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Politique Publié le mardi 24 novembre 2009 | Nord-Sud

Pr Brouh Yapo, membre du comité central du Pit : “Avec Wodié, celui qui gagne 100.000 Fcfa, payera 2.500 Fcfa pour sa santé”

Après l’Udpci, le Mfa, le Fpi, c’est au tour du Parti ivoirien des travailleurs (Pit) d’intervenir dans notre débat sur les frais de consultation dans les hôpitaux publics. Selon le Pr Brou Yapo, chef du service Anesthésie-réanimation du Chu de Yopougon, et membre du comité central du Pit, quand le parti conduit par le Pr Francis Wodié sera au pouvoir, les malades ne payeront plus de frais dans les urgences.

Doit-on payer la consultation dans un hôpital public ?
D’entrée de jeu, il faut qu’on puisse faire la part des choses entre la consultation et les urgences. La consultation s’adresse à quelqu’un qui a des problèmes de santé et qui décide, un matin, d’aller prendre des conseils auprès d’un médecin pour que celui-ci lui dise de quoi il souffre, lui proposer un traitement, proposer son admission dans un hôpital. C’est une activité qui se mène à froid. Je suis malade, j’ai le temps d’observer, de me faire un peu d’argent et d’aller voir mon médecin. C’est différent des urgences. Aucun de nous ne rentre chez lui avec 100.000 ou 200.000 Fcfa. Quand on va aux urgences, c’est que la maladie vous surprend. Et c’est une maladie qui vous oblige à agir immédiatement. Vous êtes obligé d’aller et de vous faire traiter dans un hôpital sans payer de l’argent. c’est ce qui serait logique. Puisqu’en demandant de payer de l’argent à ce niveau, on est convaincu que la majorité des ivoiriens ne peut pas payer de façon brutale des frais pour rentrer dans un hôpital par la voie des urgences. Pour revenir à la consultation, il faut se dire que la gratuité n’existe pas.

Elle ne peut pas exister ou elle n’existe pas ?
Tout ce que nous faisons est payant. La question qu’on doit se poser, c’est : qui paye ? Qu’est-ce qu’on paye par rapport au pouvoir d’achat de la population. Il est vrai que nous sommes dans un pays où les gens n’ont pas l’argent. On a tous écouté que 50 % de la population vit en deçà du minimum. Dans ces conditions, il est évident qur la somme de 5.000 Fcfa fixée comme coût de la consultation dans un Chu est très élevée. La question principale c’est : à quel taux devrons-nous fixer la consultation avant d’entrer à l’hôpital ?

Dans la mesure où le patient va forcement payer pour les examens et les médicaments, ne pensez-vous pas qu’il doit être exempté des frais de consultation pour pouvoir accéder facilement à un médecin ?
Je suis d’accord avec vous et je ne suis pas d’accord avec vous. Vous savez, les Africains n’ont jamais considéré qu’il faille se soigner gratuitement. Le problème, c’est combien ils doivent payer. Quand vous allez dans les villages, dans les centres communautaires, les gens se bousculent aux portes pour payer 500 Fcfa pour avoir accès au premier praticien. Cela ne les gêne pas. En ville, on va leur demander un peu plus. Ainsi de suite jusque dans les Chu où le tarif est à 5.000 Fcfa. Ce n’est pas ce qui freine l’accès aux soins. Depuis tout le temps que j’ai passé dans les hôpitaux, ce n’est pas ce qui freine l’accès aux soins. Ce qui freine l’accès aux soins, c’est la difficulté pour passer cette barrière. Combien faut-il payer pour se faire soigner ?
Nous avons pourtant rencontré des malades qui sont répartis des Chu sans avoir vu un médecin parce qu’ils n’avaient pas les 5.000 Fcfa requis pour la consultation.
Je vais vous donner une information. De même qu’un Etat a pour obligation d’éduquer sa population, de même il a obligation de soigner cette population. Le taux est fixé pour que la population puisse contribuer au financement de ses soins et avoir ainsi de meilleurs soins. Il faut vous dire que ceux qui ne peuvent pas payer ne sont pas laissés pour compte. Il y a des services sociaux.

Qui ne sont pas toujours accessibles !
Si. Je ne les défends pas, mais ils travaillent. Les services sociaux certifient que ceux-là ne peuvent pas payer la consultation et ils sont consultés.

