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Économie Publié le mercredi 7 octobre 2009 | Nord-Sud

Téléphonie mobile en Côte d’Ivoire (acte II) : Pourquoi le futur président va annuler certaines licences

Dans l’acte I de notre dossier, nous mettions en lumière la loi qui réglemente le secteur de la téléphonie mobile en Côte d’Ivoire et comment l’ATCI qui est chargée de faire appliquer ces textes, prend au contraire la liberté de les prévariquer elle-même. Dans la présente parution, nous allons nous attacher aux conséquences des actes de Kla Koué Sylvanus et de ses hommes, et qui constituent un véritable tombeau pour les fonds qu’y ont investis sans précaution leurs bénéficiaires.

« Les affaires prospèrent là où règne le désordre », telle est la devise de la mafia. Et il faut bien croire que cette réalité a trouvé en Côte d’Ivoire une terre fertile depuis qu’avec la non tenue des élections générales de 2005, ce pays est plongé dans un désordre constitutionnel et institutionnel sans nom et sans précédent. Toute personne qui jouit d’un pouvoir de décision ou de la gestion d’un budget étatique, en profite donc sans arrière-pensée et retenue. Parce que depuis 2005, l’idée s’est développée que tous jouissent d’un ‘’gaoussou’’ comme on dit ici, c’est-à-dire une période franche au cours de laquelle les institutions de la République, qui n’exercent qu’une autorité de fait, n’exercent plus un contrôle sur la marche du pays.


