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Économie Publié le vendredi 4 septembre 2009 | Nord-Sud

Assa Yobouët Alexandre, président de l’Ong « Piétons en danger » :, président de l’Ong « Piétons en danger » : “Nous sommes tous en danger de mort”

•Quelle est la situation des bandes blanches et des panneaux de signalisation sur les routes ivoiriennes ?

La Côte d’Ivoire traverse une crise d’insécurité généralisée en ce qui concerne la situation des piétons. Jetez un regard sur les voies publiques. Depuis presque 10 ans, l’Etat ne se préoccupe plus de la situation des piétons. Les voies publiques, sont, de manière générale, dénudées de bandes blanches. Nous avons, interpellé plusieurs fois les autorités pour trouver une solution. Malheureusement, cela est resté sans suite.


•Que vous ont-elles dit ?

Nous avons interpellé pas mal d’autorités : L’Oser (Office de la sécurité routière), le ministère des Transports, l’Ageroute (Agence de gestion des routes), le Fonds d’entretien routier (Fer) etc. Ils sont restés amorphes jusqu’en 2008 où nous avons approché de façon personnelle certains responsables de ces institutions pour les amener à comprendre l’importance de la sécurité des piétons en Côte d’Ivoire. Parce que pour nous, tout le monde est piétons. Que vous soyez DG, ministre ou ouvrier, nous sommes tous des piétons. Donc, la situation sécuritaire des piétons concerne tout le monde. Ceux qui ont pu nous comprendre ont accepté d’être partenaires à notre projet pour le retour de bandes blanches sur les grandes voies. L’Ageroute a quand même participé avec des pots de peinture. Le Fer et l’Oser sont venus nous assister de manière morale. Mais, c’est nous qui avons tracé les bandes.


•Combien vous fallait-il pour réaliser ce projet ?

Un pot de peinture, pour faire une bande blanche, coûte 125.000 Fcfa. Ce sont des pots de peinture particuliers. Pour un carrefour, il faut au minimum 10 pots, sans oublier les diluants. Les membres de l’Ong se sont saignés en cotisant. Il y a eu aussi l’apport de quelques partenaires. En janvier 2008 nous avons retracé les bandes des grands carrefours de Koumassi et de Marcory. Pour les réaliser, il fallait avoir des experts. Comme nous sommes préoccupés par la sûreté des piétons, nous avons formé certains de nos volontaires qui sont habilités à gérer les bandes blanches, à les tracer et en respectant les normes internationales. Ces experts ont travaillé aux différents carrefours à leurs risques et péril. Les travaux devaient s’élever à 16 millions de Fcfa. Mais, nous n’en avons eu que 7. C’était notre participation personnelle et les apports de pots de peinture des partenaires que nous avons sollicités.


•Les travaux se sont-ils limités aux deux carrefours cités ?

Sur le VGE (Boulevard Valery Giscard d’Estaing), depuis le carrefour de « Immeuble Roche », à Treichville jusqu’au « Carrefour Super Hayat » en passant par le collège Autoroute de Treichville et le grand carrefour de Marcory ». Les travaux ont eu lieu uniquement sur le VGE.


•Pourquoi uniquement le VGE ?

Nous avons remarqué qu’aux heures de pointe, de 6h à 8h, où les élèves vont à l’école et les ouvriers au travail, la population de masse fréquente ces voies-là. Il fallait conjuguer nos efforts pour réduire le taux de mortalité dans ces zones. La masse piétonne qui traverse les carrefours de Koumassi, de Marcory et de Treichville peut être estimée à 5.000 personnes. Nous avions à sauver des vies humaines.


•N’y a-t-il pas d’autres zones à risques?

Si. On peut parler des quartiers à risque, je peux vous citer Abobo. Cette commune demeure la championne en matière de morts dans les accidents de piétons. Yopougon vient en deuxième position, puis Adjamé. Nous avons des images et des films documentaires. Au moment où nous faisions les bandes blanches, nous étions à un taux de 59% de taux de mortalité des piétons dans les accidents au niveau des carrefours en Côte d’ Ivoire. C’était en 2008. Lorsque nous avons fait les bandes blanches, et que cela a été suivi de campagnes de sensibilisation, le taux est tombé à 50%, soit une réduction de 9%.


•Concrètement, comment l’absence de bandes blanches ou de panneaux provoque-t-elle un accident?

Une voie qui est dénudée de bandes blanches et de panneaux de signalisation, est une voie qui invite à la mort. Le piéton ne sait pas où traverser et l’automobiliste ne sait pas à quel niveau laisser passer le piéton. Si les gens doivent sortir pour aller se donner à la mort, ça ne vaut pas la peine de sortir.


•Ces accidents sont-ils toujours liés uniquement à l’absence bandes ou des panneaux ?

Vous avez raison. Il y a aussi l’indiscipline des chauffeurs. L’éducation des piétons n’est pas encore formalisée. S’ajoute l’inconduite des chauffeurs en Côte d’Ivoire. 60% de nos chauffeurs sont des analphabètes. Ils ne maîtrisent pas véritablement le code de la route. Mais, pour des problèmes d’emploi, ils acquièrent facilement leur permis et se jettent dans la conduite. Il y a aussi des intellectuels qui, par non-vigilance, créent des accidents.


•Qui sont ceux qui détruisent ou qui volent les panneaux ?

A notre connaissance ce sont les vendeurs de marmites qui utilisent ces panneaux . Mais, je pense qu’aujourd’hui, pour les panneaux de signalisation et les bandes blanches, l’Etat doit revoir ses stratégies de sécurisation. L’Etat est responsable des automobilistes et des piétons. Aujourd’hui, si vous allez à l’Oser, on vous dira que le budget a été réduit. A l’Ageroute, c’est pareil. Tout dernièrement, la Banque mondiale était obligée de décaisser avec le Ppte (Programme des pays pauvres très endettés) pour réparer les voies. Il faut qu’on sache que les piétons sont en danger de mort, notre insécurité ne préoccupe guerre l’Etat. A l’intérieur de l’Etat, il y a des démembrements que sont les communes. Un maire ne peut exister que si seulement sa population piétonne est sécurisée.

Interview réalisée par Raphaël Tanoh
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