Jack Dely, leader du groupe les Woody, parle de son ami Chris de Bagnon. Le batteur est décédé mardi, suite à une longue maladie.
Comment avez-vous accueilli la nouvelle du décès de Chris de Bagnon ?
D’abord, le jeudi, lorsque Chris a piqué une crise à la maison, nous avons été appelés pour le transférer à l’hôpital pour faire des dialyses. Et, le vendredi, il a piqué une autre crise. Vers 5 heures du matin, on l’a emmené dans une clinique afin qu’on puisse le remonter un peu. Vendredi matin, Gadji Céli et moi devrions aller le voir en vue de prendre des dispositions financières pour pouvoir lui venir en aide. C’est ce même matin, chez le président Gadji que j’ai appris le décès de mon frère. Il y avait de nombreuses personnes chez le président par rapport au décès. Le staff des Woody étant déjà sur les lieux, nous nous sommes rendus au Chu de Treichville. Pour transférer le corps à Ivosep. La dépouille mortelle doit y rester pour un mois, le temps que nous trouvions avec les parents les dates des obsèques. La nouvelle est tombée comme un coup de massue, parce qu’on nous avait rassuré qu’on pouvait vivre avec une insuffisance rénale, qu’il fallait que le malade soit bien traité et qu’il suive régulièrement les dialyses. Je pense que Chris a succombé à la suite de fatigue. On lui avait fait plusieurs dialyses dans un délai assez court. Quand les docteurs ont diagnostiqué la maladie, ils ont parlé d’un début d’insuffisance rénale sévère. Ce qui a justifié la régularité des dialyses et je crois que cela l’a épuisé, mais on ne pouvait faire autrement. Je pense que c’est la volonté de Dieu.
Comment avez-vous vécu cette maladie ?
La maladie a freiné les activités du groupe. En mars 2009, nous étions invités au Festival mondial de Londres, où était invité Beta Simon, Onel Mala. C’est un festival organisé en coproduction avec des Anglais et un jeune Ivoirien du nom de Moïse Zosso, communément appelé Zeus. Nous étions prêts à partir et Chris a chuté. On a annulé le voyage. Nous devrions aller au Festival de Jazz de Conakry, on n’a pas pu le faire. Ce sont de grands rendez-vous auxquels Chris aimait participer. Nous nous sommes plutôt concentrés sur la recherche de moyens pour le soigner. Cela faisait près de deux ans qu’il était malade. Il y a eu des moments où Chris s’était retrouvé et nous avons joué ensemble au décès d’un de nos amis du nom de Moon, ex-batteur de Meiwey, mort aux Etats-Unis. Il était assez affaibli, mais, il a tout de même joué. On a vécu dans l’anxiété avec beaucoup d’espoir au cœur. On se disait que de toutes les façons, il se relèverait. Car, c’est un homme vivant et robuste. On n’a jamais pensé que l’irréparable pouvait se produire maintenant. C’est pourquoi nous avons tout fait avec conviction, nous avons fait le concert (pour récolter des fonds), solliciter les Ivoiriens, les fans, les autorités et le ministère de la Culture qui a réagi promptement. C’est avec un moral haut que nous avons exécuté tout cela. Je crois que c’est une grave maladie et quand elle n’est pas vite décelée, elle peut causer de graves conséquences.
De quoi est mort Chris de Bagnon ?
La maladie a commencé par une hypertension artérielle et c’est cette maladie qui l’a terrassé pour la première fois. Après dix jours, les médecins ont découvert des problèmes cardiaques consécutifs à l’hypertension. Les docteurs ont jugé qu’il arrête de boire de l’alcool et de fumer. Ce qu’il a respecté. C’est dans cette convalescence que s’est déclaré une anémie aiguë. Et effectivement, il avait perdu beaucoup de poids et il était amaigri. Consécutivement à cette anémie, les médecins ont diagnostiqué une insuffisance rénale. Voilà la chronologie des maladies, telles qu’elles se sont déclarées. Et, c’est la dernière maladie qui l’a emporté. Les maladies se sont déclarées crescendo de mal en pire. C’est ainsi que nous avons organisé le concert vu la gravité de la situation. L’objectif était d’avoir un écho favorable auprès des autorités, du moment où nous avions affaire à une insuffisance rénale. Non seulement la maladie est désastreuse, mais sa gestion est coûteuse. Il fallait se faire entendre au nom de la dimension artistique de Chris, pour qu’il puisse bénéficier de l’aide de l’Etat en obtenant une prise en charge. Le concert s’est bien déroulé, on a eu de l’aide, malheureusement, nous n’avons pas pu obtenir une prise en charge. Il fallait continuer avec les dialyses. La conférence de presse qui a précédé le concert avait pour but de mettre fin aux supputations. Du fait que, dès qu’un artiste tombe malade, on parle de sida. Au nom du respect pour les Woody, j’ai voulu clarifier les choses. A cette conférence, on s’est attardé sur le problème cardiaque et à l’hypertension. L’anémie et l’insuffisance rénale n’étaient pas encore déclarées.