L’ATCI tire profit des faiblesses des institutions

C’est indéniablement de ce cadre institutionnel sujet à caution que l’ATCI tire le pouvoir qu’elle s’est arrogée de délivrer des licences d’exploitation de téléphonie mobile, en totale violation des textes réglementaires selon lesquels elle devrait impérativement agir. A l’ombre de la confusion politique, militaire, sociale, économique et constitutionnelle qui s’est emparée de la Côte d’Ivoire, Kla Koué Sylvanus et ses hommes se sont lancés dans une interprétation totalement viciée et pernicieuse des textes qui réglementent leur secteur. Certains qu’ils sont que le peuple ivoirien, étant plus préoccupé par la crise d’où il veut sortir, n’a donc pas le coeur à se faire regardant dans leurs pratiques prévaricatrices. Surtout que dans ce tourbillon, lui qui est le consommateur, se réjouit suffisamment de ce que cette prolifération de maisons de téléphonie mobile comme des boutiques de bonbons, lui profite en premier par la baisse spectaculaire des coûts qu’elle induit.
Et pourtant, cette situation avantageuse au consommateur ne saurait nullement occulter ou excuser le fait que la loi ivoirienne limite bel et bien le nombre de licences de téléphonie mobile à exploiter en Cote d’Ivoire à quatre (04). Kla Koué Sylvanus avait cru que cette limitation, parce qu’elle n’a pas été édictée de façon express par la loi, les Ivoiriens seraient suffisamment ignares en matière de droit pour ne pas la voir dans les textes. Et pourtant, elle se déduit de façon claire et univoque de l’interprétation des articles 2 et 4 du Décret n° 2001-409 du 05 Juillet 2001. De sorte que tous autres compréhension et usage de ces textes ne peuvent être que scandaleuse. En effet, l’article 2 dispose : « Une licence bi-bande 900 / 1800 Mhz est attribuée aux opérateurs autorisés exploitant déjà un réseau de radiotéléphonie mobile cellulaire. Dans la bande 900 Mhz, le nombre de canaux radioélectriques attribués à chaque opérateur ne peut excéder 30. » Ce texte est inattaquable dans son expression quant à ce qu’il vise les trois (03) opérateurs oeuvrant en Côte d’Ivoire en 2001, c’est-à-dire Cora de Comstar, Ivoiris (devenu Orange) et Telecel (devenu MTN), lorsqu’il parle de « opérateurs autorisés exploitant déjà un réseau de radiotéléphonie mobile cellulaire ». Quant à l’article 4, il stipule : « Une licence bi-bande 900 / 1800 Mhz sera attribuée à un nouvel opérateur par une vente aux enchères publiques, à l'issue d'une présélection résultant d'une consultation internationale, pour l'établissement et l'exploitation d'un réseau de radiotéléphonie mobile cellulaire. Le montant de l'adjudication correspond à la contrepartie financière. » Par l’expression univoque « Une licence bi-bande 900 / 1800 Mhz sera attribuée à un nouvel opérateur », le Décret n° 2001-409 du 05 Juillet 2001 n’entretient aucune confusion quant au nombre d’opérateurs à qui une licence, autre que les trois existant déjà, peut être attribuée : un et un seul ! Puisque l’article 4 ne dit pas « à de nouveaux opérateurs », mais sans aucune ambiguïté, « à un nouvel opérateur ». De plus, la multiplicité actuelle des licences qui prévaut en Côte d’Ivoire, ne saurait non plus être déduite du terme « une licence ». Etant donné que l’on acquiert cette autorisation dans l’intention inévitable de l’exploiter en tant qu’opérateur dans ce pays, le législateur n’aurait donc jamais pu imaginer que la qualité de détenteur de licence soit détachable de celle d’opérateur. De sorte à croire que si la loi vise « un (…) opérateur », elle puise autoriser par contre une multiplicité de licences. En clair, en conjuguant les effets de l’article 2 qui visait en 2001 les trois opérateurs déjà existants et ceux de l’article 4 qui, lui, autorise un seul opérateur à pourvoir d’une licence, l’on obtient quatre (04) licences à détenir par quatre (04) opérateurs dans le secteur de la téléphonie mobile en Côte d’Ivoire au terme du Décret n° 2001-409 du 05 Juillet 2001. Sans plus ! En vertu de quel texte donc l’ATCI s’est-elle permise de délivrer plus de quatre (04) licences dans ce pays, au point que l’on se retrouve avec une dizaine ?
Et, toujours se fondant sur l’ignorance des Ivoiriens, Kla Koué Sylvanus et ses hommes ont cru pouvoir tirer valablement parti d’un autre texte pour vendre les licences douteuses. Il s’agit du Décret N° 2004-91 du 22 janvier 2004 portant définition d'une période transitoire avant l'ouverture à la concurrence du secteur des Télécommunications. Si ce texte introduit bien, comme indiqué dans son libellé, la libéralisation du secteur des télécommunications, donne-t-il pour autant compétence à l’ATCI d’ouvrir les vannes de la téléphonie mobile comme
