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Politique Publié le mercredi 2 décembre 2009 | Nord-Sud

Youssouf Roger Banchi (ancien ministre) : “Comment je suis devenu musulman…”

Roger Banchi est une personnalité qui a brillé de mille feux en Côte d'Ivoire. Dandy chic et célèbre, il a présidé un club d'hommes d'affaires proche d'Alassane Ouattara. Pendant la guerre, on l'a découvert membre influent du Mpigo, qu'il a représenté au gouvernement de 2003 en tant que ministre des Petites et moyennes entreprises. Retiré de la politique ivoirienne, il vit entre Paris et Libreville. Il voyage beaucoup. Au cours de ces voyages, il découvre plus intimement l'islam mystique au Maroc et décide de se convertir au mysticisme musulman. Aujourd'hui, il parle de sa conversion et ne renie rien de son passé politique et mondain.

M le ministre, on vous appelle désormais Youssouf Roger Banchi. En tout cas, c'est ainsi que vous vous êtes présenté à moi. Vous le chrétien catholique engagé, seriez-vous devenu musulman ?

Oui, je suis un musulman croyant, pratiquant et sincèrement engagé dans la quête de l'essence mystique de l'islam. J'étais un chrétien assez engagé, un chrétien mystique. J'étais catholique mais pas limité aux messes du dimanche. Mais un catholique mystique, c'est-à-dire qui cherchait à aller plus loin dans la religion en entrant dans les voies mystiques. Ce qui demande un engagement plus profond. Tout en ayant une affection particulière pour l'islam et son message. Il n'y a pas eu de rupture brutale. Il y a eu un moment ou, de cette foi catholique, je suis passé à l'état de mouslim, c'est-à-dire de soumis à Dieu. Donc, il m'est apparu naturel de continuer mon cheminement, cette fois dans les sentiers de l'islam. Comme je l'ai dit, j'ai commencé à prier sur les genoux. Et à un moment, le front a commencé à venir par terre pour se soumettre. J'ai constaté que mon front se retrouvait de plus en plus sur le sol pour se soumettre complètement à la Transcendance, à la Divinité. J'ai compris que naturellement le culte que je pratiquais avait fait de moi un mouslim. Sans m'en rendre compte, j'étais devenu un mouslim. Donc, j'ai assumé. A ce moment-là, il s'est passé beaucoup de choses. J'avais entrepris une recherche sur l'islam qui date de depuis huit ans, je lisais beaucoup la théologie islamique. Et tout cela s'est combiné à un moment donné. Cela est à mettre également en rapport avec la passion innée que j'ai pour le mystique. C'est donc en empruntant les voies de la mystique islamique que je suis devenu musulman. C'est par le soufisme que je suis en entré en islam.

Monsieur le ministre, vous êtes entré en empruntant en Islam les voies soufies, les voies mystiques dites-vous. A quel ordre mystique appartenez-vous donc : la tidjaniya, la qadriya ?

J'appartiens formellement à la tariqat (la voie, ndlr) tidjaniya.

Où vous avez pris le wird (l'invocation sacrée qui fait de vous un membre de l'ordre, ndlr)?

Au Maroc.

C'est une voie bien difficile, la voie soufie, la voie mystique !

C'est une voie extrêmement difficile mais pas plus exigeante que la mystique catholique. Seulement chez les catholiques, la mystique est dévolue principalement aux moines, aux ermites. C'est une voie qui consiste à se retirer du monde. Chez nous ici en Afrique c'est rare qu'un chrétien laïc s'engage dans la voie mystique, mais en Europe il y a plein de gens qui, à un moment de leur vie, éprouvent le besoin de se retirer, de se consacrer à l'adoration intense. Et chez les chrétiens catholiques, ils sont très peu nombreux ceux qui peuvent aller ou qui sont allés jusqu'au niveau où moi je suis arrivé.

Il y a beaucoup de gens qui sont nés de tradition musulmane mais qui n'ont pas l'engagement religieux que je sens dans votre voix…

Je le conçois aisément, pour le vivre et pour le connaître mieux de l'intérieur ce monde. Je conçois bien ce que vous dites dis. Il y a peu de gens qui peuvent vivre dans une vie mondaine et assumer le wird.

Ce qui, somme toute, doit être très lourd à porter.