Que retenez-vous de Chris ?
C’est avant tout un très grand compositeur. Il a composé des titres comme « Kalégnon », hommage à Winny Mandela, « Séhizo » et « Kalet ». Des titres qui ont permis le succès des Woody. Et il a même sorti un album solo. Deuxièmement, c’est l’un des derniers batteurs de pop musique en Côte d’Ivoire. J’irai jusqu’à dire que c’est le « dernier des Mohican » au niveau de la batterie. Vous savez que le milieu de la pop musique a eu une certaine effervescence dans les années 1968-1970. La flamme s’est éteinte aux alentours des années 1980. Mais, Chris est resté fidèle à ce style musical jusqu’à notre rencontre. Il avait déjà joué avec les Jinn’s Music. Et, il n’a fait autre chose que distribuer sa passion pour cette musique. C’est l’un des rares batteurs de pop musique en Afrique. Mais, la vie des artistes est pathétique. C’est lorsqu’on disparaît qu’on connaît notre valeur. C’était un homme humainement chaleureux. C’est pour cela qu’il était la star au niveau des Woody. Il était facile d’accès. C’est lui qui mettait l’ambiance. C’était une personne d’un humanisme impressionnant, parce que, c’est lui qui était le moins nanti du groupe. C’est lui qui, lorsqu’il recevait son cachet, voulait faire plaisir à tout le monde.
Quel est votre meilleur souvenir de Chris ?
Durant sa maladie, nous devrions nous voir pour qu’il parte chez le médecin. Quand il m’a appelé, j’étais au studio car, nous préparons le dernier album des Woody, auquel il ne participait pas souvent à cause de sa santé. Quand il est arrivé au studio, on travaillait sur un de ses morceaux titré « Bébéyou », qui signifie le départ du dernier enfant. Comme si c’était prémonitoire. A son arrivée, il s’est assis dans un fauteuil et la chanson passait. Je lui ai demandé s’il pouvait chanter. Assis, nous avons amené le micro vers lui et il a chanté le morceau d’un trait. Cela a été la dernière chanson de Chris de Bagnon. Je l’écoute souvent dans ma voiture avec tout ce que vous pouvez imaginer comme émotion. C’est sa toute dernière chanson. Je compte travailler sur le morceau pour adapter sa voie pour qu’à la sortie de l’album, les gens comprennent l’effort qu’il a fait pour chanter cette chanson jusqu’au bout. Dans la chanson, il parle du dernier enfant qui, à son décès, les gens pleurent et quand il fait nuit, les gens tressaillent. Comme si Chris savait ce qui lui arriverait. Durant son chant, le studio est resté très calme. Et, après la chanson, tellement j’étais triste, il a lui-même tapoté sur mon épaule en disant : « Woody, laisse tomber. Qu’est-ce qu’il y a ? Ça ira, t’inquiète ». C’est pour vous dire que Chris n’a jamais perdu sa dimension humaine. Nous ne sommes que des humains. Que chacun fasse ce qu’il a à faire sur terre et après parte rendre compte à Dieu. Je pense que Chris a œuvré pour la promotion de la culture ivoirienne à travers sa passion qui est la pop musique. Nous lui rendrons un hommage digne.
Quel sera l’avenir des Woody ?
Il y a des talents irremplaçables. Aujourd’hui, les Woody jouent avec un batteur du nom de Bulldozer, un ancien batteur de Tangara Speed Goda. Bulldozer joue selon son style à lui qui n’est pas celui de Chris de Bagnon. C’est un bon batteur. Mais, en matière de pop musique, c’est sans conteste Chris qui est le meilleur. C’est en cela que Chris va manquer à tous. En tant que le leader du groupe, je ne dois ni calquer, ni me laisser aller par l’émotion de sorte que l’avenir du groupe soit hypothéqué. Dans ce cas, tout le monde s’en prendra à moi. Déjà, on me dit : « Jack, tu n’as pas le droit de t’arrêter ». De la même façon que De Bagnon ne s’est pas arrêté, nous irons jusqu’au bout. Nous allons continuer la route avec Bulldozer. Mais, Chris de Bagnon reste Chris de Bagnon. Et ce n’était pas un hasard qu’il soit la star des Woody. Son petit nom était «Papa». C’est aussi comme cela qu’il appelait tout le monde.
