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Société Publié le samedi 17 octobre 2009 | Nord-Sud

Débat sur la Polygamie : Faut-il légaliser les “2èmes bureaux” ?

Les Ivoiriens contournent quotidiennement la loi en scellant des unions en dehors du mariage légal au vu et au su de tous. Faut-il leur faciliter la tâche en autorisant la polygamie ? Nord-Sud ouvre le débat.

Tromper sa femme, est naturel, dit-on. Si on ne s’attarde pas sur les causes de cette polygamie de fait, on devrait se pencher tout de même sur ses conséquences pour en tirer des leçons. Kouadio Justine, 29 ans, sans emploi, regrette amèrement d’avoir eu un enfant de sa relation clandestine avec M. Koné Yaya, un homme riche mais marié. « Quand sa femme s’en est rendue compte, elle a refusé qu’il s’occupe de mon fils. Pourtant je n’ai pas les moyens pour le mettre à l’école ». Ce qui écœure la jeune fille, c’est que son chéri, étant musulman, elle espérait bénéficier de sa fortune. Le drame que vivent les familles polygames n’est plus un doute. Blesson Rodrigue, célibataire, âgé de 33 ans, aîné d’une famille polygame est installé aujourd’hui à son propre compte à la Riviera-Palmeraie et travaille dans le secteur informatique. Il est encore choqué de l’humiliation subie par celle qui lui a donné la vie et en veut terriblement à son père, même décédé. «A sa mort, nous avons dû nous battre pour que les plus petits bénéficient d’une partie de sa pension », révèle-t-il. Malgré sa situation aisée, Rodrigue n’arrive toujours pas à oublier son enfance difficile. « Tous les malheurs sont arrivés quand cette femme a débarqué pour la première fois à la maison. Ma mère, moi et mes quatre frères ne bénéficiaient plus des faveurs de papa. Pas de vêtements neufs, ni d’argent de poche encore moins de cadeaux pour le nouvel an. Pour la papote, notre mère devait se référer à la nouvelle venue qui a bénéficié du mariage légal», raconte-t-il, les sourcils froncés. Que se soit du côté des «victimes » ou des « coupables », tout le monde en prend un coup. Mais contraste des contrastes, tout le monde est dans le coup. Chefs d’Etat, hommes politiques, ouvriers, sans emplois…La polygamie n’est pourtant pas autorisée en Côte d’Ivoire. La loi est formelle. Elle reprend l’article 2 alinéa 1, la formule de en son article 147 du code civil français : « nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du précédent ». En d’autres termes, la polygamie est condamnée par la loi. Le code de la famille adopté en 1963 et reformé en 1983 n’est malheureusement toujours pas respecté. La polygamie persiste. Les mariages parallèles coutumiers se contractent tous les jours. Pour certains Ivoiriens, « ce n’est pas une catastrophe que d’avoir plusieurs femmes. C’est la loi actuelle qui est inadaptée aux réalités», dixit Patrice Asséman, un ouvrier de 38 ans, domicilié à Treichville. Marie-Ange Koudou, 26 ans, chargée de communication, semble partager cette opinion. Elle pense même à « une loi qui interdit un régime polygamique à tout homme incapable d’être équitable envers ses épouses et ses enfants». Akissi Delta, la productrice du téléfilm « Ma famille », ne voit aucun mal en la polygamie. Pour elle, « tous les Africains sont polygames. Il y a tellement de jolies femmes que même s’ils ont envie de rester fidèles, ils ne le peuvent pas. La polygamie ne doit pas faire peur. Ce qui fait peur, c’est plutôt le sida », ajoute-t-elle. Delta donnait ainsi son point de vue sur la polygamie dans le magazine malien « Mœurs ». Elle l’entrevoit quand « chaque femme est chez elle et que c’est l’homme qui se promène. A chacune de montrer son savoir-faire ». Une idée à la quelle adhèrent des femmes intellectuelles. Mme Kaba Fofana, conseiller technique chargée de la politique sociale et familiale au ministère des Affaires sociales, a participé à l’élaboration du protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits de la femme de Maputo, qui a réuni plusieurs femmes de la sous-région en 2003. Pour elle, « on ne doit pas fermer les yeux sur les réalités qui se concrétisent même par la naissance d’enfants hors de l’alliance légale». En tant que militante pour le bien- être de la femme, elle propose la liberté de choix, d’autant plus que le mariage repose sur des valeurs ancestrales et religieuses. A l’entendre, le sort réservé aux « maîtresses » doit être défini de sorte qu’elles jouissent de leurs droits en tant que femme. Mais elle est contredite dans sa démarche par d’autres militantes féminines. Dr Marie-Paule Kodjo, présidente de l’Ong Playdoo, se veut intransigeante sur la question. « Mon choix, c’est un régime monogamique. Si beaucoup de femmes raisonnaient comme moi, les hommes seraient droits. Je suis férocement opposée à la polygamie qui est une autre forme d’esclavage. Mais je ne suis pas fermée. S’il y a des femmes qui veulent la polygamie, je ne peux pas leur jeter la pierre », a- t- elle affirmé récemment dans votre quotidien préféré. Ives Kouakou, un jeune fonctionnaire au Plateau, pense plutôt que « les femmes sont de vraies mégères. Elles considèrent toujours les rivales comme des sorcières à qui il faut faire la peau. La légalisation de la polygamie, si elle ne définit pas bien les contours de sa réalisation, risque d’accentuer les dégâts ». Il estime que la Côte d’Ivoire doit s’inspirer de l’exemple sénégalais (voir encadré). Pour mieux comprendre les implications juridiques d’une légalisation de la polygamie, nous avons contacté maître Jean Jacques Alloukou le 14 octobre. Il explique que « la légalisation de la polygamie suppose que les épouses et leurs enfants jouissent des mêmes droits ». Mais pour l’heure, ajoute le juriste, « un homme marié qui entretient des relations extraconjugales commet l’adultère. Les enfants issus de cette relation sont des enfants adultérins. La dame avec qui le monsieur entretient ce commerce est complice d’adultère et l’adultère est une infraction pénale.». Par ailleurs, un projet de révision du code de la famille est en cours depuis juin 2008. Selon les informations reçues, Il est chapeauté par le ministère en charge de la famille en collaboration avec celui de la justice. Dans ce projet auquel ont participé des magistrats, des chefs religieux et traditionnels et des experts issus des deux ministères, la légalisation de la polygamie n’a pas été proposée. Cependant il y a eu un plaidoyer en sa faveur qui n’a pas été pris en compte par les participants, si bien que, seule la monogamie est reconnue de vigueur dans le document.

N.D
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