L`importation d`abats d`animaux prend des proportions importantes à Abidjan. Des produits de mauvaise qualité se retrouvent souvent sur le marché. Nord-Sud a remonté la filière.
Ils constituent les parties accessoires des animaux abattus. Les abats de viande et autres restes d`animaux congelés en provenance de l`extérieur inondent le marché. Les pattes et cotis de porc, les pattes, langues et queues de bœufs, les abats de volaille et autres ailes de dinde, le rognon, le foie….sont destinés directement à la consommation. Bien que ces «pièces détachées » de viande d`animaux proviennent des pays comme la France, la Finlande, l`Espagne, la Belgique, la Pologne (Voir encadré), leur qualité est souvent sujette à caution. Malgré le dispositif sanitaire et de contrôle mis en place par les pouvoirs publics. D`où vient alors ce défaut de qualité qui reste un danger pour le consommateur ? Du marché de détail où des gros fournisseurs ? Toujours est-il que de nombreux revendeurs estiment que l`on ne devrait pas se fier à la beauté de l`emballage pour conclure que le produit est en bon état.
La beauté de l`emballage
«Généralement lorsqu`on va se ravitailler au port d`Abidjan où dans d`autres communes, les abats sont en bon état. Mais force est de reconnaître que souvent, parmi nos stocks et en dépit de l`emballage neuf, on dénombre des cas d`avarie, une fois revenu du marché. Immédiatement, on appelle le fournisseur pour qu’il remplace le produit», fait remarquer Akota Zakpa Marc, revendeur d`abats de porc au marché d`Abobo. Avant d`affirmer qu`avec un manque de vigilance, il a écoulé «de la viande en début de putréfaction.» Au moment où il s`en est rendu compte, le mal était déjà fait. Le produit était sorti. Il se réjouit tout de même du fait qu`aucun client n`est venu se plaindre à lui. «Mais, il arrive des moments où certaines personnes livrent ces types d`abats en décomposition à bas-prix au port. Des femmes se ruent dessus pour aller les revendre. C`est vraiment curieux parce qu`on nous fait comprendre que la douane et le service vétérinaire procèdent à un contrôle préalable», s`étonne-t-il. Pour atténuer l`odeur de ces abats en décomposition de nombreux opérateurs préfèrent les fumer et les sécher. Après plusieurs rotations dans le marché d`Abobo, l`on a pu observer cette cuisine à ciel ouvert. La pestilence des lieux avec de l`eau usée et autres déchets par endroit, donne une nette idée des conditions dans lesquelles, ces aliments sont traités. «Ces abats congelés sont vraiment différents de la viande fraîche. Ces aliments peuvent subir facilement 1 à 2 ans de conservation dans les chambres froides. Cela altère en conséquence leur goût», argumente D. A, l`un des commerçants qui possède un étal d`abats de bœuf. Visiblement très apeuré par les questionnements, il ne s`est pas gêné pour abandonner ses articles. Le prétexte est tout trouvé : rencontrer un de ses créanciers. Mais, il a eu le temps de répliquer:«Qui êtes-vous au juste pour me poser trop de questions de la sorte ?». Avant de s`éclipser. A proximité, dame Rosalie T. avec de nombreux gestes d`hésitation, ne cesse de humer des tas d`abats de bœuf et de porc. La ménagère estime qu`elle a l`habitude de prendre de telles précautions avant d`acheter ces abats d`animaux. «Ces commerçants vendent de la bonne viande. Mais dès fois, on déplore des cas d`avarie. Raison pour laquelle je prends ces précautions parce ce sont des produits qui restent longtemps stockés. Et nous ignorons dans quelles conditions. Mais en même temps, si nous optons pour ces types de produits congelés, c`est pour amoindrir les dépenses parce que les moyens sont trop limités», fait-elle remarquer. Veuve depuis près d`une dizaine d`années, elle a 10 enfants dont deux sont des vigiles. Sur les étals, les prix varient selon la quantité : 300, 500 voire 1.000 Fcfa. La capitale économique semble devenir un gros marché de consommation des abats d`animaux. D`autant qu`ils ont vendus dans la quasi-totalité des marchés. A Koumassi, Marcory, Adjamé et Yopougon, des hommes mais également des femmes se livrent à ce commerce. Au