S.A.
Comment avez-vous accueilli la nouvelle du décès de Chris de Bagnon ?
D’abord, le jeudi, lorsque Chris a piqué une crise à la maison, nous avons été appelés pour le transférer à l’hôpital pour faire des dialyses. Et, le vendredi, il a piqué une autre crise. Vers 5 heures du matin, on l’a emmené dans une clinique afin qu’on puisse le remonter un peu. Vendredi matin, Gadji Céli et moi devrions aller le voir en vue de prendre des dispositions financières pour pouvoir lui venir en aide. C’est ce même matin, chez le président Gadji que j’ai appris le décès de mon frère. Il y avait de nombreuses personnes chez le président par rapport au décès. Le staff des Woody étant déjà sur les lieux, nous nous sommes rendus au Chu de Treichville. Pour transférer le corps à Ivosep. La dépouille mortelle doit y rester pour un mois, le temps que nous trouvions avec les parents les dates des obsèques. La nouvelle est tombée comme un coup de massue, parce qu’on nous avait rassuré qu’on pouvait vivre avec une insuffisance rénale, qu’il fallait que le malade soit bien traité et qu’il suive régulièrement les dialyses. Je pense que Chris a succombé à la suite de fatigue. On lui avait fait plusieurs dialyses dans un délai assez court. Quand les docteurs ont diagnostiqué la maladie, ils ont parlé d’un début d’insuffisance rénale sévère. Ce qui a justifié la régularité des dialyses et je crois que cela l’a épuisé, mais on ne pouvait faire autrement. Je pense que c’est la volonté de Dieu.
Comment avez-vous vécu cette maladie ?
La maladie a freiné les activités du groupe. En mars 2009, nous étions invités au Festival mondial de Londres, où était invité Beta Simon, Onel Mala. C’est un festival organisé en coproduction avec des Anglais et un jeune Ivoirien du nom de Moïse Zosso, communément appelé Zeus. Nous étions prêts à partir et Chris a chuté. On a annulé le voyage. Nous devrions aller au Festival de Jazz de Conakry, on n’a pas pu le faire. Ce sont de grands rendez-vous auxquels Chris aimait participer. Nous nous sommes plutôt concentrés sur la recherche de moyens pour le soigner. Cela faisait près de deux ans qu’il était malade. Il y a eu des moments où Chris s’était retrouvé et nous avons joué ensemble au décès d’un de nos amis du nom de Moon, ex-batteur de Meiwey, mort aux Etats-Unis. Il était assez affaibli, mais, il a tout de même joué. On a vécu dans l’anxiété avec beaucoup d’espoir au cœur. On se disait que de toutes les façons, il se relèverait. Car, c’est un homme vivant et robuste. On n’a jamais pensé que l’irréparable pouvait se produire maintenant. C’est pourquoi nous avons tout fait avec conviction, nous avons fait le concert (pour récolter des fonds), solliciter les Ivoiriens, les fans, les autorités et le ministère de la Culture qui a réagi promptement. C’est avec un moral haut que nous avons exécuté tout cela. Je crois que c’est une grave maladie et quand elle n’est pas vite décelée, elle peut causer de graves conséquences.
De quoi est mort Chris de Bagnon ?
La maladie a commencé par une hypertension artérielle et c’est cette maladie qui l’a terrassé pour la première fois. Après dix jours, les médecins ont découvert des problèmes cardiaques consécutifs à l’hypertension. Les docteurs ont jugé qu’il arrête de boire de l’alcool et de fumer. Ce qu’il a respecté. C’est dans cette convalescence que s’est déclaré une anémie aiguë. Et effectivement, il avait perdu beaucoup de poids et il était amaigri. Consécutivement à cette anémie, les médecins ont diagnostiqué une insuffisance rénale. Voilà la chronologie des maladies, telles qu’elles se sont déclarées. Et, c’est la dernière maladie qui l’a emporté. Les maladies se sont déclarées crescendo de mal en pire. C’est ainsi que nous avons organisé le concert vu la gravité de la situation. L’objectif était d’avoir un écho favorable auprès des autorités, du moment où nous avions affaire à une insuffisance rénale. Non seulement la maladie est désastreuse, mais sa gestion est coûteuse. Il fallait se faire entendre au nom de la dimension artistique de Chris, pour qu’il puisse bénéficier de l’aide de l’Etat en obtenant une prise en charge. Le concert s’est bien déroulé, on a eu de l’aide, malheureusement, nous n’avons pas pu obtenir une prise en charge. Il fallait continuer avec les dialyses. La conférence de presse qui a précédé le concert avait pour but de mettre fin aux supputations. Du fait que, dès qu’un artiste tombe malade, on parle de sida. Au nom du respect pour les Woody, j’ai voulu clarifier les choses. A cette conférence, on s’est attardé sur le problème cardiaque et à l’hypertension. L’anémie et l’insuffisance rénale n’étaient pas encore déclarées.
