Même si les pharmaciens ont décidé de reprendre le service des bons de la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat, nombreux sont les Ivoiriens qui s’interrogent encore sur les raisons de cette crise.
La guéguerre entre la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat de Côte d’Ivoire (Mugefci) et les pharmaciens est loin d’être terminée. Que s’est-il passé pour que le service des bons de la mutuelle soit suspendu du 1er au 8 octobre causant en une semaine au moins 23 décès selon l’Union syndicale pour la défense des intérêts des mutualistes (Usydem).
A l’origine de cette crise qui n’a pas encore connu de dénouement, une nouvelle convention à laquelle la mutuelle veut soumettre ses partenaires. Elle est rejetée par le Syndicat national des pharmaciens privés de Côte d’Ivoire (Synppci). Les points discordants entre la direction de la Mugefci et les pharmaciens portent notamment sur les articles 5, 9,15 et 20 de la nouvelle convention. Selon le syndicat des pharmaciens, à l’article 5, la Mugefci se donne le droit de procéder à des contrôles de l’activité professionnelle du pharmacien d’officine. Alors que cette fonction est dévolue selon eux, aux autorités administratives que sont le Conseil national de l’ordre des pharmaciens et le ministère en charge de la santé à travers la direction de la pharmacie et du médicament. L’article 9 stipule que le pharmacien s’engage à pratiquer autant que possible la substitution de sorte à réaliser au moins 30% de substitution sur la globalité de ses prestations annuelles. En termes plus simples, cela signifie que lorsqu’un mutualiste se rend dans une pharmacie et qu’il doit acheter un médicament qui coûte par exemple 40.000F, s’il n’a pas la somme nécessaire, le malade doit pouvoir négocier avec le phamarcien, la possibilité d’acheter avec la somme qu’il a, un médicament pouvant le soigner.
Les articles à problème
Dans l’article cité, la Mugefci impose cette possibilité aux pharmaciens. Ce qui constitue selon ceux-ci une grave atteinte à leur indépendance professionnelle, voire une aliénation. Car, en donnant au pharmacien la possibilité de modifier une prescription médicale, sans l’accord préalable de son auteur, le législateur faisait de la règle de substitution un ‘’droit’’ pour le pharmacien. Pour le syndicat, la substitution reste soumise à des conditions rigoureuses, et elle est laissée à la libre discrétion du pharmacien dans l’article 46 du code de déontologie du métier de pharmacien et les articles 23 et 24 du décret n°94-669 du 21 décembre 1994 portant conditions d’enregistrement et de dispensation des médicaments. Il estime que le législateur a voulu ainsi donner au pharmacien l’indépendance professionnelle que requiert son activité. A l’article 15, la Mugefci impose le reversement à la mutuelle d’une commission de 5% sur le chiffre d’affaires de toutes les officines. Selon un membre du Synppci, cette disposition expose le pharmacien à accomplir des actes contraires à la déontologie. En effet, aux termes des articles 35 du code de déontologie pharmaceutique, il est écrit ceci : « Est réputé contraire à la moralité professionnelle toute convention ou tout acte ayant pour objet de spéculer sur la santé ainsi que le partage avec des tiers de la rémunération du pharmacien ».
La question des 100.000Fcfa
En clair, il est interdit tous versements et acceptations de commissions entre les pharmaciens et toutes autres personnes et aussi toute réduction en argent ou en nature sur le prix d’un produit ou d’un service. Quant au contenu de l’article 20, il rompt le principe de l’égalité entre les cocontractants et met la Mugefci dans une position dominante selon les pharmaciens.
Un autre point discordant concerne la somme de 100.000Fcfa demandée par la Mugefci pour le retrait de la fiche d’agrément. Une exigence rejetée par les pharmaciens qui la jugent illégalle et sans fondement. « Il ne s’agit pas d’un concours professionnel pour qu’on nous demande de payer des frais de dossier », commente un responsable du syndicat.
