Venu participer au festival des films engagés d’Abidjan, le rappeur burkinabé, Smockey, passe en revue les raisons de son engagement et les problèmes qui minent les pays africains.
Quel recherchiez-vous au festival des films engagés « Ciné droits libres »?
C’est un évènement important. Le festival « Ciné droits libres » est un concept nouveau. Il présente un intérêt pour nos populations car il encourage l’accès à l’information, la vraie. Pas la désinformation qu’on voit sur les écrans de nos chaînes nationales.
Est-ce parce que vous avez été vous-même victime de censure que vous vous êtes lancé dans ce combat ?
Bien sûr. Dans le sens où on veut dévoiler ce qui se murmure par le peuple, ou ce qui n’est pas su. On travaille avec des gens comme Diallo, du centre de presse Norbert Zongo. Nous sillonnons parfois les provinces pour des mini-projections suivies de débats.
Ce sont des débats dans lesquels les populations sont impliquées. On en arrive à de vraies solutions. Le but d’un artiste engagé ou non, n’est pas tout le temps de critiquer sans rien apporter. C’est pour nous une façon de prouver qu’au-delà de parler des choses qui ne vont pas, nous essayons aussi de faire en sorte que les choses changent.
Votre message est-il entendu par la jeunesse ?
être analphabète, comme je l’ai toujours dit, ne signifie pas être bête. Lors d’une projection à l’université d’Abidjan, un étudiant disait que la solution au problème est que tout le monde parte à l’école. C’est un raisonnement assez simpliste. Parce que, tous les dictateurs de l’Afrique sont tous allés à l’école, ils ont obtenu des diplômes de haut niveau. Mais cela ne les a pas empêchés d’être dictateurs. Non seulement ils sont allés à l’école, mais, en plus, ils ont fréquenté des séminaires. Ils vont prier à l’église tous les dimanches et, le lundi ou le mercredi, ils assassinent des personnes. Dans les campagnes, les populations qui ne sont pas allées à l’école comprennent ce qu’on leur dit. Pourquoi le prix du riz a augmenté ? Ce sont des monopoles qu’on a créés. Pourquoi est-ce qu’à chaque fois que je dépose mon dossier je n’ai pas de marché ?
C’est parce que le politicien a créé une autre entreprise sous un autre nom et s’est trouvé lui-même ses propres marchés etc. Les populations comprennent cela aussi. Et, à force d’expliquer, elles voient qu’en réalité, il est très important de voter, mais surtout de voter pour les bonnes personnes. Même si c’est Paul qui dirige ou Pierre, on voit toujours les mêmes problèmes. On prie seulement car l’Africain aime prier. C’est dans la prière que nous sommes forts.
Qu’entendez-vous par là ?
Je pense que nous sommes les premiers dans la prière. Comme le disait quelqu’un, « on n’a jamais vu un Noir qui ne croît pas en Dieu ». Pour preuve, votre ancien président vous a laissé comme héritage une basilique. C’est pour que vous puissiez prier la misère qui vous attend. Le problème est assez évident. Comme le dit Diallo en parlant de Norbert Zongo :« la question qu’il faut se poser, n’est pas tant de s’affirmer en tant que pauvre, mais de comprendre pourquoi. De savoir, est-ce que je suis pauvre parce qu’il n’y a rien ? Ou, est-ce que je n’ai pas mangé parce qu’il n’y a rien ? Ou est-ce parce que le voisin a mangé mon plat ? Si j’en arrive à la conclusion que c’est parce que le voisin a mangé mon plat, la logique est complètement différente. Du coup, je porte mes gants de boxe et je me bats. C’est une chose qui m’appartient, c’est mon dû ». Les richesses de nos Etats africains n’appartiennent pas aux présidents. Si tu ne te plains pas lorsqu’on mange ton plat, c’est ton problème. Demain, il faudra vivre ta misère. Prendre conscience de cet aspect-là, est une façon de combattre dès le départ et de trouver des solutions.
Quel est votre appel aux dirigeants africains ?
Aux dirigeants africains, je dirai qu’à défaut du respect pour nous, il faut qu’ils en aient pour eux-mêmes. Quand ils viennent pour se faire élire, ils voient leur peuple dans la misère et ils font des promesses. Il faut tenir les promesses. Par rapport au système démocratique qu’ils ont choisi, ils ne peuvent pas se glorifier de 20 ou 40 ans de pouvoir. Il faut donc qu’ils se limitent à 2 mandats. Il faut qu’ils soient dignes. Ils sont les principaux acteurs qui contribuent à rendre négative l’image de l’Africain à l’extérieur. Les autres se foutent de notre gueule. On nous prend pour des démocraties bananières, tropicalisées. C’est l’image de pays de sauvages, dirigés par d’autres sauvages.
Vous avez été censuré dans votre pays. Surtout avec la chanson «A qui profite le crime ». Expliquez-nous les circonstances de cette censure ?