Que retenez-vous de Chris ?
C’est avant tout un très grand compositeur. Il a composé des titres comme « Kalégnon », hommage à Winny Mandela, « Séhizo » et « Kalet ». Des titres qui ont permis le succès des Woody. Et il a même sorti un album solo. Deuxièmement, c’est l’un des derniers batteurs de pop musique en Côte d’Ivoire. J’irai jusqu’à dire que c’est le « dernier des Mohican » au niveau de la batterie. Vous savez que le milieu de la pop musique a eu une certaine effervescence dans les années 1968-1970. La flamme s’est éteinte aux alentours des années 1980. Mais, Chris est resté fidèle à ce style musical jusqu’à notre rencontre. Il avait déjà joué avec les Jinn’s Music. Et, il n’a fait autre chose que distribuer sa passion pour cette musique. C’est l’un des rares batteurs de pop musique en Afrique. Mais, la vie des artistes est pathétique. C’est lorsqu’on disparaît qu’on connaît notre valeur. C’était un homme humainement chaleureux. C’est pour cela qu’il était la star au niveau des Woody. Il était facile d’accès. C’est lui qui mettait l’ambiance. C’était une personne d’un humanisme impressionnant, parce que, c’est lui qui était le moins nanti du groupe. C’est lui qui, lorsqu’il recevait son cachet, voulait faire plaisir à tout le monde.
Quel est votre meilleur souvenir de Chris ?
Durant sa maladie, nous devrions nous voir pour qu’il parte chez le médecin. Quand il m’a appelé, j’étais au studio car, nous préparons le dernier album des Woody, auquel il ne participait pas souvent à cause de sa santé. Quand il est arrivé au studio, on travaillait sur un de ses morceaux titré « Bébéyou », qui signifie le départ du dernier enfant. Comme si c’était prémonitoire. A son arrivée, il s’est assis dans un fauteuil et la chanson passait. Je lui ai demandé s’il pouvait chanter. Assis, nous avons amené le micro vers lui et il a chanté le morceau d’un trait. Cela a été la dernière chanson de Chris de Bagnon. Je l’écoute souvent dans ma voiture avec tout ce que vous pouvez imaginer comme émotion. C’est sa toute dernière chanson. Je compte travailler sur le morceau pour adapter sa voie pour qu’à la sortie de l’album, les gens comprennent l’effort qu’il a fait pour chanter cette chanson jusqu’au bout. Dans la chanson, il parle du dernier enfant qui, à son décès, les gens pleurent et quand il fait nuit, les gens tressaillent. Comme si Chris savait ce qui lui arriverait. Durant son chant, le studio est resté très calme. Et, après la chanson, tellement j’étais triste, il a lui-même tapoté sur mon épaule en disant : « Woody, laisse tomber. Qu’est-ce qu’il y a ? Ça ira, t’inquiète ». C’est pour vous dire que Chris n’a jamais perdu sa dimension humaine. Nous ne sommes que des humains. Que chacun fasse ce qu’il a à faire sur terre et après parte rendre compte à Dieu. Je pense que Chris a œuvré pour la promotion de la culture ivoirienne à travers sa passion qui est la pop musique. Nous lui rendrons un hommage digne.
Quel sera l’avenir des Woody ?
Il y a des talents irremplaçables. Aujourd’hui, les Woody jouent avec un batteur du nom de Bulldozer, un ancien batteur de Tangara Speed Goda. Bulldozer joue selon son style à lui qui n’est pas celui de Chris de Bagnon. C’est un bon batteur. Mais, en matière de pop musique, c’est sans conteste Chris qui est le meilleur. C’est en cela que Chris va manquer à tous. En tant que le leader du groupe, je ne dois ni calquer, ni me laisser aller par l’émotion de sorte que l’avenir du groupe soit hypothéqué. Dans ce cas, tout le monde s’en prendra à moi. Déjà, on me dit : « Jack, tu n’as pas le droit de t’arrêter ». De la même façon que De Bagnon ne s’est pas arrêté, nous irons jusqu’au bout. Nous allons continuer la route avec Bulldozer. Mais, Chris de Bagnon reste Chris de Bagnon. Et ce n’était pas un hasard qu’il soit la star des Woody. Son petit nom était «Papa». C’est aussi comme cela qu’il appelait tout le monde.
S.A.