Non, ce n'est pas lourd du tout. Et d'ailleurs je n'entends que cela ! Plein de gens le disent mais ce n'est pas le cas. Tu n'es pas seul à porter ce poids. Parce que tu n'assumes même pas le poids du wird ! Le wird est porté par le Cheikh lui-même ! Non pas par ton Cheikh vivant, mais par le Cheikh Ahmad Tidjane (fondateur de la voie mystique de tidjaniya) et le Prophète lui-même qui en est le garant. Ce n'est pas toi qui porte le wird. Seulement, la transformation intérieure que suscite le wird est lourde. Donc ceux qui parlent de lourdeur, en réalité ne savent pas.

Quand on pense au ministre Roger Banchi, jeune ministre chic, élégant dandy, membre de la jet-set, toujours habillé dernier cri, membre de la bourgeoisie locale, qui renonce à toute mondanité pour s'investir dans le mysticisme, c'est quand même une rupture existentielle profonde !

Forcément ! Mais ce n'est pas le genre de rupture qui se fait brusquement, pendant que vous vous trouvez dans la rue. C'est un processus, un cheminement de dépouillement progressif avec ses doutes et tout ce que cela comporte. La période dont tu parles, celle du dandy bien habillé, chic, bref ! Au moment où tu regardes cette personne-là, à l'intérieur du dandy que tu vois, le travail de transformation est en train de s'opérer. Tous ceux qui me connaissent savent que j'ai toujours été mystique depuis mon enfance. Mais la méthode, le moment, les stations - car on parle de stations spirituelles dans la progression mystique - se précisent avec le temps. Certains peuvent aller en boîte de nuit, picoler, faire ce qu'ils veulent si la station spirituelle à laquelle ils sont arrivés ne leur barre pas le chemin. Si d'aventure tu es appelé - car c'est un appel, on ne décide pas soi-même - par tes potentialités premières, à accéder à d'autres niveaux, un moment viendra où tu seras dérangé par tes activités mondaines. Tu voudras franchir le seuil des portes spirituelles qui se présentent devant toi. Et pour le faire, tu prendras tes distances vis-à-vis des mondanités. Puisque tu sais que tu dois franchir ces portes, tu va être obligé de te délester. Il faudra pour cela que tu sois convaincu d'abord que ce qui se trouve derrière ces portes vaut mieux que les mondanités. Cette attirance, ça ne s'invente pas, ça ne se décide pas non plus. Elle vient dans le cœur grâce à une Force supérieure, qui t'appelle à un moment. Tu es appelé. Ce n'est pas quelque chose qui est décidé par soi-même. Si l'homme devait décider de lui-même, il pencherait toujours pour ce qui est sucré au lieu de ce qui est amer. Et crois-moi, même aujourd'hui, moi Youssouf Roger Banchi, j'aime ce qui est sucré.

Une telle décision même si elle a été maturée, elle a dû certainement bouleverser votre équilibre familial dans la mesure où votre épouse, vos enfants sont connus comme catholiques.

Tout le monde est là-dedans, frère ! Ils sont tous devenus musulmans. Quand vous faites un choix exemplaire, toute personne qui vit avec vous, le suit. Si la foi est sincère, si elle est exercée dans la sincérité, celui qui la porte devient un exemple. Et ceux qui vivent en contact avec cette foi, y adhèrent toujours. C'est implacable. La foi intègre, la lumière intègre, ne laissent jamais personne indifférent. Pendant que je te parle, ma fille est à côté de moi. Elle insiste pour te dire qu'elle aussi est musulmane ! Et mon frère, malgré son jeune âge, si elle te fait des douhas (bénédictions, invocations, ndlr), tu vas tomber à la renverse !

De votre nouvelle posture de personne beaucoup plus spirituelle, mystique, quel regard jetez-vous sur l'ancienne vie que vous meniez dans la vie mondaine ?

J'ai un regard tout à fait tolérant, aucune répulsion. Comme je l'ai dit c'est un cheminement. Si on était à un point « a » et qu'on est arrivé à un point « m », on ne doit pas renier le point de départ qui a tout son sens dans le cheminement. C'est un regard tolérant et je me permets même parfois d'être nostalgique plusieurs fois dans la journée. Pour dire qu'à n'importe quel moment je peux retomber dans tout cela. Mais seulement, bon, est-ce que je le voudrais …

N'êtes-vous pas en train de devenir un marabout ?