Sont également demandées certaines informations comme la situation matrimoniale, le régime matrimonial, le numéro du titre foncier de l’officine, le fournisseur préférentiel et autres fournisseurs et le montant moyen des commandes mensuelles. Pour le syndicat, ces informations « ne sont d’aucun intérêt et pourraient porter atteinte à la vie privée et à la confidentialité ». La mutuelle a décidé de donner un quota à chaque pharmacie. Un membre du Synppci qui a requis l’anonymat souligne que ce problème porte atteinte à la confraternité. « Le quota entraine des distorsions de concurrence. Pourquoi deux pharmacies n’auront-elles pas le même quota ? ». Il ajoute que la Mugefci oblige ainsi les mutualistes à aller dans les pharmacies de leurs amis. Pour lui, ils doivent pouvoir se faire servir dans les 700 pharmacies qui existent en Côte d’Ivoire. Depuis le 8 octobre, ils ont décidé de reprendre les bons de la Mugefci suite à une demande du gouvernement. « Les négociations sont toujours en cours. Nous avons donné la date du 31 octobre. Si nous ne parvenons pas à un accord, nous allons reconduire le mot d’ordre de grève »prévient cette même source.
C’est à partir de cette semaine que la direction de la Mugefci entend rompre son silence sur la question. En attendant cette campagne d’explication, un responsable de la mutuelle joint au téléphone nous a situé sur leur position. Il reproche essentiellement aux pharmaciens le tapage médiatique qu’ils ont fait autour du sujet et la grève qu’ils ont observée alors que les deux parties étaient en pleine discussion sur une convention qui n’est encore qu’un projet. « Aucune pression quelconque ne pourra nous faire fléchir. C’est pourquoi nous les invitons à privilégier la négociation », prévient notre source qui assure que la mutuelle n’est pas fermée à des concessions.
La réponse de la Mugefci
De même, elle ne manque pas de réponses aux raisons évoquées par les partenaires pour rejeter la convention. S’agissant des contrôles de l’article 5 contestés par le syndicat, la mutuelle rétorque le niveau du montant qu’elle verse aux pharmaciens (environ 9 milliards Fcfa par an). Ce qui lui donne tout droit regard sur le service qu’ils doivent rendre en retour aux mutualistes. Concernant la substitution prévue par l’article 9, la Mugefci estime qu’elle n’est nullement contraire à la loi. Notre source rappelle que cette substitution prévue par une loi de 1994 a été adoptée dans l’intérêt du patient : « La loi donne au patient le droit de demander un produit moins coûteux pouvant le soulager lorsque la premières molécule qui lui a été prescrite dépasse ses possibilités financière. C’est pour cette raison que sur le bon de mutuelle est prévue une partie réservée à la substitution ». Les pharmaciens s’opposent à la remise 5% demandée par l’article 15 de la convention. La mutuelle répond qu’elle est avant tout une entreprise privée et que ses rapports avec les officines pharmaceutiques sont des rapports commerciaux qui l’autorisent à poser des conditions commerciales qu’elle soumet à l’appréciation de chaque pharmacien en lui laissant la possibilité de négocier et la latitude d’y adhérer ou non. Elle révèle que les pharmaciens font déjà des remises dans l’ordre de 26% à des entreprises de la place. La Mugefci avance les mêmes arguments concernant les autres points, en l’occurrence les frais de dossiers de 100.000 Fcfa. « La Mugefci n’est pas une structure publique pour agréer toutes les pharmacies. Même les structures publiques ne peuvent pas agréer toutes les pharmacies. C’est à nous de fixer les conditions d’acquisition de notre agrément. Sur 700 pharmacies, seules 263 sont agréées en ce moment. C’est la preuve que toutes les pharmacies ne peuvent pas être agréées. Nous avons demandé que l’on nous signifie par écrit toutes les observations en vue d’une harmonisation des points de vue. Au lieu de le faire, nos amis pharmaciens vont se répandre dans la presse et suspendent les prestations alors que l’ancienne convention qui nous lie est encore en vigueur », se plaint le responsable. Pour lui, les pharmaciens agissent ainsi « parce qu’ils savent que la population concernée est très sensible et très manipulable. Sinon certaines institutions de prévoyance sociale leur doivent plus de 4 milliards de Fcfa, mais ils ne se plaignent pas », conclut-il.