marché de Yopougon-Wassakara, une vendeuse ne cesse de lutter contre les nombreuses mouches qui ont décidé de s`installer sur les tas d`abats. Le lieu ne sent pas la rose. Ce n`est pas la beauté de ses produits qui nous attire, mais plutôt la couleur étrange qu`ils ont. Moins bavarde, elle explique tout de même qu`en cas de mévente, elle conserve les aliments dans un petit réfrigérateur. Jusqu`à quand ? Pas de réponse. Les entreprises frigorifiques, principaux fournisseurs du marché sont installées au port ou aux abords des voies principales dans certaines communes. Les responsables de l`une d`entre elles, ont voulu garder un mutisme total sur le lieu de provenance de leur produit. Aucune enseigne ne situe également le visiteur sur le nom de la structure (au port de pêche) avec un portail bleu imposant à l`entrée. Des vigiles sont postés à l`entrée. Une fois à l`intérieur, les responsables ont estimé que seul le service vétérinaire peut donner des informations. Ce n`est pas le cas de Ucaf-ci. Un entrepôt frigorifique situé en bordure du boulevard Giscard d`Estaing, à Marcory en face de l`hôtel Ibis. Avec un humour dont il a seul le secret, le directeur commercial de l`entreprise, Moustapha, ne tarde pas brièvement à donner les origines de son stock que ses employés déchargeaient d`un gros camion ce jeudi 27 août.
Les consommateurs inquiets
«J`importe mes abats uniquement de la France. Ils sont composés surtout de pieds de bœuf et de veau, de la volaille mais avec un peu de porc. Je vends rarement les abats de porc. C`est un choix mais dont la raison reste liée à ma religion. Les questions de conservation demeurent un épineux problème chez les opérateurs. Mais à Ucaf-ci, nous allons plus loin, avec une température de conservation de -22° au lieu de -18°», s`enorgueillit-il. Avant de préciser que son produit ne passe pas plus de deux semaines en conservation eu égard à l`importance de sa clientèle. A «Poisson d`Afrique», à Yopougon, en face de l`espace Ficgayo, l`on on en apprend plus. Selon Kouassi Germain, l`un des responsables, les rasions qui expliquent souvent l`accroissement des cas de décomposition, sont de plusieurs ordres. «En plus du nom respect de la température indiquée (-18°), certains entrepôts frigorifiques ont des chambres froides trop surchargées du fait de la morosité du marché. Conséquence, les produits qui viennent mettent trop de temps dehors. Dans ces conditions la qualité s`altère», explique-t-il. Fortement dégivrés, poursuit-il, les cartons coulent abondamment et deviennent visqueux. De sérieux doutent pèsent en ce moment sur la qualité du produit. M. Kouassi précise que son entreprise prend toutes les dispositions utiles pour éviter ces cas de défaillance majeure, susceptibles d`ailleurs de discréditer l`image de leur société. «Nous respectons toute la règlementation mise en place par les pouvoirs publics. Puisque dans la procédure, tant que le service vétérinaire ne vous a pas délivré un certificat de salubrité après les différentes analyses, vous ne pouvez pas mettre le produit sur le marché», argumente-t-il. A ses yeux, des brebis galeuses existent quand même et essaient de mettre en circulation des «produits avariés pour ne pas accuser d`énormes pertes financières.» D`ailleurs une source portuaire confirme ces cas de dérapages. «Quand les produits sont débarqués, il arrive souvent des cas mineurs d`avarie qui ne sont pas déclarés avec la complicité de certains agents», dénonce la même source. Il reste convaincu qu`il y a un peu de faille dans tout le dispositif portuaire. Les associations de consommateurs expriment pour leur part de grosses inquiétudes et disent ne plus faire trop confiance aux services de l`Etat en la matière. «Nous avons beaucoup de préoccupations en matière d`importation de viande, d`abats d`animaux et de volaille. Nous constatons qu`il y a une démission totale des services de répression de la fraude et de contrôle des produits destinés au marché national », vocifère Marius Koumoué, président de la Fédération des associations de consommateurs actifs de Côte d`Ivoire, dénonçant