Le secteur de la microfinance éprouve d’énormes difficultés en ce moment à faire face aux projets de développement qui lui sont soumis dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. En dépit du rôle important qui lui est accordé, ce secteur est agonisant, eu égard aux contraintes qui sont d’ordres divers. ’’Le grand défi qui se dresse devant nous est d’aborder les contraintes qui font obstacle à la pleine participation des populations au secteur financier. Ensemble, nous pouvons et devons construire des secteurs financiers intégrants qui aident les populations à améliorer leurs conditions d’existence’’, rappelait Kofi Annan, alors secrétaire général de l’Onu en 2005, en marge du sommet international du microcrédit. En effet, outil de lutte contre la pauvreté, les Institutions de microfinance ou microcrédit font partie des stratégies auxquelles l’Etat ivoirien a souscrit pour la réalisation des OMD (Objectifs du millénaire pour le développement), à savoir la réduction de moitié de la pauvreté d’ici à 2015. Ainsi en 2008, le seul réseau de l’UNACOOPEC-CI (Union nationale des Coopec-CI), représentant 80 à 90% des institutions de microfinances, a accordé plus de 35 milliards de FCFA de prêts pour des projets en faveur de jeunes et de femmes dont 3,5 milliards pour le secteur agricole, 1,7 milliard pour le secteur de l’artisanat, 6,9 milliards de FCFA pour le commerce, 456 millions de FCFA pour le transport. A l’instar de la l’UNACOOPEC-CI, le plus grand réseau de la microfinance qui subsiste et qui continue de faire des prêts, d’autres réseaux sont en voie de disparition ou placés sous administration provisoire. Une situation qui en appelle à l’Etat son rôle régalien, quant à la politique à mettre en place pour rendre ce secteur viable et compétitif pour la lutte contre la pauvreté et l’accès aux banques des ménages à faibles revenus. En effet, le secteur de la Microfinance a besoin d’être suivi avec plus d’attention, eu égard à la place qu’il occupe dans le dispositif national de sécurité-social et financier. La situation actuelle du pays est telle que CADEFINANCE et CPCF sont fermées. CMEC, le deuxième réseau important de la Microfinance et la CFCC sont sous administration provisoire. Le mal qui ronge le secteur Les maux dont souffrent les microfinances en Côte d’Ivoire sont connus depuis belle lurette. Ils ont pour noms, au plan institutionnel entre autres, d’absence de structures de garantie de dépôts; d’absence de centrales des risques ou d’information et risque de crédit ; d’absence de structures de garantie des prêts ; d’absence de système de notation au plan local; d’absence de politique sectorielle pour le développement de la Microfinance. Toute chose qui, pour les professionnels du secteur, constitue un handicap pour la performance des institutions de microfinance. Non sans rajouter au plan juridique et réglementaire, la facilité d’obtention d’agréments, l’insuffisance de contrôle et de suivi par la tutelle; la mauvaise connaissance des textes réglementaires ; la faiblesse au niveau du système judiciaire, en ce qui concerne le recouvrement des créances, due à la lourdeur des procédures…). En effet, les institutions de microfinance doivent être organisées et soutenues par des actions de l’Etat afin de contribuer à la lutte contre la pauvreté. Malheureusement, le manque de suivi crée un désordre, au point que les microfinances ont tendance à perdre l’essence de leur existence. Au plan professionnel, le secteur de la micrifinance est victime de la mauvaise gouvernance; de la non maîtrise de la fonction crédits par les agents et qui affecte la qualité de portefeuille des IMF; de difficulté d’accès à la formation faute de financement ; de la dégradation du portefeuille liée à la mauvaise gestion des crédits... Les recommandations de l’atelier de validation du Document de Politique Nationale de Microfinances qui s’est tenu en 2007 à l’Hôtel Président de Yamoussoukro censées apporter des solutions à la situation du secteur sont restées lettre morte. A telle enseigne que des acteurs se demandent à quoi sert d’organiser des ateliers à coups de millions si les résolutions ne seront pas appliquées. Et pourtant, conformément aux OMD, l’on s’entendait à des réflexions qui devraient aboutir à la mise en place de mécanismes de surveillance et promotion du secteur dont le projet de la centrale des risques pour la microfinance, comme le recommandait le Ghanéen Kofi Annan en 2005, alors Secrétaire général de l’ONU, lors du lancement de l’année internationale du microcrédit. Outre ces difficultés, le secteur ne bénéficie d’aucun appui en termes de refinancement. Le secteur ne vit que des cotisations de ses membres. A telle enseigne que toutes les crises sont ressenties automatiquement sur les activités des institutions de la microfinance. Cette situation n’est donc pas de nature à favoriser une dynamique de concurrence dans le secteur. Au contraire, elle est porteuse d’un risque systémique avec la situation financière de l’UNACOOPEC-CI qui est actuellement précaire (fonds propres nets négatifs, niveau de crédits en souffrance dépassant les normes en vigueur, rentabilité défaillante…). Etant donné que les Institutions de Microfinance en Côte d’Ivoire sont, dans leur quasi-totalité, des institutions de type mutualiste ou des coopératives avec comme principaux produits "l’épargne" et "le crédit" qui sont offerts à des populations actives contribuant ainsi à la croissance économique et à la création de richesse. En 2005, le niveau des ressources totales des IMF s’élevait à environ 58 milliards de FCFA constitué à 97% de l’épargne collectée dont près de 80% de dépôt à vue. L’épargne mobilisée représente donc la principale ressource des IMF. Depuis 2000, la part du crédit à moyen et long terme représente plus de 40% des financements accordés par les IMF. Il convient cependant de préciser que cette mutation importante est le fait principalement de l’UNACOOPEC-CI, avec plus de 80% de part de marché, qui s’est investie dans le financement à moyen et long terme. L’aide de l’Etat attendue Malgré l’absence de l’aide de l’Etat, les Institutions de microfinances indiquent avoir beaucoup fait. Seules à couvrir des risques auxquels elles sont quotidiennement exposées, elles participent au développement et à la lutte contre la pauvreté en octroyant des prêts. Mais, face à la crise actuelle qui amenuise leur pouvoir d’actions, elles interpellent l’Etat à jouer son rôle régalien, en leur facilitant le travail. Elles attendent de ce fait, la mise en place d’un fonds de promotion des IMF.
Honoré Kouassi
Honoré Kouassi