La semaine dernière, la bonne nouvelle est tombée. Invité par le numéro un américain, le chef de l’Etat ivoirien s’est rendu aux Etats-Unis. La bonne nouvelle, denrée rare dans un pays marqué par la pauvreté généralisée et les difficultés de la rentrée scolaire, a été saluée comme il se devait. Des pages entières noircies pour expliquer la performance diplomatique. Des sorties de plénipotentiaires sur les écrans de la télévision nationale pour analyser la prime à la bonne gouvernance que représente ce déjeuner avec Barack Obama auquel vingt cinq chefs d’Etat de l’Afrique subsaharienne étaient conviés. Pas de polémique cependant. Des présidents, à l’image du Soudanais Omar El Béchir ou du Zimbabwéen Robert Mugabé, n’ont pas été acceptés à la table du premier Afro-Américain à la Maison blanche. Barack Obama a présenté à ses hôtes ses priorités : bonne gouvernance, création d’emplois au profit des jeunes, développement du commerce. Il a beaucoup écouté certains de ses convives et a eu des têtes-à-têtes avec quelques happy few. Pas grave si le titulaire du palais du Plateau n’a pas été de ceux-là. Pas important non plus si la traditionnelle photo qui marque ce genre de rencontres historiques n’a pas été programmée par le protocole américain. Laurent Gbagbo était au déjeuner et c’est tout à l’honneur de la Côte d’Ivoire. Un pays qui se débat pour mettre fin à une grave crise politico militaire. Et dans lequel des élections sont attendues et programmées pour le 29 novembre 2009. C’est-à-dire dans quelque deux mois. L’aubaine de la renaissance du pays sur la scène internationale avec le déjeuner à la Maison blanche et l’intervention de son chef de l’Etat à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies offraient au premier magistrat ivoirien l’occasion de présenter la possibilité qu’ont ses concitoyens à se retrouver. Sur la quarantaine de membres de la délégation qui a rallié les Etats-Unis, point de figures autres que celles du clan. Le prince a fait le déplacement avec sa cour. Même la presse, à charge de rendre compte aux Ivoiriens de « cet important voyage » de leur chef, a brillé par sa couleur monocorde. Les media publics et ceux proches du parti au pouvoir ont, seuls, eu droit à la fête. Un signe de plus que la Côte d’Ivoire des partis est bien vivace. Sept ans de guerre, de tâtonnements vers la paix et de mouvements ondulant à la recherche de la cohésion perdue n’ont pas fait bouger les lignes. Il y a partout, dressée comme un mur de Berlin, l’infranchissable barrière qui sépare les partisans, les élus, des adversaires, les ennemis. Cette attitude méprisable devient totalement inacceptable lorsqu’elle est intégrée et maintenue dans le fonctionnement de l’Etat. A Washington et à New York, c’est la Côte d’Ivoire et non une partie de la nation qui était en mission. A preuve, les frais du séjour ont été payés avec l’argent du contribuable sans distinction de couleur politique. La dimension sectaire de cette mission ivoirienne au pays d’Obama nourrit des inquiétudes réelles pour les rendez-vous à venir. La Côte d’Ivoire, même si des nuages subsistent encore, doit entrer en campagne. Des moments habituellement agités. Dans le contexte de sortie de crise qui est le sien, le pays risque des secousses politiques très fortes. Quelle que soit l’issue des élections d’ailleurs, les défis à relever sont titanesques. Que ce soit l’économie, la sécurité, l’école, la santé, la justice, pour ne citer que quelques priorités, les immenses chantiers de la reconstruction nationale imposent un consensus incontournable pour être menés à bien. Cette démarche, aucun leader ivoirien et son camp politique ne peuvent l’ignorer. A moins d’être un aventurier avide du pouvoir pour le pouvoir. La Côte d’Ivoire ne verra, cependant, pas ses fils et ses filles se retrouver autour d’elle dans cette œuvre de salut public par un coup de baquette magique. Il faut un engagement fort, une hauteur de vue et, absolument, un esprit de sacrifice et de dépassement de grande qualité aux acteurs de premier plan pour y arriver. Le chef de l’Etat en exercice, de par ses fonctions et ses responsabilités en ce tournant historique pour le pays, devait insuffler le processus. Pour son « voyage mémorable » aux Etats-Unis, Gbagbo n’a pas fait ce pas. Il a l’occasion, avec son retour au pays, de montrer que l’espoir du rassemblement des Ivoiriens pour la Côte d’Ivoire n’est pas perdu.
D. Al Seni
D. Al Seni