C’est parce que les autorités n’aimaient pas le contenu du titre. Mais, on ne peut pas légalement opposer d’argument à ce titre. Parce que ce sont des archives publiques. On ne peut pas par exemple m’attaquer sur les droits d’auteur. On ne peut pas aussi le faire pour insulte a homme politique. Je n’ai pas utilisé d’expressions comme « nique ta mère » ou « fils de pute » contre quelqu’un. Mais, la personne visée se reconnaît. J’ai utilisé leurs propres paroles dans la chanson et ils se sont « clashés » entre eux. Sankara est intervenu, Mitterrand aussi et le « Blasko » a finalisé. Nous avons mis leurs paroles dans une chanson en y ajoutant les nôtres et posé la question : « A qui profite le crime ? Dans tous les films de meurtre, la première ques?tion que se pose le responsable de police, c’est : « A qui profite le crime ? » Quand on la pose aujourd’hui, on se rend compte que celui qui en profite le plus c’est celui qui est au pouvoir. S’ils veulent après censurer, ça n’engage qu’eux. Dans un forum sur la communication à Ouagadougou, le Président lui-même a dit qu’au Burkina Faso, il n’y a pas de censure. Effectivement, légalement, il n’y a pas de censure.
Quel doit être selon Smockey le nouveau combat de la jeunesse africaine ?
Chaque jeune Africain doit se sentir d’abord concerné par l’Afrique. Que tu dises ce que tu as sur le cœur. Tu finis par créer un mouvement de foule. Qu’est-ce qu’on peut faire contre la foule ? Rien. Même s’ils doivent tuer 3, 4, 5 personnes ça ne fait rien à la foule.
La foule, c’est un pouvoir. Je ne suis pas en train de dire aux gens de poursuivre notre combat, de faire comme nous. Mais je peux lui dire par contre, intéresses-toi aux problèmes de ton continent, au lieu de t’intéresser à des choses de moindre intérêt. Il ne faut pas passer tout le temps à se distraire, c’est l’opium du peuple on le sait. Pendant les périodes électorales, on nous bombarde de bons films à la télé et on n’a plus le temps de critiquer. Ils envoient des « télénovelas » pas possible. Quand tu regardes ce genre de feuilleton, tu n’as plus la tête à tes réalités quotidiennes. A un moment donné, il faut avoir un intérêt aux choses du pays. Même si ce n’est pas pour soi, il faut penser aux enfants. Curiosité, c’est tout ce que nous demandons aux gens. Qu’ils fassent preuve d’un minimum de curiosité par rapport aux affaires de nos de pays.
S.A
Quel recherchiez-vous au festival des films engagés « Ciné droits libres »?
C’est un évènement important. Le festival « Ciné droits libres » est un concept nouveau. Il présente un intérêt pour nos populations car il encourage l’accès à l’information, la vraie. Pas la désinformation qu’on voit sur les écrans de nos chaînes nationales.
Est-ce parce que vous avez été vous-même victime de censure que vous vous êtes lancé dans ce combat ?
Bien sûr. Dans le sens où on veut dévoiler ce qui se murmure par le peuple, ou ce qui n’est pas su. On travaille avec des gens comme Diallo, du centre de presse Norbert Zongo. Nous sillonnons parfois les provinces pour des mini-projections suivies de débats.
Ce sont des débats dans lesquels les populations sont impliquées. On en arrive à de vraies solutions. Le but d’un artiste engagé ou non, n’est pas tout le temps de critiquer sans rien apporter. C’est pour nous une façon de prouver qu’au-delà de parler des choses qui ne vont pas, nous essayons aussi de faire en sorte que les choses changent.
Votre message est-il entendu par la jeunesse ?
être analphabète, comme je l’ai toujours dit, ne signifie pas être bête. Lors d’une projection à l’université d’Abidjan, un étudiant disait que la solution au problème est que tout le monde parte à l’école. C’est un raisonnement assez simpliste. Parce que, tous les dictateurs de l’Afrique sont tous allés à l’école, ils ont obtenu des diplômes de haut niveau. Mais cela ne les a pas empêchés d’être dictateurs. Non seulement ils sont allés à l’école, mais, en plus, ils ont fréquenté des séminaires. Ils vont prier à l’église tous les dimanches et, le lundi ou le mercredi, ils assassinent des personnes. Dans les campagnes, les populations qui ne sont pas allées à l’école comprennent ce qu’on leur dit. Pourquoi le prix du riz a augmenté ? Ce sont des monopoles qu’on a créés. Pourquoi est-ce qu’à chaque fois que je dépose mon dossier je n’ai pas de marché ?
C’est parce que le politicien a créé une autre entreprise sous un autre nom et s’est trouvé lui-même ses propres marchés etc. Les populations comprennent cela aussi. Et, à force d’expliquer, elles voient qu’en réalité, il est très important de voter, mais surtout de voter pour les bonnes personnes. Même si c’est Paul qui dirige ou Pierre, on voit toujours les mêmes problèmes. On prie seulement car l’Africain aime prier. C’est dans la prière que nous sommes forts.
