Alors qu’ils ont été régulièrement invités par le ministre de la Culture et de la Francophonie au Panaf à Alger, les écrivains Bandama Maurice et Fatou Kéita ont été quasiment séquestrés une fois sur place. Mme Kéita crie sa colère face à ce mépris.
Comment avez-vous été accueillie en Algérie ?
A notre arrivée, nous avons été mis sous escorte. Nous étions tout contents, nous disant que cet accueil nous a été réservé pour le prestige de la Côte d’Ivoire. On ne savait pas que c’était pour nous enfermer au village des artistes. C’était une très belle cité construite pour le festival. Il faut féliciter le gouvernement algérien, car la construction s’est faite en 9 mois. Mais, les deux écrivains ivoiriens que nous étions, Maurice Bandama et moi-même, avons été mis dans ce complexe où il y avait des groupes folkloriques. Ce n’était pas notre milieu. Nous avons été abandonnés dans ce lieux, sans programme, sans radio, ni télé, rien.
Qu’en est-il de votre participation au festival ?
Je n’ai rien vu. J’étais prisonnière dans une cité. Nous n’avons participé à aucun colloque, aucune rencontre. Nous n’avons rien vu. Même pas la cérémonie d’ouverture.
Y avait-il d’autres écrivains dans la même situation?
C’est vers la fin que j’ai rencontré un écrivain centrafricain. Il y avait d’autres écrivains, mais ils étaient logés ailleurs dans d’autres cités ou dans des hôtels. Il y avait sûrement de nombreux écrivains algériens et plusieurs autres venant d’Afrique. Mais, nous ne savons pas la raison pour laquelle nous avons été logés au village des artistes.
Qui vous avait invités ?
J’ai été sélectionnée par le ministère de la Culture. J’ai été contactée par téléphone pour me dire que je suis la représentante de la Côte d’Ivoire en littérature pour la jeunesse. C’est un honneur. J’étais très contente et fière. C’est le ministère de la Culture donc l’Etat de Côte d’Ivoire qui m’a envoyée là-bas. Je sais que le festival a été organisé par l’Algérie et que c’est ce pays qui a invité tout le monde et qui a payé les billets d’avion, la restauration, etc. Je crois qu’il faut louer les efforts fournis par les autorités algériennes. Moi, ce que je dis, c’est que nos autorités ne nous ont pas aidés. Parce qu’il y avait environ 6.000 festivaliers dont 2.000 dans notre cité. Il fallait que chaque Etat prenne soin de ses ressortissants. Le ministre (Ndlr, ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie, Augustin Komoé) a joué son rôle en venant nous voir. A cette visite, nous lui avons présenté notre problème. Il était accompagné de ses conseillers, de Monsieur l’ambassadeur de la Côte d’Ivoire en Algérie, d’une Algérienne membre de l’organisation du Panaf. Nous lui avons dit que depuis notre arrivée, il n’y avait rien pour nous. Nous n’avions pas de programme et nous ne savions pas où se trouvaient les autres écrivains.
Quelle a été sa réponse ?
Il a reconnu que notre présence à cet endroit était une erreur et que les écrivains ne devaient pas être là. Dès leur arrivée ils se sont rendus compte que ce n’était pas la place des écrivains car il y avait beaucoup de bruit. L’Algérienne qui les accompagnait a dit pareil. Ils nous ont promis que dès le lendemain nous serions déplacés et nous aurions nos programmes pour participer effectivement au festival. Ils sont partis et plus rien n’a été fait. Nous avons été abandonnés.
La faute n’est-elle pas aux organisateurs ?
Certes les organisateurs ont leur part de responsabilité, mais, je pense que nos autorités auraient pu faire quelque chose pour nous aider. J’ai vu l’ambassadeur d’un pays africain organiser des manifestations avec sa délégation. Cela signifie que notre gouvernement ne s’est pas impliqué. Il savait que ses ressortissants étaient là. Nous avons signalé notre problème. En plus d’être écrivain, Maurice Bandama est maire d’une commune, il a été PCA de la RTI. Moi, je suis universitaire. Je suis écrivain et je crois avoir fait mes preuves en matière de culture. On ne peut pas aller jeter des personnes comme nous quelque part sans s’occuper d’elles. Lorsqu’on vous déplace, c’est avec des frais de mission, des per-diem. On ne peut pas déconsidérer des personnes jusqu’à ce point. Les conseillers du ministre sont mes collègues. On ne peut pas nous rabaisser, c’est humiliant. Je crois que nous n’avons pas été respectés. J’ai vu le ministre en aparté en lui faisant cas de ce que nous n’avions pas reçu de frais de mission ni de per-diem. Il a ri en me disant que nous étions pris en charge jusqu’au café. Il a dit avoir donné des instructions à Abidjan pour nous faire parvenir une somme forfaitaire et qu’il espérait que ce serait fait bientôt. Je crois que c’était pour nous endormir.