Je te promets de t'apporter une contribution écrite sur la thématique du marabout en Afrique. Nous définirons la notion de marabout, ses fonctions, ses devoirs spirituels. Chacun saura ce qu'est un marabout. Chacun saura s'il peut devenir marabout ou s'il l'est déjà. Pour ce qui me concerne, je pense que ta question devrait être : est-ce qu'avec tout de dont je te parle, je ne suis pas devenu quelqu'un qui est porteur et qui peut être transmetteur d'une baraka divine ? Je répondrais simplement que si je suis véritablement connecté au Cheikh (Ahmad Tidjane, ndlr), qui est lui-même connecté au Prophète Mouhammad salallahou alehi wa salam (que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui, ndlr) qui est le lien direct à l'Etre suprême, je devrais dans la logique spirituelle, être porteur d'une part plus ou moins importante de la baraka de mon Cheikh. Donc, mes demandes, mes douhas (invocations, ndlr), ma fréquentation et même la conversation que nous tenons doit être porteuse de quelque chose.

Être membre de l'ordre mystique de la tidjaniya, c'est donc être connecté à l'Être suprême ?

Il ya des gens qui sont tidjanis mais qui ne sont pas connectés et qui ne le peuvent pas. Et ceux qui ne le sont pas sont vides. Pour ces personnes-là, la pratique du wird devient ennuyante, devient un fardeau. Parce qu'elle n'est pas suivie d'une illumination du cœur. Pour parler terre à terre, le bonhomme qui fait son wird et n'a aucune vision, aucune illumination, ça va l'emmerder tout simplement. Il va se tourner vers la mystification des gens au lieu de la mystique. Celui qui vit l'illumination à l'intérieur n'éprouve pas le besoin d'aller subir l'esbroufe de gens non illuminés. Il n'éprouve pas ce besoin-là. Au moment où je te parle, j'ai la conviction d'être connecté à l'illumination de mon Cheikh, sinon je n'aurais jamais pu me permettre de te dire, pour ma dignité et la dignité de la tariqat tidjaniya, que j'y appartiens formellement. J'aurais pu être un sympathisant ou quelqu'un qui, comme c'est le cas très souvent en Afrique, va chercher des bénédictions avec les gens de la tariqat.

Selon vous, pour devenir tidjani, il faut être appelé.

Beaucoup de gens disent : je suis tidjani alors que c'est la famille ou un parent qui l'a été. Ils tournent autour de l'obédience. Mais, des gens qui ont pris le wird et qui l'assument plus ou moins bien, ça c'est autre chose. La tidjaniya, c'est un appel. On ne se lève pas pour dire : puisque les gens sont là-dedans, alors moi aussi ça m'intéresserait. Pas du tout. Il faut d'abord être à l'aise avec la station spirituelle dans laquelle on se trouve. Ce n'est pas un honneur particulier, ce n'est pas non plus un concours. L'Islam n'est pas une armée où si tu es dans la tariqat tu deviens un général et quand tu n'y es pas, tu es caporal. Ce n'est pas comme cela que ça se passe parce que nous nous situons dans une nomenclature qui est mystique. Donc, qui n'a rien à voir avec nos grades mondains. Moi je ne me sens pas supérieur en connaissance ou en maturité à quelqu'un qui n'est pas de la tariqat. Ce n'est pas moi, qui ai prononcé formellement la chahada (profession de foi en Allah qui fait d'un individu un musulman, ndlr) il y a un peu plus de deux ans, qui peut venir donner des leçons à un imam par exemple, même s'il n'est pas tidjani.

A quel moment, s'est fait le basculement spirituel ? Quand avez-vous décidé de franchir le pas, définitivement ?

