A l’occasion de la promotion de son nouvel album intitulé ‘’my world‘’, l’artiste rappeur ivoirien Turay Mederic dans les medias déclarait que le rap ivoirien est dangereux. ‘’En pratiquant ce genre de rap, on se met des barrières alors qu’il faut communiquer avec le reste du monde’’. A-t-il affirmé. On peut aisément comprendre Turay. Il a grandi aux Etats-Unis. Il a pour ainsi dire été baigné dans la culture américaine précisément celle du hip hop des ghettos black. Evidemment que cela va déteindre sur sa musique. Un rap aux couleurs américaines aux antipodes des sonorités et réalités africaines. C’est avec déconsidération à la limite de l’injure qu’il perçoit des artistes comme Garba 50 ou Billy Billy qui certainement pour lui ont dénaturé le vrai rap c`est-à-dire celui qui vient des Etats-Unis. Même s’il affirme qu’il n’a rien contre eux. De la position de Turay découle une inquiétude. Faut il faire comme les américains au risque de ne pas dénaturer le rap ‘’leur rap’’ ? Ou au contraire se démarquer pour produire quelque chose de différent ? Le rappeur français Claude M’Barali alias MC solar affirme que ‘’Imitation égale limitation’’. Pour lui, celui qui imite ne vaut guère. Faire ce que font les américains mais ne pas le faire comme eux. Voilà tout. Ainsi il a réussi à donner une identité au rap français dont on dit à juste titre qu’il est le père. Un rap intello qui cadre d’ailleurs avec l’image historique d’une France qui a irradié le monde par son rayonnement intellectuel et culturel. Même s’il n’est pas rappeur, on peut par exemple dire sans risque de se tromper qu’Alpha Blondy à su restituer au reggae sa dimension africaine en y introduisant le vécu, les instruments et les rythmes africains. Cette originalité a fait de lui l’un des plus grands faiseurs de reggae dans le monde. Au rap comme au reggae et pour toute autre musique c’est la même chose. En Côte d’ivoire, le rap dans ses débuts a connu ce mimétisme beat du west side ou de l’east side. On se rappelle l’époque des Abidjan City Breakers (ACB) d’un certain yves ZOGBO junior. Ce mimétisme a atteint d’autres générations comme celle des almigty, STEZO, D. D. F, ROGMEL Never Fail et bien d’autres. Si un certain public les a applaudis, ils n’ont pas vraiment fait vibrer la Côte d’Ivoire comme Roch Bi ou Rap Keny avec samarakolo. On voyait là, les balbutiements d’un rap qui tentait de restituer le vécu de l’ivoirien et surtout dans la langue qu’il utilisait au quotidien. Le rap ivoirien était désormais en marche. On verra ensuite des productions comme le gbonyi yoyo et surtout Nash qui va consolider les bases d’un rap nouchi. Mais c’est surtout avec garba 50 puis Billy Billy, que la population va définitivement adopter le rap ivoirien. En effet, au-delà du succès de Billy Billy, il faut pouvoir s’interroger et capter un message. Pourquoi sa musique fait tant vibrer la population ? Pourtant avant lui il y a rageman, entreprise emprunte, 2 buya … mais pendant que ceux-ci parle, dans un langage soutenu forcement hermétique au petit peuple, de champagne, Billy Billy parle des cours commues de wassakara où il a vécu dans un français approximatif et même dans certaines langues du terroir. Sa musique plait. Elle conquiert les cœurs. Elle devient l’âme d’une population qui souffre aux prises avec les difficultés et les complexités de la vie urbaine. Le rap ivoirien à dorénavant une âme ivoirienne. S’il faut être fier d’avoir donné de nouvelles couleurs au rap c`est-à-dire africaine et ivoirienne, il faut s’inquiéter toutefois du sort qui lui sera réservé sur le marché international. Le marché international est un marché fait pour les goûts de l’accident. On l’a vu, sur le marché le raï de Caleb ou De Faudel a subi une chirurgie dite réparatrice pour être agréable aux tympans occidentaux. Le groupe Magic System certainement plus malin sort sur chaque album des titres pour l’Afrique et d’autres pour l’Europe. C’est ce marché qui attend Billy Billy et tous les autres qui ont décidé de ramener cette musique à leurs réalités. Qui attend le rap ivoirien. Bien sur on ne peut pas y échapper par ce que ce n’est pas les africains qui dominent le showbiz international. D’ailleurs, on ne domine d’ailleurs rien sur le plan international. Alors quand on ne domine pas, on est dominé. Le rap pour vendre sur le marché international sera nécessairement altéré mais il reste aux rappeurs ivoiriens de ne jamais se couper de la source de leur inspiration qui est le vécu du petit peuple, du bourgeois mal assimilé ou l’élite politique qui confond le budget de l’Etat et leur poche. C’est ainsi qu’on reconnaitra le rap ivoirien parmi les autres. Mais si on veut faire comme les américains, chanter comme eux et pire chanter ce qu’ils chantent, on ne sera que des rappeurs de plus, sans consistance, qui viennent croupir dans les sous sols de l’anonymat des milliers de rappeur africains qui ont voulu faire comme ceux du pays de l’Oncle Sam.
Odilon Sèposson
Odilon Sèposson