Source: Africahits
Le prochain Concerto pour l’indépendance qui aura lieu le 6 août prochain à Abidjan sera aux couleurs mandingues. Le griot de Kissidougou, Mory Kanté, en est l’invité spécial. De grosses retrou- vailles en perspective avec le public ivoirien, une vingtaine d’années après.
Après avoir quitté le Rail Band de Bamako, Mory Kanté s’installe à Abidjan en 1978. C’est là qu’il développe ce qui va constituer la grande originalité de sa musique, l’une des clés de sa célébrité. «J’ai opté pour les recherches sur le son des instruments traditionnels africains : le balafon, le violon, le bolon et surtout la cora, dit-il. Alors que tous les orches-tres s’équipaient d’instruments modernes (guitares, claviers…), je pensais qu’il était dommage de laisser cette richesse de côté.»
Entouré d’une petite formation traditionnelle (balafon, djembé, bolon à cinq cordes), Mory Kanté (cora et chant) assure l’animation du Climbier, alors célèbre club d’Abidjan où viennent se divertir des vedettes internationales comme Barry White et Johnny Pacheco. Ses arrangements acoustiques de succès internationaux étonnent et séduisent Gérard Chess, directeur du label américain Ebony Records, qui décide de produire “Courougnégné”, premier disque de Mory Kanté, en 1981.
La renommée de l’artiste commence à résonner dans toute l’Afrique. Elle s’amplifie grâce au ballet mandingue réunissant 75 artistes traditionnels et modernes qu’il dirige sur la scène du Centre culturel français d’Abidjan en 1982. La même année, il part pour Paris où il enregistre “N’Diarabi”.
Mory Kanté s’installe en France en 1984. Dans la ville lumière, trouver sa place au soleil n’est pas simple, surtout sans carte de séjour… Sur son album “Mory Kanté à Paris”, figure une version quasi traditionnelle de “Yéké Yéké”. En l’espace de deux ans, alors qu’il est reparti quasiment de zéro, Mory Kanté s’impose par la force de son talent. Les concerts qu’il donne avec sa cora électrique font l’unanimité de la critique.
En 1985, il participe à la musique du film “Black micmac”. Il est aussi parmi les 30 artistes africains de Paris qui contribuent à l’aventure, “Tam Tam pour l’Ethiopie”, orchestrée par Manu Dibango. C’est à cette occasion qu’il rencontre Philippe Constantin, alors l’un des meilleurs découvreurs de talents de la scène française. Convaincu du potentiel de Mory Kanté, Philippe lui propose un contrat de disque en 1985, lorsque lui sont confiées les rênes des productions Barclay. L’album “10 cola nuts”, coproduit par le pianiste américain, David Sancious, est accueilli par une critique élogieuse et nominé pour les Victoires de la musique 1986.
Non seulement Mory Kanté à su trouver un équilibre idéal dans le métissage, mais, le public occidental est prêt à recevoir cette musique qui lui ouvre de nouveaux horizons.
Le fulgurant succès de “Yéké Yéké”, réenregistré dans une version plus concise, rapide, électrique et dansante pour l’album “Akwaba Beach” (1987), prend tout le monde par surprise. Les ventes s’envolent (plusieurs millions de singles et d’albums jusqu’à aujourd’hui), les classements dans les hit-parades se multiplient. Quand en Juillet 1988 “Yéké Yéké” atteint la première place des charts européens dont le fameux Top 50 en France, le griot de Kissidougou a réussi son défi. La même année, il est récompensé par la Victoire de la Musique du meilleur album francophone. «Tout ce succès, je le dois à la Côte d’Ivoire. Je suis un enfant d’Abidjan, un pur produit d’Abidjan. J’ai été fabriqué là-bas et ‘’Yéké Yéké’’vient de là. Je suis donc très heureux de pouvoir retrouver mes frères et sœurs ivoiriens à l’occasion du Concerto pour l’indépendance à Abidjan, au mois d’Août», dit-il dans cet entretien par téléphone.
• Comment se porte le griot de Kissidougou ?
- Je me porte très bien. Ça va, inch’allah. Je suis en France et là, je rentre de Nice sur la Côte d’Azur où j’ai joué hier (ndrl, 21 juin) à l’occasion de la Fête de la musique. Ma base est toujours la France et d’ici j’organise mes tournées parce que c’est plus facile pour mon staff et moi. Cependant, je me rends souvent à Conakry pour voir la famille.
