Laurent Gbagbo a choisi la fermeté face aux revendications sociales après plusieurs mois d'un dialogue de sourds. Une option à risques.
La crise sociale va-t-elle prendre en otage le processus de paix ? Alors que l'opinion publique avait l'oreille tendue du côté de la Commission électorale indépendante(Cei), qui cherche à boucler la liste électorale définitive, c'est la fonction publique qui lui propose sa propre actualité. Avec surtout la fermeté désormais affichée par le président de la République face aux revendications corporatistes qui prenaient l'Etat à la gorge. La décision de Laurent Gbagbo de suspendre les salaires des greffiers grévistes et de faire remplacer ceux-ci par des « greffiers ad hoc » pour les élections à venir (Décret n°2009 du 14 décembre 2009), pouvait être perçue comme une mesure destinée à préserver le contentieux électoral en cours.
Rien ne laissait présager une autre épreuve de force avec les médecins qui avaient pris le relais. Rebelote le 17 décembre. Les médecins sont réquisitionnés par décret (n° 2009/398). Pourtant, la rencontre initiée par le Premier ministre avec les grévistes était porteuse d'espoir. Mais, des heures de discussions n'avaient rien donné bien que Guillaume Soro a préféré suspendre la réunion avec la promesse que le gouvernement allait faire de nouvelles propositions plus proches des revendications posées. Très rigides, les syndicats s'attendaient sans doute à être reçus par le chef de l'Etat, comme une certaine habitude le veut depuis quelques années. En réquisitionnant les médecins, le chef de l'Etat vient ainsi confirmer que les caisses publiques ne sont pas encore prêtes pour les conséquences financières des nombreuses revalorisations salariales, glanées ici et là par les fonctionnaires. Pour imager, l'on pourrait déduire que l'Etat est véritablement pris à la gorge. La réponse de Laurent Gbagbo à ces mouvements de grève doit surtout être analysée dans son contexte. Le pays est en pleine pré campagne pour la présidentielle prévue au premier trimestre 2009.
La logique aurait voulu que le candidat de La majorité présidentielle, qui veut se succéder à lui-même, cherche à s'attirer le maximum de sympathie. Revaloriser des salaires était alors un puissant levier de campagne.
Un choix très risqué à la vérité. Car, la Côte d'Ivoire doit aller à des élections ouvertes, transparentes, équitables. « Le plus tôt », insistent les acteurs politiques et la communauté internationale qui presse. Alors que plusieurs dérapages du chronogramme électoral ont été attribués à des difficultés de financement qui menacent encore l'échéance de fin-février/début-mars. La question du financement a encore été au cœur des discussions du récent Cadre permanent de concertation (Cpc) à Ouagadougou. La récente grève des commissaires de la Cei n'a fait que lui donner plus de relief. Par ailleurs, le pays a certes accompli des pas importants vers l'allègement de sa dette dans le cadre de l'initiative Ppte. Mais, une affectation des retombées prévisionnelles aux salaires n'irriterait-elle pas le Fonds monétaire international (Fmi) ? Car, faut-il le rappeler, les ressources issues de l'allègement de la dette doivent prioritairement servir à des investissements dans les secteurs sociaux (Education, santé,…). D'où la rédaction à grands frais d'un Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Drsp). En définitive, il apparaît que si depuis plusieurs mois, le gouvernement a semblé vouloir gagner du temps sur les revendications salariales, le chef de l'Etat a choisi le langage de la vérité. Comme s'il fallait crever un abcès arrivé à maturité. Sans doute au prix de sa popularité au sein des différentes corporations concernées.
L'opposition, elle, assiste un peu de loin, pour le moment, à cette partie d'échecs. Ni proposition de sortie de crise, ni prise de position ferme au profit des grévistes. Sait-on jamais, la colère sociale pourrait bien affaiblir le favori des sondages Sofres. Il est vrai qu'elle est massivement présente au gouvernement et gère le département de la Santé. Cette situation politique délétère et la pression sociale forte, ne sont pas sans rappeler l'année 1990. Des années d'ajustement structurel qui ont paupérisé la population, une guerre ruineuse du cacao, une dette extérieure phénoménale ont servi de terreau à des aspirations politiques difficilement maîtrisables après le discours de la Baule. Les différentes grèves déclenchées par des syndicats, très politiques tels que le Synares ou la Fesci, ont joué le rôle de catalyseur. Obligeant le « Vieux » à accepter le multipartisme. Malgré tout, les mesures d'austérité ont été poursuivies pendant des années par son Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara, nommé en novembre 1990.
Félix-Houphouët-Boigny s'était succédé à lui-même au mois d'octobre face à…Laurent Gbagbo (18%) pour les premières élections présidentielles ouvertes de l'histoire du pays.
