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Politique Publié le mercredi 29 juillet 2009 | Notre Voie

Présidentielle de novembre 2009, aide extérieure: Gbagbo répond à ses détracteurs

Le président de la République, Laurent Gbagbo s'est confié à Marchés Africains dans son édition hors série consacrée entièrement à la Côte d'Ivoire. Le chef de l'Etat ivoirien fait le tour de grandes questions dans cet entretien que nous vous proposons.


Marchés Africains: Quelles mesures concrètes vont être prises, suite à la bousculade au stade Houphouet-Boigny qui s'est soldée 19 morts et 132 blessés, le 29 mars dernier?

Laurent Gbagbo : Je voudrais, au nom l'Etat de Côte d'Ivoire, renouveler aux familles éplorées mes condoléances les plus attristées et souhaiter un prompt rétablissement aux blessés.
Quant aux mesures dont vous parlez, les enquêtes sont en cours pour déterminer les responsabilités et pour prendre les sanctions adéquates. De plus, je compte faire mener une réflexion sur les activités de toutes les structures chargées d'organiser des événements qui entraînent des mouvements de foule (sports, spectacles...) afin de minimiser les risques liés à ce genre de situation.


M.A.:Monsieur le président, votre mandat s'achevait théoriquement en 2005. Ceux qui voulaient vous faire partir en 2002 par la force, même dans les rêves les plus fous imaginaient-ils que vous seriez encore là?

L.G. : Je crois que cette question devrait être posée aux concernés. Mais, je pense que tout cela fait partie du passé. Nous avons engagé un nouveau processus et il est heureux de constater que cela apporte les résultats escomptés. Nous faisons, en Afrique, une marche avec la démocratie. Elle n'est pas facile puisque le système est aussi lié à la culture, à l'éducation, aux mentalités... Ça viendra, on tâtonne mais d'ici quelques années, ce sera parfait.
Toutefois, il faut qu'en Afrique on comprenne définitivement que l'accession au pouvoir par les urnes reste la voie la meilleure pour garantir une stabilité politique.


M.A.: Est-ce que les conditions sont réunies cette année, en 2009, pour organiser ces fameuses élections présidentielles? De report en report, certains en sont arrivés à oublier qu'il y a des élections qui doivent se tenir en Côte d'Ivoire?

L.G.: Avant de répondre, permettez-moi de faire une précision car beaucoup de personnes racontent n'importe quoi sans savoir ce qui se passe en Côte d'Ivoire. La date n'est pas du ressort du chef de l'Etat; elle est proposée par la CEl (Commission électorale indépendante) qui tient compte des réalités techniques et sociopolitiques. Le chef de l'Etat vérifie si vraiment les conditions sont réunies et signe le décret. Cette commission électorale n'a pas été mise sur pied par moi, elle est l'émanation des Accords successifs et, en son sein, sont représentés tous les partis politiques significatifs.

Par ailleurs, c'est notre Constitution qui, en son article 38, nous dit “qu'en cas d'événements ou de circonstances graves, notamment d'atteinte à l'intégrité du territoire... le président de la République demeure en fonction”. Pour montrer ma bonne volonté d'aller aux élections, j'ai signé un décret en 2005.

On n'est pas allé aux élections, parce que sur le terrain tous les problèmes n'étaient pas résolus. Une seconde date a été proposée par la commission. Et j'ai signé le décret pour le 30 novembre 2008. Pour une seconde fois encore, elles n'ont pu se tenir à cause des problèmes sur le terrain. Je ne peux que booster le processus mais nous sommes plusieurs acteurs dans cette démarche, et si chaque entité joue son rôle ou participe activement à la réalisation de l'objectif, nous irons rapidement aux élections.


M. A. : On observe que les dividendes de la paix se font déjà sentir, en particulier sur l'économie de votre pays, en 2008, le taux de croissance était de 2,3 % ; en 2009, le FMI table sur 3,5 %, le taux le plus élevé depuis le début de la crise en 2002. Autrement dit, la machine économique a su et pu résister à cette crise. Comment l'expliquez-vous?