Avez-vous effectivement été pris en charge jusqu’au café ?
Bon. On était pris en charge. Il y avait la restauration. Mais, c’était des cantines. De grands restaurants. 2.000 festivaliers, c’était du monde. On faisait la queue sous le soleil pour aller manger. Mais ce n’était pas cela le plus difficile. Ce qui nous a frustrés, c’est le sentiment d’être venus pour rien.
Lorsque vous avez été invités, qu’est-ce qui avait été prévu pour vous?
Nous devions participer comme dans tous les festivals à des colloques, des rencontres, des débats. Les rencontres ont eu lieu mais sans nous ! Nous étions à 40 km d’Alger, très éloignés. Les manifestations avaient lieu en dehors de ce complexe. Nous n’avons assisté à rien.
Pourquoi n’avez-vous pas cherché vous-mêmes à aller assister aux manifestations ?
Je vous dis que nous étions en prison, la cité étant fermée par des grilles, avec des vigiles et policiers à l’intérieur. On ne pouvait pas en sortir. On ne sortait qu’avec un guide ou en délégation pour une mission bien précise. Les jeunes danseurs (ivoiriens) qui étaient avec nous au village des artistes avaient leurs programmes. Ils allaient à Tizi-Ouzou et dans d’autres villes. Nous, nous n’avons rien fait.
Ce qui veut dire que depuis Abidjan, vous n’aviez aucun programme…
Non. Nous n’avons reçu aucun programme. Mais, vous savez, il arrive souvent qu’il y ait de petits retards de ce genre, mais dès que vous arrivez sur place, on vous remet des sacoches où il y a tout. Cela n’a pas été le cas pour nous. Nous sommes arrivés et nous n’avons rien reçu malgré toutes nos démarches pour avoir un programme. Notre ambassadeur et le conseiller culturel en étaient bien avertis mais rien ne s’est passé. Nous avons été méprisés. J’ai transporté mes livres moi-même. Et ces livres, j’ai dû les distribuer. Il n’y a pas eu d’exposition. Les autres écrivains, les Algériens n’ont pas vu mes livres. Quand on va à ce genre de rencontre, c’est pour des échanges. Il peut y avoir quelqu’un qui va dire : ton livre est très beau, je vais le traduire en arabe. C’est cela l’intérêt de ces rencontres. Mais, il n’y a rien eu. Nous n’avons vu les manifestations qu’à travers l’internet. Il n’y avait que 40 postes connectés et c’était la bagarre pour pouvoir les utiliser. Quand je pensais à tout le travail que j’avais laissé à Abidjan et que j’étais venue passer une semaine entière à m’ennuyer alors que j’ai un roman en chantier et de nombreuses activités, je dis que ce n’est pas normal.
Qu’est-ce que vous aviez prévu de présenter à ce festival ?
C’était une bonne occasion de montrer ce que nous produisons en matière de littérature jeunesse en Côte d’Ivoire. En la matière, nous sommes parfaitement compétitifs. Nos livres sont beaux et ils voyagent. En ce moment, mes livres font le tour du monde. C’était une occasion extraordinaire d’avoir des traductions en arabe. C’est vraiment dommage.
Il y avait une forte délégation ivoirienne à ce festival. Vous êtes la première à vous plaindre publiquement. Les autres n’étaient-ils pas dans les mêmes conditions que vous ?
Les autres étaient dans les mêmes conditions, sauf qu’eux, au moins, avaient un programme. Il y avait un groupe théâtral, des musiciens et des danseurs. Nous étions dans la même cité. Ils étaient séquestrés un peu comme nous, mais eux avaient un programme qui leur permettait d’aller tel jour dans telle ville pour une manifestation. Ils ont fait ce pour quoi ils sont venus. Même s’ils n’ont pas pu sortir pour aller visiter la ville. Ils sont venus pour montrer ce qu’ils savent faire et ils l’ont fait. Il y a même un groupe qui, je crois, a remporté un prix là-bas. C’était quand même un peu différent sans compter qu’il s’agissait de jeunes personnes.
