Le sondage commandité par l'équipe de campagne de Laurent Gbagbo n'en finit pas de livrer ses secrets. «Jeune Afrique» nous apprend ainsi que de tous les candidats, ADO part avec le plus de handicaps.
Le sondage réalisé par la Société française d'études par sondages (Sofres) pour le compte de la compagnie qui drive la campagne de Gbagbo continue de livrer ses secrets. Les dernières révélations nous sont apportées par l'hebdomadaire panafricain «Jeune Afrique», dans son édition actuellement en kiosque, sous la plume de François Soudan, le directeur de la rédaction himself. L'article, très ampoulé, assène cependant quelques réalités qui, assurément, feront jaser dans les chaumières. Nous y apprenons ainsi que l'enquête réalisée est relativement récente (entre le 31 mai et le 16 juin 2009), c'est-à-dire pendant la période de l'enrôlement électoral. Il ne s'agit donc pas d'un vieux sondage réalisé en 2004, comme on a pu le laisser croire. Elle a été réalisée au moment où Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara battaient campagne à travers le pays. Les sondés ont donc eu le loisir d'entendre leurs discours. Ensuite, l'échantillon est supérieur à ce que l'on croyait. L'on apprend que ce sont au total 2.000 personnes (et non 1.000) qui ont été sondées. De même, la population interrogée est repartie entre Abidjan et 10 des 19 régions que compte le pays. Cela montre que les enquêteurs ne sont pas allés réaliser leur sondage d'opinion dans le bastion d'un candidat ou dans une zone spécifiquement hostile à l'un quelconque des candidats. François Soudan qui a, manifestement, eu accès aux résultats du sondage, nous en livre quelques secrets. Ainsi, selon lui, ce document révèle que 61% ( !) des sondés ont une opinion plutôt bonne de Gbagbo.
Rdr : le parti qui a la plus mauvaise image
Et dit-il, la majorité de ces 61% sont des « jeunes primovotants relevant d'un stock électoral urbain, et, surtout, transethnique». En termes clairs, Gbagbo est populaire chez les jeunes urbains, qui viennent d'avoir la majorité et donc qui vont voter pour la première fois. Et cette popularité transcende les différences ethniques. C'est une donnée importante quand on sait que le corpus électoral est composé en grande majorité de gens de moins de 30 ans. Le sondage indique que si l'on va au-delà des individus et qu'on s'intéresse aux partis politiques, le Fpi fait quasiment jeu égal avec le Pdci-Rda, la plus ancienne formation politique du pays, en termes de popularité. Avec une légère avance pour le Pdci-Rda. Quant au Rdr, selon Soudan, il est plus «clivant», c'est-à-dire ceux qui l'aiment, l'aiment à mort et ceux qui le détestent, le détestent à en mourir. Avantage : les militants du Rdr sont moins enclins au vagabondage politique et plus fidèles à leur leader. Inconvénient : il est plus difficile d'y adhérer si on en n'en était pas membre au départ, car la frange des indécis envers ce parti est faible. Autre chose : la majorité des sondés ne croient pas à la tenue des élections pour le 29 novembre (44%), seuls 39% y croient toujours. Enfin, le plus important à nos yeux, plus important en tout cas que d'indiquer que Gbagbo part avec 43% d'intentions de vote favorables au premier tour, ce sont les attentes des Ivoiriens. Les Ivoiriens veulent que le prochain Président ait pour priorités l'emploi, l'accès aux soins médicaux, la lutte contre la pauvreté, l'amélioration de l'état des routes et la scolarisation.
Ultime preuve que «Jeune Afrique» a en sa possession les résultats du sondage effectués par la Sofres, le tableau qu'il reproduit en page 10 sur la perception que les Ivoiriens ont des principaux partis politiques. Selon ce graphique, le parti qui a la meilleure image auprès des Ivoiriens est le Pdci-Rda (59%), suivi du Fpi (56%). Ensuite vient (ô surprise !) le Pit avec 44%. Le Rdr ne vient qu'en quatrième position avec 34% d'opinions favorables sur le segment de gens interrogés. Le Rpp de Laurent Dona-Fologo avec ses 26% se paie le luxe de talonner l'Udpci qui bénéficie d'une bonne image auprès de 30% des gens sondés dans le segment concerné.
A contrario, selon le graphique de «Jeune Afrique», le parti politique qui a la plus mauvaise image auprès de l'opinion est le Rdr, avec 56% d'opinions négatives. Après lui, vient le Fpi (38%), le Rpp (37%), l'Udpci (36%) et le Pdci-Rda (32%). En termes clairs, selon ces chiffres, le Rdr est le parti politique qui a la plus mauvaise image en Côte d'Ivoire.