• Vous êtes l’invité spécial du prochain Concerto pour l’indépendance qui aura lieu le 6 août à Abidjan. Quelle impression ça vous fait ?
- Ce n’est pas surprenant pour moi, d’autant plus que je suis un artiste adopté par la Côte d’Ivoire depuis très longtemps et je me sens ivoirien. Cependant, je suis vraiment honoré par l’invitation du gouverneur du District d’Abidjan, M. Pierre Djédji Amondji. J’ai fait une majeure partie de ma carrière en Côte d’Ivoire. En ce moment-là, vers la fin des années 70 et au début des années 80, la Côte d’Ivoire était le carrefour culturel qui menait de l’Afrique aux Etats-Unis, en France et partout. J’ai eu des enfants en Côte d’Ivoire. J’ai une partie de ma famille là-bas. C’est chez moi, la Côte d’Ivoire.
• Ça vous fait vraiment plaisir…
- Oui, ça me fait vraiment plaisir de partir en Côte d’Ivoire, de jouer pour mes frères et soeurs ivoiriens. Ça me fait chaud au coeur. Il y aura un premier spectacle VIP le 5 août au Palais de la Culture et le lendemain 6 août, ce sera l’apothéose avec le Concerto sur le boulevard Giscard d’Estaing.
• Cela fait plus de 20 ans que vous n’êtes pas venu jouer en Côte d’Ivoire ?
- Effectivement, je suis allé faire des émissions à Abidjan, mais pas de spectacle. Ça fait pratiquement 25 ans que j’ai joué en Côte d’Ivoire.
• Ce sera donc de vraies retrou- vailles ?
- Absolument. De vraies retrouvailles. La Côte d’Ivoire est pour moi un pays particulier. Il est dans mon cœur. Je lui dois beaucoup. Je lui dois ma carrière. Tous les secrets de mon succès viennent d’Abidjan.
• Pourquoi une si longue séparation ?
- Ce n’est pas la Côte d’Ivoire seulement, c’est en Afrique de l’Ouest en général que je n’ai pas joué depuis longtemps. On n’a pas eu l’occasion de venir et on était toujours en tournée ailleurs. C’était un peu difficile.
• Pour ce retour au bercail, qu’est-ce qu’on doit attendre de vous ?
- Bêh ! Le public va me redécouvrir avec d’autres facettes. J’ai trois groupes actuellement en Europe : un traditionnel acoustique, un autre électrique et un big band qui se trouve en Norvège.
• Lequel vient à Abidjan parmi les trois ?
- J’amène mon groupe Electric Band à Abidjan. C’est le groupe moderne. Dans celui-ci, il y a à peu près 12 à 13 personnes.
• Est-ce qu’il y aura un répertoire spécial ?
- Il y aura un répertoire garni pour le public ivoirien. Il y aura un peu de tout. Les gens vont danser, c’est clair. On pourra aller jusqu’à 2 heures de spectacle, à fond la caisse. Je veux qu’on me redécouvre. Je ne vais pas faire des concerts à Abidjan tous les jours.
• Est-ce qu’il y aura des inédits ?
- Oui, j’y ai pensé. Ce sera la cerise sur le gâteau.
• Le fameux titre ‘’Yéké Yéké’’ sera bien évidemment du repertoire ?
- Absolument (il rit) ! il y aura le fameux ‘’Yéké Yéké’’.
• Ce titre-là, vous pouvez nous rappeler son histoire ?
- Ce titre, je l’avais déjà composé à Abidjan avant que je ne parte en France en 1984. J’ai quatre versions de ‘’Yéké Yéké’’. Avant d’aller en France, j’ai fait d’autres arrangements sur ce titre. C’est un pur produit d’Abidjan qui a été N° 1 au Top 50 en France et s’est vendu par milliers en Europe. Il était sur l’album ‘’Akwaba beach’’.
• Quelle est aujourd’hui votre cote auprès du public européen ?
- Je suis toujours au sommet. Je fais une centaine de concerts par an en Occident.
• Votre public aujourd’hui, c’est celui qui vous a connu avec ‘’Yéké Yéké’’ ou c’est un nouveau public ?
