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Société Publié le mercredi 25 novembre 2009 | Le Temps

Nyamien Messou, Sg du Synares: "Le jusqu’auboutisme ne mène nulle part"

Suite à la paralysie du système éducatif, le Sg du Synares, Niamien Messou, dans cet entretien qu`il a accordé à Le Temps, situe les responsabilités de part et d`autre. Avant d`avancer des ébauches de solutions à cet état de blocage.

Le secteur éducatif, de l`enseignement primaire jusqu`à l`université, est paralysé du fait de grèves déclenchées presque simultanément par les syndicats du secteur. Quels commentaires en faites-vous ?
Nous constatons avec vous que tout le secteur éducation-formation est en crise depuis l`école primaire jusqu`à l`enseignement supérieur. L`élément commun à toutes ces crises est la satisfaction des revendications salariales. Quelle analyse en faisons-nous ?
En 2000, le constat de tous était net : la situation des fonctionnaires et agents de l`Etat était dramatique, du fait du blocage des effets financiers des avancements depuis 20 ans et des incohérences de notre système de fonction publique. Rappelons qu`il repose sur 3 grands maux. À savoir, un système indemnitaire déséquilibré, une prééminence excessive des fonctions de collecte et de manipulation de fonds sur les autres. C`est ce qui explique que les indemnités d`un agent du Trésor ou de la Douane sont supérieures au salaire d`un ingénieur des ponts et chaussées. Et troisièmement, sur un système d`allégeance généralisé lié à la faiblesse dans certains cas du salaire par rapport aux indemnités créant une allégeance sans faille des fonctionnaires à l`égard de celui qui détient le pouvoir de nomination. Toutefois, il faut reconnaître que c`est un choix de société, de favoriser les fonctions de régulation sociale. C`est ainsi qu`on paye plus cher ceux qui gèrent la richesse par rapport à ceux qui créent la richesse. C`est du reste le choix de tous les pays sous-développés. D`ailleurs, nous faisons remarquer qu`en Afrique, un ingénieur de ponts et chaussées a un salaire qui équivaut à peine au tiers du salaire d`un magistrat alors que ce rapport est complètement inversé dans les pays développés. C`est pour corriger toutes ces incohérences, que l`Etat a lancé l`idée d`organiser un forum social. On en était là quand la guerre a éclaté. Face à la crise sociopolitique, les organisations de travailleurs ont décidé, pour certaines, d`aider l`Etat. Elles ont donc décidé de taire momentanément leurs revendications corporatistes et de contribuer à la restauration des institutions de la République.
Face à la persistance de la crise, certains travailleurs membres de ces organisations, à travers des coordinations ont lancé des mouvements de grève pour exiger la prise en compte de leurs revendications quelquefois au mépris de toute règle, voire en brutalisant leurs collègues.
L`Etat a cédé dans certains cas en donnant l`impression que les dirigeants des syndicats comme le Synares étaient peu soucieux des revendications de leurs mandants. Les responsables de l`Etat venaient ainsi de montrer la voie à suivre. Par la suite, sur notre insistance, le forum social a quand même été organisé. Des résolutions ont été prises. Il s`agit, en particulier dans le secteur éducation-formation du reclassement des capésiens en A4, la suppression du grade A2, l`institution d`un profil de carrière, l`institution d`une grille particulière dans l`enseignement supérieur. Un comité de suivi a été mis en place. En principe donc, toutes ces réformes avaient été chiffrées, un chronogramme a été établi. Malheureusement, au sortir du forum social, tout a repris comme si le forum n`avait jamais eu lieu. Les discussions ont été menées groupes par groupes. Signalons que dans l`enseignement supérieur par exemple, les discussions sur la nouvelle grille, ont été menées à la Présidence de la République en excluant le Synares. Au motif que ce syndicat n`avait rien à revendiquer. J`en profite pour indiquer que le moment venu, le Synares indiquera ses prétentions sans détour. On est revenu au système où chaque corporation obtient des avantages en fonction de sa capacité de nuisance. C`est dans ces conditions que les différentes promesses ont ainsi pris corps, matérialisées par des décrets avec des dates d`application au futur. Les mouvements actuels ont généralement pour but de réclamer l`application pure et simple de ces décrets. Maintenant ceci dit, il faut peut être que tout le monde se rende compte que nous sommes dans un contexte qui ne permet pas non plus d`exiger nécessairement, à la minute près d`obtenir tout ce qu`on veut.