La leçon que «Jeune Afrique» tire de ce sondage d'avant-campagne, est celle-ci : « la lente progression d'un “vote moderne” et intercommunautaire en Côte d'Ivoire est la chance de Laurent Gbagbo, puisque c'est à lui, apparemment, que ce phénomène profite, ses concurrents ayant, eux, davantage intérêt à ce que les réflexes du vote “traditionnel” perdurent. » Comme l'indique le titre de l'article de François Soudan, c'est assurément un «sondage qui dérange».
Personnellement, nous pouvons tirer plusieurs leçons de cette enquête qui agite le marigot politique local. D'abord, il s'agit d'un sondage d'avant-campagne électorale proprement dite. Pour le moment, tous les candidats se disent en tournée pré-électorale. Evidemment, c'est un grossier cache-sexe, puisque chacun sait que la campagne bat actuellement son plein.
L'enquête permet donc aux adversaires de Gbagbo, et principalement à Alassane Dramane Ouattara, d'ajuster leur discours électoral voire de réorienter une partie de leur stratégie. Si Gbagbo est vraiment populaire chez les jeunes urbains, on doit chercher à savoir pourquoi et détecter les facteurs de cette adhésion, pour les détourner à son profit. Pourquoi les jeunes aimeraient-ils Gbagbo ? Parce qu'il donne de lui-même une image de brave (woody), de héros de western qui affronte tout seul une bande de malfaiteurs (les Occidentaux)? Parce qu'il se présente comme le nouvel héros de la décolonisation de l'Afrique ? Parce qu'il leur distribue de l'argent en les maintenant ainsi dans une forme de dépendance vis-à-vis de lui ? Parce qu'ils aiment la manière dont il a négocié la fin de la guerre et la sortie de crise ? Parce qu'il apparaît plus proche de leurs réalités quotidiennes que les autres candidats ? Tout cela doit, à notre avis, intéresser le Rdr. Parce que disons-le, le fait d'avoir la plus mauvaise image de tous les partis politiques ivoiriens, est très grave et doit pouvoir s'expliciter. Est-ce dû à une mauvaise communication du Président du parti ? Est-ce dû à l'attitude des cadres du Rdr envers la population? Est-ce dû à l'image de parti violent, ethniciste, putschiste véhiculée depuis plus d'une décennie par les médias officiels ? Est-ce dû à un déphasage du discours du candidat Ouattara avec les attentes de la population ?
Pourquoi les jeunes aiment Gbagbo ?
Tout cela doit être, à notre avis, soigneusement analysé avant les joutes décisives de novembre. Si ce travail scientifique n'est pas mené maintenant, à notre avis, l'élection de Ouattara est en danger. Parce qu'en termes d'intentions de vote, le Pdci-Rda et le Rdr se tiennent dans un mouchoir de poche (1% de voix de différences). Mais au finish, s'il doit y avoir confrontation entre ces deux candidats pour savoir lequel des deux affrontera Gbagbo au second tour, le Pdci-Rda ayant une meilleure image auprès de l'opinion, part avantagé.
Ensuite, Laurent Gbagbo dont chacun sait qu'il est le candidat du Fpi, n'a pas encore déclaré officiellement sa candidature. S'il entre en campagne véritable, il aura forcément l'avantage qu'a aux Etats Unis, le «sitting president», le président sortant. En général, les électeurs ont tendance à dire qu'il faut donner un dernier mandat au président sortant afin qu'il débarrasse définitivement le plancher. De plus Gbagbo, en plus d'être un redoutable rhéteur, dont la tâche sera de démolir l'image lisse de ses adversaires, aura forcément les moyens de l'Etat avec lui. Les moyens de l'Etat, ce sont la télé et la radio nationales qui n'arrivent pas à faire le distinguo entre les activités du chef de l'Etat et celle du candidat du Fpi. Les moyens de l'Etat, ce seront également les finances publiques qui vont supporter les frais de sécurité, de carburant des véhicules officiels, les dons en nature et - forcément - en espèces. Au moment où ses adversaires auront épuisé une bonne partie de leur budget de campagne, préservant l'essentiel pour les quinze jours de campagne officielle, Laurent Gbagbo lui entrera en lice avec un budget intact. Toutes les tournées pré-électorales déguisées qu'il effectue ou qu'il a effectuées sont qualifiées de visite d'Etat, donc prises en charge par le budget de l'Etat.
