce n’est pas sain.
Tu parlais tantôt de sainteté. Pourtant, on te soupçonne de t'adonner à des pratiques pas du tout catholiques, pour t'attirer les faveurs de ton public. On dit même que c'est cela qui suscite les transes que nous constatons à tes concerts ?
(Rires) Ça me fait beaucoup rire. Les gens, en disant cela, démontrent qu'ils ne s'intéressent pas vraiment aux choses de la culture. J'ai 30 ans de métier et cela rime avec une grande expérience. J'ai pratiqué la scène toute ma vie. J'ai l'expérience et j'ai du métier. Je sais comment susciter la réaction du public. Ça n'a rien à voir avec les fétiches. Je ne suis pas adepte de fétichisme. Je suis baptisé, confirmé. J'ai même été servant de messe pendant plusieurs années. Tous ceux qui me connaissent savent que je ne fréquente pas les marabouts. C'est des trucs qui s'organisent, de l'entrée sur scène jusqu'à ma sortie. Tout se planifie pour capter l'attention du public.
Hormis la mise en scène, n'y a-t-il pas un peu de mysticisme derrière tout cela ?
C'est une mise en scène. La scène, c'est un métier. Les gens se déplacent pour venir te voir, il faut que tu arrives à les satisfaire. De par ta façon d'attraper le micro, de par ton accoutrement, ta manière de sourire. Rien ne doit être laissé au hasard. Il faut le préparer minutieusement. Et quand c'est bien fait, ça donne le résultat que vous voyez. L'artiste doit faire rêver. Un artiste ne peut pas se gratter les fesses en pleine scène. Même la croix que je porte et qui fait couler tant de salive, c'est un gadget de la pop musique. En Occident, les faiseurs de pop ont des gadgets impressionnants. Quand les fans les voient, ils pensent à des choses et ça les entraîne dans le délire.
On dit aussi que la pop musique fait l'apologie du diable.
Ceux qui le disent sont des ignares. C'est vrai que la pop est une musique des anticonformistes, mais de là à l'attribuer au diable, c'est carrément dément. Les anticonformistes sont des gens qui refusent d'être étiquetés. Et c'est mon truc. Je suis un anticonformiste. Par exemple, mon peuple bété est un peuple de chanteur. Mais le bété que j'utilise pour ma musique, a été toujours vu comme un Bété inutilisable pour la chanson. Pourtant, j'ai réussi à le chanter et les anciens sont étonnés.
N'as-tu pas le sentiment d'être un incompris ?
Ceux qui le disent font preuve de mauvaise foi. Car, ils me comprennent très bien. Mais comme ils n'arrivent pas à me ''gérer'', ils préfèrent me traiter d'incompris.
Quels sont tes rapports avec les autres artistes. On te dit très proche de Gadji Céli ?
Non, pas du tout. Je n'ai jamais été proche de Gadji Céli. Ce n'est pas un gars de mon monde.
Pourtant, à la création de l'Unartci, on vous voyait très proches. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je n'ai jamais été ami avec Gadji. Si vous me dites Valen, je vous dis, oui. Car lui et moi, on parle comme des intellectuels. Musicalement parlant, Valen est le seul gars avec qui je communique en Côte d'Ivoire. Les autres ne sont pas mes amis.
Que reproches-tu à Gadji ?
Je n’ai rien contre lui. Il est mon frère. Dans le milieu musical, il se bat, alors qu'il n'a aucune ouverture et connaissance réelle du métier. Il n'est pas représentatif. Et il veut prétendre cela. C'est triste. Par exemple, tu vas à l'école, tu en ressors avec un doctorat et un gars, avec son certificat d'études primaires, veut être ton chef. Même si tu es bête, cela ne sera pas acceptable. S'il insiste, tu lui diras ok. Sois chef, mais je ne serai jamais ton sujet.
C'est donc un problème de compétence ?
Oui, il n'est pas compétent et il ne sait rien des droits d'auteur. Alors que c'est le souci premier de ceux qu'il veut diriger. Gadji ne connaît rien à ça. Ce n'est qu'un footballeur. Il est arrivé, il a fait deux ou trois tubes, et il se voit en chef. Alors qu'il n'est pas musicien. Musicalement, il est nul. Un artiste qui veut diriger et qui a besoin qu'on l'arrange. En plus, il est corruptible.
Mais il y a aussi les actions sociales qu'il a posées.
