Dans toute l'histoire politique de la Côte d'Ivoire post-indépendance, il n'y a eu qu'une seule période où les citoyens n'ont pas eu la possibilité d'exercer leur droit de réclamation ou de contestation de la liste électorale. C'était en 2000, sous la transition de Robert Guéi. Dès que la liste a été affichée, l'on est allé directement aux votes : le référendum d'abord, la présidentielle ensuite. Mais même pendant cette période d'état d'urgence permanent, la liste électorale était unique. Pour cette élection de sortie de crise, la Cei, en accord avec les plus hautes autorités politiques et la quasi-totalité des partis politiques -à l'exception notable du Rdr- décide de publier deux listes électorales provisoires séparées par la couleur. Le blanc pour les Ivoiriens certifiés et le noir pour les Ivoiriens douteux. Blancs et Noirs séparés, comme au temps de l'apartheid.
Cette décision constitue une violation grave des lois, de toutes les lois de la République de Côte d'Ivoire. A commencer par celles qui ont directement trait au processus électoral. L'ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustements au code électoral pour les élections de sortie de crise et le décret n°2008-136 du 14 avril 2008 fixant les modalités d'établissement de la nouvelle liste électorale parlent tous d'UNE liste électorale unique. La Cei n'ayant aucune compétence réglementaire, c'est-à-dire n'ayant pas la compétence pour prendre ou changer des lois, sur la base de quoi a-t-elle décidé d'établir deux listes électorales séparées ? Pourquoi la majorité des partis politiques, à l'exception du Rdr, soutiennent-ils cette violation manifeste de la Loi ?
Ce procédé d'établissement deux listes électorales provisoires séparées souffre de deux tares congénitales.
La première est relative au « croisement populaire ». Quel est le statut juridique de ceux qui sont sur la liste noire ? Puisqu'ils ne sont pas sur la liste blanche, cela suppose qu'a priori ils ne sont pas Ivoiriens. S'ils ne sont pas encore prouvés Ivoiriens, ils ne sont donc pas concernés par le processus de réclamation ou de contentieux de l'inscription sur la liste électorale. Eux, ils sont concernés par une autre procédure : celle de démontrer qu'ils sont Ivoiriens. Pendant qu'ils se débattront pour justifier leur citoyenneté, au moyen de preuves diverses laissées à l'appréciation de simples commissaires locaux de la Cei, les autres seront en train de vérifier ou de corriger leurs inscriptions. Et comme nous l'a expliqué un juriste, si l'on publie la liste électorale provisoire blanche, c'est sur cette liste uniquement que doit se faire le contentieux. Autrement dit, les gens qui ne sont pas sur la liste blanche supposée être celle des vrais Ivoiriens, même s'ils obtiennent gain de cause par la suite, l'on peut s'opposer juridiquement à leur inscription sur la liste blanche plus tard. Parce que légalement, le contentieux n'est ouvert qu'aux gens qui étaient inscrits sur la liste blanche.
Deuxième tare, la gestion du temps. Selon la Cei, le chef de l'Etat, le Premier ministre, le contentieux durera en tout et pour tout, 30 jours. C'est dans ce laps de temps donc qu'il faudra à la fois rectifier les erreurs éventuelles sur les inscriptions des 4,3 millions de personnes validées et examiner le cas des 1,9 millions d'enrôlés jugés sujets à caution. Les cas n'étant pas les mêmes, ils ont un traitement juridique différent. Et tout cela doit tenir en 30 jours ! Ce vers quoi la Cei, l'Etat de Côte d'Ivoire et les partis politiques sont en train de nous mener, c'est la fabrication de plus d'un million d'électeurs fantômes. Il s'agit de gens qui, après réclamations devant la Cei ou qui auront porté le contentieux devant les tribunaux, auront eu gain de cause mais qui ne pourront pas s'inscrire sur les listes électorales. Parce que ce serait trop tard ! Tout simplement. Ils sont électeurs, au nom de la Loi mais seront privés de leur droit de vote, à cause de la procédure mise en place par la Cei. En effet, selon les textes réglementaires qui régissent les réclamations et le contentieux, si l'on veut suivre les règles, il faut un délai minimum de 60 jours entre l'affichage de liste électorale provisoire et la publication de la liste électorale définitive. On a comprimé ce délai à 30 jours. Cela évidemment se fera au détriment de nombreux Ivoiriens, qui seront ainsi laissés en rade.