Tout à l'heure, tu me demandais où j'ai fait ma conversion. Tu cherchais un lieu géographique. Je te le dis : il n'y a eu aucun lieu précis ni aucun moment précis pour que s'opère la mutation, la conversion. Je priais ardemment à genoux, avec les paumes jointes comme on le fait chez les catholiques. J'avais atteint un niveau dans la pratique des oraisons sur le chapelet catholique qui est celui des moines et des confréries catholiques bien entendu. J'étais connecté à la branche capucine. Je n'étais pas capucin parce que je n'étais pas dans les ordres mais j'étais affilié. Je faisais intensément le chapelet avec des méditations. C'est des choses que je pourrais expliquer pendant des heures. Ce que les autres ne savent pas, c'est que les catholiques aussi ont les mêmes pratiques, les mêmes connexions spirituelles. Les catholiques aussi ont un wird. Dans le catholicisme, il ya des saints, il y a des effusions mystiques. La différence se fait à un bas niveau : les questions relatives à la Trinité, à l'unicité divine. C'est la question du tawhid (la doctrine de l'unicité irréductible de Dieu, un des piliers du dogme islamique ndlr). A un certain degré de maturité spirituelle, en vérité, le chrétien catholique n'est plus dans la Trinité. Une fois que dans son esprit il arrive à l'intimité avec Dieu, il a atteint le tawhid. Même s'il ne le manifeste pas oralement, il a atteint ce niveau. En ce moment-là il rentre dans un autre degré. Celui du soufisme. Et cela produit des gens qui sont catholiques mais qui en vérité sont des soufis. Ils ne savent pas ce que c'est qu'un soufi, mais un soufi lorsqu'il en voit un lui dis : toi, tu es devenu un soufi.

Vous êtes donc devenu un soufi musulman ?

Quand je suis arrivé aux portes de la tariqat tidjaniya, je peux dire que j'étais déjà un soufi dans la voie catholique. Il ne me suffisait que de prononcer la chahada, d'acquérir le premier degré de la foi musulmane qui est l'islam pour être intégré, parce qu'il ne saurait y avoir de soufisme sans islam, c'est-à-dire sans soumission totale à Dieu. Je peux dire que pour moi ça a été facile, il fallait juste que je pose les bases et le reste venait, comme des équivalences. Tout ce que j'avais acquis dans mon cheminement spirituel chez les catholiques m'a été compté comme cheminement spirituel dans la tariqat. Pas ici-bas, mais au niveau céleste. C'est pourquoi je ne peux pas expliquer ma progression dans la voie.

Comment voyez-vous aujourd'hui du haut de votre statut de mystique musulman, votre participation au Mpigo ? Etait-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Pour répondre à cette question, je vais le faire par écrit. Parce qu'à la vérité pour répondre, il faut une méditation. Vouloir répondre à cette question dans une interview serait sot. Les gens disent trop de sottises dans les interviews. La profondeur de cette question l'exige. Ce n'est pas de la langue de bois ou une fuite en avant, mais il s'agit de parler vrai. C'est un engagement que nous avons pris en entrant dans la tariqat. Nous ne regrettons rien de notre parcours personnel, politique, spirituel. Et cette crise, il faut que nous en tirions des enseignements qui nous servent à tous. Cela nous a tous coûté, à chacun de nous. Enormément ! Tout le temps que ça duré…

On en est à la septième année …

Septième année de quoi ? Septième année de quelque chose qui a commencé en 1993 ? Non, cette affaire a commencé en 1993, je le dis tout le temps. C'est un cycle qui a commencé il y a 16 ans. Avec la perspective qu'on a aujourd'hui, à y regarder de près, on voit bien qu'il y a eu un cheminement, une maturation. Le putsch contre Bédié n'était qu'une étape de quelque chose qui venait plus tard. Il n'y a pas eu de rupture dans l'histoire de ce cycle. Remarquez, on a les mêmes personnages dans ce cycle depuis 1990. Le film a commencé depuis 1990. 1990 était une sorte de préface mais le livre ne s'ouvre véritablement qu'au décès du président Houphouët. Et depuis lors, nous sommes dans cette histoire avec les mêmes personnages, avec plein d'épisodes, des rebondissements et ce n'est pas encore fini, depuis tout ce temps. Ça fait 16 ans que ça dure, c'est normal qu'on soit fatigué. Que les gens se sentent fatigués. Naturellement, ceux qui sont équipés pour cela, sont descendus dans leurs tréfonds, dans les profondeurs de leur conscience pour demander à Celui qui décide de tout: Seigneur où nous emmènes-tu ? Quelle leçon veux-tu nous enseigner à partir de tout cela ? Seigneur, quel est le message que tu nous donnes par ces signes depuis tout ce temps ?

Dans une tribune libre que vous avez publiée il y a quelques mois dans les colonnes de « Fraternité Matin », vous manifestiez votre sympathie pour la candidature de Laurent Gbagbo.