- J’ai un public constant plus de nouveaux adeptes. J’en suis quand même à plus d’une dizaine d’albums depuis ‘’Courougnegne’’ en 1981 produit par le Label américain Ebony Records. J’ai fait de nombreux featurings aussi avec des stars de partout. Ce qui a élargi mon public. Tout dernièrement, j’ai fait des featurings à Paris avec Singuila, Mokobé et Mohamed Lamine.
• En France, vous avez opté pour la musique mandingue à la sauce dance, techno. Est-ce que le public africain n’est pas négligé dans l’affaire…
- Je n’ai pas négligé le côté africain parce que je chante en africain. Je n’ai jamais chanté en français.
• Mais, le fond musical est très européen ?
- Oui mais, j’ai toujours chanté en africain. J’ai toujours fait ma musique à l’image des rythmes qui viennent d’Afrique. Ceux qui font du reggae, par exemple, en Afrique, c’est avec le beat jamaicain. Mais, ils chantent dans leur langue. C’est la musique moderne africaine. Je fais une musique élaborée. C’est une musique internationale avec des sonorités africaines. Aujourd’hui, toutes les musiques sont ouvertes sur le monde. On ne peut pas faire la musique pour son seul continent. L’ouverture est obligatoire.
• Vous ne venez pas souvent en spectacle en Afrique de l’Ouest mais, avez-vous des contacts avec les artistes ivoiriens et africains en général ?
- J’ai des contacts avec Aïcha Koné, Alpha Blondy, Tiken Jah, Meiway, Kandet Kanté et bien d’autres. On se rencontre, c’est la famille.
• Et, Magic System ?
- On se rencontre souvent.
• Est-ce que vous connaissez le coupé-décalé ?
- Oui, je suis très, très au courant. Cette musique a envahi l’Afrique. Je peux vous dire ça prend en Europe avec Magic System qui l’a introduit dans son zouglou. Il y a des producteurs qui travaillent sur ça. J’écoute les coupeur-décaleurs (il rit).
• Vous êtes l’un des devanciers à être au haut niveau depuis les années 1980. Est-ce qu’il vous est arrivé de donner des coups de main à des jeunes artistes ivoiriens, ma-liens, guinéens, etc ?
- Oui, j’ai beaucoup aidé les artistes africains en France. C’est pour cela que j’ai reçu le prix de la Diaspora en 1985 en France décerné par les communautés afro-caribéennes.
• Au fait, avez-vous fait des featurings avec des artistes ivoiriens ?
- Il y a un qui marche là (il réfléchit). Oui, DJ Arafat de la Côte d’Ivoire, j’ai fait un featuring avec Mokobé et lui. C’est mon premier featuring avec un jeune ivoirien. Je suis même en train de préparer quelque chose avec Magic System, c’est pour bientôt.
• Avez-vous d’autres projets pour la musique africaine ?
- Pour la musique africaine, j’ai construit un complexe à Conakry en Guinée avec une salle de spectacle de 1400 places, deux studios d’enregistrement de 48 et 24 pistes, un restaurant, un bar, un night club et un hôtel. C’est une vraie cité artistique qui marche déjà. On va faire l’inauguration officielle bientôt.
• Est-ce que les artistes africains auront des faveurs dans cette cité ?
- C’est fait pour ça. J’ai fait ça à un moment de ma carrière pour faire la promotion des artistes africains. Je suis en train de construire un centre aux métiers de la musique dans cette cité.
• Ça doit coûter des centaines de millions ?
- (Il rit) ça fait des millions, on peut le dire.
• Si vous avez des conseils à donner aux jeunes qui veulent embrasser la carrière musicale aujourd’hui ?
- Les jeunes, aujourd’hui, ont plus de chance. Nous, avec les souffrances que nous avons connues, c’était difficile. Je leur demande d’être persévérants et de travailler dur, le succès est au bout de l’effort. La musique, c’est l’endurance.
• Y a-t-il une recette pour entrer dans une major ?
- C’est le travail, c‘est l’envie de réussir. La chance aussi mais, il faut travailler. Moi, j’étais connu en Afrique avant d’entrer chez Barclay en France. J’avais déjà eu le Maracas d’Or. C’est au cours d’un spectacle à Paris que M. Philippe Constantin, PDG de Barclay, qui était dans la salle, m’a apprécié et m’a fait signer un contrat chez Barclay. Voilà tout bonnement comment j’ai intégré cette major.