N’est-ce pas une autre manifestation du désintérêt pour la littérature en Côte d’Ivoire ?
Je pense que vous avez parfaitement raison. Sur une soixantaine de festivaliers ivoiriens, il n’y avait que deux écrivains. Ça veut tout dire. La culture passe par le livre. Il n’y avait que deux écrivains et ces deux petits écrivains furent complètement oubliés. Oui, cela reflète la considération qu’on donne à la lecture et au livre d’une façon générale. Ç’aurait été des joueurs de football, on les aurait logés en première loge. Je suis triste pour la Côte d’Ivoire. On me doit réparation. Je ne parle pas pour Maurice Bandama, il pourra s’exprimer lui-même. On me doit réparation pour le préjudice moral et matériel. Déjà, les frais de mission, on me les doit. J’ai été envoyée en mission par le ministère de la Culture, donc par l’Etat de Côte d’Ivoire. Si au moins nous ne nous étions pas plaints et que nos autorités n’étaient pas averties des problèmes que nous avions, je l’aurais compris. Je les ai prévenues de ce que je ne me tairais pas de retour chez nous. Notre plainte a été prise à la légère.
N’est-ce pas la preuve que votre action est d’avance vouée à l’échec ?
Je ne m’attends à rien. Mais, j’aurai marqué le coup. J’aurai dit ce que j’avais à dire. Ceux qui me connaissent savent que je dis toujours ce que je pense.
Ne craignez-vous pas que votre sortie soit interprétée comme une quête d’argent ?
Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent. Mais, je pense que toute personne qui va lire le traitement qui nous a été fait sera outrée. Tous ceux qui sont partis avec le ministre se sont déplacés avec des frais de mission. Il n’y a pas de raison que nous n’en ayons pas. Je ne suis pas à cela près. Avec mes livres et je le dis sans fausse modestie, j’ai fait le tour du monde. Mais c’est ce genre de mépris que je ne tolère pas. Les écrivains que nous sommes méritons pleinement le respect de la Nation.
Interview réalisée par S.A
Comment avez-vous été accueillie en Algérie ?
A notre arrivée, nous avons été mis sous escorte. Nous étions tout contents, nous disant que cet accueil nous a été réservé pour le prestige de la Côte d’Ivoire. On ne savait pas que c’était pour nous enfermer au village des artistes. C’était une très belle cité construite pour le festival. Il faut féliciter le gouvernement algérien, car la construction s’est faite en 9 mois. Mais, les deux écrivains ivoiriens que nous étions, Maurice Bandama et moi-même, avons été mis dans ce complexe où il y avait des groupes folkloriques. Ce n’était pas notre milieu. Nous avons été abandonnés dans ce lieux, sans programme, sans radio, ni télé, rien.
Qu’en est-il de votre participation au festival ?
Je n’ai rien vu. J’étais prisonnière dans une cité. Nous n’avons participé à aucun colloque, aucune rencontre. Nous n’avons rien vu. Même pas la cérémonie d’ouverture.
Y avait-il d’autres écrivains dans la même situation?
C’est vers la fin que j’ai rencontré un écrivain centrafricain. Il y avait d’autres écrivains, mais ils étaient logés ailleurs dans d’autres cités ou dans des hôtels. Il y avait sûrement de nombreux écrivains algériens et plusieurs autres venant d’Afrique. Mais, nous ne savons pas la raison pour laquelle nous avons été logés au village des artistes.
Qui vous avait invités ?
