Simple coup de colère ou volonté réelle d'attaque ? Sarkozy a-t-il vraiment mesuré les potentielles conséquences de sa sortie à New York contre Laurent Gbagbo ? Pas si sûr si l'on s'en réfère au caractère laconique de la déclaration. Pourtant, les évènements peu glorieux qui ont caractérisé le passé récent de l'ancienne puissance coloniale avec Abidjan sont suffisamment éloquents. Après l'avoir accusé longtemps de vouloir déstabiliser leur régime, les partisans de Gbagbo ont laissé éclater leur haine contre la France et les français lors des événements de novembre 2004. Le bombardement de la flotte ivoirienne après l'attaque lancée par celle-ci contre Bouaké et qui s'était soldée par la mort de 9 soldats français avait mis le feu aux poudres. Les « jeunes patriotes » avaient appelé à «manger» du français. S'en sont suivis les événements devant l'hôtel Ivoire où l'armée française avait été accusée d'avoir ouvert le feu sur les manifestants faisant plusieurs morts et blessés. Des pages sombres qui continuent de hanter les mémoires. Aujourd'hui, dans un contexte post-chiraquien dans lequel le chef de l'Etat ivoirien disait avoir retrouvé le sommeil, interviennent les propos, somme toute maladroits du président français contre Laurent Gbagbo. Une attitude qui sonne comme un réveil des vieux démons sur fond de remise en cause des avancées du processus de sortie de crise. Nicolas Sarkozy pourrait en effet mettre à mal l'Accord politique de Ouaga (Apo) en poussant ainsi Gbagbo à un raidissement. Ils sont nombreux ceux qui craignent, si les attaques françaises se poursuivent, qu'en réaction Gbagbo jette à nouveau ses partisans dans les rues contre les français. Le désordre créé mettra à coup sûr l'élection présidentielle en cause. Or, sans élection sur un court ou moyen terme après le 29 novembre, ils sont nombreux les acteurs politiques qui n'hésiteront pas à proclamer la mort de l'Accord de Ouaga. En aboutissant à cette mort de l'Apo, c'est sûr que Gbagbo en sera le grand perdant. Isolé, il sera à la merci des manifestations de l'opposition qui réclameraient des élections ou une nouvelle transition sans lui. Pis, dans un tel contexte d'incertitude, Gbagbo ne sera pas à l'abri d'un coup d'Etat. En conclusion, la sortie de Sarko aura été contreproductive, pour avoir privé le pays d'élection. Mais, est-ce peut-être l'objectif, pour avoir perdu un régime que Paris a toujours tenu en lest?
Marc Dossa
Marc Dossa