les cas de putréfaction d`aliments issus d`abats importés. Selon lui, il y a à peine deux mois, le secrétaire général de l`association des consommateurs de Memni (Alépé), «nous a saisi de ce qu`il est venu acheter à Abobo plusieurs cartons de volailles. Mais une fois chez lui, il s`est rendu compte que sur les cinq cartons qu`il a acquis, trois avaient le contenu avarié. Il a dû donc ramener le produit au lieu d`achat avant qu`on ne lui remette d`autres cartons. Pis on ne sait pas véritablement quelles sont les structures qui importent ces produits.» «Certains parmi eux arrivent à corrompre les agents commis au contrôle pour faire passer leurs produits. Au point qu`aujourd`hui, les consommateurs sont livrés à eux-mêmes», insiste M. Koumoué. Convaincu que c`est la situation de crise que traverse la Côte d`Ivoire depuis 2002, qui a engendré cette forme de laisser-aller des autorités administratives. «Nous venons d`effectuer une tournée nationale de 45 jours qui nous a conduits dans les différentes régions du pays. Nous savons l`ampleur que prennent ces produits congelés importés sur le territoire national. Outre les abats d`animaux, nous avons pu constater que beaucoup de produits avariés tel que la farine circulent à Doropo (Bouna), à Ferké, à Nassian et à Odienné. Le pain qui nous a été servi n`était pas de bonne qualité», peste-t-il. Avant de prévenir qu`une grave menace plane sur les consommateurs. «Nous pouvons vous certifier qu`il y a de plus en plus des boîtes de conserve avariées qui sont vendues dans les boutiques des villes de l`intérieur et même à Abidjan. Aujourd`hui nous avons l`information selon laquelle, certaines grandes surfaces changent la date de péremption des produits avariés en les réactualisant pour les remettre dans les rayons de vente. C`est suffisamment préoccupant », s`émeut-il, ajoutant qu`il faut éviter de faire des actions d`éclat et endormir la population. «Le ministère du Commerce avec la direction en charge de la répression des fraudes et du contrôle de la métrologie ne fait pas suffisamment son travail. C`est le même constat à la direction des services vétérinaires sous tutelle du ministère de la Production animale et des Ressources halieutiques. Il y a aussi la douane. Les crises liées à la grippe porcine, au lait chinois contaminé à la mélamine sont encore présentes dans les esprits», charge le président de la Fédération. Avant d`annoncer que sa structure est en train de réfléchir sur un nouveau cadre de collaboration avec les différentes structures étatiques. Il devrait permettre à la Fédération de saisir des produits sur le marché en présence d`un huissier et de les mettre à la disposition du Laboratoire d`analyses et de métrologie (Lanema) pour analyse et contrôle. Cette initiative, si elle est admise, devrait être d`un appui «précieux» aux agents commis au contrôle dont le nombre reste encore insignifiant pour quadriller tous les marchés. Au niveau de la douane, les responsables expliquent que ces importations d`abats ont pris des proportions importantes pour combler le déficit lié à la forte demande. «Des importations de viande (le bétail) proviennent de l`espace Uemoa pour satisfaire la demande locale. Mais elles restent insuffisantes pour couvrir la consommation intérieure. Une partie provient par conséquent du marché international sous forme d`abat et autre viandes congelées», rappelle le colonel Roger Agobré, sous-directeur des Affaires juridiques et du contentieux à la douane. Tout opérateur qui importe de la viande, prévient l`officier, doit bénéficier au préalable d`un agrément à l`importation délivré conjointement par le ministère du Commerce et celui de la Production animale. C`est par arrêté interministériel qu`on donne qualité à un opérateur pour mener cette activité. L`opérateur qui importe en dehors de la zone Uemoa, est donc soumis au paiement de la taxe spéciale (qui va permettre de développer la filière nationale), le Tarif extérieur commun pour compenser les pertes que les pays de l`union subissent. Toute chose qui a donné lieu à la mise en place d`un «fonds de solidarité.»