Kesy B. Jacob
La crise sociale va-t-elle prendre en otage le processus de paix ? Alors que l'opinion publique avait l'oreille tendue du côté de la Commission électorale indépendante(Cei), qui cherche à boucler la liste électorale définitive, c'est la fonction publique qui lui propose sa propre actualité. Avec surtout la fermeté désormais affichée par le président de la République face aux revendications corporatistes qui prenaient l'Etat à la gorge. La décision de Laurent Gbagbo de suspendre les salaires des greffiers grévistes et de faire remplacer ceux-ci par des « greffiers ad hoc » pour les élections à venir (Décret n°2009 du 14 décembre 2009), pouvait être perçue comme une mesure destinée à préserver le contentieux électoral en cours.
Rien ne laissait présager une autre épreuve de force avec les médecins qui avaient pris le relais. Rebelote le 17 décembre. Les médecins sont réquisitionnés par décret (n° 2009/398). Pourtant, la rencontre initiée par le Premier ministre avec les grévistes était porteuse d'espoir. Mais, des heures de discussions n'avaient rien donné bien que Guillaume Soro a préféré suspendre la réunion avec la promesse que le gouvernement allait faire de nouvelles propositions plus proches des revendications posées. Très rigides, les syndicats s'attendaient sans doute à être reçus par le chef de l'Etat, comme une certaine habitude le veut depuis quelques années. En réquisitionnant les médecins, le chef de l'Etat vient ainsi confirmer que les caisses publiques ne sont pas encore prêtes pour les conséquences financières des nombreuses revalorisations salariales, glanées ici et là par les fonctionnaires. Pour imager, l'on pourrait déduire que l'Etat est véritablement pris à la gorge. La réponse de Laurent Gbagbo à ces mouvements de grève doit surtout être analysée dans son contexte. Le pays est en pleine pré campagne pour la présidentielle prévue au premier trimestre 2009.
La logique aurait voulu que le candidat de La majorité présidentielle, qui veut se succéder à lui-même, cherche à s'attirer le maximum de sympathie. Revaloriser des salaires était alors un puissant levier de campagne.
Un choix très risqué à la vérité. Car, la Côte d'Ivoire doit aller à des élections ouvertes, transparentes, équitables. « Le plus tôt », insistent les acteurs politiques et la communauté internationale qui presse. Alors que plusieurs dérapages du chronogramme électoral ont été attribués à des difficultés de financement qui menacent encore l'échéance de fin-février/début-mars. La question du financement a encore été au cœur des discussions du récent Cadre permanent de concertation (Cpc) à Ouagadougou. La récente grève des commissaires de la Cei n'a fait que lui donner plus de relief. Par ailleurs, le pays a certes accompli des pas importants vers l'allègement de sa dette dans le cadre de l'initiative Ppte. Mais, une affectation des retombées prévisionnelles aux salaires n'irriterait-elle pas le Fonds monétaire international (Fmi) ? Car, faut-il le rappeler, les ressources issues de l'allègement de la dette doivent prioritairement servir à des investissements dans les secteurs sociaux (Education, santé,…). D'où la rédaction à grands frais d'un Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Drsp). En définitive, il apparaît que si depuis plusieurs mois, le gouvernement a semblé vouloir gagner du temps sur les revendications salariales, le chef de l'Etat a choisi le langage de la vérité. Comme s'il fallait crever un abcès arrivé à maturité. Sans doute au prix de sa popularité au sein des différentes corporations concernées.
L'opposition, elle, assiste un peu de loin, pour le moment, à cette partie d'échecs. Ni proposition de sortie de crise, ni prise de position ferme au profit des grévistes. Sait-on jamais, la colère sociale pourrait bien affaiblir le favori des sondages Sofres. Il est vrai qu'elle est massivement présente au gouvernement et gère le département de la Santé. Cette situation politique délétère et la pression sociale forte, ne sont pas sans rappeler l'année 1990. Des années d'ajustement structurel qui ont paupérisé la population, une guerre ruineuse du cacao, une dette extérieure phénoménale ont servi de terreau à des aspirations politiques difficilement maîtrisables après le discours de la Baule. Les différentes grèves déclenchées par des syndicats, très politiques tels que le Synares ou la Fesci, ont joué le rôle de catalyseur. Obligeant le « Vieux » à accepter le multipartisme. Malgré tout, les mesures d'austérité ont été poursuivies pendant des années par son Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara, nommé en novembre 1990.
Félix-Houphouët-Boigny s'était succédé à lui-même au mois d'octobre face à…Laurent Gbagbo (18%) pour les premières élections présidentielles ouvertes de l'histoire du pays.
Kesy B. Jacob