Notre Voie publie aujourd’hui la suite et la fin de l’entretien réalisé avec Yves Sawadogo, l’agent de joueurs burkinabé. Dans cette partie, il s’insurge contre le complexe développé par les footballeurs africains à l’égard des agents européens. Notre Voie : D’accord, mais pouvez-vous néanmoins citer quelques noms? Yves Sawadogo : Bien sûr. Dans le désordre, je citerai Obame Eyeng, le fils de Pierre Obame, dont je suis aujourd’hui fier de l’éclosion à Lille. Viré de Bastia, le petit est parti au Milan AC où il a évolué dans les catégories de jeunes avant de revenir en France, à Dijon en D2. Aujourd’hui, il joue à un niveau supérieur. C’est vrai que je ne suis plus son agent, mais nous avons de bonnes relations. Il y a également quelques jeunes joueurs qui sont très intéressants. On note Seydou Sankara, un des meilleurs espoirs maliens, Hervé Zingoué qui est en République tchèque, Salif Noko, un joueur burkinabé plein de qualités, qui est sans club et pour qui je dois me rendre en France pour entamer les discussions. N.V. : Aider efficacement ceux qui aspirent à une vie meilleure est-il ce qui vous intéresse le plus en tant qu’agent de joueurs ? Que voulez-vous léguer à la postérité ? Y.S. : Quand on parle de football, les gens voient tout de suite l’argent. C’est quelque chose qui me dérange énormément. Parce que partout où il y a de l’argent, les gens ne sont pas toujours forcément corrects. Moi, ce qui m’intéresse dans mon métier d’agent de joueurs, c’est de prendre un gamin issu d’un milieu modeste et de lui donner la possibilité de gagner très bien sa vie afin qu’il aide sa famille. C’est d’ailleurs pourquoi je me suis toujours arrangé pour que les parents bénéficient de quelque chose dans les différentes transactions que j’ai menées pour un joueur. J’ai rarement vu un enfant issu d’une famille aisée réussir au football. Je veux simplement faire comprendre aux gens que le football n’est pas seulement une affaire d’argent. C’est la passion, c’est la vie. Et il n’est pas permis à tout le monde de vivre de sa passion. N.V. : Est-il plus facile pour un Africain de manager des joueurs africains que des joueurs européens ou sud américains ? Y.S. : En principe, un agent de joueurs doit travailler pour toutes les nationalités. Comme vous m’en donnez l’occasion, je voudrais indiquer qu’il est difficile de faire comprendre aux joueurs africains que ceux en qui ils ont entièrement confiance et les agents africains qu’ils trahissent souvent ont les mêmes connaissances du football. Il faut éviter de croire que parce que tel est Africain, il est incapable de gérer la carrière d’un joueur. Pape Diouf a géré avec succès la carrière de plusieurs joueurs de diverses nationalités. Ce que je retiens surtout, c’est ce complexe que les footballeurs africains ont vis-à-vis des agents européens qui sont nos collègues. Nous savons ce qu’ils disent des joueurs originaires d’Afrique. N.V. : Vous en avez les boules, n’est-ce pas ? Y.S. : Bien sûr.. Je vais vous donner l’exemple de Rigobert Song, le Camerounais, qui est un ami. Il m’a un jour expliqué une situation. West Ham dont il était sociétaire en Angleterre le prête à Cologne. Après une bonne saison, le Bayern de Munich est intéressé par sa venue en Bavière. Au moment des discussions pour conclure un contrat, Song se rend compte qu’à West Ham, il avait pratiquement le double du salaire de Samuel Osei Kuffour qui avait déjà tout eu avec le Bayern en 10 ans. C’est dire que quand Kuffour glanait des lauriers, il ne gagnait pas grand’chose financièrement. Quand je vois que Samuel Eto’0 ne peut pas bénéficier des mêmes avantages que Lionel Messi au FC Barcelone, je me dis qu’il y a un grave problème. Les footballeurs africains doivent comprendre qu’il est temps de donner du pouvoir aux agents de joueurs africains. Si un joueur africain qui a la cote en Europe impose un agent africain, les clubs n’ont pas d’autre choix que de travailler avec lui. N.V. : Les agents de joueurs, d’où qu’ils viennent, sont traités de fossoyeurs du football. Stricte vérité ou faux procès ? Y.S. : Il ne faut pas mélanger les choses. Dans tous les domaines, on trouve des bons et des pas bons. C’est vrai que dans ce milieu, en si peu de temps, j’ai tout vu. Il y a des agents qui sont juste intéressés par une ou deux transactions pour avoir des commissions et stop. Le joueur peut broyer du noir par la suite, ils n’en ont cure. Je pense qu’il faut avoir un minimum de conscience au boulot, avoir une vision pour la carrière du joueur. J’en connais des agents qui envoient des joueurs de 20 ans en Indonésie, un pays perdu pour le football, alors qu’ils ont des qualités pour évoluer dans un club européen. Il m’est arrivé de ne pas prendre de commission dans une transaction parce que mon objectif était de mettre le joueur en vitrine. Ainsi, quand le joueur explose, tout le monde est gagnant. Je le répète, dans tous les milieux où circule beaucoup d’argent, ne vous attendez pas toujours à trouver des gens forcément corrects. N.V. : Le 5 septembre prochain, la Côte d’Ivoire rencontre le Burkina Faso dans le cadre des éliminatoires combinées CAN/ Mondial 2010. Votre pronostic ? Y.S. : J’ai beaucoup de respect pour cette équipe des Eléphants qui a gagné en maturité. Mais on est dans le football où il n’y a pas de logique. Tout reste possible. J’ai suivi le match aller que la Côte d’Ivoire a difficilement gagné. Les Etalons veulent créer la surprise à Abidjan. Entretien réalisé par Roger Okou Vabé rogerokou@yahoo.fr
Sport Publié le vendredi 21 août 2009 | Notre Voie