La douane et le Sicosav s`expliquent
Le Col Roger Agobré précise que sa structure n`intervient pas dans le processus quand la marchandise arrive au port. «La douane prend des précautions quand il s`agit des denrées périssables tels que les abats de viande. Donc l`opérateur n`attend pas toute la procédure nécessaire. Il est soumis à la procédure Adm (Avant dépôt manifeste). Avant de déclarer votre marchandise, votre manifeste doit être déposé à la douane. Les aconiers réceptionnent ce document avant de tirer une déclaration. Cela peut mettre quelques jours quand il s`agit d`autres types de marchandises», affirme-t-il. Cette procédure accélérée permet donc à l`opérateur de faire une déclaration en douane à laquelle, il joint «le certificat de salubrité délivré par le service vétérinaire.» C`est au vu du certificat de salubrité, que la douane libère la marchandise en octroyant un permis d`enlever à la structure concernée. Le contrôle se fait cumulativement en présence des services vétérinaires qui prélèvent des échantillons. «Tant qu`ils n`ont pas les résultats des analyses, nous ne délivrons pas le permis d`enlever qui les autorise à prendre possession de votre marchandise. Durant le temps d`attente, les produits restent en dépotage dans les conteneurs frigorifiques de l`opérateur. Les cas d`avarie sont très rares du fait des dispositions qui sont prises», démontre le colonel, qui rappelle que les pays d`origine restent également de gros consommateurs d`abats d`animaux. La première responsable du Service d`inspection et de contrôle sanitaire et vétérinaire en frontières (Sicosav), Charlotte Amatcha, estime que le dispositif mis en place permet de maîtriser la traçabilité et la qualité du produit avant qu`il ne soit mis à la consommation. «Notre rôle, c`est de garantir la qualité des denrées animales et d`origine animale (poisson, viande, produits laitiers) aussi bien à l`importation qu`à l`exportation », précise-t-elle. Le système de contrôle du Sicosav comporte quatre principales étapes «qui permettent de mettre à la disposition des consommateurs des denrées d`origine animale salubres et très bonne qualité.» Il y a le contrôle documentaire qui permet d`identifier les produits et de disposer d`un registre exhaustif, le dépotage et l`inspection pour vérifier la conformité entre le navire, le conteneur, le produit et les documents du dossier. Il y a aussi l`analyse au laboratoire qui évalue la qualité sensorielle, microbiologique et chimique du produit et enfin l`étape de décision de mise en consommation. Avant donc cette dernière étape, l`un des documents importants, reste selon le chef de service du Sicosav, le certificat de salubrité du pays d`origine pour voir s`il est en conformité avec les règlementations internationales en vigueur. Il doit être une copie originale unique. «L`examen organoleptique ne peut pas nous permettre de voir toujours les petits microbes, alors nous faisons des prélèvements pour l`analyse au labo. Pendant l`inspection si le produit est avarié, il est détruit», explique-t-elle. La durée des résultats est fonction de la nature du produit : 24 heures pour le poisson, 3 jours pour la viande et 2 semaines pour les produits laitiers. «Tant qu`on n`a pas fini, le produit ne peut pas être mis sur le marché, il est stocké dans l`entrepôt de l`opérateur», souligne Dr Amantcha. Au bout du processus, le Sicosav délivre un certificat de salubrité au vu duquel la douane autorise l`importateur à vendre son produit. «Ce sont des produits congelés, nous sommes exigeants quant à l`entrepôt primaire de stockage chez les importateurs. Les dépotages se transforment toujours en contrôles inopinés pour voir si les conditions de conservation respectent les normes établies (-18°). Et puis le produit peut être périmé et l`opérateur peut continuer de le vendre. Dans ce cas, le produit est saisi et les sanctions infligées aux coupables», assure-t-elle. Avec son dispositif, le Sicosav a saisi en 2008 plus de 40 tonnes (dont 12 tonnes de rognons) d`abats d`animaux et de viande en état de putréfaction chez certains opérateurs. Selon elle, si les cas d`avarie sont constatés sur le marché, cela peut être dû à la rupture de la chaîne de froid.