Quelles actions sociales ? Gadji Celi vient de prendre 350 000 000 F CFA de l'Etat ivoirien pour aller faire le ''Tour de la Paix' '. Il a utilisé cet argent pour créer des plantations d'hévéa, pour assurer l'avenir de sa descendance.
Quand tu dis qu'il est corruptible, as-tu les preuves ?
Bien sûr, il a reçu 350 000 000 F CFA pour le tour. Au cour de ce tour, il a pu récolter 700 000 000 F CFA qu'il n'a pas déclarés à ses membres. Qu'a-t-il fait de cet argent ? Combien a-t-il donné à ceux qu'il a utilisés pour ce tour. Il a même utilisé mon nom.
Tu n'as donc rien perçu de cette somme
Je n'en n'ai pas besoin, mais je vous dis qu'il a utilisé mon nom pour gagner en crédibilité.
Il te doit quelque chose alors ?
Non. Ce que je sais, c'est qu'il m'utilise pour se faire valoir.
A t'entendre, on peut déjà affirmer que pour les élections au Burida, tu as choisi ton camp.
Je l'ai toujours dit. C'est Valen qui est le mieux placé pour défendre les intérêts des artistes. Les gens peuvent se battre pour arriver au poste de président du Burida. Mais ils seront confrontés à des blocages, car ils ne savent rien des problèmes des artistes. Et quand eux-mêmes, ont des soucis, ils appellent Valen au secours. Alors qu'ils la ferment.
Tu as donc des rapports conflictuels avec Gadji ?
Non. Je n'ai pas de soucis avec lui. Il est un artiste, il a sa vie. J'ai la mienne. Mais nous ne sommes pas amis. Lui et moi, ne pouvons pas parler musique. Car il n'en sait pas grand-chose…
Donc musicalement parlant, il n'est pas mûr ?
Il n'est même pas mûr. Ni pour moi, ni pour gérer les autres. Il ne peut rien m'apporter. Et comme je n'aime pas marcher avec les gens qui ne m'apportent rien, je préfère ne pas perdre mon temps avec Gadji. Il ne sait pas chanter.
Ce sont de graves propos que tu tiens à l'endroit de Gadji qui est président des artistes de Côte d'Ivoire ?
Je t'arrête, il n'est pas président des artistes de Côte d'Ivoire. Il est le président de l'Unartci qui est une association d'artistes et non un syndicat national des artistes.
Mais tu étais au début de la création de l'Unartci ?
Oui, car c'était une idée noble que celle de fédérer les artistes. Mais Gadji a fait une autre réunion à notre insu avec des gens qu'il pouvait manipuler, tel les Jack Dely. Ils ont formé leur comité avec Gadji à la tête et ils m'ont appris que j'étais un conseiller à titre facultatif. C'est pour vous dire le désordre qui gangrène cette structure qui, à la base, devait réunir tous les artistes. Je suis donc parti et d'autres m'ont suivi.
Les gens reprochaient aussi des faits pareils à Valen Guédé, quand il dirigeait le Burida
C'est du mensonge. Vous savez, quand le ministre Koné Dramane était aux affaires, Valen était PCA du Burida et le Burida allait très bien. Valen s'occupait très bien des artistes et même de ceux qui n'avaient pas de droit. Des personnes comme Jack Dely prenaient des crédits au Burida. Après le départ d'Etranny, Tahi a pris son relais. C'est Jack Dely et Serges Kassy qui siégeaient au conseil d'administration qui sont allés critiquer la gestion de Tahi. C'est ainsi que le ministre a pris un décret pour faire partir Valen.
Pour finir…
J'invite tous mes fans à venir nombreux au stade Auguste Denise de San-Pedro. Quand des jeunes gens décident d'aller de l'avant, il faut les soutenir. C'est pour cela que je salue l'initiative d'ICM communication de Mian Drogba et de Richard Ouraga. Pour eux, et pour tous mes fans, je donnerai le meilleur de moi-même à San-Pédro. Question de prouver que je ne suis pas fini, comme certains pourraient le croire.