Le prochain Concerto pour l’indépendance qui aura lieu le 6 août prochain à Abidjan sera aux couleurs mandingues. Le griot de Kissidougou, Mory Kanté, en est l’invité spécial. De grosses retrou- vailles en perspective avec le public ivoirien, une vingtaine d’années après.
Après avoir quitté le Rail Band de Bamako, Mory Kanté s’installe à Abidjan en 1978. C’est là qu’il développe ce qui va constituer la grande originalité de sa musique, l’une des clés de sa célébrité. «J’ai opté pour les recherches sur le son des instruments traditionnels africains : le balafon, le violon, le bolon et surtout la cora, dit-il. Alors que tous les orches-tres s’équipaient d’instruments modernes (guitares, claviers…), je pensais qu’il était dommage de laisser cette richesse de côté.»
Entouré d’une petite formation traditionnelle (balafon, djembé, bolon à cinq cordes), Mory Kanté (cora et chant) assure l’animation du Climbier, alors célèbre club d’Abidjan où viennent se divertir des vedettes internationales comme Barry White et Johnny Pacheco. Ses arrangements acoustiques de succès internationaux étonnent et séduisent Gérard Chess, directeur du label américain Ebony Records, qui décide de produire “Courougnégné”, premier disque de Mory Kanté, en 1981.
La renommée de l’artiste commence à résonner dans toute l’Afrique. Elle s’amplifie grâce au ballet mandingue réunissant 75 artistes traditionnels et modernes qu’il dirige sur la scène du Centre culturel français d’Abidjan en 1982. La même année, il part pour Paris où il enregistre “N’Diarabi”.
Mory Kanté s’installe en France en 1984. Dans la ville lumière, trouver sa place au soleil n’est pas simple, surtout sans carte de séjour… Sur son album “Mory Kanté à Paris”, figure une version quasi traditionnelle de “Yéké Yéké”. En l’espace de deux ans, alors qu’il est reparti quasiment de zéro, Mory Kanté s’impose par la force de son talent. Les concerts qu’il donne avec sa cora électrique font l’unanimité de la critique.
En 1985, il participe à la musique du film “Black micmac”. Il est aussi parmi les 30 artistes africains de Paris qui contribuent à l’aventure, “Tam Tam pour l’Ethiopie”, orchestrée par Manu Dibango. C’est à cette occasion qu’il rencontre Philippe Constantin, alors l’un des meilleurs découvreurs de talents de la scène française. Convaincu du potentiel de Mory Kanté, Philippe lui propose un contrat de disque en 1985, lorsque lui sont confiées les rênes des productions Barclay. L’album “10 cola nuts”, coproduit par le pianiste américain, David Sancious, est accueilli par une critique élogieuse et nominé pour les Victoires de la musique 1986.
Non seulement Mory Kanté à su trouver un équilibre idéal dans le métissage, mais, le public occidental est prêt à recevoir cette musique qui lui ouvre de nouveaux horizons.
Le fulgurant succès de “Yéké Yéké”, réenregistré dans une version plus concise, rapide, électrique et dansante pour l’album “Akwaba Beach” (1987), prend tout le monde par surprise. Les ventes s’envolent (plusieurs millions de singles et d’albums jusqu’à aujourd’hui), les classements dans les hit-parades se multiplient. Quand en Juillet 1988 “Yéké Yéké” atteint la première place des charts européens dont le fameux Top 50 en France, le griot de Kissidougou a réussi son défi. La même année, il est récompensé par la Victoire de la Musique du meilleur album francophone. «Tout ce succès, je le dois à la Côte d’Ivoire. Je suis un enfant d’Abidjan, un pur produit d’Abidjan. J’ai été fabriqué là-bas et ‘’Yéké Yéké’’vient de là. Je suis donc très heureux de pouvoir retrouver mes frères et sœurs ivoiriens à l’occasion du Concerto pour l’indépendance à Abidjan, au mois d’Août», dit-il dans cet entretien par téléphone.
• Comment se porte le griot de Kissidougou ?
- Je me porte très bien. Ça va, inch’allah. Je suis en France et là, je rentre de Nice sur la Côte d’Azur où j’ai joué hier (ndrl, 21 juin) à l’occasion de la Fête de la musique. Ma base est toujours la France et d’ici j’organise mes tournées parce que c’est plus facile pour mon staff et moi. Cependant, je me rends souvent à Conakry pour voir la famille.