Soro Sita (Stagiaire)
La guéguerre entre la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat de Côte d’Ivoire (Mugefci) et les pharmaciens est loin d’être terminée. Que s’est-il passé pour que le service des bons de la mutuelle soit suspendu du 1er au 8 octobre causant en une semaine au moins 23 décès selon l’Union syndicale pour la défense des intérêts des mutualistes (Usydem).
A l’origine de cette crise qui n’a pas encore connu de dénouement, une nouvelle convention à laquelle la mutuelle veut soumettre ses partenaires. Elle est rejetée par le Syndicat national des pharmaciens privés de Côte d’Ivoire (Synppci). Les points discordants entre la direction de la Mugefci et les pharmaciens portent notamment sur les articles 5, 9,15 et 20 de la nouvelle convention. Selon le syndicat des pharmaciens, à l’article 5, la Mugefci se donne le droit de procéder à des contrôles de l’activité professionnelle du pharmacien d’officine. Alors que cette fonction est dévolue selon eux, aux autorités administratives que sont le Conseil national de l’ordre des pharmaciens et le ministère en charge de la santé à travers la direction de la pharmacie et du médicament. L’article 9 stipule que le pharmacien s’engage à pratiquer autant que possible la substitution de sorte à réaliser au moins 30% de substitution sur la globalité de ses prestations annuelles. En termes plus simples, cela signifie que lorsqu’un mutualiste se rend dans une pharmacie et qu’il doit acheter un médicament qui coûte par exemple 40.000F, s’il n’a pas la somme nécessaire, le malade doit pouvoir négocier avec le phamarcien, la possibilité d’acheter avec la somme qu’il a, un médicament pouvant le soigner.
Les articles à problème
Dans l’article cité, la Mugefci impose cette possibilité aux pharmaciens. Ce qui constitue selon ceux-ci une grave atteinte à leur indépendance professionnelle, voire une aliénation. Car, en donnant au pharmacien la possibilité de modifier une prescription médicale, sans l’accord préalable de son auteur, le législateur faisait de la règle de substitution un ‘’droit’’ pour le pharmacien. Pour le syndicat, la substitution reste soumise à des conditions rigoureuses, et elle est laissée à la libre discrétion du pharmacien dans l’article 46 du code de déontologie du métier de pharmacien et les articles 23 et 24 du décret n°94-669 du 21 décembre 1994 portant conditions d’enregistrement et de dispensation des médicaments. Il estime que le législateur a voulu ainsi donner au pharmacien l’indépendance professionnelle que requiert son activité. A l’article 15, la Mugefci impose le reversement à la mutuelle d’une commission de 5% sur le chiffre d’affaires de toutes les officines. Selon un membre du Synppci, cette disposition expose le pharmacien à accomplir des actes contraires à la déontologie. En effet, aux termes des articles 35 du code de déontologie pharmaceutique, il est écrit ceci : « Est réputé contraire à la moralité professionnelle toute convention ou tout acte ayant pour objet de spéculer sur la santé ainsi que le partage avec des tiers de la rémunération du pharmacien ».
La question des 100.000Fcfa
En clair, il est interdit tous versements et acceptations de commissions entre les pharmaciens et toutes autres personnes et aussi toute réduction en argent ou en nature sur le prix d’un produit ou d’un service. Quant au contenu de l’article 20, il rompt le principe de l’égalité entre les cocontractants et met la Mugefci dans une position dominante selon les pharmaciens.
Un autre point discordant concerne la somme de 100.000Fcfa demandée par la Mugefci pour le retrait de la fiche d’agrément. Une exigence rejetée par les pharmaciens qui la jugent illégalle et sans fondement. « Il ne s’agit pas d’un concours professionnel pour qu’on nous demande de payer des frais de dossier », commente un responsable du syndicat.
