Implantation à l`Est : Le Rdr bouscule le Pdci et le Fpi

Le Rassemblement des républicains joue des coudes pour s'imposer dans l'Est du pays. Couronne contre argent, ce deal que son président propose aux souverains de l'Indénié et du Djuablin portera-t-il ses fruits ?

Du 20 au 25 juillet, la direction du Rdr était dans les régions voisines du Moyen-Comoé et du Zanzan, dans l'Est du pays. En six jours, la délégation du Dr. Alassane Dramane Ouattara (ADO), président du Rassemblement des républicaains (Rdr), et candidat à l'élection présidentielle, a parcouru six départements. Il s'agit d'Abengourou, d'Agnibilékrou, de Zaranou, de Béttié et de Koun-Fao. La délégation a fait des escales dans des sous-préfectures et des villages tels que : Aniassué, Sankadiokro, Niablé, Apprompronou, Nianda, Tienkoikro, Tankessé, Ebilassokro, Apprompron-Afewa, Yakassé-Feyassé. Pour le Zanzan, seules les localités de Tankessé, Koun-Fao et Tienkoikro ont été visitées parce que situées à proximité d'Agnibilékrou. La pré-campagne du Rdr aura somme toute concernée, entre autres groupement de villages, les cantons Assuadiè, Amanvounan, Aniassué, Niablé, Zaranou, Yakassé-Feyassé et Amélékia. Ce tour d'horizon est stratégique pour taire les querelles intestines entre dirigeants locaux du parti de la rue Lepic.

Le parcours de combattant

Avant l'arrivée de la délégation, certains, se répandant dans la presse, ont décrié que leurs localités ont été omises dans le tracé de l'itinéraire de la «caravane-ADO». D'autres ont donné de la voix pour dénoncer le copinage dans la désignation des cités à visiter. Par souci d'équité, peut-être, le président du parti a dû contenter tout le monde. Cela, malgré l'état fort dissuasif des routes impraticables. On se souvient des quatre heures de piste tortueuse, parsemée de crevasses, menant à Bettié, 180 Km au Sud d'Abengourou. Se livrer au parcours du combattant semblait être un impératif, pour constater la représentativité réelle du Rdr dans les contrées du pays Agni. L'Indénié (Abengourou) et le Djuablin (Agnibilékrou) sont en réalité de vieux bastions du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci). Le Front populaire ivoirien (Fpi) les convoite assidûment depuis 1990 qu'il existe. Le Rdr, né quatre ans après, d'une scission du Pdci, n'y avait pas droit de cité, selon son Directeur départemental de campagne (Ddc), M. Aka Kouamé, de Bettié. Pis, « le siège du Rdr a été brûlé deux fois et réaménagé deux fois » d'après le Ddc, Cissé Daouda Salif, d'Abengourou. Le Rdr n'a pas vraiment pignon sur rue dans ces régions dont les communes sont tenues par le parti doyen. La formation politique sise à la rue Lepic, à Cocody les II-Plateaux, est quand même représentée dans les conseils municipaux et les conseils généraux de la région. C'est dire que la case verte est bien animée à l'Est. Vu que partout où la délégation a marqué une escale, elle a été chaleureusement accueillie par des militants. Lesquels, pour prouver leur appartenance au Rdr, désormais sans risque, arboraient tee-shirts, casquettes et pagnes à l'effigie de leur champion. Des comités de bases, des sections, des coordinations sont donc bel et bien constitués. Et le parti revendique sur place des antennes régionales pour les élections, des directeurs régionaux de campagne. Le candidat ADO se réjouit devant la toile tissée «en si peu de temps». Il « félicite » ses lieutenants pour avoir permis au parti de se faire une place au soleil de l'Est. Le Rdr a fait un recrutement qui semble payer aujourd'hui. Il a retourner des barons dont Adou Assalé, ex-maire Pdci de Koumassi. Ce fils de Sankadiokro est «un homme écouté», dont les proches disent qu'il s'investit « franchement » dans l'assise du parti. A Apprompronou, c'est le « doyen » Mian Kouao Germain, exploitant forestier, « admirateur » de Félix Houphouët Boigny et « ami » de Ouattara qui ratisse. Sa dernière recrue : M. Ehouman N'Da Koablan (intendant). L'homme est un « frustré » du Fpi, qui a déposé selon lui-même ses valises dans la case verte.

Chouchouté par les Rois

« Je fais beaucoup confiance au président Alassane Dramane Ouattara dont j'ai parlé à la population (…) Je prends ma carte de militant, désormais je suis avec le Rdr pour l'aider à passer le cap de l'élection présidentielle », disait-il à Apprompronou, son village où il a mobilisé ses parents, le mardi, pour ADO. Ce dernier, présenté comme «le fils d'Houphouët» ou «l'unique Premier ministre d'Houphouët » bénéficie de la caution morale du roi Agnini Bilé II d'Agnibilékrou. La tête couronnée, après l'accueil royal réservé à Alassane ce même mardi, a persuadé les hésitants de voter pour le candidat du Rdr. Une chose est sûre, dans une chanson-allégeance à Ouattara, des femmes de la cour ont dit ceci : « Alassane arrive. Alassane, nous sommes avec toi aujourd'hui ; nous serons avec toi demain » d'après une interprétation, obtenue sur place. Nanan Aka Tanoh porte-parole et porte-canne du roi n'était-il pas lui aussi drapé d'un pagne à l'effigie de Ouattara ? Cependant, à Abengourou l'on était circonspect. « Le royaume est dans la République. A ce titre nous ne pouvons fermer nos portes à personne ». C'est ainsi que l'Indénié de Boa Kouassi III affirmait sa neutralité le vendredi, alors qu'il recevait le candidat. Alassane Ouattara espère rallier les deux royaumes à sa cause, au moyen du «statut particulier» qu'il leur promet. Avec ce statut, a-t-il expliqué, les rois et chefs traditionnels seront autonomes, libres de gérer un «budget et des recettes». Couronnes contre argent, le deal passera-t-il ? Le candidat attend beaucoup de l'ancienne boucle du café et du cacao à laquelle il a promis de « ramener la coupe nationale du progrès et la Caistab » d'avant l'an 2000.

Bidi Ignace, envoyé spécial