• Vous êtes l’invité spécial du prochain Concerto pour l’indépendance qui aura lieu le 6 août à Abidjan. Quelle impression ça vous fait ?
- Ce n’est pas surprenant pour moi, d’autant plus que je suis un artiste adopté par la Côte d’Ivoire depuis très longtemps et je me sens ivoirien. Cependant, je suis vraiment honoré par l’invitation du gouverneur du District d’Abidjan, M. Pierre Djédji Amondji. J’ai fait une majeure partie de ma carrière en Côte d’Ivoire. En ce moment-là, vers la fin des années 70 et au début des années 80, la Côte d’Ivoire était le carrefour culturel qui menait de l’Afrique aux Etats-Unis, en France et partout. J’ai eu des enfants en Côte d’Ivoire. J’ai une partie de ma famille là-bas. C’est chez moi, la Côte d’Ivoire.
• Ça vous fait vraiment plaisir…
- Oui, ça me fait vraiment plaisir de partir en Côte d’Ivoire, de jouer pour mes frères et soeurs ivoiriens. Ça me fait chaud au coeur. Il y aura un premier spectacle VIP le 5 août au Palais de la Culture et le lendemain 6 août, ce sera l’apothéose avec le Concerto sur le boulevard Giscard d’Estaing.
• Cela fait plus de 20 ans que vous n’êtes pas venu jouer en Côte d’Ivoire ?
- Effectivement, je suis allé faire des émissions à Abidjan, mais pas de spectacle. Ça fait pratiquement 25 ans que j’ai joué en Côte d’Ivoire.
• Ce sera donc de vraies retrou- vailles ?
- Absolument. De vraies retrouvailles. La Côte d’Ivoire est pour moi un pays particulier. Il est dans mon cœur. Je lui dois beaucoup. Je lui dois ma carrière. Tous les secrets de mon succès viennent d’Abidjan.
• Pourquoi une si longue séparation ?
- Ce n’est pas la Côte d’Ivoire seulement, c’est en Afrique de l’Ouest en général que je n’ai pas joué depuis longtemps. On n’a pas eu l’occasion de venir et on était toujours en tournée ailleurs. C’était un peu difficile.
• Pour ce retour au bercail, qu’est-ce qu’on doit attendre de vous ?
- Bêh ! Le public va me redécouvrir avec d’autres facettes. J’ai trois groupes actuellement en Europe : un traditionnel acoustique, un autre électrique et un big band qui se trouve en Norvège.
• Lequel vient à Abidjan parmi les trois ?
- J’amène mon groupe Electric Band à Abidjan. C’est le groupe moderne. Dans celui-ci, il y a à peu près 12 à 13 personnes.
• Est-ce qu’il y aura un répertoire spécial ?
- Il y aura un répertoire garni pour le public ivoirien. Il y aura un peu de tout. Les gens vont danser, c’est clair. On pourra aller jusqu’à 2 heures de spectacle, à fond la caisse. Je veux qu’on me redécouvre. Je ne vais pas faire des concerts à Abidjan tous les jours.
• Est-ce qu’il y aura des inédits ?
- Oui, j’y ai pensé. Ce sera la cerise sur le gâteau.
• Le fameux titre ‘’Yéké Yéké’’ sera bien évidemment du repertoire ?
- Absolument (il rit) ! il y aura le fameux ‘’Yéké Yéké’’.
• Ce titre-là, vous pouvez nous rappeler son histoire ?
- Ce titre, je l’avais déjà composé à Abidjan avant que je ne parte en France en 1984. J’ai quatre versions de ‘’Yéké Yéké’’. Avant d’aller en France, j’ai fait d’autres arrangements sur ce titre. C’est un pur produit d’Abidjan qui a été N° 1 au Top 50 en France et s’est vendu par milliers en Europe. Il était sur l’album ‘’Akwaba beach’’.
• Quelle est aujourd’hui votre cote auprès du public européen ?
- Je suis toujours au sommet. Je fais une centaine de concerts par an en Occident.
• Votre public aujourd’hui, c’est celui qui vous a connu avec ‘’Yéké Yéké’’ ou c’est un nouveau public ?