Dire donc que la véritable campagne va faire bouger les lignes ? Peut-être, mais à condition de commencer dès maintenant les réformes que nécessite la situation.
Touré Moussa
Le sondage réalisé par la Société française d'études par sondages (Sofres) pour le compte de la compagnie qui drive la campagne de Gbagbo continue de livrer ses secrets. Les dernières révélations nous sont apportées par l'hebdomadaire panafricain «Jeune Afrique», dans son édition actuellement en kiosque, sous la plume de François Soudan, le directeur de la rédaction himself. L'article, très ampoulé, assène cependant quelques réalités qui, assurément, feront jaser dans les chaumières. Nous y apprenons ainsi que l'enquête réalisée est relativement récente (entre le 31 mai et le 16 juin 2009), c'est-à-dire pendant la période de l'enrôlement électoral. Il ne s'agit donc pas d'un vieux sondage réalisé en 2004, comme on a pu le laisser croire. Elle a été réalisée au moment où Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara battaient campagne à travers le pays. Les sondés ont donc eu le loisir d'entendre leurs discours. Ensuite, l'échantillon est supérieur à ce que l'on croyait. L'on apprend que ce sont au total 2.000 personnes (et non 1.000) qui ont été sondées. De même, la population interrogée est repartie entre Abidjan et 10 des 19 régions que compte le pays. Cela montre que les enquêteurs ne sont pas allés réaliser leur sondage d'opinion dans le bastion d'un candidat ou dans une zone spécifiquement hostile à l'un quelconque des candidats. François Soudan qui a, manifestement, eu accès aux résultats du sondage, nous en livre quelques secrets. Ainsi, selon lui, ce document révèle que 61% ( !) des sondés ont une opinion plutôt bonne de Gbagbo.
Rdr : le parti qui a la plus mauvaise image
Et dit-il, la majorité de ces 61% sont des « jeunes primovotants relevant d'un stock électoral urbain, et, surtout, transethnique». En termes clairs, Gbagbo est populaire chez les jeunes urbains, qui viennent d'avoir la majorité et donc qui vont voter pour la première fois. Et cette popularité transcende les différences ethniques. C'est une donnée importante quand on sait que le corpus électoral est composé en grande majorité de gens de moins de 30 ans. Le sondage indique que si l'on va au-delà des individus et qu'on s'intéresse aux partis politiques, le Fpi fait quasiment jeu égal avec le Pdci-Rda, la plus ancienne formation politique du pays, en termes de popularité. Avec une légère avance pour le Pdci-Rda. Quant au Rdr, selon Soudan, il est plus «clivant», c'est-à-dire ceux qui l'aiment, l'aiment à mort et ceux qui le détestent, le détestent à en mourir. Avantage : les militants du Rdr sont moins enclins au vagabondage politique et plus fidèles à leur leader. Inconvénient : il est plus difficile d'y adhérer si on en n'en était pas membre au départ, car la frange des indécis envers ce parti est faible. Autre chose : la majorité des sondés ne croient pas à la tenue des élections pour le 29 novembre (44%), seuls 39% y croient toujours. Enfin, le plus important à nos yeux, plus important en tout cas que d'indiquer que Gbagbo part avec 43% d'intentions de vote favorables au premier tour, ce sont les attentes des Ivoiriens. Les Ivoiriens veulent que le prochain Président ait pour priorités l'emploi, l'accès aux soins médicaux, la lutte contre la pauvreté, l'amélioration de l'état des routes et la scolarisation.
Ultime preuve que «Jeune Afrique» a en sa possession les résultats du sondage effectués par la Sofres, le tableau qu'il reproduit en page 10 sur la perception que les Ivoiriens ont des principaux partis politiques. Selon ce graphique, le parti qui a la meilleure image auprès des Ivoiriens est le Pdci-Rda (59%), suivi du Fpi (56%). Ensuite vient (ô surprise !) le Pit avec 44%. Le Rdr ne vient qu'en quatrième position avec 34% d'opinions favorables sur le segment de gens interrogés. Le Rpp de Laurent Dona-Fologo avec ses 26% se paie le luxe de talonner l'Udpci qui bénéficie d'une bonne image auprès de 30% des gens sondés dans le segment concerné.
A contrario, selon le graphique de «Jeune Afrique», le parti politique qui a la plus mauvaise image auprès de l'opinion est le Rdr, avec 56% d'opinions négatives. Après lui, vient le Fpi (38%), le Rpp (37%), l'Udpci (36%) et le Pdci-Rda (32%). En termes clairs, selon ces chiffres, le Rdr est le parti politique qui a la plus mauvaise image en Côte d'Ivoire.
