Ça me révolte : Haro sur les anti-Bébéto

Les paresseux de la République s’en souviendront encore longtemps. Et c’est de bonne guerre. Vendredi, fête de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le président de la République a réservé son commentaire à eux. Il les a vivement interpellés sur le risque qu’ils font courir à leur pays en refusant de se mettre au travail pour se nourrir et nourrir leur progéniture. Ces paresseux-là, ils se rencontrent partout : au Nord, au Sud, au Centre, à l’est et surtout à l’Ouest. Pour ce 49ème anniversaire de la Côte d’Ivoire indépendante, Laurent Gbagbo a décidé de s’attaquer principalement aux paysans paresseux. C’est que, bien que possédant d’énormes potentialités naturelles pour ne pas avoir faim, chaque année, la famine s’abat sur eux. Et c’est grâce aux interventions de leurs fils et frères vivant en ville qu’ils arrivent à s’en sortir. Pour le chef de l’Etat, cet état de fait ne doit plus s’imposer à eux. Mais pour arriver à vaincre ce signe indien, il leur propose d’abord de prendre conscience d’une chose : là où pousse une herbe, peut se développer l’agriculture. Secondement, il leur demande de copier l’exemple d’Albert dit Bébéto, Burkinabè vivant dans la région de Ouragahio. Celui-ci, n’ayant pas de terres cultivables à proprement parler, utilise tous les espaces, même ceux compris entre deux cases, pour planter du piment, de l’aubergine, etc. L’exemple de Bébéto (qui devrait devenir célèbre comme Jo le plombier aux Etats-Unis) doit être pris et enseigné partout pour que les Ivoiriens se mettent au travail, franchement.

Le fait que cet exemple vienne de là-haut est une excellente chose puisque jusque-là, l’on avait le sentiment que, comme toujours, l’Etat voyait le mal ronger la société et regardait faire. Maintenant, il faut que les moyens suivent pour mettre ces anti-Bébéto au pied du mur. Car, s’il existe effectivement de très grands paresseux dans nos villages et campements, il existe aussi de très grands travailleurs à qui il manque totalement des moyens pour réaliser leur rêve. Ces gens-là, l’Etat devrait les accompagner. A cet effet, il est heureux de saluer la présence de quelques agents de l’ANADER qui accompagnent certains cultivateurs dans certaines zones du pays. Si l’Etat est conscient qu’il lui faut mettre ses concitoyens au travail, il se doit d’encourager fortement l’initiative de l’ANADER qui va au secours des paysans avec limes, machettes, bottes, semences, engrais et tous autres conseils pouvant aider à rendre moins pénible le travail des cultivateurs.

Qu’on se le tienne pour dit. C’est la course folle à l’argent facile qui se fait dans les villes qui a gagné les villages. D’où l’abandon des cultures vivrières (riz, maïs, gombo, aubergine, igname, etc.) pour les cultures de rente (café, cacao, hévéa, jatrofa, etc.). Une pratique qui crée forcément une dépendance chronique vis-à-vis de l’extérieur. S’il n’y a plus de possibilité de faire revenir la SODERIZ et autres qui ont disparu à cause des problèmes personnels et politiciens ; il faut à l’Etat trouver un nouveau mode de gestion de ces planteurs fondé sur la communication. Il faut informer activement les populations sur la nécessité de cultiver le vivrier qui a l’avantage de donner à manger et de l’argent. Ce que ne peut faire, pour le moment, le café encore moins le jatrofa qui ne sont bons que pour l’exportation. Il n’est pas normal, nous en convenons, d’avoir autant de terres arables et ne pas en bénéficier. Par exemple, pour la culture du riz, un accent particulier peut être mis sur l’utilisation des bas-fonds, qui s’étendent parfois sur des milliers d’hectares, afin de préserver la forêt. Disons-le aussi, les paresseux, les anti-Bébéto ne sont pas seulement dans les villages et campements. Ils sont aussi dans le gouvernement où des ministres n’ont aucun plan directeur de leur secteur. La preuve !

Par Abdoulaye Villard Sanogo