Mode d`expression né à Chicago, le slam est en train de conquérir les cœurs de nombreux fans du rap et surtout de poésie.
Entre poésie et rap, le slam cherche une place au soleil, une identité. Mode d`expression populaire, le slam est né en 1984 à Chicago. Il a été connu grâce à Marc Smith, alors entrepreneur en bâtiment. Smith a mis en place un jeu de poésie dans un club de jazz à Chicago. Il entendait ainsi donner un nouveau souffle aux scènes ouvertes de poésie et amener le public à participer. L`engouement populaire qui s`en est suivi, a permis au slam de se propager à New York puis dans le monde. En France, diverses pratiques oratoires se sont trouvées confondues sous le nom de slam. Le terme est souvent appliqué au «spoken word», one-man show poétique, et aux scènes ouvertes de poésie. On peut dire qu`il est démocratisé contrairement à l`esprit du slam américain tourné vers la compétition. Pour Grand Corps Malade, un des slameurs français les plus en vogue, «il y a évidemment autant de définitions du slam qu`il y a de slameurs». Pourtant il existe « quelques codes. Les textes doivent être dits a capella, ne doivent pas excéder 3 minutes sur les scènes ouvertes, contenir peu de décorations sonores». « C`est un texte dit, un verre offert». Bref, loin de toutes ces certitudes, le slam est avant tout «une bouche qui donne et des oreilles qui prennent» indique-t-il. C`est un moyen facile de partager un texte, donc des émotions et l`envie de jouer avec des mots. Plus à l`aise sur les podiums, les textes doivent accrocher l`auditoire avec des rimes, des assonances (répétition d`un même son vocalique).
Poétique nouchi !
La virtuosité, l`amour de la langue, la mise à nu de ses sentiments et la dénonciation des injustices se retrouvent dans les textes. La seule condition pour participer à un spectacle de slam, est l`inscription auprès du présentateur. Le slameur a toute une liberté de style et de genre. Sur les bords de la lagune Ebrié, nombreux sont les jeunes artistes qui pratiquent cette nouvelle diction. Le slam pratiqué s`est alors enrichi des traditions, des réalités sociales et linguistiques locales. Dit à la sauce africaine, le slam de Frottomougou (artiste comédien, dramaturge et conteur) est une forme d`expression connue des paroliers africains. Son spectacle «cri de cœur» lors de la fête de la musique au Centre culturel d`Abobo, a émerveillé plus d`un spectateur. Le genre de Bomou Mamadou (le maître de la parole) ou encore d`Alain Tahi qui peut être assimilé au slam est plus proche de l`art des griots. Et, les textes vont largement au-delà du temps imparti. C`est à travers le groupe Vogo Soutra (Les vagabonds sauvés par l`art) que le slam ivoirien dévoile toute sa noblesse. Malgré la reconnaissance de son talent, surtout en Europe (Trophée en France lors du slam zone ouest à Rennes), Vogo Soutra vit dans la pénombre des groupes zouglou et coupé décalé de la capitale économique. Ensemble depuis 1993, les membres du groupe, Koko Shaka et son frère Ibou Krakra, sont des artistes complets : des acteurs de théâtre («Le fou du carrefour» de Hyacinthe Kakou), rappeurs (un album sur le marché), peintres et danseurs. C`est le besoin de «parler pour se faire valoir qui nous a amenés au slam », affirme Ibou Krakra. Le concept, le «logobi tchache», qui en est sorti, est de la poésie orale, dite dans un langage «non académique», et compris par tous, du moins les Abidjanais (nouchi), quel que soit le niveau de langue. Ils relatent avec humour les tranches de vie des quartiers précaires et des bas-fonds. Inspiré par Nada, Kabal D. Souleymane Niamaka, tous slameurs français, le groupe se dit plus proche du style américain. Il mise sur la gestuelle et l`expression des sentiments personnels. Car selon Koko et Ibou, on ne peut pas lire des sentiments sans que ceux-ci ne soient exprimés. Ils pensent que le slam ivoirien ne peut employer que le nouchi s`il veut prendre son envol. «C`est la seule identité qu`on peut avoir. Sinon nous seront trop faibles par rapport à Grand Corps Malade et autres slameurs français. Nous optons donc pour le nouchi poétisé ou Poua (comprendre : Poésie originale urbain abidjanais). Le slam du Vogo est une dénonciation : «Aujourd`hui, il n’y a plus de sentiment…, seuls le sexe, l`alcool et la drogue nous lient. Quand le drap est drap, on déboîte en drap…la télé a fait la promo du porno, on s`étonne que nos sœurs soient des prostituées. Si tu n`as pas encore pris drap (compris) c`est affaire». Mis en scène, ce texte anodin devient vivant. Les auteurs y mettent de la vigueur, de l`émotion de telle sorte que l`écouter est un délice, un verre servi. La crise racontée en nouchi prend une autre couleur. «Asseyons-nous et discutons. Prési a dit de se popo dipo pour gbaher. On a tellement coupé en décalant que chacun a béhou de son côté. Rébellion en rébellion, c`est les gbabougoulis. Treillis contre ziguéhi, tout le monde devient wahi-wahi. Marche, meeting, dealing, on est obligé de porter des crodjo (chaussure en plastique)». Entre engagement et recherche de notoriété, Vogo travaille toujours, conscient du fait que le succès ne vient qu`après l`effort. D`autres jeunes plus proches du style français, s`exercent à cet art dans différents quartiers de la ville. Si des poètes de la mouvance hip-hop le revendiquent comme issu de la rue à l`image du rap, il est néanmoins pratiqué par des poètes de tous styles, de tous milieux sociaux. Le slam est donc un art, un mouvement, mais sûrement un moment… Un moment d`écoute, un moment de tolérance, un moment de rencontre, un moment de partage. Enfin…
S.A.