L.G.: La Côte d'Ivoire est un pays solide, les fondamentaux de l'économie ivoirienne sont demeurés grâce à la contribution de tous. Le binôme café-cacao, malgré les soubresauts, continue de renflouer nos caisses. La douane aussi apporte sa contribution. Les retombées du pétrole se font légèrement sentir. Et surtout, la paix redonne confiance aux investisseurs. C'est tout cela qui nous donne l'espoir d'un futur meilleur. Mais n'oublions pas qu'en mars 2003, nous devrions être déjà admis au point de décision de l'initiative PPTE à cause des efforts réalisés entre 2001 et 2002. Malheureusement, la guerre a tout gâché. Mais les performances actuelles sont les dividendes du retour de la paix et aussi de la rigueur dans la politique économique.


M.A.: Pourquoi le projet de transférer la capitale d'Abidjan à Yamoussoukro vous tient-il tellement à coeur? Présidence de la République, Assemblée nationale, Conseil économique et social, un processus énorme qui est en marche. Pensez-vous que toutes les représentations diplomatiques d'Abidjan suivront aussi ce mouvement administratif ivoirien?

En outre, le FMI et la Banque mondiale jugent que ce projet a engendré des dépassements de budget en 2008. Que leur répondez-vous ?

L.G.: La décision du transfert de la capitale date de 1983. J'étais encore dans l'opposition et j'avais alors émis de solides réserves parce que l'idée donnait l'impression qu'il fallait que chaque président de la République fasse de son village une nouvelle capitale. Comme vous le constatez, 20 ans après, si je n'avais pas décidé du transfert effectif de cette capitale nous serions au même stade qu'en 1983 et pourtant je ne suis pas originaire de Yamoussoukro. Mais quand on est président, il faut penser à la Nation et non à sa région. De plus, trop d'investissements ont été engagés à Yamoussoukro pour laisser mourir cette capitale; il était important de la redynamiser. Quant aux représentations diplomatiques, elles suivront le mouvement. La ville d'Abidjan étant suffisamment engorgée, la nouvelle capitale, Yamoussoukro, facilitera les contacts et les déplacements.

Pour les institutions internationales financières, nous tentons de rester dans les cadres définis; les dépassements budgétaires peuvent être maîtrisés au fur et à mesure. Ce qui est important à retenir, c'est l'objectif à atteindre.



M.A.: Ce changement, est-ce le symbole du renouveau de la Côte d'Ivoire que justement vous souhaitez incarner et marquer, après tout ce que votre pays a connu, suite au coup de force de 2002?

L.G. : Oui, nous faisons de la prospective. Nous voulons construire une nouvelle Côte d'Ivoire axée sur les valeurs de notre devise: “Union, Discipline, Travail”. Nous ne voulons plus être surpris par la croissance démographique d'Abidjan qui nous oblige aujourd'hui à de très grosses acrobaties sur tous les plans. C'est en pensant à ce que nous vivons aujourd'hui, dans cette cité, que nous avons décidé de réaliser la maquette du “Grand Abidjan” qui projette “Abidjan dans les trente ans à venir” afin de faciliter le travail de nos successeurs.


M. A.: En décidant de supprimer la carte de séjour pour les Africains vivant sur le sol ivoirien, était-ce une décision électoraliste ou pour donner un sens à votre conception du mot intégration africaine?

L.G. : Je crois beaucoup à l'intégration africaine et notamment sous-régionale. Ceux qui ont instauré la carte de séjour ont voulu créer un conflit entre les Ivoiriens, et les ressortissants de la CEDEAO. Nous voulons vivre en paix avec les communautés étrangères installées dans notre pays.


M.A.: Selon vous, Monsieur le président, cette intégration pourra-t-elle être favorisée si les pays au sein de la Cedeao n'arrivent pas à tomber d'accord sur une monnaie commune ?

L.G.: L'intégration est un processus de longue durée et qui prend en compte plusieurs aspects de la vie en communauté. Regardez la construction de l'Union Européenne, elle a pris des décennies, nous aussi nous allons à notre rythme. Tous les points sont traités au fur et à mesure. Le plus important, c'est la volonté politique de réussir ce “challenge” qui profitera, à terme, à près de 300 millions d'habitants. La question de la monnaie est effectivement importante, c'est pourquoi, elle doit être étudiée avec sagesse à cause de la diversité actuelle qui caractérise les Etats. L'Europe s'est créée en 1956 mais c'est en 2000 que les Européens sont allés à l'euro.


