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Politique Publié le mercredi 29 juillet 2009 | Nord-Sud

A quatre mois de la présidentielle : Les dessous des vacances de Gbagbo à Korhogo

Le chef de l`Etat a décidé de passer ses vacances cette année à Korhogo. Derrière cette décision apparemment anodine, se cache d`énormes enjeux politiques.

L`information n`est pas encore publique, donc nous vous en livrons la primeur. Le chef de l`Etat, Laurent Gbagbo, a décidé de passer ses vacances cette année à Korhogo, capitale de la région des Savanes. Il mettra le gouvernement en congés dès la mi-août pour quinze jours. Et lui-même s`offrira quelques jours de repos. Ainsi, après Yamoussoukro, Tabou, etc. c`est le Nord de la Côte d`Ivoire qui a été choisi cette fois par le chef de l`exécutif ivoirien pour passer quelques jours de détente. Sur le plan symbolique, il veut montrer qu`on peut faire du tourisme domestique car chaque région du pays a des trésors à découvrir. Au plan politique, il donne le signe que le pays est complètement réunifié et que le Nord est placé sous la juridiction totale du gouvernement et l`autorité du président de la République. Le Préfet de la région des Savanes est déjà averti. Les services de renseignement sont à l`œuvre sur le terrain pour les investigations d`usage. Tout ceci paraîtrait bien anodin - quoi de plus banal qu`un chef d`Etat qui se repose dans son pays- si derrière ces vacances ne se cachaient pas des enjeux politiques colossaux. Gbagbo va à Korhogo, certes, mais pas pour se reposer. Il entre en terre du Poro comme César en terre de Gaule : en conquérant.

Le candidat putatif du Front populaire ivoirien (Fpi) à la présidentielle de novembre 2009 a compris une chose : il ne sera président de nouveau qu`à condition de déstabiliser durablement ses adversaires, y compris dans leurs bastions. Il veut donc lancer une Opa sur le grand Nord à partir de Korhogo. Cette opération a été mûrie de longue date et soigneusement planifiée. Ainsi, pour l`enterrement de Kassoum Coulibaly à Korhogo le 30 janvier 2009, il s`est déplacé en personne, emmenant avec lui le Premier ministre, plusieurs membres du gouvernement, le grand chancelier de l`Ordre national, le président du Conseil économique et social… A cette occasion, lui le chrétien, a offert cinq millions de F Cfa aux imams pour qu`ils prient sur le corps du défunt. A cette cérémonie, bien entendu, les absences de Henri Konan Bédié et d`Alassane Dramane Ouattara ont été fort remarquées. D`autant plus remarquées qu`un homme comme le Pr Francis Wodié, qui n`avait pas d`attache connue avec le défunt, a conduit en personne, la délégation de son parti à ces obsèques. Le Pdci-Rda était représenté par Djédjé Mady et le Rdr par Mme Henriette Diabaté. C`est à cette occasion qu`un homme, le Dr Issa-Malick Coulibaly, neveu du défunt et porte-parole de la famille Peleforo Gon-Coulibaly, se fera connaître. Le Dr Coulibaly est médecin pneumo-phtisiologue et de santé publique. Il est inspecteur au ministère de la santé et l`une des autorités africaines en matière de Vih-Sida. Connaissant le poids politique de la famille Gon-Coulibaly au Nord, Gbagbo va s`attacher d`abord à la fracturer. Le Rdr a Amadou Gon-Coulibaly, le Pdci-Rda a Souleymane Coulibaly, le fils de Kassoum Coulibaly. Gbagbo a décidé d`avoir Issa-Malick Coulibaly de son côté. Originellement issu du moule Pdci-Rda, le Dr Coulibaly connaît une ascension fulgurante. Ainsi, en avril 2009, il est nommé directeur de cabinet adjoint du président de la République, en remplacement de Mme Sarata Touré Ottro-Zirignon, décédée. Le Dr Coulibaly est une pièce maîtresse de son dispositif tactique pour prendre Korhogo.