Est-ce à dire que vous n`êtes pas d`accord avec la grève qui a lieu en ce moment dans le corps éducatif ?
Je veux dire, par mon développement, que l`Etat n`a pas fait correctement son travail. Les syndicalistes, pour certains en tout cas, ont profité de la faiblesse de l`Etat qui traverse une crise sociopolitique, par ailleurs. L`Etat, étant à genoux, ils ont profité de cela pour davantage aggraver la situation. Moi, je pense que la grève, en tant que moyen, est un élément trop important, trop sérieux pour en abuser. Parce que lorsqu`on en abuse, finalement plus personne n`a peur de la grève. Le résultat, c`est que depuis trois semaines, l`université est en grève et ça ne dit plus rien à personne. Je veux dire que de part et d`autre, voilà le risque. Le risque de ne pas voir un Etat qui s`assoit et qui anticipe et le risque aussi de voir les syndicalistes qui dès qu`il y a un petit problème, ont pour premier reflexe de faire la grève. Si, à un moment donné, on arrive au jusqu`auboutisme de part et d`autre, on arrive dans une situation où la grève ne dit plus rien à personne. Et vous pouvez être en grève 2 à 3 semaines et personne ne vous reçoit. C`est le cas de l`université où nous sommes. C`est un risque et je pense qu`il ne faut pas en arriver là. Parce que la grève est un ultime moyen pour les syndicats d`obtenir des choses qu`on ne peut faire autrement pour les obtenir. Aujourd`hui, tout se passe comme s`il n`y avait pas eu de forum social. Et que chacun devrait, comme dans les années 1980, se battre pour avoir ce qu`il souhaite au niveau de son corps social. De cette façon, on n`arrivera jamais à faire une vraie réforme de la fonction publique, tenant compte à la fois des intérêts de la collectivité, de l`Etat et des fonctionnaires. Et ce, dans l`intérêt de tous. Il n`appartient pas à un corps social de rédiger un profil de carrière pour l`imposer à un Etat. Il leur appartient seulement d`exiger un profil de carrière. Fondamentalement, on arrive toujours à des dérives.

Ce que les enseignants dénoncent ici, c`est la non application des nouvelles grilles salariales qui devraient prendre effet depuis janvier pour certains, mars et juillet pour d`autres.
C`est ce que je dis. Il n`est pas séant de prendre des décisions avec application dans le futur. Parce que personne ne sait ce qui peut arriver dans le futur. Puisqu`on ne peut pas prévoir les recettes d`un Etat. C`est peut- être une des raisons pour lesquelles, les décrets sont faits avec date d`effet au passé et non au futur. Le résultat est là aujourd`hui. C`est que les dates qui ont été indiquées-là, sont dépassées. Je pense qu`avant même que les travailleurs ne se soulèvent, l`Etat lui-même devrait, dans une analyse nette de la situation, appeler les uns et les autres à la discussion pour trouver un terrain d`attente. S`il se trouvait que les délais donnés ne pourraient être respectés. Je reviens encore une fois pour dire que l`arrêt de travail utilisé comme moyen premier est donc tout aussi mauvais, même pour les syndicalistes. Puisqu`après, plus personne n`a peur de la grève.

Depuis quelques années, le constat est que les résultats sont de plus en plus mauvais. Avec ces grèves à répétition, le corps enseignant n`a-t-il pas une grande part de responsabilité dans ces échecs ?

Ce n`est pas seulement le corps enseignant. C`est tout le monde. L`analyse que j`ai faite plus haut démontre que l`Etat a une grande part de responsabilité, les acteurs du secteur également ont une grande part de responsabilité. C`est tout le monde qui est responsable. Et pour moi, la première chose, c`est d`éviter le délitement de l`Etat. Si on évite le délitement de l`Etat, peut-être que nous allons trouver des solutions à ce problème-là.

Parlant de solutions, quelles sont celles que vous préconisez pour qu`on puisse sortir de cette situation.
Pour nous, il faut éviter que les acteurs soient contraints de poser leurs problèmes de façon individuelle. Parce que si nous n`évitons pas ça, on revient à la situation où chacun peut obtenir de l`Etat tout ce qu`il veut en fonction de sa capacité de nuisance. Et ça, forcément c`est mauvais pour un système de fonction publique qui se veut, un système d`ensemble, cohérent. A notre avis, ces mouvements auraient pu être évités si par anticipation avant la date de prise d`effet d`un décret, les responsables ministériels appelaient les responsables syndicaux pour leur expliquer les difficultés liées à l`application des décrets et négocier d`autres échéances. Du côté des syndicats aussi, il y a lieu de constater qu`à force de banaliser la grève, elle n`a plus l`effet escompté. Elle ne fait plus peur à personne. La grève est devenue le moyen d`avertissement. Il n`est donc pas surprenant qu`il arrive que trois semaines après le déclenchement d`une grève, les responsables ne soient reçus par personne. C`est tout de même grave pour le mouvement syndical. Cela me permet de parler de la grève dans l`enseignement supérieur. Nous n`avons pas lancé de mot d`ordre de grève, il ne nous appartient pas de juger de sa pertinence, cependant il faut reconnaître qu`il est anormal que les responsables de l`Université et du ministère ne reçoivent pas la direction des grévistes après deux semaines d`arrêt de travail. Regardez dans le monde, en France, chaque année, on compte facilement une dizaine de grèves générales alors qu`en Allemagne, il arrive qu`il n`y en ait pas du tout. Les travailleurs allemands ne sont pas plus malheureux que les travailleurs français. La différence entre ces deux systèmes, c`est le dialogue social. En effet, en Allemagne, les travailleurs sont bien intégrés dans les comités d`entreprise et les directions des établissements publics de sorte qu`ils sont co-responsables de la gestion des structures. C`est pourquoi, ils recourent assez rarement à la grève. Je souhaite que mon pays suive cet exemple. Face à un problème il faut se parler. C`est le manque de communication qui a entraîné ces situations.

Réalisée par Frank Toti
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