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Showbizz Publié le mercredi 4 novembre 2009 | RFI

Corneille à visage découvert

Deux ans après The Birth of Cornelius, album en anglais produit par la mythique Motown, le chanteur Corneille revient à la langue de Molière sur son nouveau disque Sans titre, qui brûle les étiquettes et montre son âme à nu.
RFI musique : Sans titre, curieuse appellation pour un album ! Vous ne souhaitiez plus être catalogué ?
Corneille : Je n’avais plus envie de me casser la tête pour trouver cette accroche marketing que constitue le titre, cette façon très intrusive de dire au public : voici mon disque, il devrait vous intéresser. Je ne voulais pas l’étiqueter, rien ne me venait pour en préciser les contours. Pour ce dernier opus, l’une de mes inspirations a été la recherche de soi, l’intention de trouver qui je suis, et la volonté de l’assumer. Cette introspection implique alors forcément d’échapper aux définitions préconçues. Parfois, la société nous force à porter une étiquette pour mieux appartenir à un groupe, une communauté… J’ose la démarche inverse.

Vous aviez auparavant l’impression d’être prisonnier ?
Oui, les clichés s’avèrent tenaces. Exemple : lorsqu’en 2000-2001, je démarchais les maisons de disque pour mon premier album, beaucoup s’étonnaient que je ne fasse pas de hip-hop. Lorsqu’on est black en Occident, le public nous attend majoritairement dans ce registre. Ensuite, j’ai atteint un certain succès, avec ma "soul à la française". En tant qu’artiste médiatisé issu d’une "communauté visible", vient se greffer à notre métier une sorte de pression, de dimension politique. Je ne me sentais pas à l’aise dans ce rôle-là. Même si cela ne se voit pas "physiquement", je suis métissé de cultures : né en Allemagne, j’ai grandi au Rwanda, et vis aujourd’hui au Québec, province bilingue. Ma carrière, quant à elle, a débuté en France. Voilà, je suis toutes ces choses, jamais je ne pourrai m’en défaire, elles font partie intégrante de la personne que je suis. Je ne veux pas choisir.

Il aura donc fallu trois albums pour réussir à "ne pas vous définir" ?
Trois albums auront été nécessaires pour résister à la tentation de me définir, en effet, car accepter ce carcan facilite la vie. Lorsque tu te diriges là où certaines personnes t’attendent, on ne te provoque pas. Quand tu empruntes une voie différente, tu t’exposes à des questions auxquelles il va falloir répondre. Si tu n’es pas prêt, mieux vaut se confiner à un groupe ou une communauté. Ce qui, pourtant, ne rime à rien. Par exemple : que signifie être "black" aujourd’hui ? Quand on naît en France, qu’on y vit, qu’on fréquente ses écoles, qu’on regarde la télévision hexagonale… on est plus qu’une "couleur" : on est Français. Et c’est le même phénomène pour les Noirs-Américains, les Arabes… On peut maintenir des liens avec le pays d’origine, celui de nos parents, mais nous ne pouvons pas être réduits à "cela".

Une fois l’étiquette ôtée, qu’aviez-vous envie de raconter dans Sans Titre ?
Je souhaitais dire : voilà qui je suis, je l’assume, j’en suis fier. Je suis artiste, musicien, l’époux de ma femme que j’adore (l’ex-mannequin Sophia de Medeiros, ndlr), futur papa, un homme du monde. Et j’aime profondément le métier que j’exerce. Et puis, sans faire l’apologie du mariage et de la famille au sens "conventionnel", je voulais dire que je m’y épanouissais. Je pense qu’il y a dans le couple de vraies valeurs, qui permettent d’apprendre et de grandir…

A côté de vos thèmes amoureux, vous balancez quelques griefs. Contre l’industrie du disque, notamment…
Je pense que cette industrie ne s’adapte pas du tout à l’évolution des modèles de distribution. Elle a besoin de se renouveler, de reconsidérer son rôle, de réduire sa taille. Au cœur du débat, reste le point de vue du consommateur : pourquoi paierait-il la musique qu’il peut avoir gratos ? Il faudrait peut-être songer à réduire le prix du disque. En téléchargement légal, sur les dix euros de vente, seule une infime part revient à l’artiste. La majorité nourrit une industrie qui a longtemps vécu bien au-dessus de ses moyens, et qui est aujourd’hui en train de payer…

Dans l’un de vos titres, vous tancez également le cynisme (Pauvre Cynique)…
Durant les dix-quinze dernières années, c’était "trop cool" d’être cynique. C’était cool d’être torturé, d’être mal, d’avoir la rage, et de n’avoir que ça. J’ai donc voulu lutter contre ce fléau. Parce que je trouve ça plutôt positif de rêver à l’amour et au beau temps, de rechercher cette petite légèreté, cette beauté nichée au cœur des choses.

Après votre premier album en anglais dans la prestigieuse écurie Motown, vous avez décidé de revenir au français…
Oui, et je trouve que c’est un luxe, de pouvoir explorer la musique autrement chaque fois, juste en passant d’une langue à l’autre. Je découvre d’autres univers, et j’ai l’impression de ne plus pratiquer le même métier. Je change de sensations.

En bref, Corneille, vous vous déclarez heureux de cet album ?
J’en assume chaque mot, chaque virgule, chaque note, chaque accord. Et puis, j’ai bossé avec ma femme. Elle a été ma conseillère, ma consultante, a écrit une partie des textes. C’est un peu le fruit de notre union. Le bébé avant l’heure…
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