M. A.: L'économie ivoirienne se diversifie. Outre le cacao dont vous êtes le premier producteur mondial, et les recettes du port d'Abidjan, il y a aussi la production du pétrole qui est en train d'augmenter. Qu'en est-il de l'exploitation de l'or ivoirien ?

L.G. : Pour le moment, nous n'avons qu'une production infime de pétrole mais les recherches se poursuivent pour que dans les dix ans à venir, nous soyons parmi les pays producteurs de pétrole de la sous-région. Pour les autres métaux, on poursuit le travail. On en parlera quand on sera bien avancé.


M.A. : Votre pays a été éligible à l'initiative PPTE et va bénéficier de près de 258 milliards FCFA pour pouvoir relancer son économie. Comment sera utilisée cette manne financière? En outre, allez-vous pouvoir cette fois-ci résoudre l'épineux problème de la masse salariale qui ne doit pas dépasser 35 % des ressources propres ? Or en Côte d'Ivoire, elle équivaut pratiquement à la moitié du budget (40%).

L.G. :Allons étape par étape. Si nous obtenons des institutions financières l'aide dont nous avons besoin, nous ferons une table ronde avec les spécialistes pour proposer les éléments solides qui vont réduire considérablement la pauvreté dans notre pays comme nous le souhaitons. L'aide extérieure ne peut pas développer mon pays. Les appuis budgétaires que nous recevons aujourd'hui iront en priorité au remboursement de la dette intérieure pour relancer l'emploi. Nous voulons avant tout compter sur nous-mêmes et offrir des emplois aux jeunes qui pourront créer leurs propres structures qu'ils gèreront afin de résorber le chômage.


M.A.: Quelle réaction vous inspire ce commentaire de votre Premier ministre, Guillaume Soro qui a affirmé l'an dernier que ses “ambitions politiques” ne seront connues qu'au lendemain de la présidentielle? Est-ce que cela suppose que Soro va appeler à voter Gbagbo à la présidentielle?

L.G.: Cela fait la deuxième fois que vous me posez des questions qui doivent être adressées à d'autres. Je vous suggère de vous tourner vers eux pour avoir des réponses bien précises.


M.A.: Il vous est arrivé d'avoir une pensée pour Churchill, qui a été battu aux élections au sortir de la guerre, alors qu'il avait résisté comme combattant pour que son pays reste debout. Est-ce que cette éventualité vous effleure l'esprit de temps en temps?

L.G.: Churchill, c'est Churchill; Gbagbo Laurent, c'est Gbagbo Laurent. Mon parcours politique n'est pas celui de Churchill. Les Ivoiriens ne sont pas les Anglais; les époques ne sont pas les mêmes, les contextes non plus, les réalités dans les pays riches sont différentes des nôtres. Pour revenir à Churchill, mes compatriotes doivent savoir que la guerre n'est pas un tremplin politique. Une chose est d'être le héros d'une guerre et une autre est d'incarner l'espérance et les attentes d'un peuple au sortir d'une guerre. La guerre est venue perturber nos projets et ambitions pour la Côte d'Ivoire. Elle ne les a nullement compromis. Nous ne sommes pas retournés à la case départ. C'est pourquoi, nous pouvons continuer ensemble sur la voie de la modernisation politique et économique de la Côte d'Ivoire.

Aux dernières élections présidentielles, j'ai été élu sur un programme de gouvernement dont je vous cite 3 axes: un, l'Assurance Maladie Universelle(AMU) pour permettre à chacun d'avoir accès à un médecin si son état de santé l'exige; deux, la gratuité de l'école pour que chaque enfant de ce pays puisse aller à l'école et trois, la décentralisation pour permettre aux populations d'élire démocratiquement leurs représentants afin qu'élus et citoyens, tous ensemble oeuvrent pour le développement de la région.



Propos recueillis par Christian Lapeyre
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