Entre poésie et rap, le slam cherche une place au soleil, une identité. Mode d`expression populaire, le slam est né en 1984 à Chicago. Il a été connu grâce à Marc Smith, alors entrepreneur en bâtiment. Smith a mis en place un jeu de poésie dans un club de jazz à Chicago. Il entendait ainsi donner un nouveau souffle aux scènes ouvertes de poésie et amener le public à participer. L`engouement populaire qui s`en est suivi, a permis au slam de se propager à New York puis dans le monde. En France, diverses pratiques oratoires se sont trouvées confondues sous le nom de slam. Le terme est souvent appliqué au «spoken word», one-man show poétique, et aux scènes ouvertes de poésie. On peut dire qu`il est démocratisé contrairement à l`esprit du slam américain tourné vers la compétition. Pour Grand Corps Malade, un des slameurs français les plus en vogue, «il y a évidemment autant de définitions du slam qu`il y a de slameurs». Pourtant il existe « quelques codes. Les textes doivent être dits a capella, ne doivent pas excéder 3 minutes sur les scènes ouvertes, contenir peu de décorations sonores». « C`est un texte dit, un verre offert». Bref, loin de toutes ces certitudes, le slam est avant tout «une bouche qui donne et des oreilles qui prennent» indique-t-il. C`est un moyen facile de partager un texte, donc des émotions et l`envie de jouer avec des mots. Plus à l`aise sur les podiums, les textes doivent accrocher l`auditoire avec des rimes, des assonances (répétition d`un même son vocalique).
Poétique nouchi !
La virtuosité, l`amour de la langue, la mise à nu de ses sentiments et la dénonciation des injustices se retrouvent dans les textes. La seule condition pour participer à un spectacle de slam, est l`inscription auprès du présentateur. Le slameur a toute une liberté de style et de genre. Sur les bords de la lagune Ebrié, nombreux sont les jeunes artistes qui pratiquent cette nouvelle diction. Le slam pratiqué s`est alors enrichi des traditions, des réalités sociales et linguistiques locales. Dit à la sauce africaine, le slam de Frottomougou (artiste comédien, dramaturge et conteur) est une forme d`expression connue des paroliers africains. Son spectacle «cri de cœur» lors de la fête de la musique au Centre culturel d`Abobo, a émerveillé plus d`un spectateur. Le genre de Bomou Mamadou (le maître de la parole) ou encore d`Alain Tahi qui peut être assimilé au slam est plus proche de l`art des griots. Et, les textes vont largement au-delà du temps imparti. C`est à travers le groupe Vogo Soutra (Les vagabonds sauvés par l`art) que le slam ivoirien dévoile toute sa noblesse. Malgré la reconnaissance de son talent, surtout en Europe (Trophée en France lors du slam zone ouest à Rennes), Vogo Soutra vit dans la pénombre des groupes zouglou et coupé décalé de la capitale économique. Ensemble depuis 1993, les membres du groupe, Koko Shaka et son frère Ibou Krakra, sont des artistes complets : des acteurs de théâtre («Le fou du carrefour» de Hyacinthe Kakou), rappeurs (un album sur le marché), peintres et danseurs. C`est le besoin de «parler pour se faire valoir qui nous a amenés au slam », affirme Ibou Krakra. Le concept, le «logobi tchache», qui en est sorti, est de la poésie orale, dite dans un langage «non académique», et compris par tous, du moins les Abidjanais (nouchi), quel que soit le niveau de langue. Ils relatent avec humour les tranches de vie des quartiers précaires et des bas-fonds. Inspiré par Nada, Kabal D. Souleymane Niamaka, tous slameurs français, le groupe se dit plus proche du style américain. Il mise sur la gestuelle et l`expression des sentiments personnels. Car selon Koko et Ibou, on ne peut pas lire des sentiments sans que ceux-ci ne soient exprimés. Ils pensent que le slam ivoirien ne peut employer que le nouchi s`il veut prendre son envol. «C`est la seule identité qu`on peut avoir. Sinon nous seront trop faibles par rapport à Grand Corps Malade et autres slameurs français. Nous optons donc pour le nouchi poétisé ou Poua (comprendre : Poésie originale urbain abidjanais). Le slam du Vogo est une dénonciation : «Aujourd`hui, il n’y a plus de sentiment…, seuls le sexe, l`alcool et la drogue nous lient. Quand le drap est drap, on déboîte en drap…la télé a fait la promo du porno, on s`étonne que nos sœurs soient des prostituées. Si tu n`as pas encore pris drap (compris) c`est affaire». Mis en scène, ce texte anodin devient vivant. Les auteurs y mettent de la vigueur, de l`émotion de telle sorte que l`écouter est un délice, un verre servi. La crise racontée en nouchi prend une autre couleur. «Asseyons-nous et discutons. Prési a dit de se popo dipo pour gbaher. On a tellement coupé en décalant que chacun a béhou de son côté. Rébellion en rébellion, c`est les gbabougoulis. Treillis contre ziguéhi, tout le monde devient wahi-wahi. Marche, meeting, dealing, on est obligé de porter des crodjo (chaussure en plastique)». Entre engagement et recherche de notoriété, Vogo travaille toujours, conscient du fait que le succès ne vient qu`après l`effort. D`autres jeunes plus proches du style français, s`exercent à cet art dans différents quartiers de la ville. Si des poètes de la mouvance hip-hop le revendiquent comme issu de la rue à l`image du rap, il est néanmoins pratiqué par des poètes de tous styles, de tous milieux sociaux. Le slam est donc un art, un mouvement, mais sûrement un moment… Un moment d`écoute, un moment de tolérance, un moment de rencontre, un moment de partage. Enfin…
S.A.