Quelles est la proportion des patients démunis qui savent l’existence de ces services sociaux ou qui peuvent aller jusqu’au bout de la procédure que cela requiert ?
C’est pour cela que je vous ai dit qu’il y a la consultation et les urgences. En consultation, ce n’est pas pressé. Le malade ne vient pas pour que dans la minute qui suit, il soit reçu et soigné. Le malade qui vient en consultation prend rendez-vous. Le rendez-vous peut être de deux jours ou de trois jours, d’une semaine ou d’un mois selon l’affluence. Il a le temps d’aller voir les services sociaux. La gratuité n’existe pas. Mais, dans tous les cas, quelqu’un paie. La véritable question qu’on doit poser est : comment payer, qu’est-ce qu’on doit payer. Il faut qu’on réfléchisse à ce problème et trouver celui qui doit payer et ce qu’on doit payer véritablement.

Avant les années 1990, les premiers soins étaient gratuits dans le public et c’est l’Etat qui payait.
Cette situation a pris fin avec l’initiative de Bamako. Les Etats se sont retrouvés et ont estimé que compte tenu des difficultés économiques auxquels ils étaient confrontés, il fallait amener les populations à apporter désormais une contribution.

Fallait-il appliquer aveuglement l’initiative de Bamako ?
Je pense qu’il fallait l’adapter. Pas dans le sens de choisir de faire payer ou ne pas faire payer, mais d’adapter les coûts aux populations. Je vais vous donner quelques exemples. A l’ouverture du Chu de Yopougon, pour un cas d’urgence qui nécessitait une intervention chirurgicale, il fallait payer 5.000 Fcfa pour se faire recevoir, faire ses radios et ses premiers examens. Et, au cas où cela était nécessaire, se faire opérer. C’est ce genre de chose qu’il faut faire revenir. Nos Etats ne sont pas suffisamment forts pour assumer la gratuité totale.

Ce n’est pas l’avis du Mfa (Mouvement des forces de l’avenir) qui estime que le citoyen ivoirien paye déjà trop de taxes et que l’Etat a suffisamment de moyens pour financer les premiers soins.
En grande partie, nous disons la même chose. S’il arrive un jour qu’on peut faire tout gratuitement, on le fera. En Italie, il y a un grand hôpital pour les personnes non assurées, des gens qui n’ont pas suffisamment de moyens. Quand ces derniers sont malades, ils se présentent dans cet hôpital où ils reçoivent des médicaments et lorsque cela est nécessaire, ils sont hospitalisés sans rien payer. La prise en charge dans cet hôpital est gratuite. Mais à côté, il y a des hôpitaux ordinaires où vous rentrez avec votre assurance et vous payez un ticket modérateur. Lorsque le Pit sera au pouvoir, nous trouverons un système de financement mutualisé. Je l’explique : On parle d’Assurance maladie universelle, c’est un système de financement mutualisé. Pendant qu’on n’est pas encore malade, celui qui peut payer beaucoup paie beaucoup. Celui qui peut payer très peu, paie très peu. Mais, tout est calculé de sorte que chacun paie selon ses capacités. Et quand il tombera malade, c’est ce système qui paiera à notre place.

Combien peut-on demander à un mutualiste dans un tel système ?
On n’a pas évalué le coût.

L’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire (Udpci) estime par exemple qu’un citoyen doit pouvoir s’assurer avec 2.000 Fcfa par an. Dans le projet d’assurance maladie universelle proposé par le Front populaire ivoirien (Fpi), c’est au minimum 15.000 Fcfa l’année. Que proposez-vous au Mfa ?
Vous savez que nous sommes en période de campagne, il y a des choses qu’on dit et qui ne sont pas la vérité. Je vous prends le cas de 2.000 Fcfa minimum par an. Ça va tourner autour de 200 Fcfa le mois. Alors qu’avec les premiers soins : l’aiguille, les seringues et autres, nous atteignons déjà à 5.000 Fcfa. Pour ne pas étouffer l’assurance que vous mettez en place, il est bon qu’on fasse des études. Non pas en fixant les minimums, mais les proportions par rapport au gain des mutualistes. Je suis pour qu’on dise que la population doit pouvoir débourser, par exemple, 2% ou 2,5% de son revenu annuel pour ses soins. Dans ce cas, il n’y a pas de taux minimum à fixer. Vous prenez un paysan au village qui reçoit 100. 000 Fcfa par an, ça lui fera 2.500 Fcfa à payer l’année.