J’ai été sélectionnée par le ministère de la Culture. J’ai été contactée par téléphone pour me dire que je suis la représentante de la Côte d’Ivoire en littérature pour la jeunesse. C’est un honneur. J’étais très contente et fière. C’est le ministère de la Culture donc l’Etat de Côte d’Ivoire qui m’a envoyée là-bas. Je sais que le festival a été organisé par l’Algérie et que c’est ce pays qui a invité tout le monde et qui a payé les billets d’avion, la restauration, etc. Je crois qu’il faut louer les efforts fournis par les autorités algériennes. Moi, ce que je dis, c’est que nos autorités ne nous ont pas aidés. Parce qu’il y avait environ 6.000 festivaliers dont 2.000 dans notre cité. Il fallait que chaque Etat prenne soin de ses ressortissants. Le ministre (Ndlr, ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie, Augustin Komoé) a joué son rôle en venant nous voir. A cette visite, nous lui avons présenté notre problème. Il était accompagné de ses conseillers, de Monsieur l’ambassadeur de la Côte d’Ivoire en Algérie, d’une Algérienne membre de l’organisation du Panaf. Nous lui avons dit que depuis notre arrivée, il n’y avait rien pour nous. Nous n’avions pas de programme et nous ne savions pas où se trouvaient les autres écrivains.
Quelle a été sa réponse ?
Il a reconnu que notre présence à cet endroit était une erreur et que les écrivains ne devaient pas être là. Dès leur arrivée ils se sont rendus compte que ce n’était pas la place des écrivains car il y avait beaucoup de bruit. L’Algérienne qui les accompagnait a dit pareil. Ils nous ont promis que dès le lendemain nous serions déplacés et nous aurions nos programmes pour participer effectivement au festival. Ils sont partis et plus rien n’a été fait. Nous avons été abandonnés.
La faute n’est-elle pas aux organisateurs ?
Certes les organisateurs ont leur part de responsabilité, mais, je pense que nos autorités auraient pu faire quelque chose pour nous aider. J’ai vu l’ambassadeur d’un pays africain organiser des manifestations avec sa délégation. Cela signifie que notre gouvernement ne s’est pas impliqué. Il savait que ses ressortissants étaient là. Nous avons signalé notre problème. En plus d’être écrivain, Maurice Bandama est maire d’une commune, il a été PCA de la RTI. Moi, je suis universitaire. Je suis écrivain et je crois avoir fait mes preuves en matière de culture. On ne peut pas aller jeter des personnes comme nous quelque part sans s’occuper d’elles. Lorsqu’on vous déplace, c’est avec des frais de mission, des per-diem. On ne peut pas déconsidérer des personnes jusqu’à ce point. Les conseillers du ministre sont mes collègues. On ne peut pas nous rabaisser, c’est humiliant. Je crois que nous n’avons pas été respectés. J’ai vu le ministre en aparté en lui faisant cas de ce que nous n’avions pas reçu de frais de mission ni de per-diem. Il a ri en me disant que nous étions pris en charge jusqu’au café. Il a dit avoir donné des instructions à Abidjan pour nous faire parvenir une somme forfaitaire et qu’il espérait que ce serait fait bientôt. Je crois que c’était pour nous endormir.
Avez-vous effectivement été pris en charge jusqu’au café ?
Bon. On était pris en charge. Il y avait la restauration. Mais, c’était des cantines. De grands restaurants. 2.000 festivaliers, c’était du monde. On faisait la queue sous le soleil pour aller manger. Mais ce n’était pas cela le plus difficile. Ce qui nous a frustrés, c’est le sentiment d’être venus pour rien.
Lorsque vous avez été invités, qu’est-ce qui avait été prévu pour vous?
Nous devions participer comme dans tous les festivals à des colloques, des rencontres, des débats. Les rencontres ont eu lieu mais sans nous ! Nous étions à 40 km d’Alger, très éloignés. Les manifestations avaient lieu en dehors de ce complexe. Nous n’avons assisté à rien.
Pourquoi n’avez-vous pas cherché vous-mêmes à aller assister aux manifestations ?
Je vous dis que nous étions en prison, la cité étant fermée par des grilles, avec des vigiles et policiers à l’intérieur. On ne pouvait pas en sortir. On ne sortait qu’avec un guide ou en délégation pour une mission bien précise. Les jeunes danseurs (ivoiriens) qui étaient avec nous au village des artistes avaient leurs programmes. Ils allaient à Tizi-Ouzou et dans d’autres villes. Nous, nous n’avons rien fait.