Cissé Cheick Ely
Ils constituent les parties accessoires des animaux abattus. Les abats de viande et autres restes d`animaux congelés en provenance de l`extérieur inondent le marché. Les pattes et cotis de porc, les pattes, langues et queues de bœufs, les abats de volaille et autres ailes de dinde, le rognon, le foie….sont destinés directement à la consommation. Bien que ces «pièces détachées » de viande d`animaux proviennent des pays comme la France, la Finlande, l`Espagne, la Belgique, la Pologne (Voir encadré), leur qualité est souvent sujette à caution. Malgré le dispositif sanitaire et de contrôle mis en place par les pouvoirs publics. D`où vient alors ce défaut de qualité qui reste un danger pour le consommateur ? Du marché de détail où des gros fournisseurs ? Toujours est-il que de nombreux revendeurs estiment que l`on ne devrait pas se fier à la beauté de l`emballage pour conclure que le produit est en bon état.
La beauté de l`emballage
«Généralement lorsqu`on va se ravitailler au port d`Abidjan où dans d`autres communes, les abats sont en bon état. Mais force est de reconnaître que souvent, parmi nos stocks et en dépit de l`emballage neuf, on dénombre des cas d`avarie, une fois revenu du marché. Immédiatement, on appelle le fournisseur pour qu’il remplace le produit», fait remarquer Akota Zakpa Marc, revendeur d`abats de porc au marché d`Abobo. Avant d`affirmer qu`avec un manque de vigilance, il a écoulé «de la viande en début de putréfaction.» Au moment où il s`en est rendu compte, le mal était déjà fait. Le produit était sorti. Il se réjouit tout de même du fait qu`aucun client n`est venu se plaindre à lui. «Mais, il arrive des moments où certaines personnes livrent ces types d`abats en décomposition à bas-prix au port. Des femmes se ruent dessus pour aller les revendre. C`est vraiment curieux parce qu`on nous fait comprendre que la douane et le service vétérinaire procèdent à un contrôle préalable», s`étonne-t-il. Pour atténuer l`odeur de ces abats en décomposition de nombreux opérateurs préfèrent les fumer et les sécher. Après plusieurs rotations dans le marché d`Abobo, l`on a pu observer cette cuisine à ciel ouvert. La pestilence des lieux avec de l`eau usée et autres déchets par endroit, donne une nette idée des conditions dans lesquelles, ces aliments sont traités. «Ces abats congelés sont vraiment différents de la viande fraîche. Ces aliments peuvent subir facilement 1 à 2 ans de conservation dans les chambres froides. Cela altère en conséquence leur goût», argumente D. A, l`un des commerçants qui possède un étal d`abats de bœuf. Visiblement très apeuré par les questionnements, il ne s`est pas gêné pour abandonner ses articles. Le prétexte est tout trouvé : rencontrer un de ses créanciers. Mais, il a eu le temps de répliquer:«Qui êtes-vous au juste pour me poser trop de questions de la sorte ?». Avant de s`éclipser. A proximité, dame Rosalie T. avec de nombreux gestes d`hésitation, ne cesse de humer des tas d`abats de bœuf et de porc. La ménagère estime qu`elle a l`habitude de prendre de telles précautions avant d`acheter ces abats d`animaux. «Ces commerçants vendent de la bonne viande. Mais dès fois, on déplore des cas d`avarie. Raison pour laquelle je prends ces précautions parce ce sont des produits qui restent longtemps stockés. Et nous ignorons dans quelles conditions. Mais en même temps, si nous optons pour ces types de produits congelés, c`est pour amoindrir les dépenses parce que les moyens sont trop limités», fait-elle remarquer. Veuve depuis près d`une dizaine d`années, elle a 10 enfants dont deux sont des vigiles. Sur les étals, les prix varient selon la quantité : 300, 500 voire 1.000 Fcfa. La capitale économique semble devenir un gros marché de consommation des abats d`animaux. D`autant qu`ils ont vendus dans la quasi-totalité des marchés. A Koumassi, Marcory, Adjamé et Yopougon, des hommes mais également des femmes se livrent à ce commerce. Au marché de Yopougon-Wassakara, une vendeuse ne cesse de lutter contre les nombreuses mouches qui ont