Cher ami Laurent,
Dans le courriel strictement privé que je t`ai adressé mardi nuit, je t`ai informé qu`a défaut de jouir désormais du congé annuel, j`ai fractionné en dizaine mes vacances. Depuis lundi donc, je me repose dans le pays profond. Destination première, l`Ouest de la Côte d`Ivoire, ma région natale. J`ai été à Duékoué, à Bangolo et à Man pour apprécier personnellement les retombées du récent voyage de notre cher "aimé" chef d`Etat, Gbagbo Laurent. Peut-être que je n`ai pas le même regard ou, disons, les mêmes lunettes pharmaceutiques que tous ces élus de la région montagneuse : Blon Blaise, Woi Messé, Noutoua et autre mais les villes de Bangolo, de Logoualé, de Man gardent toujours les séquelles de la crise. J`ai voulu voir et savoir ce que Gbagbo a fait pour ces villes où il a passé près de cinq (5) jours. Là où les partisans de Gbagbo exultent, moi, je n`ai fait que verser des larmes en voyant ce décor bien pitoyable et très triste. Rues impraticables, bâtiments administratifs sans une couche de peinture extérieure, sauf la Préfecture et la résidence du préfet. Man-la belle ressemble encore aujourd`hui à un bidonville. Une ville sans vie. Où les Forces nouvelles, sur le plan sécuritaire, ont toujours le contrôle de ladite cité. Les hauts fonctionnaires et leurs collaborateurs redéployés dans ces villes vivent comme des Cambodgiens. Une villa, quand ils ont la chance d`en avoir une, dis-je, c`est pour 5 ou 10 fonctionnaires. Les gros salariés ou bénéficiaires d`indemnités de logements ont, pour la plupart, opté de loger à l`hôtel. Pour bénéficier d`un peu des commodités. J`ai été à Man, à Logoualé et à Bangolo. J`y ai tout vu sauf ce que la visite d`un chef d`Etat (souviens-toi des visites d`Etat d`Houphouët-Boigny, de Bédié dans les régions de Côte d`Ivoire) peut procurer à une ville, à des quartiers, et à des villages. Aucune trace de notre très cher "aimé" Président Gbagbo. Les plus méchants disent sans gêne que son passage dans les 18 Montagnes est une moquerie ou ressemble à une injure. "Il est venu sans aucun remède aux maux qui nous rongent. Il est venu voir dans quel dénuement se trouvent nos villes sans aucun plan de sauvetage. Il a fait des promesses. Il nous a promis monts et merveilles, mais ici et ailleurs, tout le monde sait que les promesses de Gbagbo ne sont que du vent. Jamais visibles, donc utopiques. À l`ouest, jeunes, femmes et hommes ont retiré toute leur confiance à Gbagbo. Tous implorent le Tout-Puissant afin que les élections aient lieu le dimanche 29 novembre 2009. " Il nous faut aller aux élections pour avoir, à la tête de notre patrie, un nouveau chef qui, nous l`espérons, mettra en place un plan Marshall pour notre région ". Message d`un digne fils de Man Gueu Paul déplacé de guerre et retourné à Man. Il végète et se tourne les pouces. Il achève ses propos sur cette image : " Ici, nous pratiquons la politique du têtard. Le jour où nous avons la chance de nous mettre quelque chose sous la dent, nous le faisons. S`il n`y a rien, nous dormons le ventre creux. Le repas quotidien, les soins de santé, ne sont point assurés pour nous. Que Gbagbo ne compte pas sur nous pour être réélu. Même si nous nous trompons à le faire, on nous prendrait pour des fous, pour des masos ". Les nouvelles ne sont pas du tout bonnes pour Gbagbo. Ici, désormais, c`est tout sauf Gbagbo. " Loin d`être tribalistes, nous ne comprenons pas comment Mama est en train d`être bâti comme une cité pharaonique où Gbagbo réceptionne de grands projets de développement réalisable à court terme. Pourquoi de 2000 à 2009, c`est maintenant que Gbagbo pense à mettre en place une structure régionale de développement chez nous ? Quel est ce projet dont les dirigeants ne sont même pas encore nommés et pourtant, il a promis prendre un décret dès son arrivée à Abidjan ? Cela fait plus de 2 mois et nous n`avons aucune nouvelle de ce projet ", s`insurge cet ancien ministre, fils de la région, qui a tenu à nous offrir un pot de retrouvailles. Malheureusement, notre agenda ne nous a pas permis d`honorer ce rendez-vous.