elle l’a fait ? Au risque de surprendre ceux que cette société a pu abuser durant toutes ces années, il n’en est absolument rien ! Parce que ce que vise ce texte, c’est la libéralisation de la téléphonie fixe, et non pas celle de la téléphonie mobile. En tout état de cause, le Décret N° 2004-91 du 22 janvier 2004 est clair dans sa lettre et dans son esprit. En son article 1er, nous lisons : « Il est institué une période transitoire avant l'ouverture totale à la concurrence dans le secteur des Télécommunications. Cette période transitoire qui marque la fin du monopole de COTE D'IVOIRE TELECOM sur les services exclusifs, court pour compter du 03 février 2004 et ne peut aller au-delà de la date du 20 décembre de la même année. » Peut-il y avoir confusion ou interprétation quant à l’objet de ce décret ? Nullement ! Deux faits au moins indiquent dans cet article qu’il ne peut strictement viser que la téléphonie fixe : le premier, c’est que si en 2004, il parle de « ouverture totale à la concurrence ». Or dès 1996, soit 8 années plus tôt, la téléphonie mobile, elle, était déjà ouverte à la concurrence, puisqu’elle comptait 3 opérateurs, à savoir Comstar, Ivoiris et Telecel. Le deuxième, c’est que cet article parle clairement et sans ambiguïté de « Cette période transitoire qui marque la fin du monopole de COTE D'IVOIRE TELECOM sur les services exclusifs ». Faut-il plus pour prouver que ce dont il est question ici est bel et bien la téléphonie fixe, étant donné que le Décret N° 2004-91 du 22 janvier 2004 dit que le monopole à casser en vue de l’ouverture à la concurrence est bien celui de COTE D'IVOIRE TELECOM, seul opérateur de ce secteur en Côte d’Ivoire depuis l’indépendance ?
Des licences qui ne valent juridiquement rien
Le problème qui se trouve ici posé, coule dès lors de source : sur quelle loi de la République de Côte d’Ivoire, Kla Koué Sylvanus s’est-il alors appuyé pour délivrer les licences d’exploitation de la téléphonie mobile au-delà de la quatrième ? En tout état de cause, aucune ! Puisque cette loi autorisant plus de quatre licences n’existe nulle part. en clair, l’ATCI et son directeur général ont gravement violé la loi ivoirienne régissant le secteur de la téléphonie mobile. Ce, en prévariquant leur mission : ils doivent délivrer les licences en application de la loi en vigueur, et non pas selon leur bon vouloir ou des justifications sociales et économiques qu’ils auront décidées par eux-mêmes ! Et c’est bien ce que disent les alinéas 2 de l’article 2 de la loi n° 95-526 du 07 juillet 1995 portant création de l’ATCI et le Décret n°98-506 du 16 Septembre 1998 l’ayant transformée en société d'Etat. Pire, les conditions dans lesquelles a été attribuée la quatrième licence demeurent jusqu’aujourd’hui des plus troubles. Alors que l’article 4 du Décret n° 2001-409 du 05 Juillet 2001 parle de « vente aux enchères publiques, à l'issue d'une présélection résultant d'une consultation internationale », l’on n’a jamais su dans quelles circonstances cet quatrième opérateur a pu obtenir cette licence. Toutefois, une chose est certaine : ce n’est pas par l’effet d’une vente aux enchères publiques, encore moins après une offre
publique d’achat mondiale, telles que prescrites par la loi. En clair, l’acquisition de cette licence n’a pas fait l’objet d’une compétition ouverte à tous les Ivoiriens, encore moins aux investisseurs du monde entier, et que donc elle a été faite en toute clandestinité !
Au regard de toute cette débauche de violations de la loi, la question qui s’impose dès lors est pour le moins effrayante : que valent juridiquement ces licences-bonbons que délivrent à tour de bras Kla Koué Sylvanus et l’ATCI ? En effet, nous avions relevé dans notre précédente parution que ces autorisations d’exploitation suspectes ont été délivrées après la fin constitutionnelle des mandats des institutions en Côte d’Ivoire. Cette situation est assurément lourde de conséquences au plan juridique. Car pour les partis de l’opposition politique notamment, elle entache les actes pris sous ce régime d’exception, dont ces licences de téléphonie mobile, de graves irrégularités. En clair, ces licences foisonnantes ne valent rien au plan du droit. Et c’est bien ce que disait en 2005 Alphonse Djédjé Mady, secrétaire général du PDCI-RDA, l’un des trois partis politiques présentés comme capables de remporter l’élection présidentielle de novembre 2009, lorsqu’il mettait en garde les investisseurs contre les contrats qu’ils auraient à conclure en Côte d’Ivoire au-delà du mois d’octobre 2005. En clair, le futur Président de la République élu ne serait pas lié par ces actes et qu’il lui serait alors loisible de les dénoncer et de les annuler. De plus, quand on sait que l’ATCI a délivré ces licences en totale violation de la loi en vigueur, ceux qui les ont achetées devraient déjà s’inquiéter. Car si l’Administration est réputée être une continuité, tel ne saurait être le cas des actes illégaux. Or telle est la nature des licences délivrées par l’ATCI au-delà de la quatrième, en dehors de toute vente aux enchères publiques, après octobre 2005, etc. Kla Koué Sylvanus a-t-il signifié ce spectre implacable à ses clients ? Il faut bien en douter.

Yves Blondel
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