La leçon que «Jeune Afrique» tire de ce sondage d'avant-campagne, est celle-ci : « la lente progression d'un “vote moderne” et intercommunautaire en Côte d'Ivoire est la chance de Laurent Gbagbo, puisque c'est à lui, apparemment, que ce phénomène profite, ses concurrents ayant, eux, davantage intérêt à ce que les réflexes du vote “traditionnel” perdurent. » Comme l'indique le titre de l'article de François Soudan, c'est assurément un «sondage qui dérange».
Personnellement, nous pouvons tirer plusieurs leçons de cette enquête qui agite le marigot politique local. D'abord, il s'agit d'un sondage d'avant-campagne électorale proprement dite. Pour le moment, tous les candidats se disent en tournée pré-électorale. Evidemment, c'est un grossier cache-sexe, puisque chacun sait que la campagne bat actuellement son plein.
L'enquête permet donc aux adversaires de Gbagbo, et principalement à Alassane Dramane Ouattara, d'ajuster leur discours électoral voire de réorienter une partie de leur stratégie. Si Gbagbo est vraiment populaire chez les jeunes urbains, on doit chercher à savoir pourquoi et détecter les facteurs de cette adhésion, pour les détourner à son profit. Pourquoi les jeunes aimeraient-ils Gbagbo ? Parce qu'il donne de lui-même une image de brave (woody), de héros de western qui affronte tout seul une bande de malfaiteurs (les Occidentaux)? Parce qu'il se présente comme le nouvel héros de la décolonisation de l'Afrique ? Parce qu'il leur distribue de l'argent en les maintenant ainsi dans une forme de dépendance vis-à-vis de lui ? Parce qu'ils aiment la manière dont il a négocié la fin de la guerre et la sortie de crise ? Parce qu'il apparaît plus proche de leurs réalités quotidiennes que les autres candidats ? Tout cela doit, à notre avis, intéresser le Rdr. Parce que disons-le, le fait d'avoir la plus mauvaise image de tous les partis politiques ivoiriens, est très grave et doit pouvoir s'expliciter. Est-ce dû à une mauvaise communication du Président du parti ? Est-ce dû à l'attitude des cadres du Rdr envers la population? Est-ce dû à l'image de parti violent, ethniciste, putschiste véhiculée depuis plus d'une décennie par les médias officiels ? Est-ce dû à un déphasage du discours du candidat Ouattara avec les attentes de la population ?
Pourquoi les jeunes aiment Gbagbo ?
Tout cela doit être, à notre avis, soigneusement analysé avant les joutes décisives de novembre. Si ce travail scientifique n'est pas mené maintenant, à notre avis, l'élection de Ouattara est en danger. Parce qu'en termes d'intentions de vote, le Pdci-Rda et le Rdr se tiennent dans un mouchoir de poche (1% de voix de différences). Mais au finish, s'il doit y avoir confrontation entre ces deux candidats pour savoir lequel des deux affrontera Gbagbo au second tour, le Pdci-Rda ayant une meilleure image auprès de l'opinion, part avantagé.
Ensuite, Laurent Gbagbo dont chacun sait qu'il est le candidat du Fpi, n'a pas encore déclaré officiellement sa candidature. S'il entre en campagne véritable, il aura forcément l'avantage qu'a aux Etats Unis, le «sitting president», le président sortant. En général, les électeurs ont tendance à dire qu'il faut donner un dernier mandat au président sortant afin qu'il débarrasse définitivement le plancher. De plus Gbagbo, en plus d'être un redoutable rhéteur, dont la tâche sera de démolir l'image lisse de ses adversaires, aura forcément les moyens de l'Etat avec lui. Les moyens de l'Etat, ce sont la télé et la radio nationales qui n'arrivent pas à faire le distinguo entre les activités du chef de l'Etat et celle du candidat du Fpi. Les moyens de l'Etat, ce seront également les finances publiques qui vont supporter les frais de sécurité, de carburant des véhicules officiels, les dons en nature et - forcément - en espèces. Au moment où ses adversaires auront épuisé une bonne partie de leur budget de campagne, préservant l'essentiel pour les quinze jours de campagne officielle, Laurent Gbagbo lui entrera en lice avec un budget intact. Toutes les tournées pré-électorales déguisées qu'il effectue ou qu'il a effectuées sont qualifiées de visite d'Etat, donc prises en charge par le budget de l'Etat.
Dire donc que la véritable campagne va faire bouger les lignes ? Peut-être, mais à condition de commencer dès maintenant les réformes que nécessite la situation.
Touré Moussa