décidé de s`installer sur les tas d`abats. Le lieu ne sent pas la rose. Ce n`est pas la beauté de ses produits qui nous attire, mais plutôt la couleur étrange qu`ils ont. Moins bavarde, elle explique tout de même qu`en cas de mévente, elle conserve les aliments dans un petit réfrigérateur. Jusqu`à quand ? Pas de réponse. Les entreprises frigorifiques, principaux fournisseurs du marché sont installées au port ou aux abords des voies principales dans certaines communes. Les responsables de l`une d`entre elles, ont voulu garder un mutisme total sur le lieu de provenance de leur produit. Aucune enseigne ne situe également le visiteur sur le nom de la structure (au port de pêche) avec un portail bleu imposant à l`entrée. Des vigiles sont postés à l`entrée. Une fois à l`intérieur, les responsables ont estimé que seul le service vétérinaire peut donner des informations. Ce n`est pas le cas de Ucaf-ci. Un entrepôt frigorifique situé en bordure du boulevard Giscard d`Estaing, à Marcory en face de l`hôtel Ibis. Avec un humour dont il a seul le secret, le directeur commercial de l`entreprise, Moustapha, ne tarde pas brièvement à donner les origines de son stock que ses employés déchargeaient d`un gros camion ce jeudi 27 août.
Les consommateurs inquiets
«J`importe mes abats uniquement de la France. Ils sont composés surtout de pieds de bœuf et de veau, de la volaille mais avec un peu de porc. Je vends rarement les abats de porc. C`est un choix mais dont la raison reste liée à ma religion. Les questions de conservation demeurent un épineux problème chez les opérateurs. Mais à Ucaf-ci, nous allons plus loin, avec une température de conservation de -22° au lieu de -18°», s`enorgueillit-il. Avant de préciser que son produit ne passe pas plus de deux semaines en conservation eu égard à l`importance de sa clientèle. A «Poisson d`Afrique», à Yopougon, en face de l`espace Ficgayo, l`on on en apprend plus. Selon Kouassi Germain, l`un des responsables, les rasions qui expliquent souvent l`accroissement des cas de décomposition, sont de plusieurs ordres. «En plus du nom respect de la température indiquée (-18°), certains entrepôts frigorifiques ont des chambres froides trop surchargées du fait de la morosité du marché. Conséquence, les produits qui viennent mettent trop de temps dehors. Dans ces conditions la qualité s`altère», explique-t-il. Fortement dégivrés, poursuit-il, les cartons coulent abondamment et deviennent visqueux. De sérieux doutent pèsent en ce moment sur la qualité du produit. M. Kouassi précise que son entreprise prend toutes les dispositions utiles pour éviter ces cas de défaillance majeure, susceptibles d`ailleurs de discréditer l`image de leur société. «Nous respectons toute la règlementation mise en place par les pouvoirs publics. Puisque dans la procédure, tant que le service vétérinaire ne vous a pas délivré un certificat de salubrité après les différentes analyses, vous ne pouvez pas mettre le produit sur le marché», argumente-t-il. A ses yeux, des brebis galeuses existent quand même et essaient de mettre en circulation des «produits avariés pour ne pas accuser d`énormes pertes financières.» D`ailleurs une source portuaire confirme ces cas de dérapages. «Quand les produits sont débarqués, il arrive souvent des cas mineurs d`avarie qui ne sont pas déclarés avec la complicité de certains agents», dénonce la même source. Il reste convaincu qu`il y a un peu de faille dans tout le dispositif portuaire. Les associations de consommateurs expriment pour leur part de grosses inquiétudes et disent ne plus faire trop confiance aux services de l`Etat en la matière. «Nous avons beaucoup de préoccupations en matière d`importation de viande, d`abats d`animaux et de volaille. Nous constatons qu`il y a une démission totale des services de répression de la fraude et de contrôle des produits destinés au marché national », vocifère Marius Koumoué, président de la Fédération des associations de consommateurs actifs de Côte d`Ivoire, dénonçant les cas de putréfaction d`aliments issus d`abats