Cher ami, voici le décor que l`on voit et les propos tristes que l`on entend ici à l`Ouest où je passerai encore quelques jours pour saluer des amis qui me sont chers. Mais aussi pour me mettre à l`abri, un tant soit peu, du tintamarre d`Abidjan. Merci pour tes mails et tes SMS. Un message à transmettre toutefois à ton homonyme chef de l`Etat Laurent Gbagbo. Dis-le lui avec courage, puisque j`ai appris qu`il rentre ce vendredi du Maroc (où il serait allé à l`hôpital des bien portants). Dis-lui, s`il te plaît, que la paupérisation dans laquelle est plongée toute la région de l`Ouest montagneux et l`assassinat de Guéï Robert, ce digne fils de l`Ouest dont le transfert du corps à Kabacouma, son village natal, est devenu une utopie, sont de grands facteurs qui ne lui profitent pas. Dis-lui que, contrairement à ce que lui chantent ces mange-mil (Kaé Eric, Bleu Lainé, Mme Tia, Blon Blaise, Noutoua…), les Dan, les Guéré, les Wobé et les Toura lui ont tourné le dos. A moins d`un miracle politique. Dis-lui que lui, le fils courageux et bien aimé de 90 à 2000 pour les populations de cette région du pays, est devenu " Gbagbo, le fils mal aimé ". Il n`y a pas d`exagération dans ce que je suis en train de te dire. C`est la réalité du terrain, dis-le lui. C`est une vérité qui ne lui rougira pas les yeux, lui l`animal politique. C`est un service que nous lui rendons maintenant afin qu`il ne rêve pas debout et qu`il ne soit pas surpris demain d`une haute trahison politique. A demain samedi, si Dieu le veut !
Ton ami Zion Kah
(c`est ainsi qu`on m`appelle ici au village)
en vacances à l`Ouest.
Dans le courriel strictement privé que je t`ai adressé mardi nuit, je t`ai informé qu`a défaut de jouir désormais du congé annuel, j`ai fractionné en dizaine mes vacances. Depuis lundi donc, je me repose dans le pays profond. Destination première, l`Ouest de la Côte d`Ivoire, ma région natale. J`ai été à Duékoué, à Bangolo et à Man pour apprécier personnellement les retombées du récent voyage de notre cher "aimé" chef d`Etat, Gbagbo Laurent. Peut-être que je n`ai pas le même regard ou, disons, les mêmes lunettes pharmaceutiques que tous ces élus de la région montagneuse : Blon Blaise, Woi Messé, Noutoua et autre mais les villes de Bangolo, de Logoualé, de Man gardent toujours les séquelles de la crise. J`ai voulu voir et savoir ce que Gbagbo a fait pour ces villes où il a passé près de cinq (5) jours. Là où les partisans de Gbagbo exultent, moi, je n`ai fait que verser des larmes en voyant ce décor bien pitoyable et très triste. Rues impraticables, bâtiments administratifs sans une couche de peinture extérieure, sauf la Préfecture et la résidence du préfet. Man-la belle ressemble encore aujourd`hui à un bidonville. Une ville sans vie. Où les Forces nouvelles, sur le plan sécuritaire, ont toujours le contrôle de ladite cité. Les hauts fonctionnaires et leurs collaborateurs redéployés dans ces villes vivent comme des Cambodgiens. Une villa, quand ils ont la chance d`en avoir une, dis-je, c`est pour 5 ou 10 fonctionnaires. Les gros salariés ou bénéficiaires d`indemnités de logements ont, pour la plupart, opté de loger à l`hôtel. Pour bénéficier d`un peu des commodités. J`ai été à Man, à Logoualé et à Bangolo. J`y ai tout vu sauf ce que la visite d`un chef d`Etat (souviens-toi des visites d`Etat d`Houphouët-Boigny, de Bédié dans les régions de Côte d`Ivoire) peut procurer à une ville, à des quartiers, et à des villages. Aucune trace de notre très cher "aimé" Président Gbagbo. Les plus méchants disent sans gêne que son passage dans les 18 Montagnes est une moquerie ou ressemble à une injure. "Il est