Vous avez là l’occasion de situer l’électeur sur la proportion à laquelle il doit s’attendre en donnant le taux exact que vous proposez.
On peut dire à la population qu’elle va payer 2,5% de ce qu’elle gagne dans l’année. Le problème qui se pose, c’est de pouvoir recenser tous ceux qui travaillent et ce qu’ils peuvent gagner à la fin de l’année. Ensuite, permettre à chacun de contribuer, de payer pour que chacun puisse se faire soigner. Quel que soit le parti politique, on finit par tomber d’accord. Il faut un système d’assurance maladie pour tout le monde. Mais, il n’est pas bon que dans un bureau, des responsables décident de ce que les gens doivent payer. Je suis convaincu que la meilleure voie à suivre, de même qu’on fait pour les états généraux du travail, de la santé, pourquoi en ce moment là, ne pas faire venir chaque corporation pour que les gens fassent eux-mêmes des propositions en étant tous d’accord que dans tous les cas, il faut payer. Si on fixe un taux qui est trop bas, on risque de tomber dans les mêmes problèmes que les Etats comme la France. Il n’y a rien de plus mauvais que s’engager et faire des propositions, et puis, au milieu de l’année, ne pas pouvoir les respecter.

50% des Ivoiriens n’ont pas le minimum. Peut-on demander à un pauvre de verser 2,5% de son faible revenu pour préfinancer des soins ?
Vous savez, c’est parce qu’on ne gagne pas beaucoup qu’il faut s’assurer. Certaines personnes vont crier quand on va leur dire de payer 2,5 % de leur salaire pour constituer une caisse pour les soigner. C’est dur, mais, en matière de santé, vaut mieux faire le sacrifice avant la maladie. C’est parce que les gens gagnent peu qu’il faut faire cette mutualisation dans la façon la plus juste possible. C’est de le faire par proportion de ce qu’ils gagnent.

A quoi la cotisation va donner droit, la gratuité de la seule consultation ou des premiers soins ?
Non, je parle des soins parce que l’entrée ne pose pas de problème. La caisse peut avoir ses limites. On ne peut pas envisager que les soins soient totalement gratuits après qu’on ait payé notre participation. Il faut faire en sorte que le ticket modérateur que l’assuré paie soit le moins utilisé possible la première année. Dans la suite, il faut faire en sorte que ceux qui ont les maladies graves et qui doivent payer cher puissent être totalement pris en charge. Pour ceux qui ont le palu et dont la dépense fait 20.000 Fcfa par exemple, on peut leur demander de payer 10 % de ces dépenses, ce qui revient à 2.000 Fcfa. Mais, quelqu’un qui a une maladie au niveau du cerveau, qui va dépenser 3 millions de FCFA, c’est normal que l’assurance prenne la totalité. Si nous sommes au pouvoir, le ticket modérateur va exister, mais, il sera largement adapté à la possibilité des Ivoiriens.

Ce sera une assurance obligatoire ou facultative ?
Une assurance obligatoire. Si elle n’est pas obligatoire, la fissure viendra très rapidement. Si 40% de la population paie et que 60% ne paie pas, la tricherie sera installée. C’est pour cela qu’il faut que tout le monde paie. Dans le cas contraire, on tuera rapidement notre assurance, par le biais de la tricherie de ceux qui ne sont pas assurés et qui veulent bénéficier des soins.

Que vont devenir les assurances existantes ?
Il y a toujours ce qu’on appelle assurance complémentaire. Même quand vous êtes dans une assurance universelle, pour payer votre ticket modérateur, il faut prendre une assurance à côté. C’est la première raison. La deuxième raison pour laquelle les assurances qui existent ne vont pas s’effondrer, c’est que ce n’est pas la même clientèle. Avec ceux qui ont les moyens, vous allez beau faire une assurance, mais ils iront se faire soigner ailleurs pour bénéficier des nouvelles technologies. En plus, au sein des assurances, il y a des personnes qui ont une assurance complémentaire. Les assurances pourront mieux vivre. Actuellement, peu de personnes vont vers elles parce que les taux sont trop élevés. Mais quand les gens seront tous assurés et qu’ils iront vers elles pour assurance complémentaire, c’est sûr que les coûts baisseront. Ils auront plus de clients.

Votre projet s’assimile à l’assurance maladie universelle proposée par le Fpi.
C’est le nom qui change, sinon dans le profil, c’est la même chose.

Certaines personnes disent que cette assurance, de par son caractère central, est trop lourde. Elles proposent plutôt une mutualisation par secteur d’activité ou même par corporation.
Ça revient à la même chose. J’ai assisté à la démonstration des experts d’un organisme de France et qui est venu en Côte d’Ivoire pour faire marcher l’Amu. Je suis sûr que c’est faisable.