importés. Selon lui, il y a à peine deux mois, le secrétaire général de l`association des consommateurs de Memni (Alépé), «nous a saisi de ce qu`il est venu acheter à Abobo plusieurs cartons de volailles. Mais une fois chez lui, il s`est rendu compte que sur les cinq cartons qu`il a acquis, trois avaient le contenu avarié. Il a dû donc ramener le produit au lieu d`achat avant qu`on ne lui remette d`autres cartons. Pis on ne sait pas véritablement quelles sont les structures qui importent ces produits.» «Certains parmi eux arrivent à corrompre les agents commis au contrôle pour faire passer leurs produits. Au point qu`aujourd`hui, les consommateurs sont livrés à eux-mêmes», insiste M. Koumoué. Convaincu que c`est la situation de crise que traverse la Côte d`Ivoire depuis 2002, qui a engendré cette forme de laisser-aller des autorités administratives. «Nous venons d`effectuer une tournée nationale de 45 jours qui nous a conduits dans les différentes régions du pays. Nous savons l`ampleur que prennent ces produits congelés importés sur le territoire national. Outre les abats d`animaux, nous avons pu constater que beaucoup de produits avariés tel que la farine circulent à Doropo (Bouna), à Ferké, à Nassian et à Odienné. Le pain qui nous a été servi n`était pas de bonne qualité», peste-t-il. Avant de prévenir qu`une grave menace plane sur les consommateurs. «Nous pouvons vous certifier qu`il y a de plus en plus des boîtes de conserve avariées qui sont vendues dans les boutiques des villes de l`intérieur et même à Abidjan. Aujourd`hui nous avons l`information selon laquelle, certaines grandes surfaces changent la date de péremption des produits avariés en les réactualisant pour les remettre dans les rayons de vente. C`est suffisamment préoccupant », s`émeut-il, ajoutant qu`il faut éviter de faire des actions d`éclat et endormir la population. «Le ministère du Commerce avec la direction en charge de la répression des fraudes et du contrôle de la métrologie ne fait pas suffisamment son travail. C`est le même constat à la direction des services vétérinaires sous tutelle du ministère de la Production animale et des Ressources halieutiques. Il y a aussi la douane. Les crises liées à la grippe porcine, au lait chinois contaminé à la mélamine sont encore présentes dans les esprits», charge le président de la Fédération. Avant d`annoncer que sa structure est en train de réfléchir sur un nouveau cadre de collaboration avec les différentes structures étatiques. Il devrait permettre à la Fédération de saisir des produits sur le marché en présence d`un huissier et de les mettre à la disposition du Laboratoire d`analyses et de métrologie (Lanema) pour analyse et contrôle. Cette initiative, si elle est admise, devrait être d`un appui «précieux» aux agents commis au contrôle dont le nombre reste encore insignifiant pour quadriller tous les marchés. Au niveau de la douane, les responsables expliquent que ces importations d`abats ont pris des proportions importantes pour combler le déficit lié à la forte demande. «Des importations de viande (le bétail) proviennent de l`espace Uemoa pour satisfaire la demande locale. Mais elles restent insuffisantes pour couvrir la consommation intérieure. Une partie provient par conséquent du marché international sous forme d`abat et autre viandes congelées», rappelle le colonel Roger Agobré, sous-directeur des Affaires juridiques et du contentieux à la douane. Tout opérateur qui importe de la viande, prévient l`officier, doit bénéficier au préalable d`un agrément à l`importation délivré conjointement par le ministère du Commerce et celui de la Production animale. C`est par arrêté interministériel qu`on donne qualité à un opérateur pour mener cette activité. L`opérateur qui importe en dehors de la zone Uemoa, est donc soumis au paiement de la taxe spéciale (qui va permettre de développer la filière nationale), le Tarif extérieur commun pour compenser les pertes que les pays de l`union subissent. Toute chose qui a donné lieu à la mise en place d`un «fonds de solidarité.»
