Un silence troublant, voire inquiétant. Face à la caporalisation des médias d’Etat, précisément la RTI et Fraternité-Matin, dans ce contexte de précampagne électorale, le mutisme de certaines autorités intriguent. On a le sentiment, à tort ou à raison, qu’elles (ces autorités) donnent volontiers un blanc-seing à Gbagbo et à ses partisans, pour qu’ils accaparent, au mépris de toute équité, ces médias de service public. On ne comprend donc pas la non-réaction du Premier ministre, Guillaume Soro, face à l’embrigadement des médias d’Etat par le pouvoir. Lui, qui est garant de l’Accord Politique qui exige l’accès équitable des acteurs politiques à ces médias et l’équilibre dans le traitement de l’information. On ne comprend pas non plus, le silence du ministre de la Communication, Ibrahim Sy Savané, qui, jusque là, en tout cas, officiellement, n’a pas encore interpellé les responsables de ces médias, qui semblent avoir troqué la veste du professionnalisme contre celle du militantisme. La RTI et Fraternité-Matin sont devenus depuis des mois et aujourd’hui plus qu’hier, des officines de propagande du clan présidentiel. Le Chef de l’Etat se rend dans un village pour une simple cérémonie d’hommage, l’élément est diffusé en boucle à toutes les éditions du journal télévisé. Alors que la Campagne n’a pas encore ouvertement commencé, la RTI saoule dimanche dernier aux journaux télévisés, les téléspectateurs, avec, comme le dirait l’autre, « 25 min de Gbagbo », avec pour cerise sur le gâteau, une interview de son directeur national de campagne, Dr Issa Malick Coulibaly. Une vraie confiscation du petit écran au profit d’un candidat. Et surtout une violation flagrante d’une des dispositions de l’Accord Politique de Ouagadougou. Curieusement, le CNCA semble ne rien voir. Tout comme, le CNP est bouche cousue face aux nombreux écrits pro-FPI de Fraternité-Matin. Pis, le quotidien progouvernemental a donné délibérément dans la manipulation de l’info lors de la visite du Chef d’Etat à New York, faisant croire par exemple que le président Gbagbo avait échangé directement avec son homologue américain, Barack Obama, alors qu’il n’en était rien. Au fameux dîner qu’il a accordé aux Chefs d’Etat africains, il n’y a eu que trois porte-paroles, en l’occurrence Mme Sirleaf, présidente du Libéria, M. Kagamé du Rwanda et M. Kitwé du Botswana. Gbagbo n’a pas parlé, contrairement à ce qu’on a fait croire aux Ivoiriens. Et ce qui est davantage troublant, c’est l’apathie des conseils d’administration respectifs de la RTI, dirigé par Honoré Guié, et de Fraternité-Matin, conduit par Mme Zunon Kipré. Ils semblent inhibés par le pouvoir, incapables de réagir face à cette caporalisation des médias d’Etat. La déception est d’autant plus grande, qu’au lendemain de leur nomination, de nombreux observateurs plaçaient beaucoup d’espoirs en ces deux PCA. Leur choix, on se souvient, n’avait fait l’objet d’aucune contestation, tant leur courage, leur détermination ou leur droiture étaient reconnus. C’est donc dommage qu’ils se rendent complices, par leur silence, de cet embrigadement de ces médias d’Etat. Dans le public, la déception est grande.
Y. Sangaré
Y. Sangaré