Réalisée par Ange T. Blaise
Coll. Aicha de Karamoko
Gadji répond à John Kiffy
Après les propos très corsés de John Kiffy à l'endroit de Gadji Céli, nous avons joint le président de l'Unartci aux fins d'en savoir davantage sur le conflit qui l'opposerait au roi du Zèzé Pop. C'est sans fioritures que Gadji s'est prêté à nos questions. Avant tout commentaire, le président de l'union des artistes de Côte d'ivoire a tenu à préciser qu'il n'a pas de démêlés avec John Kiffy. “Je suis tout de même surpris qu'il dise ces choses sur mon compte”. Et de s'étonner de l'attitude de John Kiffy “je ne sais pas ce que je lui ai fait !”. “C'est un grand-frère que je respecte. Et à ce titre, je me garde de l'attaquer et d'avoir des propos injurieux à son égard. Je pense qu'il a de bonnes raisons d'agir comme il le fait. John est un grand artiste. Je le lui considère cela. J'ai pour éducation de ne pas attaquer les aînés. Même s'il y a un problème entre nous, ce n'est pas par voie de presse qu’on va le régler. Je n'en dirais pas plus, je m'incline devant ses propos”… C'est en ces termes que Gadji Céli a souhaité clore le débat sur les piques qu'il a reçu de John Kiffy. Pour notre part, nous n'en ferons pas plus de commentaires. Au risque que nos intentions soient interprétées diversement. Mais, il convient de retenir qu'entre l'arbre et l'écorce, il ne faut pas mettre le doigt. Nous espérons que tout finira par s'arranger.
A.T.B
Tu bouges beaucoup ces derniers temps. Qu'est-ce qui te fait courir ?
C'est personnel. J'ai d'autres activités extérieures à la musique.
Si on parlait de ton actualité musicale ?
A mon niveau, je fais toujours mon travail. Sur la scène, à la maison. Je fais des concerts pour gagner ma vie. Je compose des musiques de film avec des amis qui viennent d'Europe.
Mais ne te voit pas sur de grandes scènes !
Je ne sais pas ce que tu appelles la grande scène. Des musiciens comme nous, ne privilégions pas les play back à la télé. Nous avons une autre vision de la musique. Par exemple, moi ce qui m'intéresse, c'est de donner une identité musicale à l'Afrique.
John a-t-il atteint cet objectif ?
Bien sûr, c'est parce que tu ne suis pas l'actualité. Grâce à moi, la musique africaine évolue. Si vous écoutez mes aînés qui étaient de grandes scènes, ils ont été obligés de me copier. Les guitares sont électriques aujourd'hui en Afrique. C'est moi qui ai pensé à cela, en premier.
C'est donc toi le précurseur ?
Ceux qui me connaissent et qui m'ont vu en France et qui ont même joué avec mes musiciens le savent. Tels les Salif Kéita qui ont même demandé à mes musiciens de leur livrer quelques couleurs de ma musique. Je n'ai pas de souci avec cela. J'ai fait ces ouvertures à des frères. Je n'ai pas besoin de crier cela partout. C'est vous les journalistes culturels qui devez faire vos recherches et le savoir.
On constate que John est un artiste plein de talent, mais il n'arrive pas à atteindre les majors ?
Des questions de ce genre me font toujours rire. Tu sais que j'ai été l'un des premiers africains à avoir été produit par les plus grandes majors en France. J'ai fait ''Phonogramme''. En 1982, mon premier album “Ebéwasabayô” qui n'est pas arrivé en Côte d'Ivoire a été produit par “Phonogramme”. Le second “Zèzè Pop expérience” a été produit par la FNACmusique en France. C'est la plus grosse structure de distribution. C'est avec moi que les Blancs ont apprécié la musique minimaliste. Les artistes tel Lokoa Kanza venait me voir à la FNAC. C'est pour dire que moi je suis là pour révolutionner, et non pour me faire des sous.
On ne peut pourtant pas faire de la musique sans vivre de son art ?
Mon rythme de vie me suffit. Ma musique me permet d'avoir tout ce, dont j'ai besoin pour vivre. Je ne sollicite pas d'apports financiers pour vivre. Je vis tranquille. J'aide ma famille. J'ai du matériel de musique. Je n'exhibe pas ma richesse, mais je ne suis pas un artiste pauvre (il rit).
Tu n'es pas un artiste pauvre, mais ton public aimerait te voir sur de grandes scènes ?
Qu'est-ce que tu appelles grandes scènes ?
Tourner beaucoup plus en Europe et être sur de grands festivals.
J'ai vécu 25 années en Europe. Je suis musicien. Quelqu'un qui vit 25 ans en Europe en ne faisant que la musique. J'avais mon orchestre et je tournais dans toute la Francepour gagner ma vie. Moi, je suis comme les U2, les Bono. Même les U2 se sont déplacés pour venir me voir. Si je voulais que ça soit d'actualité ! Ça l'aurait été.