Ce qui veut dire que depuis Abidjan, vous n’aviez aucun programme…
Non. Nous n’avons reçu aucun programme. Mais, vous savez, il arrive souvent qu’il y ait de petits retards de ce genre, mais dès que vous arrivez sur place, on vous remet des sacoches où il y a tout. Cela n’a pas été le cas pour nous. Nous sommes arrivés et nous n’avons rien reçu malgré toutes nos démarches pour avoir un programme. Notre ambassadeur et le conseiller culturel en étaient bien avertis mais rien ne s’est passé. Nous avons été méprisés. J’ai transporté mes livres moi-même. Et ces livres, j’ai dû les distribuer. Il n’y a pas eu d’exposition. Les autres écrivains, les Algériens n’ont pas vu mes livres. Quand on va à ce genre de rencontre, c’est pour des échanges. Il peut y avoir quelqu’un qui va dire : ton livre est très beau, je vais le traduire en arabe. C’est cela l’intérêt de ces rencontres. Mais, il n’y a rien eu. Nous n’avons vu les manifestations qu’à travers l’internet. Il n’y avait que 40 postes connectés et c’était la bagarre pour pouvoir les utiliser. Quand je pensais à tout le travail que j’avais laissé à Abidjan et que j’étais venue passer une semaine entière à m’ennuyer alors que j’ai un roman en chantier et de nombreuses activités, je dis que ce n’est pas normal.
Qu’est-ce que vous aviez prévu de présenter à ce festival ?
C’était une bonne occasion de montrer ce que nous produisons en matière de littérature jeunesse en Côte d’Ivoire. En la matière, nous sommes parfaitement compétitifs. Nos livres sont beaux et ils voyagent. En ce moment, mes livres font le tour du monde. C’était une occasion extraordinaire d’avoir des traductions en arabe. C’est vraiment dommage.
Il y avait une forte délégation ivoirienne à ce festival. Vous êtes la première à vous plaindre publiquement. Les autres n’étaient-ils pas dans les mêmes conditions que vous ?
Les autres étaient dans les mêmes conditions, sauf qu’eux, au moins, avaient un programme. Il y avait un groupe théâtral, des musiciens et des danseurs. Nous étions dans la même cité. Ils étaient séquestrés un peu comme nous, mais eux avaient un programme qui leur permettait d’aller tel jour dans telle ville pour une manifestation. Ils ont fait ce pour quoi ils sont venus. Même s’ils n’ont pas pu sortir pour aller visiter la ville. Ils sont venus pour montrer ce qu’ils savent faire et ils l’ont fait. Il y a même un groupe qui, je crois, a remporté un prix là-bas. C’était quand même un peu différent sans compter qu’il s’agissait de jeunes personnes.
N’est-ce pas une autre manifestation du désintérêt pour la littérature en Côte d’Ivoire ?
Je pense que vous avez parfaitement raison. Sur une soixantaine de festivaliers ivoiriens, il n’y avait que deux écrivains. Ça veut tout dire. La culture passe par le livre. Il n’y avait que deux écrivains et ces deux petits écrivains furent complètement oubliés. Oui, cela reflète la considération qu’on donne à la lecture et au livre d’une façon générale. Ç’aurait été des joueurs de football, on les aurait logés en première loge. Je suis triste pour la Côte d’Ivoire. On me doit réparation. Je ne parle pas pour Maurice Bandama, il pourra s’exprimer lui-même. On me doit réparation pour le préjudice moral et matériel. Déjà, les frais de mission, on me les doit. J’ai été envoyée en mission par le ministère de la Culture, donc par l’Etat de Côte d’Ivoire. Si au moins nous ne nous étions pas plaints et que nos autorités n’étaient pas averties des problèmes que nous avions, je l’aurais compris. Je les ai prévenues de ce que je ne me tairais pas de retour chez nous. Notre plainte a été prise à la légère.
N’est-ce pas la preuve que votre action est d’avance vouée à l’échec ?
Je ne m’attends à rien. Mais, j’aurai marqué le coup. J’aurai dit ce que j’avais à dire. Ceux qui me connaissent savent que je dis toujours ce que je pense.
Ne craignez-vous pas que votre sortie soit interprétée comme une quête d’argent ?
Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent. Mais, je pense que toute personne qui va lire le traitement qui nous a été fait sera outrée. Tous ceux qui sont partis avec le ministre se sont déplacés avec des frais de mission. Il n’y a pas de raison que nous n’en ayons pas. Je ne suis pas à cela près. Avec mes livres et je le dis sans fausse modestie, j’ai fait le tour du monde. Mais c’est ce genre de mépris que je ne tolère pas. Les écrivains que nous sommes méritons pleinement le respect de la Nation.
Interview réalisée par S.A