venu sans aucun remède aux maux qui nous rongent. Il est venu voir dans quel dénuement se trouvent nos villes sans aucun plan de sauvetage. Il a fait des promesses. Il nous a promis monts et merveilles, mais ici et ailleurs, tout le monde sait que les promesses de Gbagbo ne sont que du vent. Jamais visibles, donc utopiques. À l`ouest, jeunes, femmes et hommes ont retiré toute leur confiance à Gbagbo. Tous implorent le Tout-Puissant afin que les élections aient lieu le dimanche 29 novembre 2009. " Il nous faut aller aux élections pour avoir, à la tête de notre patrie, un nouveau chef qui, nous l`espérons, mettra en place un plan Marshall pour notre région ". Message d`un digne fils de Man Gueu Paul déplacé de guerre et retourné à Man. Il végète et se tourne les pouces. Il achève ses propos sur cette image : " Ici, nous pratiquons la politique du têtard. Le jour où nous avons la chance de nous mettre quelque chose sous la dent, nous le faisons. S`il n`y a rien, nous dormons le ventre creux. Le repas quotidien, les soins de santé, ne sont point assurés pour nous. Que Gbagbo ne compte pas sur nous pour être réélu. Même si nous nous trompons à le faire, on nous prendrait pour des fous, pour des masos ". Les nouvelles ne sont pas du tout bonnes pour Gbagbo. Ici, désormais, c`est tout sauf Gbagbo. " Loin d`être tribalistes, nous ne comprenons pas comment Mama est en train d`être bâti comme une cité pharaonique où Gbagbo réceptionne de grands projets de développement réalisable à court terme. Pourquoi de 2000 à 2009, c`est maintenant que Gbagbo pense à mettre en place une structure régionale de développement chez nous ? Quel est ce projet dont les dirigeants ne sont même pas encore nommés et pourtant, il a promis prendre un décret dès son arrivée à Abidjan ? Cela fait plus de 2 mois et nous n`avons aucune nouvelle de ce projet ", s`insurge cet ancien ministre, fils de la région, qui a tenu à nous offrir un pot de retrouvailles. Malheureusement, notre agenda ne nous a pas permis d`honorer ce rendez-vous.
Cher ami, voici le décor que l`on voit et les propos tristes que l`on entend ici à l`Ouest où je passerai encore quelques jours pour saluer des amis qui me sont chers. Mais aussi pour me mettre à l`abri, un tant soit peu, du tintamarre d`Abidjan. Merci pour tes mails et tes SMS. Un message à transmettre toutefois à ton homonyme chef de l`Etat Laurent Gbagbo. Dis-le lui avec courage, puisque j`ai appris qu`il rentre ce vendredi du Maroc (où il serait allé à l`hôpital des bien portants). Dis-lui, s`il te plaît, que la paupérisation dans laquelle est plongée toute la région de l`Ouest montagneux et l`assassinat de Guéï Robert, ce digne fils de l`Ouest dont le transfert du corps à Kabacouma, son village natal, est devenu une utopie, sont de grands facteurs qui ne lui profitent pas. Dis-lui que, contrairement à ce que lui chantent ces mange-mil (Kaé Eric, Bleu Lainé, Mme Tia, Blon Blaise, Noutoua…), les Dan, les Guéré, les Wobé et les Toura lui ont tourné le dos. A moins d`un miracle politique. Dis-lui que lui, le fils courageux et bien aimé de 90 à 2000 pour les populations de cette région du pays, est devenu " Gbagbo, le fils mal aimé ". Il n`y a pas d`exagération dans ce que je suis en train de te dire. C`est la réalité du terrain, dis-le lui. C`est une vérité qui ne lui rougira pas les yeux, lui l`animal politique. C`est un service que nous lui rendons maintenant afin qu`il ne rêve pas debout et qu`il ne soit pas surpris demain d`une haute trahison politique. A demain samedi, si Dieu le veut !
Ton ami Zion Kah
(c`est ainsi qu`on m`appelle ici au village)
en vacances à l`Ouest.