Mais pourquoi t'y refuses-tu alors ?
Je ne m'y refuse pas. Je crois qu'un artiste fait son travail et la presse fait le sien. C'est à la presse culturelle de suivre les artistes et non le contraire… Si les journalistes ne le font pas…
Tu ne vas pas rejeter la faute sur les hommes de médias, si les choses ne baignent pas pour toi en ce moment ?
Jamais. Je ne leur demande rien, c'est eux qui viennent me poser des questions. Mais quand ils le font, je trouve qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent, tout simplement.
C'est peut être dû au fait que John est renfermé ?
Je ne suis pas renfermé. Si j'étais journaliste culturel, je chercherais à savoir ce que font les artistes.
Penses-tu qu'il est bon de forcer la main à un artiste qui veut évoluer en vase clos ?
Alors, tu crois que j'évolue en vase clos ?
Ce n'est qu'une impression alors. Bref, qu'est-ce que John a fait de sa vie ?
Je ne peux te le dire, car mon objectif, c'est de donner une musique à l'Afrique. La musique que je fais est une musique de combat, parce que nous chantons dans des langues que les Occidentaux, même s'ils apprécient, ne comprennent pas. Nous nous battons pour promouvoir ces langues. Il n'appartient pas aux Occidentaux de nous offrir des espaces, mais nous devons nous battre pour mettre l'Afrique au devant de la scène. Les majors reconnaissent ma détermination à vouloir promouvoir la musique africaine. Mais ils me demandent des fois pourquoi je persévère, d’autant plus que mes propres frères sont mes détracteurs. Ils me disent “John arrête de t'emmerder, viens chanter en français en anglais, et pense à toi”. Je leur dis non, car je pense à l'Afrique en conservant ma musique. Je fais du zèzè pop et j'y mets le cœur. Si mes frères africains voient que cela reflète leurs désirs en matière de musique, qu'ils m'aident à la promouvoir. Mais ce n'est pas à moi de faire du lèche cul.
Tu reproches cela aux artistes africains
Pas aux artistes. Je reproche cela aux africains et à tous ceux qui les commandent. Ils doivent se battre pour afficher notre culture au devant de la scène. Parce que dans le monde entier, il se dit que l'Afrique est le berceau de la musique. Hélas, les artistes africains sont les derniers dans le show-biz. Ils sont plus dans le show, mais très loin du business. C'est pourquoi je soutiens les jeunes africains qui veulent aller de l'avant.
Le show-biz est aussi un milieu où les artistes sont contraints à des propositions indécentes avant de percer, ça été ton cas ?
Je ne suis pas un artiste que l'on peut assujettir. Je suis un artiste formé. Je n'ai pas eu besoin de faire certaines choses pour m'en sortir.
N'as-tu pas subi des propositions indécentes ?
Ecoute, j'ai fait 25 ans en Europe. Là-bas, il y a les affinités, la drogue, l'homosexualité. Je vous avoue que cela fait évoluer certains artistes, mais moi je n'y suis jamais tombé. Je pense que je suis suffisamment fort pour ne pas avoir à me mettre dans des compromis pareils. Ce n’est pas sain.
Tu parlais tantôt de sainteté. Pourtant, on te soupçonne de t'adonner à des pratiques pas du tout catholiques, pour t'attirer les faveurs de ton public. On dit même que c'est cela qui suscite les transes que nous constatons à tes concerts ?
(Rires) Ça me fait beaucoup rire. Les gens, en disant cela, démontrent qu'ils ne s'intéressent pas vraiment aux choses de la culture. J'ai 30 ans de métier et cela rime avec une grande expérience. J'ai pratiqué la scène toute ma vie. J'ai l'expérience et j'ai du métier. Je sais comment susciter la réaction du public. Ça n'a rien à voir avec les fétiches. Je ne suis pas adepte de fétichisme. Je suis baptisé, confirmé. J'ai même été servant de messe pendant plusieurs années. Tous ceux qui me connaissent savent que je ne fréquente pas les marabouts. C'est des trucs qui s'organisent, de l'entrée sur scène jusqu'à ma sortie. Tout se planifie pour capter l'attention du public.
Hormis la mise en scène, n'y a-t-il pas un peu de mysticisme derrière tout cela ?