Qu’entendez-vous par là ?
Je pense que nous sommes les premiers dans la prière. Comme le disait quelqu’un, « on n’a jamais vu un Noir qui ne croît pas en Dieu ». Pour preuve, votre ancien président vous a laissé comme héritage une basilique. C’est pour que vous puissiez prier la misère qui vous attend. Le problème est assez évident. Comme le dit Diallo en parlant de Norbert Zongo :« la question qu’il faut se poser, n’est pas tant de s’affirmer en tant que pauvre, mais de comprendre pourquoi. De savoir, est-ce que je suis pauvre parce qu’il n’y a rien ? Ou, est-ce que je n’ai pas mangé parce qu’il n’y a rien ? Ou est-ce parce que le voisin a mangé mon plat ? Si j’en arrive à la conclusion que c’est parce que le voisin a mangé mon plat, la logique est complètement différente. Du coup, je porte mes gants de boxe et je me bats. C’est une chose qui m’appartient, c’est mon dû ». Les richesses de nos Etats africains n’appartiennent pas aux présidents. Si tu ne te plains pas lorsqu’on mange ton plat, c’est ton problème. Demain, il faudra vivre ta misère. Prendre conscience de cet aspect-là, est une façon de combattre dès le départ et de trouver des solutions.
Quel est votre appel aux dirigeants africains ?
Aux dirigeants africains, je dirai qu’à défaut du respect pour nous, il faut qu’ils en aient pour eux-mêmes. Quand ils viennent pour se faire élire, ils voient leur peuple dans la misère et ils font des promesses. Il faut tenir les promesses. Par rapport au système démocratique qu’ils ont choisi, ils ne peuvent pas se glorifier de 20 ou 40 ans de pouvoir. Il faut donc qu’ils se limitent à 2 mandats. Il faut qu’ils soient dignes. Ils sont les principaux acteurs qui contribuent à rendre négative l’image de l’Africain à l’extérieur. Les autres se foutent de notre gueule. On nous prend pour des démocraties bananières, tropicalisées. C’est l’image de pays de sauvages, dirigés par d’autres sauvages.
Vous avez été censuré dans votre pays. Surtout avec la chanson «A qui profite le crime ». Expliquez-nous les circonstances de cette censure ?
C’est parce que les autorités n’aimaient pas le contenu du titre. Mais, on ne peut pas légalement opposer d’argument à ce titre. Parce que ce sont des archives publiques. On ne peut pas par exemple m’attaquer sur les droits d’auteur. On ne peut pas aussi le faire pour insulte a homme politique. Je n’ai pas utilisé d’expressions comme « nique ta mère » ou « fils de pute » contre quelqu’un. Mais, la personne visée se reconnaît. J’ai utilisé leurs propres paroles dans la chanson et ils se sont « clashés » entre eux. Sankara est intervenu, Mitterrand aussi et le « Blasko » a finalisé. Nous avons mis leurs paroles dans une chanson en y ajoutant les nôtres et posé la question : « A qui profite le crime ? Dans tous les films de meurtre, la première ques?tion que se pose le responsable de police, c’est : « A qui profite le crime ? » Quand on la pose aujourd’hui, on se rend compte que celui qui en profite le plus c’est celui qui est au pouvoir. S’ils veulent après censurer, ça n’engage qu’eux. Dans un forum sur la communication à Ouagadougou, le Président lui-même a dit qu’au Burkina Faso, il n’y a pas de censure. Effectivement, légalement, il n’y a pas de censure.
Quel doit être selon Smockey le nouveau combat de la jeunesse africaine ?
Chaque jeune Africain doit se sentir d’abord concerné par l’Afrique. Que tu dises ce que tu as sur le cœur. Tu finis par créer un mouvement de foule. Qu’est-ce qu’on peut faire contre la foule ? Rien. Même s’ils doivent tuer 3, 4, 5 personnes ça ne fait rien à la foule.
La foule, c’est un pouvoir. Je ne suis pas en train de dire aux gens de poursuivre notre combat, de faire comme nous. Mais je peux lui dire par contre, intéresses-toi aux problèmes de ton continent, au lieu de t’intéresser à des choses de moindre intérêt. Il ne faut pas passer tout le temps à se distraire, c’est l’opium du peuple on le sait. Pendant les périodes électorales, on nous bombarde de bons films à la télé et on n’a plus le temps de critiquer. Ils envoient des « télénovelas » pas possible. Quand tu regardes ce genre de feuilleton, tu n’as plus la tête à tes réalités quotidiennes. A un moment donné, il faut avoir un intérêt aux choses du pays. Même si ce n’est pas pour soi, il faut penser aux enfants. Curiosité, c’est tout ce que nous demandons aux gens. Qu’ils fassent preuve d’un minimum de curiosité par rapport aux affaires de nos de pays.
S.A