Je suis ce que je suis. Je suis citoyen d'un pays. Et j'ai le droit d'aimer Gbagbo, avec sa part d'ombres et de lumière, comme je l'ai écrit dans le texte. Nous avons tous, en tant qu'humains notre part d'ombre et de lumière. Il y a en a que l'obscurité a totalement envahi, à tel point qu'on distingue à peine leur lumière. Parmi nous, il y en a qui ont 1 watt de lumière, certains ont 100 watts, d'autres 1.000 watts. Pour avoir préféré Gbagbo, cela veut dire que j'ai regardé la proportion d'ombre et de lumière qu'il a et celle de chacun des autres. C'est tout. J'ai choisi Gbagbo en tant que simple citoyen, pas en tant que musulman ou tidjani. Non, pas du tout. Vous savez, ça a été six ans de lutte entre le vrai et le faux, entre la vérité et le mensonge. Et revenir sur tout cela n'est pas facile. J'avoue qu'il y a des jours où je me dis que vraiment Gbagbo, il est énervant ! Mais, il faut prendre de la hauteur. Analyser la crise qui déchire notre pays depuis seize ans, je peux même dire depuis dix-neuf ans puisque je peux relier tout cela à l'année 1990. Et en retirer des enseignements bénéfiques pour notre pays.

Ne pensez-vous pas que le combat politique que vous avez eu à mener, avec ses succès et ses échecs, ait eu des répercussions sur votre vie spirituelle ? N'êtes-vous pas devenu mystique parce que la guerre vous a changé ?

Je ne peux pas déconnecter toute cette quête mystique de la situation de mon pays. Tous les mystiques de tous les temps, quelque soit leur degré, de simple croyant à prophète, ont tous eu une aventure politique et spirituelle avec leur pays. Depuis notre père Abraham jusqu'au prophète Mouhammad, (paix et salut sur lui), il y a une histoire politique entre le mystique et son pays, que ce soit sous un royaume, sous une République, sous une dictature ou sous la colonisation. Tu ne peux pas ainsi dissocier Cheikh Amadou Bamba de son combat contre la colonisation française. Tu ne peux pas dissocier le parcours spirituel de Cheikh Hamaoullah de son histoire avec la colonisation française. C'est exactement la même chose pour le Grand Cheikh Ahmad Tidjane. Le divin utilise une situation terrestre historique pour susciter des aventures de ce genre, l'exil, les péripéties, les pérégrinations qui contribuent au cheminement mystique de l'élu. Après tout ce cheminement, les talibés, les observateurs ne retiennent que le mystique. Mais n'oublions pas qu'à l'origine, il y avait toujours une histoire politique indéniable.

Souvent même un conflit politique…

Exactement. Les malveillants, non je dirai plutôt les éternels sceptiques, vont toujours dire qu'on peut expliquer le contenu spirituel du message d'une personne par ses problèmes politiques. Ils diront par exemple que si le prophète Issa, (Jésus Christ, ndlr) que Dieu l'agrée, a agi de telle ou telle manière devant les marchands du temple ou qu'il a prononcé telle parole, cela s'explique par le fait que c'était un agitateur qui était en butte au pouvoir romain. Et qu'il a utilisé les idées des sectes israélites auxquelles il appartenait pour développer son message et fragiliser le pouvoir romain. Tu comprends ? Ils vont te donner une lecture essentiellement politique de la vie du prophète Issa, que Dieu l'agrée. Et ils peuvent faire cela de tout le monde. Même moi, demain si je deviens ceci ou cela, il se trouvera des gens pour dire que si Banchi dit ceci ou cela c'est parce que dans sa vie il a fait ceci, il était cela. Ce n'est pas vrai. En toute honnêteté, j'affirme que je ne peux pas dissocier ce que j'ai vécu sur le plan politique de ma quête spirituelle. Ça a été un moteur. En cherchant pour mon pays, j'ai cherché Dieu. Quand tu cherches la vérité, c'est Dieu que tu cherches. Dieu, c'est Al Haqq (le détenteur de la Vérité, en langue arabe, ndlr). Même dans ton métier de journaliste, en cherchant la vérité, c'est Dieu que tu cherches au fond de toi. Peut-être ne le sais-tu pas encore. Chaque fois que tu te rapproches de la vérité, c'est de Dieu que tu te rapproches.

Interview réalisée par Touré Moussa
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