C'est une mise en scène. La scène, c'est un métier. Les gens se déplacent pour venir te voir, il faut que tu arrives à les satisfaire. De par ta façon d'attraper le micro, de par ton accoutrement, ta manière de sourire. Rien ne doit être laissé au hasard. Il faut le préparer minutieusement. Et quand c'est bien fait, ça donne le résultat que vous voyez. L'artiste doit faire rêver. Un artiste ne peut pas se gratter les fesses en pleine scène. Même la croix que je porte et qui fait couler tant de salive, c'est un gadget de la pop musique. En Occident, les faiseurs de pop ont des gadgets impressionnants. Quand les fans les voient, ils pensent à des choses et ça les entraîne dans le délire.
On dit aussi que la pop musique fait l'apologie du diable.
Ceux qui le disent sont des ignares. C'est vrai que la pop est une musique des anticonformistes, mais de là à l'attribuer au diable, c'est carrément dément. Les anticonformistes sont des gens qui refusent d'être étiquetés. Et c'est mon truc. Je suis un anticonformiste. Par exemple, mon peuple bété est un peuple de chanteur. Mais le bété que j'utilise pour ma musique, a été toujours vu comme un Bété inutilisable pour la chanson. Pourtant, j'ai réussi à le chanter et les anciens sont étonnés.
N'as-tu pas le sentiment d'être un incompris ?
Ceux qui le disent font preuve de mauvaise foi. Car, ils me comprennent très bien. Mais comme ils n'arrivent pas à me ''gérer'', ils préfèrent me traiter d'incompris.
Quels sont tes rapports avec les autres artistes. On te dit très proche de Gadji Céli ?
Non, pas du tout. Je n'ai jamais été proche de Gadji Céli. Ce n'est pas un gars de mon monde.
Pourtant, à la création de l'Unartci, on vous voyait très proches. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je n'ai jamais été ami avec Gadji. Si vous me dites Valen, je vous dis, oui. Car lui et moi, on parle comme des intellectuels. Musicalement parlant, Valen est le seul gars avec qui je communique en Côte d'Ivoire. Les autres ne sont pas mes amis.
Que reproches-tu à Gadji ?
Je n’ai rien contre lui. Il est mon frère. Dans le milieu musical, il se bat, alors qu'il n'a aucune ouverture et connaissance réelle du métier. Il n'est pas représentatif. Et il veut prétendre cela. C'est triste. Par exemple, tu vas à l'école, tu en ressors avec un doctorat et un gars, avec son certificat d'études primaires, veut être ton chef. Même si tu es bête, cela ne sera pas acceptable. S'il insiste, tu lui diras ok. Sois chef, mais je ne serai jamais ton sujet.
C'est donc un problème de compétence ?
Oui, il n'est pas compétent et il ne sait rien des droits d'auteur. Alors que c'est le souci premier de ceux qu'il veut diriger. Gadji ne connaît rien à ça. Ce n'est qu'un footballeur. Il est arrivé, il a fait deux ou trois tubes, et il se voit en chef. Alors qu'il n'est pas musicien. Musicalement, il est nul. Un artiste qui veut diriger et qui a besoin qu'on l'arrange. En plus, il est corruptible.
Mais il y a aussi les actions sociales qu'il a posées.
Quelles actions sociales ? Gadji Celi vient de prendre 350 000 000 F CFA de l'Etat ivoirien pour aller faire le ''Tour de la Paix' '. Il a utilisé cet argent pour créer des plantations d'hévéa, pour assurer l'avenir de sa descendance.
Quand tu dis qu'il est corruptible, as-tu les preuves ?
Bien sûr, il a reçu 350 000 000 F CFA pour le tour. Au cour de ce tour, il a pu récolter 700 000 000 F CFA qu'il n'a pas déclarés à ses membres. Qu'a-t-il fait de cet argent ? Combien a-t-il donné à ceux qu'il a utilisés pour ce tour. Il a même utilisé mon nom.
Tu n'as donc rien perçu de cette somme
Je n'en n'ai pas besoin, mais je vous dis qu'il a utilisé mon nom pour gagner en crédibilité.
Il te doit quelque chose alors ?
Non. Ce que je sais, c'est qu'il m'utilise pour se faire valoir.
A t'entendre, on peut déjà affirmer que pour les élections au Burida, tu as choisi ton camp.