Sont également demandées certaines informations comme la situation matrimoniale, le régime matrimonial, le numéro du titre foncier de l’officine, le fournisseur préférentiel et autres fournisseurs et le montant moyen des commandes mensuelles. Pour le syndicat, ces informations « ne sont d’aucun intérêt et pourraient porter atteinte à la vie privée et à la confidentialité ». La mutuelle a décidé de donner un quota à chaque pharmacie. Un membre du Synppci qui a requis l’anonymat souligne que ce problème porte atteinte à la confraternité. « Le quota entraine des distorsions de concurrence. Pourquoi deux pharmacies n’auront-elles pas le même quota ? ». Il ajoute que la Mugefci oblige ainsi les mutualistes à aller dans les pharmacies de leurs amis. Pour lui, ils doivent pouvoir se faire servir dans les 700 pharmacies qui existent en Côte d’Ivoire. Depuis le 8 octobre, ils ont décidé de reprendre les bons de la Mugefci suite à une demande du gouvernement. « Les négociations sont toujours en cours. Nous avons donné la date du 31 octobre. Si nous ne parvenons pas à un accord, nous allons reconduire le mot d’ordre de grève »prévient cette même source.
C’est à partir de cette semaine que la direction de la Mugefci entend rompre son silence sur la question. En attendant cette campagne d’explication, un responsable de la mutuelle joint au téléphone nous a situé sur leur position. Il reproche essentiellement aux pharmaciens le tapage médiatique qu’ils ont fait autour du sujet et la grève qu’ils ont observée alors que les deux parties étaient en pleine discussion sur une convention qui n’est encore qu’un projet. « Aucune pression quelconque ne pourra nous faire fléchir. C’est pourquoi nous les invitons à privilégier la négociation », prévient notre source qui assure que la mutuelle n’est pas fermée à des concessions.
La réponse de la Mugefci
De même, elle ne manque pas de réponses aux raisons évoquées par les partenaires pour rejeter la convention. S’agissant des contrôles de l’article 5 contestés par le syndicat, la mutuelle rétorque le niveau du montant qu’elle verse aux pharmaciens (environ 9 milliards Fcfa par an). Ce qui lui donne tout droit regard sur le service qu’ils doivent rendre en retour aux mutualistes. Concernant la substitution prévue par l’article 9, la Mugefci estime qu’elle n’est nullement contraire à la loi. Notre source rappelle que cette substitution prévue par une loi de 1994 a été adoptée dans l’intérêt du patient : « La loi donne au patient le droit de demander un produit moins coûteux pouvant le soulager lorsque la premières molécule qui lui a été prescrite dépasse ses possibilités financière. C’est pour cette raison que sur le bon de mutuelle est prévue une partie réservée à la substitution ». Les pharmaciens s’opposent à la remise 5% demandée par l’article 15 de la convention. La mutuelle répond qu’elle est avant tout une entreprise privée et que ses rapports avec les officines pharmaceutiques sont des rapports commerciaux qui l’autorisent à poser des conditions commerciales qu’elle soumet à l’appréciation de chaque pharmacien en lui laissant la possibilité de négocier et la latitude d’y adhérer ou non. Elle révèle que les pharmaciens font déjà des remises dans l’ordre de 26% à des entreprises de la place. La Mugefci avance les mêmes arguments concernant les autres points, en l’occurrence les frais de dossiers de 100.000 Fcfa. « La Mugefci n’est pas une structure publique pour agréer toutes les pharmacies. Même les structures publiques ne peuvent pas agréer toutes les pharmacies. C’est à nous de fixer les conditions d’acquisition de notre agrément. Sur 700 pharmacies, seules 263 sont agréées en ce moment. C’est la preuve que toutes les pharmacies ne peuvent pas être agréées. Nous avons demandé que l’on nous signifie par écrit toutes les observations en vue d’une harmonisation des points de vue. Au lieu de le faire, nos amis pharmaciens vont se répandre dans la presse et suspendent les prestations alors que l’ancienne convention qui nous lie est encore en vigueur », se plaint le responsable. Pour lui, les pharmaciens agissent ainsi « parce qu’ils savent que la population concernée est très sensible et très manipulable. Sinon certaines institutions de prévoyance sociale leur doivent plus de 4 milliards de Fcfa, mais ils ne se plaignent pas », conclut-il.
Soro Sita (Stagiaire)