Le président Laurent Gbagbo a ceci de particulier. Il tombe toujours dans le piège des critiques qu’il fait aux autres. Quand il parle de ses adversaires, c’est pour mieux se préparer à faire les fautes qu’il dénonce. Il en est ainsi du reproche fait au gouvernement Bédié. Celui d’avoir peur de tout parce qu’il est illégitime. Voici ce qu’il en disait en septembre 95 au cours d’un meeting à Lakota. « Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, le danger n’est pas l’arme nucléaire. Le danger c’est d’abord l’illégitimité de ceux qui gouvernent. Quand on gouverne sans légitimité, on a peur de tout… Comme ils ne sont pas légitimes, dès qu’on dit élections libres et justes, ils tremblent. Ils pensent qu’on va leur dire « donnez-nous le pouvoir ». Lorsqu’on parle d’élections transparentes, ils traduisent : « vous voulez qu’on vous donne le pouvoir ? » Donc, mes frères, les problèmes auxquels nous sommes confrontés, c’est l’illégitimité de nos dirigeants. Ils ne sont pas légitimes. Il est dangereux qu’ils s’emparent du pouvoir comme ils l’ont fait, mais ils l’ont fait. Et aujourd’hui parce qu’illégitimes et parce qu’ayant peur de tout, ils tirent sur tout. Des femmes font un sit-in à la télévision, ils tirent sur elles. Des journalistes étrangers viennent couvrir l’évènement, ils tirent sur eux. Des jeunes gens font un sit-in quelque part, ils tirent sur eux. Je condamne la barbarie de l’Etat de mon pays », avait dénoncé Laurent Gbagbo. Cependant, durant les neuf ans de son règne, il n’a pas fait autre chose. D’abord, son pouvoir n’est pas légitime. Tous ceux qui vivent en Côte d’Ivoire savent dans quelles « conditions calamiteuses », il a pris le pouvoir. En poussant le général Guéi à rejeter les candidatures de Ouattara et de Bédié et en évinçant son adversaire, par le biais d’un « soulèvement populaire » appuyé par une partie de l’armée. A l’analyse, il n’a pas fait pire que ceux qu’il pourfendait hier. Convaincu de son illégitimité, Gbagbo voyait régulièrement des complots, par-ci, par-là, visant à lui prendre son pouvoir. La culture du coup d’Etat permanent a toujours caractérisé le régime de la refondation. Que dire des hommes et femmes tombés sous les balles assassines de son armée, pour avoir voulu exprimer leurs opinions ! On garde en mémoire le charnier d’octobre 2000, les tueries massives de décembre 2000, la répression sanglante de la marche de l’opposition en mars 2004, les bombardements de Bouaké, Séguéla en novembre de la même année. Point n’est besoin de rappeler son fameux appel à l’armée pour casser de l’opposant, aux premières heures de son accession au pouvoir : « Ordre est donné aux forces de défense et de sécurité de châtier les fauteurs de troubles ». Dieu seul sait combien d’Ivoiriens ont péri dans tout le pays. C’est également sous Gbagbo que des journalistes sont tombés, pour avoir voulu « couvrir l’évènement ». Jean Hélène, Guy André Kieffer, pour ne retenir que ces confrères, froidement assassiné pour le premier et l’autre dont on n’est sans nouvelle depuis plus de cinq ans. On peut le dire. L’illégitimité du régime Gbagbo a ouvert la voie à tous les périls pour les Ivoiriens. Comme quoi, « la critique est aisée, l’art est difficile ». Le régime de Laurent Gbagbo présente toutes les caractéristiques d’un pouvoir illégitime décrites par lui-même.
Bakary Nimaga
Bakary Nimaga