Qu’ont-ils dit ?
Ils ont dit que tout comme ce recensement de la population qui est en cours, ils avaient un système pour recenser toute la population, pour recueillir l’argent que les gens vont payer, mettre cet argent au niveau des conseils généraux pour que quelqu’un qui est à Bouaké et qui tombe malade ne soit pas obligé de venir à Abidjan pour prendre le ticket. Il rentre chez le premier médecin qui est connecté directement sur la centrale, il introduit et on vérifie qu’il est vraiment assuré. Il a ses soins et c’est fini. C’est n’est pas l’assuré qui se déplace, mais la centrale. Par secteur, ça peut créer des problèmes, des secteurs vont bien marcher et d’autres vont mal marcher. La mutuelle des transporteurs marche bien, mais, la mutuelle des enseignants marche mal. On retombe dans la fraude. Je pense que la meilleure solution qu’il faut, c’est l’Amu.

Le privé doit être associé au projet. Ce qui n’est pas toujours facile. On assiste actuellement à une crise entre la Mugefci et les pharmaciens. Que prévoyez-vous ? un bon partenariat avec les acteurs privés?
J’espère qu’on n’en arrivera pas à l’obstacle. L’obstacle de la Mugefci vient du fait que les pharmaciens ne sont pas payés. C’est un système centralisé. Le mutualiste paie, mais son argent n’est peut-être pas reversé. Les dirigeants de la mutuelle qui doivent reverser l’argent aux pharmaciens ne le font pas. Les pharmaciens étant des privés qui ont besoin de leur argent pour fonctionner, finissent par bloquer le service. Dans le système qui sera mis en place, c’est une caisse à part, où les adhérents cotisent leur argent. Cet argent est gardé et fructifié et les prestataires directement payés. Ça ne peut pas se bloquer. L’dée de l’Amu, c’est que le malade puisse avoir accès à la clinique qui est à côté de sa maison. Mais, tout ce que les praticiens attendent, c’est qu’ils soient payés. On peut négocier. Même au niveau de l’assurance privée, il y a une négociation. L’assurance privée qui va dans une polyclinique peut négocier. Pour que les cliniques actuelles ne prennent pas aussi cher. Quand ils travaillent et qu’à la fin, ils ont leur argent, vous convenez avec moi qu’ils ne vont pas bloquer le système

Il y a encore des villages qui n’ont pas de centres de santé.
Je peux vous dire que si on a un système de paiement des soins, les médecins qui sortent de l’université ne vont pas hésiter à aller s’installer dans les régions reculées. Ils n’y vont pas parce que tout le pouvoir économique est dans les grandes villes. Vous convenez avec moi que je ne peux pas faire mes études, avoir de l’art, vouloir soigner, aller m’installer dans un village où j’ai deux clients par jour. Mais, dès que le système sera mis en place, même les anciens médecins iront s’installer au village.

Sous quel type de gestion va fonctionner la caisse ?
Ce sera une gestion mixte, semi privée. Si vous la confiez seulement à l’Etat, la machine sera trop lourde. Il faut que la force étatique ait un œil sur ce qui se fait. Mais, il faut que la gestion soit celle des assurés. En réalité, la consultation n’est pas le véritable frein. Les urgences, c’est un problème pour le Pit. Et nous sommes sur le principe qu’on ne peut pas demander de l’argent à quelqu’un qui vient aux urgences. Si nous avons la possibilité, ce problème sera réglé rapidement.

Nous avons même vu des gens qui laissent en gage leurs pièces ou des objets précieux.
Ce sera réglé rapidement. C’est notre souci. Il faut que les soins des urgences soient gratuits absolument. C’est un drame que nous vivons à longueur de journée, il faut que ça finisse. Il m’arrive de rêver à un système de financement tel que le plus petit Ivoirien situé dans son campement a la possibilité de se soigner. J’espère qu’un jour, mon parti accédera au pouvoir et réalisera ce rêve pour qu’on ne voit plus des malades qui ne se rendent même pas à l’hôpital parce que même s’ils arrivent à passer la barrière de la consultation ils ne pourront pas payer les ordonnances. Ils restent chez eux jusqu’à ce que le cas devienne très grave. Afin que les gens puissent vivre avec la sécurité sanitaire.

Interview réalisée par Cissé Sindou, Coll : Adélaïde Konin (Stagiaire)
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