- J’ai un public constant plus de nouveaux adeptes. J’en suis quand même à plus d’une dizaine d’albums depuis ‘’Courougnegne’’ en 1981 produit par le Label américain Ebony Records. J’ai fait de nombreux featurings aussi avec des stars de partout. Ce qui a élargi mon public. Tout dernièrement, j’ai fait des featurings à Paris avec Singuila, Mokobé et Mohamed Lamine.
• En France, vous avez opté pour la musique mandingue à la sauce dance, techno. Est-ce que le public africain n’est pas négligé dans l’affaire…
- Je n’ai pas négligé le côté africain parce que je chante en africain. Je n’ai jamais chanté en français.
• Mais, le fond musical est très européen ?
- Oui mais, j’ai toujours chanté en africain. J’ai toujours fait ma musique à l’image des rythmes qui viennent d’Afrique. Ceux qui font du reggae, par exemple, en Afrique, c’est avec le beat jamaicain. Mais, ils chantent dans leur langue. C’est la musique moderne africaine. Je fais une musique élaborée. C’est une musique internationale avec des sonorités africaines. Aujourd’hui, toutes les musiques sont ouvertes sur le monde. On ne peut pas faire la musique pour son seul continent. L’ouverture est obligatoire.
• Vous ne venez pas souvent en spectacle en Afrique de l’Ouest mais, avez-vous des contacts avec les artistes ivoiriens et africains en général ?
- J’ai des contacts avec Aïcha Koné, Alpha Blondy, Tiken Jah, Meiway, Kandet Kanté et bien d’autres. On se rencontre, c’est la famille.
• Et, Magic System ?
- On se rencontre souvent.
• Est-ce que vous connaissez le coupé-décalé ?
- Oui, je suis très, très au courant. Cette musique a envahi l’Afrique. Je peux vous dire ça prend en Europe avec Magic System qui l’a introduit dans son zouglou. Il y a des producteurs qui travaillent sur ça. J’écoute les coupeur-décaleurs (il rit).
• Vous êtes l’un des devanciers à être au haut niveau depuis les années 1980. Est-ce qu’il vous est arrivé de donner des coups de main à des jeunes artistes ivoiriens, ma-liens, guinéens, etc ?
- Oui, j’ai beaucoup aidé les artistes africains en France. C’est pour cela que j’ai reçu le prix de la Diaspora en 1985 en France décerné par les communautés afro-caribéennes.
• Au fait, avez-vous fait des featurings avec des artistes ivoiriens ?
- Il y a un qui marche là (il réfléchit). Oui, DJ Arafat de la Côte d’Ivoire, j’ai fait un featuring avec Mokobé et lui. C’est mon premier featuring avec un jeune ivoirien. Je suis même en train de préparer quelque chose avec Magic System, c’est pour bientôt.
• Avez-vous d’autres projets pour la musique africaine ?
- Pour la musique africaine, j’ai construit un complexe à Conakry en Guinée avec une salle de spectacle de 1400 places, deux studios d’enregistrement de 48 et 24 pistes, un restaurant, un bar, un night club et un hôtel. C’est une vraie cité artistique qui marche déjà. On va faire l’inauguration officielle bientôt.
• Est-ce que les artistes africains auront des faveurs dans cette cité ?
- C’est fait pour ça. J’ai fait ça à un moment de ma carrière pour faire la promotion des artistes africains. Je suis en train de construire un centre aux métiers de la musique dans cette cité.
• Ça doit coûter des centaines de millions ?
- (Il rit) ça fait des millions, on peut le dire.
• Si vous avez des conseils à donner aux jeunes qui veulent embrasser la carrière musicale aujourd’hui ?
- Les jeunes, aujourd’hui, ont plus de chance. Nous, avec les souffrances que nous avons connues, c’était difficile. Je leur demande d’être persévérants et de travailler dur, le succès est au bout de l’effort. La musique, c’est l’endurance.
• Y a-t-il une recette pour entrer dans une major ?
- C’est le travail, c‘est l’envie de réussir. La chance aussi mais, il faut travailler. Moi, j’étais connu en Afrique avant d’entrer chez Barclay en France. J’avais déjà eu le Maracas d’Or. C’est au cours d’un spectacle à Paris que M. Philippe Constantin, PDG de Barclay, qui était dans la salle, m’a apprécié et m’a fait signer un contrat chez Barclay. Voilà tout bonnement comment j’ai intégré cette major.