Touré Moussa
Cette décision constitue une violation grave des lois, de toutes les lois de la République de Côte d'Ivoire. A commencer par celles qui ont directement trait au processus électoral. L'ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustements au code électoral pour les élections de sortie de crise et le décret n°2008-136 du 14 avril 2008 fixant les modalités d'établissement de la nouvelle liste électorale parlent tous d'UNE liste électorale unique. La Cei n'ayant aucune compétence réglementaire, c'est-à-dire n'ayant pas la compétence pour prendre ou changer des lois, sur la base de quoi a-t-elle décidé d'établir deux listes électorales séparées ? Pourquoi la majorité des partis politiques, à l'exception du Rdr, soutiennent-ils cette violation manifeste de la Loi ?
Ce procédé d'établissement deux listes électorales provisoires séparées souffre de deux tares congénitales.
La première est relative au « croisement populaire ». Quel est le statut juridique de ceux qui sont sur la liste noire ? Puisqu'ils ne sont pas sur la liste blanche, cela suppose qu'a priori ils ne sont pas Ivoiriens. S'ils ne sont pas encore prouvés Ivoiriens, ils ne sont donc pas concernés par le processus de réclamation ou de contentieux de l'inscription sur la liste électorale. Eux, ils sont concernés par une autre procédure : celle de démontrer qu'ils sont Ivoiriens. Pendant qu'ils se débattront pour justifier leur citoyenneté, au moyen de preuves diverses laissées à l'appréciation de simples commissaires locaux de la Cei, les autres seront en train de vérifier ou de corriger leurs inscriptions. Et comme nous l'a expliqué un juriste, si l'on publie la liste électorale provisoire blanche, c'est sur cette liste uniquement que doit se faire le contentieux. Autrement dit, les gens qui ne sont pas sur la liste blanche supposée être celle des vrais Ivoiriens, même s'ils obtiennent gain de cause par la suite, l'on peut s'opposer juridiquement à leur inscription sur la liste blanche plus tard. Parce que légalement, le contentieux n'est ouvert qu'aux gens qui étaient inscrits sur la liste blanche.
Deuxième tare, la gestion du temps. Selon la Cei, le chef de l'Etat, le Premier ministre, le contentieux durera en tout et pour tout, 30 jours. C'est dans ce laps de temps donc qu'il faudra à la fois rectifier les erreurs éventuelles sur les inscriptions des 4,3 millions de personnes validées et examiner le cas des 1,9 millions d'enrôlés jugés sujets à caution. Les cas n'étant pas les mêmes, ils ont un traitement juridique différent. Et tout cela doit tenir en 30 jours ! Ce vers quoi la Cei, l'Etat de Côte d'Ivoire et les partis politiques sont en train de nous mener, c'est la fabrication de plus d'un million d'électeurs fantômes. Il s'agit de gens qui, après réclamations devant la Cei ou qui auront porté le contentieux devant les tribunaux, auront eu gain de cause mais qui ne pourront pas s'inscrire sur les listes électorales. Parce que ce serait trop tard ! Tout simplement. Ils sont électeurs, au nom de la Loi mais seront privés de leur droit de vote, à cause de la procédure mise en place par la Cei. En effet, selon les textes réglementaires qui régissent les réclamations et le contentieux, si l'on veut suivre les règles, il faut un délai minimum de 60 jours entre l'affichage de liste électorale provisoire et la publication de la liste électorale définitive. On a comprimé ce délai à 30 jours. Cela évidemment se fera au détriment de nombreux Ivoiriens, qui seront ainsi laissés en rade.
Touré Moussa