Mais avant de lancer la grande offensive, Gbagbo procède par petites touches. Il se rapproche de plus en plus du Nord, physiquement et psychologiquement. Il procède ainsi personnellement au raccordement hydraulique de la ville de Korhogo au fleuve Bandama, le 10 juillet dernier. Ce projet coûtera 4 milliards de F Cfa. La ville privée d`eau depuis plusieurs années va enfin pouvoir se désaltérer. Et Coulibaly Malick présent, fait remarquer que c`est grâce à Gbagbo que cela est devenu possible. Qui ne connaît pas l`importance de l`eau, surtout pour le Nord ?

Avec sa nouvelle fonction de directeur de cabinet adjoint, le Dr Coulibaly entre dans la bataille pour le compte de Gbagbo. Il ne se passe pas de semaines sans qu`il ne distribue des engins à deux roues aux populations. En leur expliquant, bien sûr que ce sont des dons de Gbagbo. Il s`appuie pour cela sur un réseau de commerçants et d`hommes d`affaires, qui misent sur le cheval Gbagbo en espérant qu`il remportera la course. Ainsi, le 13 juillet 2009, un opérateur économique nordiste, M. Soro Kazié Manassé, PDG de la société Transco Inter, lui a offert 10 motos. L`homme de Gbagbo les a redistribués à ses parents, en leur précisant qu`il leur faisait ce don au nom de Laurent Gbagbo. Et d`ajouter : «Dieu demande d`être reconnaissant, alors sachons l`être envers le président Gbagbo au soir du 29 novembre 2009». Selon le mot d`une de nos sources, « ce sont des conteneurs de vélos et de motos que Malick distribue à nos parents au nom de Gbagbo ! C`est inquiétant parce qu`on n`a pas les moyens de rivaliser avec lui. Et les parents prennent ces vélos et ces motos, mais ils sont embêtés parce qu`ils voudraient que ce soit nous qui leur offrions mais on ne peut pas. »

L`homme de Gbagbo au Nord parraine toutes les manifestations comme celle de la promotion 2008-2011 de l`Infas de Korhogo. Il rencontre les chefs de villages comme ce fut le cas le 28 mars dans les villages de Louhouaha, Donombolo et Madinin, tous de la sous-préfecture de Korhogo. Les villageois en profitent pour lui soumettre leurs doléances (pompes hydrauliques à réparer, routes à dégager…). A ces requêtes le Dr Coulibaly répond qu`il va en référer à Gbagbo, lequel va y apporter une solution satisfaisante. Il distribue également des enveloppes aux chefs et aux notables pour les mettre à l`abri du besoin.

Face à l`armada financière déployée par le directeur de cabinet adjoint de Gbagbo, les cadres du Nord, notamment les élus de l`opposition, sont incapables d`apporter une réplique appropriée. Les collectivités locales ont été privées de financement pendant six ans par Gbagbo, les contraignant à la disette. Les cadres qui faisaient des dons aux populations se sont éclipsés à cause de la crise financière aigüe qui les frappe.

Face à la menace, les cadres du Rdr se sont réunis il y a deux semaines à la rue Lepic pour attirer l`attention de la direction nationale de campagne sur le péril Gbagbo au Nord. Ils ont bien fait entendre que leur tactique qui consiste à dire à leurs militants : « si on vous donne de l`argent au nom de Gbagbo, prenez et mangez car c`est pour nous tous », commence à atteindre ses limites.
Maintenant, Laurent Gbagbo a décidé d`aller lui-même sur le terrain, pour donner un coup de main décisif à l`action de son directeur de cabinet adjoint. Au cours de ses vacances présumées, il aura pour mission de toucher toutes les personnalités qui comptent à Korhogo (chefs de village, chefs de canton, chefs de clans, chefs de tribus, notables) pour les retourner. Selon nos sources, beaucoup d`argent sera distribué, beaucoup de dons seront faits dans l`objectif de troubler profondément l`électorat Rdr, principalement. Avec le départ de Kassoum Coulibaly, son fils Souleymane Coulibaly qui a pris la relève, ne fait pas véritablement le poids politiquement face au Dr Malick Coulibaly. Pour Gbagbo, l`obstacle ultime reste l`électorat Rdr. Et il entend se donner tous les moyens de conquérir cet électorat, ou à tout le moins, de le fracturer en deux. Pour cela, un séjour de deux semaines dans la cité du Poro n`est pas de trop.

Touré Moussa
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