Je l'ai toujours dit. C'est Valen qui est le mieux placé pour défendre les intérêts des artistes. Les gens peuvent se battre pour arriver au poste de président du Burida. Mais ils seront confrontés à des blocages, car ils ne savent rien des problèmes des artistes. Et quand eux-mêmes, ont des soucis, ils appellent Valen au secours. Alors qu'ils la ferment.
Tu as donc des rapports conflictuels avec Gadji ?
Non. Je n'ai pas de soucis avec lui. Il est un artiste, il a sa vie. J'ai la mienne. Mais nous ne sommes pas amis. Lui et moi, ne pouvons pas parler musique. Car il n'en sait pas grand-chose…
Donc musicalement parlant, il n'est pas mûr ?
Il n'est même pas mûr. Ni pour moi, ni pour gérer les autres. Il ne peut rien m'apporter. Et comme je n'aime pas marcher avec les gens qui ne m'apportent rien, je préfère ne pas perdre mon temps avec Gadji. Il ne sait pas chanter.
Ce sont de graves propos que tu tiens à l'endroit de Gadji qui est président des artistes de Côte d'Ivoire ?
Je t'arrête, il n'est pas président des artistes de Côte d'Ivoire. Il est le président de l'Unartci qui est une association d'artistes et non un syndicat national des artistes.
Mais tu étais au début de la création de l'Unartci ?
Oui, car c'était une idée noble que celle de fédérer les artistes. Mais Gadji a fait une autre réunion à notre insu avec des gens qu'il pouvait manipuler, tel les Jack Dely. Ils ont formé leur comité avec Gadji à la tête et ils m'ont appris que j'étais un conseiller à titre facultatif. C'est pour vous dire le désordre qui gangrène cette structure qui, à la base, devait réunir tous les artistes. Je suis donc parti et d'autres m'ont suivi.
Les gens reprochaient aussi des faits pareils à Valen Guédé, quand il dirigeait le Burida
C'est du mensonge. Vous savez, quand le ministre Koné Dramane était aux affaires, Valen était PCA du Burida et le Burida allait très bien. Valen s'occupait très bien des artistes et même de ceux qui n'avaient pas de droit. Des personnes comme Jack Dely prenaient des crédits au Burida. Après le départ d'Etranny, Tahi a pris son relais. C'est Jack Dely et Serges Kassy qui siégeaient au conseil d'administration qui sont allés critiquer la gestion de Tahi. C'est ainsi que le ministre a pris un décret pour faire partir Valen.
Pour finir…
J'invite tous mes fans à venir nombreux au stade Auguste Denise de San-Pedro. Quand des jeunes gens décident d'aller de l'avant, il faut les soutenir. C'est pour cela que je salue l'initiative d'ICM communication de Mian Drogba et de Richard Ouraga. Pour eux, et pour tous mes fans, je donnerai le meilleur de moi-même à San-Pédro. Question de prouver que je ne suis pas fini, comme certains pourraient le croire.
Réalisée par Ange T. Blaise
Coll. Aicha de Karamoko
Gadji répond à John Kiffy
Après les propos très corsés de John Kiffy à l'endroit de Gadji Céli, nous avons joint le président de l'Unartci aux fins d'en savoir davantage sur le conflit qui l'opposerait au roi du Zèzé Pop. C'est sans fioritures que Gadji s'est prêté à nos questions. Avant tout commentaire, le président de l'union des artistes de Côte d'ivoire a tenu à préciser qu'il n'a pas de démêlés avec John Kiffy. “Je suis tout de même surpris qu'il dise ces choses sur mon compte”. Et de s'étonner de l'attitude de John Kiffy “je ne sais pas ce que je lui ai fait !”. “C'est un grand-frère que je respecte. Et à ce titre, je me garde de l'attaquer et d'avoir des propos injurieux à son égard. Je pense qu'il a de bonnes raisons d'agir comme il le fait. John est un grand artiste. Je le lui considère cela. J'ai pour éducation de ne pas attaquer les aînés. Même s'il y a un problème entre nous, ce n'est pas par voie de presse qu’on va le régler. Je n'en dirais pas plus, je m'incline devant ses propos”… C'est en ces termes que Gadji Céli a souhaité clore le débat sur les piques qu'il a reçu de John Kiffy. Pour notre part, nous n'en ferons pas plus de commentaires. Au risque que nos intentions soient interprétées diversement. Mais, il convient de retenir qu'entre l'arbre et l'écorce, il ne faut pas mettre le doigt. Nous espérons que tout finira par s'arranger.
A.T.B