La douane et le Sicosav s`expliquent
Le Col Roger Agobré précise que sa structure n`intervient pas dans le processus quand la marchandise arrive au port. «La douane prend des précautions quand il s`agit des denrées périssables tels que les abats de viande. Donc l`opérateur n`attend pas toute la procédure nécessaire. Il est soumis à la procédure Adm (Avant dépôt manifeste). Avant de déclarer votre marchandise, votre manifeste doit être déposé à la douane. Les aconiers réceptionnent ce document avant de tirer une déclaration. Cela peut mettre quelques jours quand il s`agit d`autres types de marchandises», affirme-t-il. Cette procédure accélérée permet donc à l`opérateur de faire une déclaration en douane à laquelle, il joint «le certificat de salubrité délivré par le service vétérinaire.» C`est au vu du certificat de salubrité, que la douane libère la marchandise en octroyant un permis d`enlever à la structure concernée. Le contrôle se fait cumulativement en présence des services vétérinaires qui prélèvent des échantillons. «Tant qu`ils n`ont pas les résultats des analyses, nous ne délivrons pas le permis d`enlever qui les autorise à prendre possession de votre marchandise. Durant le temps d`attente, les produits restent en dépotage dans les conteneurs frigorifiques de l`opérateur. Les cas d`avarie sont très rares du fait des dispositions qui sont prises», démontre le colonel, qui rappelle que les pays d`origine restent également de gros consommateurs d`abats d`animaux. La première responsable du Service d`inspection et de contrôle sanitaire et vétérinaire en frontières (Sicosav), Charlotte Amatcha, estime que le dispositif mis en place permet de maîtriser la traçabilité et la qualité du produit avant qu`il ne soit mis à la consommation. «Notre rôle, c`est de garantir la qualité des denrées animales et d`origine animale (poisson, viande, produits laitiers) aussi bien à l`importation qu`à l`exportation », précise-t-elle. Le système de contrôle du Sicosav comporte quatre principales étapes «qui permettent de mettre à la disposition des consommateurs des denrées d`origine animale salubres et très bonne qualité.» Il y a le contrôle documentaire qui permet d`identifier les produits et de disposer d`un registre exhaustif, le dépotage et l`inspection pour vérifier la conformité entre le navire, le conteneur, le produit et les documents du dossier. Il y a aussi l`analyse au laboratoire qui évalue la qualité sensorielle, microbiologique et chimique du produit et enfin l`étape de décision de mise en consommation. Avant donc cette dernière étape, l`un des documents importants, reste selon le chef de service du Sicosav, le certificat de salubrité du pays d`origine pour voir s`il est en conformité avec les règlementations internationales en vigueur. Il doit être une copie originale unique. «L`examen organoleptique ne peut pas nous permettre de voir toujours les petits microbes, alors nous faisons des prélèvements pour l`analyse au labo. Pendant l`inspection si le produit est avarié, il est détruit», explique-t-elle. La durée des résultats est fonction de la nature du produit : 24 heures pour le poisson, 3 jours pour la viande et 2 semaines pour les produits laitiers. «Tant qu`on n`a pas fini, le produit ne peut pas être mis sur le marché, il est stocké dans l`entrepôt de l`opérateur», souligne Dr Amantcha. Au bout du processus, le Sicosav délivre un certificat de salubrité au vu duquel la douane autorise l`importateur à vendre son produit. «Ce sont des produits congelés, nous sommes exigeants quant à l`entrepôt primaire de stockage chez les importateurs. Les dépotages se transforment toujours en contrôles inopinés pour voir si les conditions de conservation respectent les normes établies (-18°). Et puis le produit peut être périmé et l`opérateur peut continuer de le vendre. Dans ce cas, le produit est saisi et les sanctions infligées aux coupables», assure-t-elle. Avec son dispositif, le Sicosav a saisi en 2008 plus de 40 tonnes (dont 12 tonnes de rognons) d`abats d`animaux et de viande en état de putréfaction chez certains opérateurs. Selon elle, si les cas d`avarie sont constatés sur le marché, cela peut être dû à la rupture de la chaîne de froid.
Cissé Cheick Ely